AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Mutuelle du Mans assurances IARD, société d'assurance à forme mutuelle à cotisations fixes dont le siège social est ...,
en cassation de l'arrêt n8 1359/90 rendu le 11 avril 1991 par la cour d'appel de Dijon (1re Chambre, 2e Section), au profit :
18) de M. Jean B..., demeurant ... àueugnon (Saône-et-Loire),
28) de Mme Sophie B..., née Y..., demeurant ... àueugnon (Saône-et-Loire),
38) de M. Jean-Pierre A..., demeurant lieu-dit La Croix des Mats à Blanzy (Saône-et-Loire),
48) de M. X..., pris ès qualités de représentant des créanciers du redressement judiciaire de l'Entreprise A..., demeurant anciennement ... à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), et actuellement ... à Chalon-sur-Saône,
58) de la sociétéuillemet, dont le siège social est avenue Maréchal Leclerc à Montceau-Les-Mines (Saône-et-Loire),
68) de la Société nouvelle de matériaux, venant aux droits de la société Tuilerie Jean Delaincourt, dont le siège est ... (17e),
78) de M. Clovis Z..., pris ès qualités de liquidateur amiable de la Société nouvelle de matériaux, demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 avril 1993, où étaient présents : M. de Bouillane de Lacoste, président, M. Pinochet, conseiller rapporteur, MM. Viennois, Fouret, Mmes Lescure, Delaroche, MM. Jean-Pierre Ancel, Sargos, conseillers, Mme Crédeville, M. Charruault, conseillers référendaires, M. Lesec, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pinochet, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Mutuelle du Mans assurances IARD, de Me Blondel, avocat de la sociétéuillemet, les conclusions de M. Lesec, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, au cours de l'année 1977, les époux B... ont fait construire une maison individuelle sur un terrain leur appartenant, les travaux de couverture étant exécutés par M. A..., qui a acheté les tuiles à la sociétéuillemet, qui elle-même les avait acquises de la société Tuileries Jean Delaincourt ; qu'après l'apparition de désordres provenant, selon l'avis d'un expert judiciaire, de la défectuosité des tuiles qui s'étaient révélées gélives, et de fautes d'exécution de la couverture, les maîtres de l'ouvrage ont assigné en réparation
M. A..., qui a appelé en garantie la société Guillemet, qui elle-même a appelé en garantie le fabricant des tuiles, devenu la sociétéME, et l'assureur de cette société, la Mutuelle générale
française accidents (MGFA) ; que celle-ci a opposé une clause du contrat, selon laquelle sa garantie n'était acquise qu'à la condition que les dommages fussent portés à sa connaissance dans un délai maximum de deux ans à compter de la résiliation de la police ;
Sur le premier moyen
, pris en ses cinq branches :
Attendu que les Mutuelles du Mans, venant aux droits de la MGFA, font grief à l'arrêt attaqué (Dijon, 11 avril 1991) d'avoir déclaré cet assureur tenu à garantie pour des sinistres résultant de réclamations du tiers lésé survenues postérieurement à la résiliation de la police souscrite par le fabricant des tuiles, alors que, de première part, en déclarant que le sinistre était caractérisé par la production des tuiles défectueuses, et non par la réclamation du tiers lésé, la cour d'appel aurait violé les articles
1134 du Code civil et
L. 124-3 du Code des assurances ; alors que, de deuxième part, en mettant à la charge de l'assureur une obligation étrangère au contrat et incompatible avec celui-ci, la cour d'appel aurait créé une nouvelle obligation civile, en violation de l'article 34 de la Constitution ; alors que, de troisième part, ne saurait être considérée comme entachée de nullité ou comme une clause limitative de garantie prohibée, la clause d'un contrat d'assurance définissant le sinistre d'après la volonté des parties et conformément à l'article L. 124 du Code des assurances ; alors que, de quatrième part, en admettant que le contrat était privé de cause, au motif que l'événement incertain, dont dépendait ses effets, ne s'était pas produit pendant la période de garantie, les juges du second degré auraient méconnu les articles
1131 et
1964 du Code civil ; alors que, enfin, le législateur, tant communautaire que national, a subordonné l'exécution du contrat d'assurance de responsabilité à la constitution de provisions annuelles, au moyen des primes versées pendant l'exercice en cours, sur lesquelles doivent être réglés les sinistres survenus pendant le même exercice, selon un système de répartition ; qu'en mettant à la charge de l'assureur un risque qu'elle a défini d'office et qu'elle a situé par hypothèse, au-delà de
toute période de garantie prévisible contractuellement, ce qui excluait la méthode de répartition, la cour d'appel aurait violé notamment la directive communautaire du 5 mars 1979 et l'article
R. 331-15 du Code des assurances ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a énoncé que la société Les Tuileries Jean Delaincourt était assurée auprès de la MGFA du 1er janvier 1973 au 1er septembre 1981 ; que cette police avait pour objet de garantir la responsabilité civile de l'assuré pour les faits dommageables causés aux clients, après livraison des matériaux et résultant par exemple, d'un vice caché de fabrication ; que l'arrêt attaqué a exactement retenu que, s'agissant d'une police garantissant les vices de fabrication des tuiles, l'origine des dommages subis par le maître de l'ouvrage résidait dans la faute commise par le fabricant, qui avait fabriqué et livré une production
défectueuse, la révélation du vice ne pouvant être considérée comme le fait générateur du dommage ; qu'ayant ainsi justement retenu que le versement de la prime, pendant la période qui se situait entre la prise d'effet du contrat et son expiration, avait pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvaient leur origine dans
un fait qui s'était produit pendant cette période, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer aucun des textes visés au moyen, que l'assureur ne pouvait invoquer la clause litigieuse pour dénier sa garantie ;
Sur le second moyen
:
Attendu que les Mutuelles du Mans font encore grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnées à garantir la sociétéuillemet, sans constater que celle-ci avait effectivement indemnisé le maître de l'ouvrage, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article
L. 124-3 du Code des assurances ;
Mais attendu que cet assureur n'a pas soutenu devant la cour d'appel que la sociétéuillemet ne pouvait être subrogée dans les droits de la victime faute de l'avoir désintéressée, se bornant à réclamer l'application d'une franchise ; qu'il n'est pas recevable à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
! d! Condamne les Mutuelles du Mans assurances IARD à une amende civile de quinze mille francs, envers le Trésor public ; les condamne, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Les condamne à payer à la sociétéuillemet la somme de douze mille francs sur le fondement de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ;