Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles (6e chambre civile) 28 octobre 2003
Cour de cassation 05 juillet 2005

Cour de cassation, Chambre sociale, 5 juillet 2005, 04-40299

Mots clés contrat · société · preuve · durée · déterminée · procédure civile · terme · grave · caisse · caissière · magasin · client · indéterminée · ouverture · sérieuse

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 04-40299
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles (6e chambre civile), 28 octobre 2003
Président : Président : Mme MAZARS conseiller

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles (6e chambre civile) 28 octobre 2003
Cour de cassation 05 juillet 2005

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Lidl a ouvert un nouveau magasin au cours de l'année 1996 ; qu'elle y a engagé en qualité de caissière, Mme X... en vertu d'un contrat à durée déterminée de six mois et un jour prenant effet le 28 octobre 1996 ; qu'à l'échéance du terme, le contrat s'est poursuivi sans détermination de durée selon avenant du 28 avril 1997 ; que Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 11 mai 2001 ; qu'elle a alors saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 28 octobre 2003) d'avoir requalifié le contrat à durée déterminée du 24 octobre 1996 en un contrat à durée indéterminée et condamné en conséquence la société à verser à Mme X... une indemnité en application de l'article L. 122-3-13 alinéa 2 du Code du travail, alors, selon le moyen, que l'activité normale et permanente d'un nouveau magasin ne pouvant être déterminée avant plusieurs mois, son ouverture peut engendrer dans un premier temps un accroissement temporaire d'activité de nature à justifier le recours à un contrat de travail à durée déterminée ; que tel était le cas en l'espèce où, lors de l'ouverture d'un nouveau magasin par la société Lidl à Thourotte, Mme X... avait été recrutée en qualité de caissière-employée libre service à temps partiel, d'abord par un contrat à durée déterminée du 28 octobre 1996 au 28 avril 1997, motivé par un surcroît d'activité, puis, au terme de celui-ci, par un contrat à durée indéterminée ; que, dès lors, en se fondant, pour requalifier le contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée et condamner la SNC LIDL au paiement de l'indemnité de requalification, sur la pétition de principe erronée qu'il ne saurait y avoir de surcroît d'activité lors de l'ouverture d'un nouveau magasin et sur la circonstance que l'employeur avait prolongé les effets du contrat à durée déterminée par un contrat à durée indéterminée, laquelle circonstance était inopérante car sans portée sur la situation existant à la date de conclusion du contrat à durée déterminée, sur laquelle la cour d'appel n'a procédé à aucune recherche, celle-ci a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1-1 et L. 122-3-13, alinéa 2, du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que si le contrat à durée déterminée avait été conclu pour faire face à un surcroit d'activité, l'ouverture par la société Lidl, d'un nouveau magasin et l'emploi de caissière créé par son fonctionnement procédaient de l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'ainsi, elle a pu décider que le motif du contrat n'était pas conforme aux exigences de l'article L. 122-1-1 du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et

sur le second moyen

:

Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement disciplinaire de Mme X..., licenciée pour faute grave, et condamné en conséquence la société à lui verser diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen :

1 ) que la preuve des faits pouvant se faire par tous moyens, le juge est tenu d'apprécier la force probante de tous les écrits qui lui sont soumis à cette fin ; qu'en l'espèce, la société LIDL avait produit la fiche de renseignements remplie et signée par le client, sur laquelle étaient mentionnées les marchandises soustraites au paiement lors de son passage à la caisse et qu'il avait finalement accepté de payer le prix après avoir été contrôlé par l'agent de sécurité ; que dès lors si, en affirmant que la SNC LIDL ne produisait pas le " témoignage " du client, la cour d'appel a entendu se fonder sur l'absence d'" attestation " émanant de ce dernier, elle s'est déterminée par un motif inopérant qui prive sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ;

que si elle a entendu par là se fonder sur une soi-disant absence de production de tout élément de preuve émanant du client, la cour d'appel a alors dénaturé les termes du litige, en violation tant de l'article 1134 du Code civil que des articles 4 et 6 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que tout jugement doit être motivé à peine de nullité, le juge ne pouvant procéder par voie de pure affirmation ; que, dès lors, en retenant, pour juger non établie la faute grave reprochée à Mme X..., que la société LIDL n'aurait pas manqué de faire appel aux services de police si la salariée avait participé de quelque manière que ce soit à la perpétration d'une infraction, la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par une affirmation parfaitement gratuite, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que le juge est tenu d'apprécier la portée des éléments de preuve invoqués par l'employeur afin d'établir la réalité de la faute grave reprochée au salarié ; qu'en l'espèce, il suffisait de comparer le ticket de caisse concernant les articles réglés par le client dont Mme X... ne contestait pas qu'il était bien passé à sa caisse, et celui concernant les 26 articles non " scannés " qu'il avait finalement accepté de payer après avoir été contrôlé par l'agent de sécurité, pour constater que ces deux tickets, qui avaient été produits par la société LIDL, avaient bien été émis par la même caisse, ce qui accréditait complètement le témoignage de l'agent de sécurité ; qu'en déniant néanmoins toute force probante à l'attestation de ce dernier, sans avoir procédé à cette comparaison élémentaire, au motif, dès lors inopérant que Mme X... n'y était pas nommément désignée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;

4 ) que le juge prud'homal ne peut faire bénéficier le salarié que du doute qui subsiste malgré l'examen complet des éléments de preuve qui lui ont été soumis ou les mesures d'instruction qu'il a ordonnées ; que, dès lors, en déduisant l'existence d'un tel doute de ce que les pièces produites par la société "ne désignent pas les caisses et caissières à disposition du public le 12 avril 2001 ", sans avoir procédé à la comparaison élémentaire du ticket de caisse concernant les articles réglés par le client et de celui concernant les 26 articles non "scannés" qu'il avait finalement accepté de payer après avoir été contrôlé par l'agent de sécurité, comparaison qui levait tout doute sur l'identité de la caissière en cause, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;

5 ) que le juge doit rechercher si les faits reprochés au salarié à défaut de caractériser une faute grave, ne constituent pas au moins une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que, dès lors en déduisant l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme X... de la seule circonstance que la faute grave invoquée par l'employeur n'était pas établie, la cour d'appel a en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a pu décider, que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille cinq.