CJUE, Arrêt de la Cour (sixième chambre), 19 octobre 1989, 142/88

Mots clés Politique commerciale commune · Restrictions à l'exportation de tubes en acier vers les USA · Nouveaux producteurs de tubes et tuyaux. · règlement · exportation · quot · états · tubes · entreprise

Synthèse

Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 142/88
Date de dépôt : 20 mai 1988
Titre : Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne.
Rapporteur : Koopmans
Avocat général : Tesauro
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:393

Texte

Avis juridique important

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61988J0142

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 19 octobre 1989. - Hoesch AG et République fédérale d'Allemagne contre Bergrohr GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Politique commerciale commune - Restrictions à l'exportation de tubes en acier vers les USA - Nouveaux producteurs de tubes et tuyaux. - Affaire 142/88.

Recueil de jurisprudence 1989 page 03413

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Politique commerciale commune - Restrictions à l' exportation - Arrangement entre la Communauté et les États-Unis d' Amérique concernant les échanges de tubes et tuyaux en acier - Régime de licences d' exportation - Nouveaux producteurs - Notion - Droit au bénéfice d' une proportion adéquate des licences d' exportation disponibles

( Règlement du Conseil n° 60/85, art . 5, § 2 )

2 . Politique commerciale commune - Restrictions à l' exportation - Arrangement entre la Communauté et les États-Unis d' Amérique concernant les échanges de tubes et tuyaux en acier - Régime de licences d' exportation - Octroi des licences - Traitement spécial réservé par un État membre à une entreprise en raison de sa situation particulière - Admissibilité

( Règlement du Conseil n° 60/85 )

Sommaire

1 . L' article 5 du règlement n° 60/85, relatif aux restrictions à l' exportation des tubes et tuyaux en acier vers les États-Unis d' Amérique, doit être interprété en ce sens que l' expression "nouveaux producteurs de tubes et tuyaux" inclut les entreprises qui, tout en ayant antérieurement produit des tubes et tuyaux en acier et tout en conservant leur forme juridique et leur dénomination sociale, ont subi une transformation sur le plan économique aboutissant à la création d' un nouvel établissement doté d' une capacité de production importante, notamment lorsque cet établissement fabrique un nouveau produit qui n' avait pas été fabriqué par l' entreprise auparavant .

Une entreprise reconnue en tant que "nouveau producteur" aux termes du paragraphe 2 de l' article précité doit pouvoir bénéficier d' une proportion adéquate des licences d' exportation disponibles, dans le respect des critères figurant à cette disposition . En particulier, il y a lieu, pour les autorités des États membres chargées de déterminer l' importance de chacun de ces différents critères, de tenir compte de la capacité de production du nouveau producteur et de son potentiel d' exportation, et de lui ouvrir un accès réel au marché américain de tubes et tuyaux .

2 . Dès lors que la situation particulière d' une entreprise établie dans un État membre, tenant au fait qu' elle approvisionne en produits semi-finis sa filiale américaine, a été prise en compte tant au niveau des négociations entre la Communauté et les États-Unis d' Amérique ayant précédé la conclusion de l' arrangement concernant les échanges de tubes et tuyaux en acier entre la Communauté et cet État tiers, pour fixer le plafond des exportations communautaires, qu' au niveau de la répartition entre les États membres du contingent d' exportation autorisé, pour fixer la part revenant à l' État membre où est implantée l' entreprise, on doit considérer que, bien que le règlement n° 60/85 ne fasse aucune référence à la situation de ladite entreprise, les autorités nationales étaient habilitées par ce règlement, compte tenu des critères d' attribution des licences d' exportation qu' il énonce, sans toutefois y être obligées, à affecter à cette entreprise une quantité spéciale de tubes et tuyaux prélevée sur le quota national d' exportation .

Parties

Dans l' affaire 142/88,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Bundesverwaltungsgericht et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

1 ) Hoesch AG, à Dortmund,

2 ) République fédérale d' Allemagne

et

Bergrohr GmbH, à Herne,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation du règlement n° 60/85 du Conseil, du 9 janvier 1985, relatif aux restrictions à l' exportation des tubes et tuyaux en acier vers les États-Unis d' Amérique ( JO L 9, p . 13 ),

LA COUR ( sixième chambre ),

composée de MM . C . N . Kakouris, président de chambre, F . A . Schockweiler, T . Koopmans, G . F . Mancini et M . Díez de Velasco, juges,

avocat général : M . G . Tesauro

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

considérant les observations présentées :

- pour la société Bergrohr, partie demanderesse au principal, défenderesse et demanderesse en "Revision", par Me Ehle, avocat à Cologne,

- pour la République fédérale d' Allemagne, représentée par le Bundesamt fuer Wirtschaft, partie défenderesse au principal, demanderesse et défenderesse en "Revision", par Me Limberger, avocat à Francfort-sur-le-Main,

- pour la société Hoesch, partie intervenante au principal, demanderesse et défenderesse en "Revision", par Me Stockburger, avocat à Francfort-sur-le-Main,

- pour le gouvernement de la République italienne, par M . Ferrari Bravo, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, assisté de M . Fiumara, avvocato dello Stato,

- pour la Commission des Communautés européennes, par ses conseillers juridiques, MM . Waegenbaur et De March, en qualité d' agents,

vu le rapport d' audience et à la suite de la procédure orale du 20 avril 1989,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions présentées à l' audience du 27 juin 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 17 mars 1988, parvenue à la Cour le 20 mai suivant, le Bundesverwaltungsgericht a posé à la Cour, en vertu de l' article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles concernant l' interprétation du règlement n° 60/85 du Conseil, du 9 janvier 1985, relatif aux restrictions à l' exportation des tubes et tuyaux en acier vers les États-Unis d' Amérique ( JO L 9, p . 13 ).

2 Le règlement n° 60/85, précité, porte sur la mise en oeuvre, par la Communauté, d' un arrangement que celle-ci a conclu en 1985, dans la forme d' un échange de lettres, avec les États-Unis d' Amérique et selon lequel les exportations vers ce pays de tubes et tuyaux en acier originaires de la Communauté seront limitées à un certain niveau pendant une période déterminée ( JO L 9, p . 2 ). D' après le troisième considérant du règlement n° 60/85, des nécessités pratiques de gestion ont conduit à répartir entre les États membres les quantités auxquelles la Communauté a convenu de limiter les exportations . A cet effet, une clé de répartition a été définie; il appartiendrait aux autorités des États membres d' affecter aux entreprises, en appliquant des critères objectifs, les quantités qui leur seraient ainsi attribuées .

3 Le litige au principal trouve son origine dans une demande de la firme Bergrohr GmbH, entreprise allemande qui fabrique des tubes et tuyaux en acier, de pouvoir augmenter la quantité maximale de tubes et tuyaux pouvant être exportée, dans le cadre du quota allemand, vers les États-Unis, au motif qu' elle avait subi une restructuration économique impliquant, entre autres, la construction d' une nouvelle usine, en collaboration avec une autre société sidérurgique, en vue de la fabrication d' un nouveau produit, à savoir des tuyaux de grand diamètre . Cette demande a été rejetée par l' organisme allemand compétent, le Bundesamt fuer gewerbliche Wirtschaft ( ci-après "Bundesamt ").

4 Le Bundesamt a fondé sa décision sur l' article 5, paragraphe 2, du règlement n° 60/85, qui fixe les critères selon lesquels les licences d' exportation sont délivrées par les autorités des États membres . Parmi ces critères figure notamment le "respect des courants traditionnels d' exportation des entreprises" en tenant compte, d' une part, de la réduction des quantités exportées en vertu du même règlement et, d' autre part, "éventuellement, de la situation de nouveaux producteurs de tubes et tuyaux ". Le Bundesamt a estimé que Bergrohr n' était pas un "nouveau producteur" au sens de l' article 5, paragraphe 2, précité, cette notion ne visant pas la création de nouvelles capacités de production de la part d' une entreprise qui fabriquait déjà des tubes et tuyaux .

5 Saisi du recours de Bergrohr dirigé contre cette décision du Bundesamt, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a retenu l' argumentation du Bundesamt, tout en considérant que celui-ci devait délivrer des licences d' exportation supplémentaires demandées par Bergrohr, en prélevant le tonnage correspondant sur une quantité spéciale de 20 000 tonnes attribuée à l' entreprise Hoesch AG, à Dortmund . Cette quantité spéciale aurait été réservée à Hoesch afin de permettre à celle-ci d' approvisionner en tubes semi-finis sa filiale de Baytown, au Texas, qui transformerait ceux-ci en tubes finis . En conséquence, le quota allemand, représentant 2,82 % de la consommation apparente des États-Unis, ne serait réparti entre les entreprises intéressées qu' après déduction de la quantité spéciale réservée à Hoesch . Le Verwaltungsgericht a estimé que cette pratique était illégale, le règlement n° 60/85 ne comportant aucune indication sur ce point .

6 Le Verwaltungsgerichtshof Hessen, saisi en appel, a considéré, après avoir cité la société Hoesch à l' instance, que la réservation de la quantité spéciale de 20 000 tonnes à Hoesch n' était pas illégale . Il s' est fondé à cet égard sur différents documents faisant apparaître que l' attribution d' une telle quantité spéciale à Hoesch avait été convenue lors des négociations entre la Communauté et les États-Unis . Toutefois, le Verwaltungsgerichtshof a estimé que Bergrohr était en droit de réclamer la qualité de nouveau producteur au sens de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n° 60/85 et de se voir attribuer, sur cette base, une augmentation de la quantité maximale pouvant être exportée aux États-Unis .

7 Le Bundesverwaltungsgericht, saisi de pourvois en "Revision" de la part de Hoesch, de Bergrohr et du Bundesamt, a sursis à statuer pour soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1 ) a ) Le terme 'nouveaux producteurs de tubes et tuyaux' , au sens de l' article 5, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n° 60/85 du Conseil, du 9 janvier 1985 ( JO L 9, p . 13 ), peut-il désigner également des entreprises qui, tout en ayant jusqu' à présent produit des tubes et tuyaux en acier - en conservant toutefois la forme juridique de leurs entreprises ainsi que leur nom social -, ont subi une transformation considérable tant sur le plan du droit des sociétés que du point de vue économique, entre autres par l' admission d' un nouvel associé, en procédant à une augmentation de capital importante et en créant une nouvelle usine, dotée d' une capacité de production supplémentaire et importante?

b ) En cas de réponse affirmative à la question a ): la reconnaissance d' une telle entreprise comme nouveau producteur de tubes et tuyaux se heurte-t-elle au fait que les circonstances qui fondent cette qualification soient survenues assez longtemps avant l' entrée en vigueur des restrictions aux exportations, mais qu' elles n' aient pas été utilisées pendant cette période pour des exportations vers les États-Unis?

c ) En cas de réponse négative à la question b ): selon quels critères doit-il être tenu compte de la 'situation' d' un tel nouveau producteur de tubes et tuyaux dans le cadre de la faculté de répartition accordée aux autorités nationales par l' article 5, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n° 60/85?

2 ) La section II de la décision du Conseil du 29 décembre 1984 adoptée par la procédure écrite, relative à l' 'autorisation de négociation d' un arrangement avec les États-Unis en matière d' exportation de tubes en acier sur la base des directives mentionnées à la section I et de répartition d' un quota global s' élevant à 7,6 % du marché américain conformément à la section II' ( point 17 du relevé mensuel des actes adoptés par la procédure écrite, décembre 1984 ), permet-elle, considérée isolément ou en combinaison avec l' article 5, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n° 60/85, de déduire que la République fédérale d' Allemagne était obligée ou habilitée à affecter à l' avance à un producteur donné une quantité spéciale de 20 000 tonnes prélevée sur son allocation nationale d' exportation de 2,82 %?"

8 Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la première question

9 Les deux premières branches de la question concernent les critères de reconnaissance d' une entreprise en tant que "nouveau producteur de tubes et tuyaux", alors que la troisième branche vise à obtenir des éclaircissements sur les critères d' attribution des licences d' exportation à appliquer en cas d' apparition d' un nouveau producteur sur le marché .

10 Le débat entre les parties sur la notion de "nouveau producteur" a principalement porté sur la question de savoir si cette notion vise également le cas d' une augmentation considérable de la capacité de production d' une entreprise fabriquant déjà antérieurement des tubes et tuyaux, par la création d' un nouvel établissement . Hoesch, le Bundesamt et le gouvernement italien ont suggéré une réponse négative à cette question, au motif que le critère principal de répartition prévu par l' article 5 du règlement n° 60/85 serait le respect des courants traditionnels d' exportation, critère inspiré par le souci de conserver autant que possible, au cours de la période de limitation des exportations vers les États-Unis, les parts de marché des différents opérateurs communautaires sur le marché américain .

11 A cet égard, il y a lieu d' observer d' abord que l' arrangement entre la Communauté et les États-Unis dont le règlement n° 60/85 assure la mise en oeuvre vise, en principe, à réduire à un certain niveau la quantité globale de tubes et tuyaux en acier originaires de la Communauté et exportés vers les États-Unis . Ce niveau est fixé par l' arrangement à 7,6 % de la consommation apparente des États-Unis; sur cette base, la Commission calcule, en vertu de l' article 2 du règlement n° 60/85, le plafond communautaire d' exportation qu' elle ajuste, le cas échéant, aux modifications de la consommation apparente des États-Unis . Selon l' article 3, elle répartit le plafond quantitatif d' exportation entre les États membres sur la base des pourcentages fixés par l' annexe III du règlement ( pour l' Allemagne : 2,82 % de la consommation des États-Unis ).

12 C' est dans les limites ainsi tracées que les États membres fixent, pour chaque trimestre, les quantités pour lesquelles ils prévoient de délivrer des licences d' exportation; ils doivent veiller à ce que la délivrance de ces licences assure un étalement suffisant des exportations sur l' ensemble de l' année ( article 5, paragraphe 1 ). Les licences sont délivrées, par les autorités des États membres, conformément à certains critères ( article 5, paragraphe 2 ) qui comprennent notamment :

-le respect des courants traditionnels d' exportation des entreprises en tenant compte des principes de réduction établis par le règlement et, éventuellement, de la situation des nouveaux producteurs de tubes et tuyaux;

- le respect des courants d' exportation vers les États-Unis dans leur étalement traditionnel sur l' année;

- l' utilisation et la gestion optimales des possibilités d' exportation offertes par le règlement .

13 Il résulte de la description du régime institué par le règlement n° 60/85 que ni ses objectifs ni les termes de ses dispositions n' impliquent un droit des entreprises productrices de tubes et tuyaux de conserver leurs parts de marché dans le cadre du plafond communautaire . En effet, le respect des courants traditionnels d' exportation, tout en figurant parmi les critères qui doivent être pris en compte par les autorités des États membres, ne constitue qu' un des éléments d' appréciation parmi d' autres .

14 Il convient de remarquer ensuite que la question posée ne concerne pas une simple augmentation de la capacité de production, mais la création d' une nouvelle usine issue d' une restructuration importante de l' entreprise impliquant, entre autres, l' admission d' un nouvel associé et une augmentation sensible de son capital . En outre, il ressort du dossier que, dans l' affaire au principal, la création de la nouvelle usine a donné lieu à la fabrication d' un nouveau produit qui n' avait pas été fabriqué par l' entreprise en question auparavant, à savoir les tuyaux à grand diamètre .

15 Dans de telles conditions, le refus de reconnaître la qualité de nouveau producteur reviendrait, ainsi que l' ont souligné Bergrohr et la Commission, à faire une distinction injustifiée entre deux formes de collaboration entre deux entreprises existantes impliquant un même résultat économique, à savoir celle selon laquelle les entreprises concernées procéderaient à la création, en vue d' une nouvelle production de tubes et tuyaux, d' une filiale qui devrait en tout état de cause être qualifiée de "nouveau producteur" et celle selon laquelle l' une des deux entreprises procéderait, avec l' aide financière de l' autre, à une restructuration impliquant la création d' un nouvel établissement chargé de cette nouvelle production . En effet, aucune justification d' une telle distinction ne peut être tirée de l' arrangement euro-américain et du règlement n° 60/85 ou des dispositions et du système du traité CEE .

16 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première branche de la première question que l' article 5 du règlement n° 60/85 doit être interprété en ce sens que l' expression "nouveaux producteurs de tubes et tuyaux" inclut les entreprises qui, tout en ayant antérieurement produit des tubes et tuyaux en acier et tout en conservant leur forme juridique et leur dénomination sociale, ont subi une transformation sur le plan économique aboutissant à la création d' un nouvel établissement doté d' une capacité de production importante, notamment lorsque cet établissement fabrique un nouveau produit qui n' avait pas été fabriqué par l' entreprise auparavant .

17 En ce qui concerne la deuxième branche de la question, il suffit de constater que l' article 5 du règlement n° 60/85 vise l' apparition d' un nouveau "producteur" sur le marché des tubes et tuyaux, qu' il s' agisse d' une nouvelle entreprise ou, dans certaines conditions, d' un nouvel établissement d' une entreprise existante . Cette disposition ne concerne pas la situation d' une entreprise qui, ayant produit des tubes et tuyaux avant l' entrée en vigueur du règlement n° 60/85, décide de s' engager plus tard dans le commerce d' exportation vers les États-Unis . Il est entendu, toutefois, que tout nouveau producteur doit pouvoir disposer d' une période raisonnable de transition en vue d' organiser la mise en route de l' exportation et de la commercialisation de ses produits .

18 La troisième branche de la question est relative aux critères de répartition à appliquer lorsqu' un nouveau producteur est en droit de réclamer des licences d' exportation de tubes et tuyaux vers les États-Unis . La réponse à cette question doit être trouvée dans le respect des critères énoncés à l' article 5, paragraphe 2, précité, ceux-ci étant les seuls à être fixés par le règlement n° 60/85 .

19 A cet égard, il faut rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour ( arrêt du 17 mars 1987, Mannesmann-Roehrenwerke, 333/85, Rec . p . 1381 ), les autorités des États membres doivent répartir les licences d' exportation entre les entreprises et respecter, à cet effet, les critères objectifs fixés par l' article 5, paragraphe 2, dont la mise en oeuvre comporte cependant une marge d' appréciation certaine et dont l' importance doit être déterminée compte tenu de la conjonction de critères de nature différente .

20 Un examen attentif de ces critères fait apparaître notamment que les autorités nationales doivent, en cas d' apparition d' un nouveau producteur, d' une part, tenir compte de sa capacité de production, de son potentiel d' exportation et des sacrifices qu' il s' est imposés, dans le cadre des limitations des débouchés des produits sidérurgiques, par rapport à la situation correspondante d' autres entreprises et, d' autre part, ouvrir une possibilité réelle au nouveau producteur de pénétrer sur le marché américain des tubes et tuyaux . Il appartient aux autorités nationales de trouver l' équilibre approprié entre ces différentes exigences dans chaque cas d' espèce .

21 Dès lors, il convient de compléter la réponse à la première question en ce sens qu' une entreprise reconnue en tant que "nouveau producteur" aux termes de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n° 60/85 doit pouvoir bénéficier d' une proportion adéquate des licences d' exportation disponibles, dans le respect des critères figurant à cette disposition . En particulier, il y a lieu, pour les autorités des États membres chargées de déterminer l' importance de chacun de ces différents critères, de tenir compte de la capacité de production du nouveau producteur et de son potentiel d' exportation, et de lui ouvrir un accès réel au marché américain de tubes et tuyaux .

Sur la seconde question

22 La seconde question, relative à la quantité spéciale affectée à l' avance, par les autorités allemandes, à Hoesch, soulève en réalité deux problèmes différents : celui de savoir si ces autorités étaient obligées de prélever cette quantité spéciale sur le quota national d' exportation et celui de savoir si elles avaient le pouvoir de procéder ainsi .

23 En vue d' examiner ces deux problèmes, il convient de constater d' abord que l' approvisionnement par Hoesch de sa filiale à Baytown a joué un rôle important au cours des négociations qui ont conduit à l' arrangement susmentionné entre la Communauté et les États-Unis . Il ressort d' un échange de lettres figurant dans les pièces du dossier que la délégation américaine avait initialement insisté pour obtenir une limitation des exportations communautaires à concurrence de 5,9 % de la consommation apparente aux États-Unis et qu' elle s' est finalement déclarée prête à porter cette limite à 7,6 % dans le but explicite de garantir l' approvisionnement de la filiale américaine de Hoesch par la société mère . Selon les négociateurs américains, cette augmentation aurait été calculée sur la base d' une livraison de 42 000 tonnes de tubes semi-finis par Hoesch à sa filiale américaine à Baytown .

24 Il convient d' observer ensuite qu' il est constant que le Conseil, en répartissant le contingent de 7,6 % entre les États membres selon la clef de répartition figurant à l' annexe III du règlement n° 60/85, a considéré qu' une quantité spéciale de 20 000 tonnes devait être réservée à Hoesch pour approvisionner sa filiale américaine . La limite applicable à la République fédérale d' Allemagne a été fixée à 2,82 % en vue de tenir compte de cette quantité spéciale, après que le gouvernement allemand eut déclaré qu' il était prêt, dans l' intérêt d' une solution commune des problèmes soulevés par la limitation des exportations de tubes et tuyaux, à imputer la quantité spéciale réservée à Hoesch sur la quote-part revenant aux entreprises allemandes selon la clef de répartition adoptée par le Conseil .

25 Il faut signaler enfin que le règlement n° 60/85, en répartissant le plafond communautaire entre les États membres, ne fait pas mention de la quantité spéciale réservée à Hoesch . Il ressort des renseignements fournis par la Commission et d' un certain nombre de lettres soumises à la Cour par cette institution et par Hoesch que le gouvernement allemand a manifesté son mécontentement quant à l' absence de référence à cette quantité spéciale dans le texte de la proposition de la Commission qui a conduit au règlement en cause . Toutefois, le Conseil n' a pas modifié la proposition de la Commission sur ce point, au motif que la clef de répartition prévue tenait déjà compte d' une quantité de 20 000 tonnes réservée à Hoesch et incluse dans le quota allemand . Après l' entrée en vigueur de l' arrangement et du règlement n° 60/85, les autorités américaines ont protesté à différentes reprises contre le manque de coopération de la Communauté en ce qui concerne la garantie de l' approvisionnement de la filiale de Hoesch à Baytown .

26 Cet ensemble de circonstances fait apparaître que les autorités américaines ont consenti à un plafond de 7,6 % en supposant qu' une quantité spéciale serait réservée à Hoesch en vue de l' approvisionnement de la filiale américaine de cette entreprise, alors que, dans le cadre de la répartition de ce contingent, les institutions communautaires n' ont pas attribué une quantité spécifique à Hoesch . Elles ont, en revanche, fixé la clef de répartition entre les États membres de façon à tenir compte de cette quantité spéciale, en estimant qu' il appartiendrait aux autorités allemandes d' en tirer les conséquences lors de la délivrance des licences d' exportation .

27 Le règlement n° 3686/87 du Conseil, du 8 décembre 1987, modifiant le règlement n° 60/85 relatif aux restrictions à l' exportation des tubes et tuyaux en acier vers les États-Unis d' Amérique ( JO L 346, p . 26 ), a ajouté un nouveau critère pour la délivrance des licences d' exportation selon lequel les autorités nationales devaient également tenir compte de la "situation ... des entreprises ayant aux États-Unis d' Amérique une filiale qu' elles approvisionnent en tubes semi-finis pour la production de tubes ". Cette modification, qui se réfère, dans des termes abstraits, à la situation particulière de Hoesch, est cependant intervenue après les faits qui ont donné lieu à l' affaire au principal .

28 La Commission a soutenu que le règlement n° 3686/87 ne visait pas à créer une nouvelle situation juridique, mais à codifier une pratique déjà en vigueur depuis l' adoption du règlement n° 60/85 . Ses dispositions permettraient, dès lors, d' éclairer les termes du règlement n° 60/85 dans sa version antérieure .

29 L' examen de ces éléments divergents conduit donc, en premier lieu, à conclure que les dispositions du règlement n° 60/85, telles qu' en vigueur à l' époque, qui étaient les seules à fixer les critères à appliquer par les autorités des États membres lors de la délivrance des licences d' exportation de tubes et tuyaux, ne font aucune référence à la quantité spéciale réservée à Hoesch . Or, dans la mesure où la répartition de ces licences concernait également d' autres entreprises dont la situation particulière n' avait pas fait l' objet de négociations entre la Communauté et les États-Unis, lesdites dispositions ne peuvent être interprétées en ce sens qu' elles devraient comporter une obligation pour les autorités allemandes d' affecter une certaine quantité à Hoesch .

30 Toutefois, il convient, en second lieu, de tenir compte de la nature de l' arrangement euro-américain . Celui-ci, conclu sur la base de l' article 113 du traité CEE, constitue un accord au sens de l' article 228 du même traité . Un tel accord se caractérise par le fait que ses dispositions lient les institutions de la Communauté aussi bien que les États membres en vertu du traité et qu' elles doivent être exécutées de bonne foi à l' égard de l' autre partie contractante en vertu des règles de droit international public applicables . Il en résulte qu' il incombait aux autorités allemandes de prendre en considération, dans le cadre des critères fixés par l' article 5 du règlement n° 60/85, la situation particulière de Hoesch telle qu' elle avait fait l' objet des négociations ayant abouti à l' accord en question .

31 A cet égard, il y a lieu de souligner que les critères en cause faisaient expressément référence à la nécessité d' arriver à "l' utilisation et la gestion optimales des possibilités d' exportation" offertes par le règlement . Une telle utilisation et gestion optimales peuvent notamment être atteintes dans le cas d' entreprises communautaires ayant établi des liens économiques avec leurs filiales aux États-Unis, en particulier lorsque ces dernières sont alimentées en tubes semi-finis par les premières, comme c' est le cas des entreprises Hoesch au Texas et en Allemagne . Tel semble également être le point de vue du Conseil, qui, dans l' un des considérants du règlement n° 3686/87, observe que la répartition du quota communautaire entre les États membres, telle qu' elle figure à l' annexe III du règlement n° 60/85, "tient compte de la situation particulière des entreprises qui ont une filiale aux États-Unis d' Amérique ".

32 Il faut en déduire que les autorités allemandes étaient habilitées par le règlement n° 60/85 à réserver une quantité spéciale à l' entreprise Hoesch lors de la délivrance des licences d' exportation et qu' elles étaient en outre incitées à agir ainsi par les engagements que la Communauté avait pris à l' égard des États-Unis d' Amérique .

33 Dès lors, il y a lieu de répondre à la seconde question que les autorités allemandes étaient habilitées, par le règlement n° 60/85, sans toutefois y être obligées, à affecter à l' entreprise Hoesch une quantité spéciale de tubes et tuyaux prélevée sur le quota national d' exportation de 2,82 % de la consommation apparente des États-Unis .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

34 Les frais exposés par le gouvernement italien et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif

Par ces motifs

,

LA COUR ( sixième chambre ),

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 17 mars 1988, dit pour droit :

1 ) L' article 5 du règlement n° 60/85 du Conseil, du 9 janvier 1985, relatif aux restrictions à l' exportation des tubes et tuyaux en acier vers les États-Unis d' Amérique, doit être interprété en ce sens que l' expression "nouveaux producteurs de tubes et tuyaux" inclut les entreprises qui, tout en ayant antérieurement produit des tubes et tuyaux en acier et tout en conservant leur forme juridique et leur dénomination sociale, ont subi une transformation sur le plan économique aboutissant à la création d' un nouvel établissement doté d' une capacité de production importante, notamment lorsque cet établissement fabrique un nouveau produit qui n' avait pas été fabriqué par l' entreprise auparavant .

2 ) Une entreprise reconnue en tant que "nouveau producteur" aux termes de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n° 60/85 doit pouvoir bénéficier d' une proportion adéquate des licences d' exportation disponibles, dans le respect des critères figurant à cette disposition . En particulier, il y a lieu, pour les autorités des États membres chargées de déterminer l' importance de chacun de ces différents critères, de tenir compte de la capacité de production du nouveau producteur et de son potentiel d' exportation, et de lui ouvrir un accès réel au marché américain de tubes et tuyaux .

3 ) Les autorités allemandes étaient habilitées, par le règlement n° 60/85, sans toutefois y être obligées, à affecter à l' entreprise Hoesch une quantité spéciale de tubes et tuyaux prélevée sur le quota national d' exportation de 2,82 % de la consommation apparente des États-Unis .