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CEDH, Cour (Troisième Section), AFFAIRE CALMANOVICI c. ROUMANIE, 1 juillet 2008, 42250/02

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    42250/02
  • Dispositif : Partiellement irrecevable;Violation de l'art. 5-1;Violation de l'art. 5-3 (maintien en détention);Violation de l'art. 5-3 (aussitôt traduit devant un magistrat);Violation de l'art. 6-1;Violation de l'art. 8;Violation de P1-3;Dommage matériel - demande rejetée;Préjudice moral - réparation
  • Importance : Moyenne
  • Droit interne : Articles 43 § 6, 911-914, 136 , 148 d), 148 h) et 382 § 3 du CPP ; Articles 64, 64a et 71 du code pénal ; Loi n° 51/1991 sur la sûreté nationale ; Loi n° 360/2002 sur le statut du policier ; Loi n° 281/2003
  • État défendeur : Roumanie
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2008:0701JUD004225002
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-87195
  • Avocat(s) : HATNEANU D.-O.
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Résumé

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Texte intégral

TROISIÈME SECTION AFFAIRE CALMANOVICI c. ROUMANIE (Requête no 42250/02) Cette version a été rectifiée conformément à l'article 81 du règlement de la Cour le 10 février 2009. ARRÊT STRASBOURG 1er juillet 2008 DÉFINITIF 01/10/2008 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l'affaire Calmanovici c. Roumanie, La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de : Josep Casadevall, président, Corneliu Bîrsan, Boštjan M. Zupančič, Alvina Gyulumyan, Egbert Myjer, Ineta Ziemele, Luis López Guerra, juges, et de Santiago Quesada, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 juin 2008, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 42250/02) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Viorel Calmanovici (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 octobre 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Le requérant a été représenté successivement par Mme Adriana Dăgăliţă, juriste de l'organisation non-gouvernementale APADOR-CH de Bucarest, et par Me Diana-Olivia Hătneanu, avocate à Bucarest[1]. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères. 3. Le requérant alléguait en particulier, sur la base de l'article 5 §§ 1 et 3 et de l'article 6 de la Convention, l'illégalité et l'absence de nécessité de son placement et de son maintien en détention provisoire ainsi que l'iniquité de la procédure pénale à son encontre. Par ailleurs, invoquant les articles 8 de la Convention et 3 du Protocole no 1, il se plaignait de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son droit à des élections libres en raison des mesures de surveillance dont il avait fait l'objet et de l'interdiction ex lege de ses droits parentaux et de son droit de vote pendant l'exécution de sa peine de prison. 4. Le 4 juillet 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, elle a en outre décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l'affaire. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE 5. Le requérant est né en 1972 et réside à Bucarest. A. Interception des conversations téléphoniques et surveillance du requérant par les services spéciaux 6. Le 15 juillet 2002, C.J., commerçant de nationalité chinoise, fit une déclaration au parquet près le tribunal militaire de Bucarest, lequel parquet la consigna dans un procès-verbal. Il y dénonçait R.P. et le requérant, à l'époque officiers de police au sein du service chargé de combattre la criminalité économique et financière, au motif que, le 10 juillet 2002, le second lui aurait demandé 2 000 dollars américains (USD) pour lui rendre les documents comptables de sa société commerciale confisqués par la police. C.J. avait pris contact avec R.P., qu'il connaissait déjà, pour qu'il intervienne auprès du requérant et négocie la somme en question. Le procès-verbal mentionnait que C.J. parlait bien le roumain et que la présence d'un interprète n'avait pas été nécessaire. 7. Le 15 juillet 2002, le procureur N.C., du parquet près le tribunal militaire de Bucarest, autorisa les services spéciaux à procéder à l'enregistrement des images et des conversations téléphoniques concernant le requérant, R.P. et C.J. Selon les termes de l'autorisation, l'interception et l'enregistrement concernaient « également les téléphones » portables de R.P. et de C.J. Le procureur précisait que, sur le fondement de la dénonciation de C.J., il y avait des indices pertinents de la commission, par le requérant et R.P., du délit de corruption passive. L'autorisation en question était valable pour une durée de trente jours et renvoyait aux articles 911 - 914 du code de procédure pénale (CPP). 8. Le 18 juillet 2002, le procureur ordonna la mise sur écoute du téléphone portable du requérant pour une période de trente jours en invoquant les mêmes motifs et en renvoyant aux mêmes articles du CPP. Le 22 juillet 2002, un procureur près le parquet précité sollicita « la surveillance des activités du requérant » et de R.P., les 22 et 23 juillet 2002, par les services spéciaux de la direction générale du ministère de l'Intérieur chargée des renseignements et de la protection intérieure, en précisant les numéros d'immatriculation de leurs voitures. 9. Le 22 juillet 2002, vers 22 heures, R.P. fut interpellé par le procureur et les services spéciaux qui l'avaient surveillé et filmé, à la suite d'un flagrant délit mis en scène avec l'aide de C.J. Le 23 juillet 2002, le procureur ordonna le placement de R.P. en détention provisoire et l'ouverture de poursuites contre le requérant. B. Placement et maintien du requérant en détention provisoire 10. Par deux ordonnances du 2 août 2002, rendues en vertu de l'article 148 h) du CPP, un procureur près le tribunal militaire de Bucarest mit en mouvement l'action pénale à l'encontre du requérant et le plaça en détention provisoire pour une période expirant le 31 août 2002. Le requérant était soupçonné de corruption passive et de soustraction de documents. Le procureur rédigea ces ordonnances sur des formulaires préimprimés renvoyant aux articles 146, 148 et 151 du CPP et les compléta notamment par un résumé des faits dont le requérant était accusé, en précisant que ce dernier se trouvait dans l'hypothèse prévue par l'article 148 h) du CPP dont il reproduisait le texte. 11. La mise en examen du requérant fut inscrite à titre provisoire à son casier judiciaire. 12. Par un jugement avant dire droit du 12 août 2002, le tribunal militaire de Bucarest accueillit le recours du requérant contre l'ordonnance de mise en détention du 2 août 2002 au motif que cette ordonnance méconnaissait les articles 136, 137 et 148 h) du CPP. Le tribunal jugea que l'ordonnance en question ne précisait pas, preuves à l'appui, en quoi, concrètement, la mise en détention provisoire du requérant s'imposait et son maintien en détention faisait courir un danger pour l'ordre public. A ce dernier égard, le tribunal mentionna que le danger susmentionné, qui n'existait pas en l'espèce, ne devait pas être confondu avec le « danger social des faits » que l'intéressé aurait commis et que le parquet aurait dû prendre également en compte, conformément à l'article 136 (3) du CPP, la bonne conduite du requérant dans la société, le fait qu'il était marié et père d'un enfant et qu'il n'avait pas d'antécédents pénaux. 13. Par un arrêt avant dire droit du 20 août 2002, la cour militaire d'appel de Bucarest accueillit le recours (« recurs ») du parquet et confirma le placement en détention provisoire imposé par l'ordonnance susmentionnée. La cour militaire d'appel constata que les faits dont était accusé le requérant étaient punis d'une peine de plus de deux ans de prison en vertu de l'article 148 h) du CPP, et que, s'agissant du danger pour l'ordre public, le parquet avait envisagé la possibilité que l'intéressé fît obstruction au déroulement de l'enquête et, par conséquent, à la recherche de la vérité. Observant qu'il y avait, dans le dossier, des preuves de la culpabilité du requérant et qu'il n'existait pas de motif de nullité de l'ordonnance en cause, la cour militaire d'appel conclut dans le sens de la légalité et du bien-fondé de celle-ci. 14. Par un jugement avant dire droit du 20 août 2002, le tribunal militaire de Bucarest accueillit la demande du parquet et, reproduisant le texte de l'article 148 h) du CPP dans un paragraphe où il se référait sans distinction au requérant et à son coïnculpé, R.P., il prolongea de vingt jours la détention provisoire de l'intéressé à partir du 1er septembre 2002, sans répondre à ses arguments relatifs à l'article 136 (3) du CPP. Le recours formé par l'intéressé fut rejeté par un arrêt avant dire droit de la cour militaire d'appel de Bucarest du 5 septembre 2002, dont les motifs, sans distinguer entre le requérant et son coïnculpé, précisaient que ceux-ci encouraient une peine de plus de deux ans d'emprisonnement, que la remise en liberté représentait un danger pour l'ordre public et que la détention provisoire était nécessaire au bon déroulement des poursuites. 15. A l'audience du 19 septembre 2002, le tribunal militaire de Bucarest rejeta comme mal fondée l'exception, soulevée par le requérant, d'incompétence des juridictions militaires à son égard depuis l'entrée en vigueur la loi no 360/2002 sur le statut du policier (« la loi no 360/2002 »), selon laquelle les policiers étaient dorénavant des fonctionnaires publics et non plus des militaires. Par un jugement avant dire droit rendu le même jour, le tribunal accueillit la demande du parquet et prolongea à nouveau de trente jours la détention provisoire du requérant, du 21 septembre au 20 octobre 2002. Se référant sans distinction au requérant et à son coïnculpé, il jugea que leur maintien en détention était justifié car le procureur n'avait pas encore pris de décision dans le dossier de poursuites, et que leur remise en liberté pouvait nuire au procès pénal, rendant plus difficile l'exécution des mesures que le procureur en chef du parquet pourrait ordonner par la suite. Par un arrêt avant dire droit du 15 octobre 2002, la cour militaire d'appel de Bucarest confirma le jugement du tribunal. Se référant dans une même phrase aux deux inculpés, elle observa que les poursuites concernaient des faits de corruption passive et que la mise en liberté des intéressés présenterait un réel danger pour l'ordre public. 16. Par un jugement avant dire droit du 7 octobre 2002, le tribunal militaire de Bucarest fit droit à la demande du parquet et prolongea de trente jours la détention provisoire du requérant, du 21 octobre au 19 novembre 2002. Dans un paragraphe où il visait sans distinction l'intéressé et son coïnculpé, le tribunal considérait que les conditions de l'article 136 et de l'article 148 h) du CPP étaient remplies et que les raisons qui avaient fondé la mise en détention provisoire étaient toujours valables, mentionnant à titre subsidiaire la nécessité d'assurer le bon déroulement du procès pénal. Par un arrêt avant dire droit du 31 octobre 2002, la cour militaire d'appel de Bucarest, statuant en dernier ressort, confirma ce jugement. Se référant dans un même paragraphe aux deux coïnculpés, elle estimait que les faits graves dont ils étaient accusés, relevant du délit de corruption passive, leur qualité ainsi que la manière dont ils avaient commis ces faits justifiaient la conclusion que la remise en liberté pouvait présenter un danger pour l'ordre public. 17. Par un arrêt définitif du 7 décembre 2002, la cour militaire d'appel de Bucarest cassa le jugement du 11 novembre 2002 rendu au fond par le tribunal militaire de Bucarest (paragraphe 24 ci-dessous), au motif que, depuis l'entrée en vigueur de la loi no 360/2002, la compétence d'examiner l'affaire au fond revenait aux juridictions de droit commun, sous peine de nullité absolue, ces dispositions s'appliquant également à la phase des poursuites. Elle jugea que, faute d'avoir décliné sa compétence, comme il aurait dû le faire, le tribunal avait méconnu des dispositions sanctionnées par la nullité absolue. Néanmoins, estimant que le tribunal militaire allait décliner sa compétence et que les mesures concernant le maintien en détention étaient parmi celles qui nécessitaient l'urgence, la cour militaire d'appel fit application de l'article 43 § 6 du CPP et confirma le dispositif du jugement en ce qu'il portait sur la prolongation de la détention provisoire du requérant du 20 novembre au 19 décembre 2002. 18. Par un arrêt avant dire droit du 19 décembre 2002, la Cour suprême de justice, statuant en dernier ressort, confirma la compétence des juridictions de droit commun en l'espèce, compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi no 360/2002, et décida de prolonger la détention provisoire du requérant du 20 décembre 2002 au 18 janvier 2003. 19. Par un arrêt avant dire droit du 15 janvier 2003, la cour d'appel de Bucarest accueillit, en vertu de l'article 197 § 2 du code de procédure pénale, l'exception de nullité absolue des mesures et des actes procéduraux adoptés par des juridictions militaires incompétentes et constata, pour cette raison, la cessation de droit de la détention provisoire du requérant à partir du 21 octobre 2002, date à laquelle le tribunal militaire incompétent, saisi par réquisitoire, avait prolongé la détention provisoire litigieuse. En faisant référence à l'article 5 § 1 de la Convention, elle conclut que la détention provisoire décidée par une juridiction incompétente était illégale. 20. Sur recours du parquet, par un arrêt avant dire droit du 17 janvier 2003, la Cour suprême de justice cassa l'arrêt précité et décida le maintien du requérant en détention provisoire. Elle jugea, d'une part, que la cour d'appel de Bucarest ne devait examiner que sa propre saisine et qu'elle n'était pas compétente pour annuler des mesures concernant la détention provisoire du requérant dont la régularité avait été confirmée par la cour militaire d'appel et par la Cour suprême de Justice dans leurs arrêts respectifs des 7 et 19 décembre 2002. Elle jugea, d'autre part, que la cour d'appel n'avait pas de motif pour constater son incompétence, de sorte que l'article 197 § 2 du code de procédure pénale n'avait pas été méconnu. 21. Le requérant fut maintenu en détention provisoire jusqu'au 18 mars 2003, date de l'arrêt de relaxe de la cour d'appel de Bucarest (paragraphe 27 ci-dessous). C. Procédure pénale au fond contre le requérant 22. Par un réquisitoire du 25 septembre 2002 du procureur N.C., le parquet national anticorruption (« le PNA ») renvoya le requérant et R.P. en jugement pour corruption passive et soustraction de documents. 23. A une date non précisée, le requérant demanda au tribunal militaire de Bucarest de constater la nullité des actes de poursuites et du réquisitoire du PNA, en faisant valoir, notamment, la nullité de la mise sur écoute des postes utilisés par lui et par sa famille et des enregistrements audio le concernant. Par un jugement avant dire droit du 14 octobre 2002, le tribunal militaire de Bucarest rejeta la demande du requérant au motif que les actes autorisés par le procureur entre le 15 et le 22 juillet 2002 ne visaient pas l'intéressé et qu'il convenait d'en discuter lors des débats. Toutefois, il fit droit à la demande du requérant de consulter l'ensemble du dossier pénal, y compris la partie classifiée « strictement confidentielle » par le parquet, qui contenait, entre autres, les autorisations du procureur de mise sur écoute des coïnculpés et de C.J. et la transcription de leurs conversations téléphoniques. 24. Par un jugement du 11 novembre 2002, le tribunal militaire de Bucarest condamna le requérant à une peine de cinq ans de prison ferme des chefs de corruption passive et de soustraction de documents. Examinant la fiche d'emploi de l'intéressé ainsi que des témoignages, le tribunal considéra que les faits commis rentraient dans ses attributions d'officier de police. 25. Sur appel du requérant, par un arrêt du 7 décembre 2002, la cour militaire d'appel de Bucarest infirma le jugement précité au motif que le tribunal militaire était devenu incompétent à l'égard du requérant à la suite de l'entrée en vigueur de la loi no 360/2002. Elle renvoya l'affaire pour réexamen en premier ressort à la cour d'appel de Bucarest. 26. La cour d'appel de Bucarest procéda à une nouvelle audition des témoins à charge et à décharge et entendit le requérant et R.P. Selon le requérant, C.J., assisté par un interprète, aurait indiqué à cette occasion qu'il ne connaissait pas la personne qui avait dénoncé les faits incriminés. 27. Par un arrêt du 18 mars 2003, la cour d'appel de Bucarest, appliquant le principe in dubio pro reo, relaxa le requérant de toutes les charges en raison, notamment, des contradictions entre les principales preuves de l'accusation, à savoir les déclarations successives du dénonciateur C.J. et du coïnculpé R.P. Dans son arrêt, dont la partie relative à l'examen des preuves concernant le requérant comportait une dizaine de pages, la cour d'appel releva notamment : « [Devant les organes chargés de l'enquête] la dénonciation orale et les déclarations ultérieures de C.J. ont été enregistrées dans des procès-verbaux, en méconnaissance des exigences procédurales en la matière dans la mesure où C.J. n'a pas fait ses déclarations en présence d'un interprète de langue chinoise. (...) Il est à souligner qu'il y a de nombreuses contradictions entre la dénonciation et les autres déclarations successives (de C.J.), ce qui est de nature à soulever de sérieux doutes quant à leur véracité. [La cour d'appel reproduit des fragments des diverses déclarations faites devant elle par C.J. le 15 juillet 2002] (...) Les déclarations de C.J. ne convainquent pas la cour que l'inculpé [le requérant] lui aurait réclamé un montant quelconque (...) et la version des faits de C.J. n'est pas étayée par les déclarations des témoins collègues de l'intéressé. Le fait que le prénom de l'inculpé apparaît dans les communications téléphoniques entre C.J. et le coïnculpé R.P. ne saurait conduire à la conclusion que l'intéressé aurait été impliqué [dans les faits incriminés], pour les raisons suivantes : (...) De surcroît, les déclarations du coinculpé R.P. et celles du dénonciateur C.J. présentent les contradictions suivantes: (...) Il ne ressort pas de manière concrète du contenu des enregistrements des communications téléphoniques que le coïnculpé R.P. aurait fait une offre à l'intéressé de la part des citoyens chinois, ni que l'intéressé aurait réclamé une somme d'argent quelconque. (...) Ces enregistrements ne sont pas vraisemblables quant à leur contenu et par rapport aux qualifications juridiques retenues contre l'intéressé. D'ailleurs, les seules déclarations qui incriminent celui-ci sont celles du dénonciateur C.J. et du coïnculpé R.P., déclarations contradictoires et non corroborées par les autres moyens de preuve, de sorte qu'il convient de les écarter en partie, car elles ne reflètent pas la vérité. Il convient d'observer également qu'il y a dans les déclarations de C.J. des éléments soutenus par le coïnculpé R.P., donc il ne s'agit pas d'une preuve directe (...) En l'espèce, compte tenu des preuves administrées, il ne ressort pas sans équivoque que l'intéressé aurait commis le délit de corruption passive, ce qui justifierait le renversement de la présomption d'innocence ; les doutes existants sont à interpréter en faveur de l'intéressé (in dubio pro reo). (...) » 28. S'agissant du délit de soustraction de documents, la cour d'appel renvoya à la fois aux mesures de sûreté strictes prises à l'égard des documents comptables et à des déclarations de témoins relatives aux conditions inappropriées de transport et d'application des scellés à certains sacs contenant des documents, et conclut que les preuves administrées n'étaient pas suffisantes pour démontrer que le requérant avait soustrait des documents comptables. 29. Le 19 mars 2003, le parquet près la cour d'appel de Bucarest forma un recours contre l'arrêt précité devant la Haute Cour de cassation et de justice (« la Cour de cassation »), nouvelle appellation de la Cour suprême de justice après 2003. 30. A une date non précisée, qui selon le Gouvernement serait postérieure à l'entrée en vigueur, le 14 octobre 2003, de l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 89/2003 modifiant la loi no 360/2002, le requérant fut suspendu de ses fonctions d'officier de police. 31. Le 3 novembre 2003, le PNA déposa ses moyens de recours, tirés des alinéas 17 et 18 de l'article 3859 du code de procédure pénale. Dans ses conclusions écrites, par l'intermédiaire de son avocat, le requérant souleva la nullité du recours, au motif que celui-ci avait été formé par un parquet incompétent et avait ensuite été tardivement motivé par le PNA, compétent en la matière. Il demanda également, au vu des preuves fournies à la cour d'appel de Bucarest, la confirmation de l'arrêt de relaxe en raison de l'illégalité et des contradictions de ces preuves. D'après le requérant, il ne ressortait pas des preuves en question qu'il eût sollicité ou accepté, directement ou indirectement, le paiement d'une somme d'argent par C.J. Entre autres, le requérant faisait valoir l'illégalité des preuves représentées par les enregistrements des conversations téléphoniques effectués avant l'ouverture des poursuites. Il contestait aussi avoir été l'interlocuteur de R.P. dans la conversation du 17 juillet 2002 sur laquelle s'appuyait le parquet dans son recours, compte tenu de la mention « probable » indiquée par les autorités chargées d'identifier si la voix en cause était la sienne. 32. La Cour de cassation ne procéda pas à une nouvelle audition des témoins ou du requérant. Le procès-verbal de l'audience du 10 juin 2004, lors des débats portant sur le recours, se lit comme suit dans sa partie pertinente : « Concernant le recours au fond, le procureur a demandé la cassation de l'arrêt [du 18 mars 2003] pour les motifs déposés au dossier et la condamnation de l'inculpé [le requérant] (...). Les avocats [des inculpés] ont demandé le rejet du recours. Prenant la parole en dernier, les inculpés se sont déclarés d'accord avec les conclusions de leurs avocats. Ayant besoin de temps pour examiner les pièces du dossier, la Cour ajourne le prononcé de l'arrêt (...) » 33. Par un arrêt du 18 juin 2004, la Cour de cassation rejeta l'exception de la nullité du recours, au motif que chacun des deux parquets avait agi dans la limite de ses compétences, compte tenu du changement des dispositions légales pertinentes. Sur le fond, elle condamna le requérant à une peine de trois ans et six mois d'emprisonnement et lui appliqua en conséquence les dispositions des articles 64 a)-c) et 71 du code pénal relatifs aux peines complémentaires et accessoires. Il ressort du dossier que le requérant était père d'un enfant âgé de deux ans à l'époque des faits. La Cour de cassation ne répondit pas aux moyens du requérant concernant l'illégalité et l'absence de valeur probante des enregistrements de ses conversations téléphoniques. Par le même arrêt, elle condamna R.P. à deux ans d'emprisonnement, en faisant application des circonstances atténuantes. Les passages pertinents de l'arrêt se lisent comme suit : « Il ressort de l'ensemble des preuves présentées en l'espèce que l'élément matériel du délit de corruption passive (...) est entièrement prouvé. La culpabilité du requérant est prouvée par le procès-verbal consignant la dénonciation orale, par les déclarations du dénonciateur C.J. concernant la discussion qu'il a eue avec l'intéressé (...) [et par] l'enregistrement de la communication téléphonique du 17 juillet 2002. (...) Par ailleurs, les déclarations des témoins et l'analyse comparative des documents trouvés sur le dénonciateur et de ceux du sac en plastique descellé confirment clairement la soustraction des documents comptables en question. (...) Dès lors, la décision de relaxer les coïnculpés (...) ne se trouve pas confortée par les moyens de preuve fournis. (...) » D. Le défaut de participation du requérant aux élections de 2004 et sa mise en liberté conditionnelle en septembre 2005 34. Selon une lettre du 4 janvier 2006 adressée au Gouvernement par l'administration de la prison de Jilava, le requérant, en raison de sa condamnation à une peine de prison par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2004, ne remplissait pas les conditions lui permettant d'exercer son droit de vote lors des élections parlementaires et présidentielles organisées à la prison de Jilava les 28 novembre et 12 décembre 2004. 35. Sur saisine de la commission compétente de la prison Jilava où le requérant purgeait sa peine, le tribunal de première instance de Bucarest, par un jugement du 20 septembre 2005, ordonna la mise en liberté conditionnelle du requérant. 36. A défaut de recours formé par le parquet, le jugement susmentionné devint définitif et exécutoire à l'expiration du délai de recours, soit le 26 septembre 2005, à minuit. 37. Le 27 septembre 2005, à 10h51, le juge délégué du tribunal de première instance de Bucarest, chargé de l'exécution des peines de prison, envoya une télécopie à la prison de Jilava pour informer le personnel de la prison du prononcé du jugement du 20 septembre 2005 et ordonner la prise des mesures nécessaires à l'élargissement du requérant. 38. Le requérant fut effectivement libéré le 27 septembre 2005, à 16h30. 39. S'agissant du délai écoulé entre 10h51 et 16h30, l'administration de la prison de Jilava précisait, dans la lettre du 4 janvier 2006 susmentionnée que, le 27 septembre 2005, quatre autres détenus avaient été libérés et qu'il avait été nécessaire de rédiger pour chacun les documents en vue de leur mise en liberté. A ce titre, elle faisait observer que les activités administratives relatives à l'élargissement des détenus requièrent une durée considérable qui ne peut être quantifiée puisqu'elle n'est pas réglementée par la loi. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Le code de procédure pénale 1. Les dispositions et la jurisprudence pertinentes relatives au placement et au maintien en détention provisoire 40. Les articles pertinents du code de procédure pénale (« CPP »), tel qu'ils étaient en vigueur à l'époque des faits et jusqu'à leur modification par la loi no 281/2003 publiée dans le Journal Officiel du 1er juillet 2003 et par les règlements gouvernementaux (ordonanţe de urgenţă) nos 66 du 10 juillet 2003 et 109 du 24 octobre 2003, se lisaient ainsi : Article 136 (Catégories de mesures provisoires) « Dans les causes relatives aux infractions punies de prison ferme, afin d'assurer le bon déroulement du procès pénal et pour empêcher que la personne soupçonnée ou l'inculpé ne se soustraie aux poursuites pénales (...) l'une des mesures préventives suivantes peut être adoptée à son encontre : (...) a) la garde à vue ; b) 1'interdiction de quitter la localité ; c) la détention provisoire (...) Les mesures prévues par l'article 136 § 1 b) et c) ne peuvent être adoptées que par le procureur ou par un tribunal. Dans le choix de la mesure à adopter, les autorités en cause tiennent compte de son but, du degré de danger social de l'infraction, de la santé, de l'âge, des antécédents ainsi que d'autres situations concernant la personne de l'accusé » Article 137 (Conditions de forme de l'acte par lequel une mesure provisoire est adoptée) « L'acte par lequel une mesure provisoire est adoptée doit énumérer les faits qui font l'objet de l'inculpation, son fondement légal, la peine prévue par la loi pour l'infraction en cause et les motifs concrets qui ont déterminé l'adoption de la mesure provisoire. » Article 148 (Conditions à remplir pour la mise en détention provisoire de l'inculpé) « La mise en détention de l'inculpé peut être ordonnée [par le procureur] si les exigences prévues par l'article 143 sont remplies [cet article exige l'existence de preuves ou d'indices concluants quant à la commission d'une infraction] et dans l'un des cas suivants : (...) d) il y a des éléments suffisants pour conclure que l'inculpé a essayé d'empêcher la découverte de la vérité en exerçant des pressions sur un témoin ou un expert, en détruisant ou altérant des moyens matériels de preuve ou en se livrant à d'autres faits similaires ; (...) h) l'inculpé a commis un crime ou un délit pour lequel la loi prévoit une peine de prison supérieure à 2 ans et son maintien en liberté constituerait un danger pour l'ordre public. » 41. S'agissant de l'article 148 h) du CPP et de la notion de « danger pour l'ordre public », la cour d'appel de Bucarest a jugé, dans un arrêt du 9 avril 2004, que la simple reproduction des dispositions de l'article 148 h) lors de la mise en détention provisoire d'un inculpé, sans que soient motivés concrètement, comme l'impose l'article 137 de ce même code, les faits ou les raisons pour lesquels le maintien en liberté de cette personne constituerait un danger pour l'ordre public, est susceptible de laisser place à l'arbitraire. La cour d'appel de Bucarest a jugé dans cet arrêt, ainsi que dans ses arrêts des 18 février et 2 avril 2002 et 18 février 2003, que le danger pour l'ordre public en question ne se présume pas, mais doit être prouvé, notamment au regard d'un risque de nouvelle infraction de l'inculpé ou de la réaction publique déclenchée par les faits commis. La résonance dans l'opinion publique, un certain état d'insécurité généré par les faits commis ou les aspects relatifs à la personne de l'accusé ont été mis en avant comme des éléments constitutifs du danger pour l'ordre public, notion qu'il conviendrait de distinguer de celle de « danger social des faits » commis (arrêts du 28 février 1997 et 16 novembre 2005 des cours d'appel de Braşov et d'Oradea respectivement et arrêt du 16 août 1990 de la Cour suprême de justice). De manière quelque peu différente, dans un arrêt du 15 mars 2002 concernant des faits d'escroquerie, la Cour suprême de justice a considéré que l'existence d'un danger pour l'ordre public doit être examinée au vu non seulement du profil personnel de l'inculpé, mais également du danger social de l'infraction pour laquelle l'accusé est poursuivi, de la réaction publique à la commission de l'infraction et de la possibilité que d'autres personnes commettent des faits similaires en l'absence d'une réaction ferme contre les personnes accusées de tels faits. Dans plusieurs arrêts dans lesquels les juridictions internes ont constaté l'absence des motifs concrets et des preuves pour lesquels le maintien en liberté d'un inculpé constituerait un danger pour l'ordre public, elles ont décidé de la mise en liberté de l'intéressé, sans renvoyer en première instance, pour un nouvel examen, le dossier relatif au maintien de l'inculpé en détention provisoire (arrêts des 4 février 1998, 18 février 2003 et 16 novembre 2005 des cours d'appel de Braşov, Bucarest et Oradea). 42. L'article 146 du CPP prévoit que le procureur peut ordonner la mise en détention provisoire d'un prévenu, par une ordonnance motivée, s'il l'estime nécessaire pour les poursuites et si les conditions posées par l'article 143 et par l'un des paragraphes de l'article 148 du CPP sont remplies. L'article 151 dispose que le mandat de placement en détention provisoire de l'inculpé pris par le procureur, lequel mandat doit être rédigé sur la base de l'ordonnance visant cette mesure, doit indiquer, entre autres, les motifs concrets qui ont déterminé la privation de liberté. L'article 155 précise que la détention provisoire d'un inculpé peut être prorogée par le tribunal compétent si cela est nécessaire et seulement de manière motivée. 2. Les dispositions et la jurisprudence pertinentes en matière de compétence des juridictions et de nullité 43. Les dispositions pertinentes en la matière sont libellées comme suit : Article 43 § 6 (Conflit de compétence) « La juridiction qui décline sa compétence ou celle qui se considère compétente en cas de conflit de compétence prend les mesures et effectue les actes considérés comme urgents » Article 197 §§ 2 et 3 « 2) Les dispositions relatives à la compétence ratione materiae et ratione personae (...) sont prévues sous peine de nullité (...) 3) La nullité visée à l'alinéa précédent ne peut être couverte. Elle peut être soulevée à tous les stades de la procédure ainsi que d'office. » 44. Dans un arrêt du 6 septembre 2004, la Haute cour de cassation et de justice a jugé qu'il n'y a pas de conflit de compétence, et que donc l'article 43 du code de procédure pénale ne trouve pas à s'appliquer, en cas de prononcé d'un arrêt de cassation avec renvoi de l'affaire au tribunal compétent. Article 382 § 3 « Dans l'hypothèse où la juridiction de premier ressort a ordonné le placement ou le maintien de l'inculpé en détention provisoire (arestarea inculpatului), la juridiction d'appel peut confirmer cette mesure dans le cas où elle annule le jugement rendu en premier ressort. » 3. Les dispositions pertinentes en matière de recours contre un jugement insusceptible d'appel 45. Les dispositions pertinentes à l'époque des faits ainsi que celles entrées en vigueur le 6 septembre 2006 après la modification du CPP par la loi no 356/2006 sont décrites dans l'affaire Mircea c. Roumanie (no 41250/02, §§ 30-31, 29 mars 2007). Les dispositions légales ci-dessous sont également pertinentes : Article 3856 § 3 « Une juridiction saisie d'un recours contre une décision insusceptible d'appel doit examiner l'affaire sous tous ses aspects, quels que soient les moyens et les demandes des parties (...) » Article 3859 « Les décisions judiciaires sont susceptibles de recours dans les cas suivants : (...) 17. lorsque le fait reproché a reçu une qualification juridique erronée ; (...) 18. lorsque la juridiction a commis une erreur de fait manifeste. » 4. Les dispositions relatives aux écoutes téléphoniques et à l'enregistrement d'images 46. Les dispositions pertinentes en la matière, telles qu'elles étaient rédigées à l'époque des faits, avant la modification du CPP par la loi no 281/2003, ainsi qu'après cette modification, sont décrites dans l'arrêt Dumitru Popescu c. Roumanie (no 2) (no 71525/01, §§ 44 et suiv., 26 avril 2007). Les dispositions suivantes, qui se lisaient comme suit à l'époque des faits, sont également pertinentes en l'espèce: Article 913 « Les modalités et les conditions prévues aux articles 911 et 912 s'appliquent à tout autre enregistrement des communications sur bande magnétique, autorisées conformément à la loi. » Article 914 « Les dispositions de l'article 911 s'appliquent également dans le cas de l'enregistrement d'images et la procédure pour leur certification conforme est celle prévue par l'article 912 (...). » 5. L'article 4081 relatif au recours en révision dans le cas d'un arrêt de violation rendu par la Cour européenne des droits de l'homme 47. A la suite de la modification du CPP par la loi no 356/2006 entrée en vigueur le 6 septembre 2006, l'article en cause se lit ainsi dans sa partie pertinente : « 1. Les décisions définitives prononcées dans des affaires dans lesquelles la Cour européenne des Droits de l'Homme a constaté une violation des droits et libertés fondamentaux peuvent faire l'objet d'une révision si les conséquences graves de cette violation perdurent et ne peuvent être supprimées que par la révision de la décision en cause. 2. La révision peut être demandée par : a) la personne dont le droit a été méconnu ; (...) ». B. Le code pénal 48. A l'époque des faits, les dispositions pertinentes du code pénal étaient libellées comme suit : Article 64 « L'interdiction de l'un ou de plusieurs des droits mentionnés ci-dessous peut être imposée comme peine complémentaire : a) le droit de voter et d'être élu dans les organes de l'autorité publique ou à des fonctions électives publiques ; (...) d) les droits parentaux (...) » Article 71 « La peine accessoire consiste dans l'interdiction de tous les droits mentionnés à l'article 64. La détention à perpétuité ou toute autre peine privative de liberté entraîne automatiquement l'interdiction des droits prévus à l'alinéa précédent pour la période comprise entre la condamnation définitive et la fin de la détention ou l'intervention d'un décret de grâce qui dispense de l'exécution de la peine (...) ». 49. L'article 71 précité a été modifié par la loi no 278/2006 entrée en vigueur le 11 août 2006, l'application de la peine accessoire consistant dans l'interdiction du droit visé à l'article 64 d) étant désormais laissée à l'appréciation des juridictions chargées de la procédure pénale contre l'intéressé. L'entrée en vigueur du nouveau code pénal, qui a été adopté en 2004 et qui ne prévoyait pas la modification des articles 64 a) et d) et 71, a été ajournée à plusieurs reprises, la dernière fois jusqu'en septembre 2008, pour améliorer certaines de ses dispositions. A présent, un projet de nouveau code pénal est débattu au sein du Parlement roumain. C. Les dispositions de la loi no 360/2002 sur le statut du policier relatives à la suspension des fonctions 50. A l'époque des faits, après sa modification par l'ordonnance d'urgence du Gouvernement (ordonanţa de urgenţă) no 89 du 2 octobre 2003 (« OUG no 89/2003 »), entrée en vigueur le 14 octobre 2003, les dispositions de l'article 65 de cette loi étaient libellées comme suit : « 1) Dans le cas où un policier fait l'objet de poursuites pénales (...), son maintien en activité sera décidé à l'issue de la procédure à son encontre (...) (...) 3) Dans le cas où l'intéressé a été mis en détention provisoire (...) pour des délits ou des crimes (...) relatifs à son activité (...) ou concernant des faits de corruption, ainsi que pour tout autre délit commis avec intention, incompatible avec son activité de policier, l'intéressé est suspendu de ses fonctions. Il ne bénéficie pendant cette période d'aucun des droits prévus par la présente loi (...) 4) Dans le cas où une décision de non-lieu ou d'acquittement a été rendue en sa faveur, le policier sera rétabli dans tous ses droits antérieurs et recevra une compensation pour les droits dont il a été privé durant (...) la suspension de ses fonctions (...) » Avant la modification législative susmentionnée, l'article 65 ne prévoyait la suspension d'un policier de ses fonctions ainsi que de ses droits y relatifs que dans le cas de sa mise en détention provisoire. 51. Par une décision du 27 mai 2004, la Cour constitutionnelle a jugé que l'article 65 précité n'était pas contraire aux dispositions constitutionnelles garantissant la présomption d'innocence ou le droit au travail, puisque la suspension d'un policier de ses fonctions n'est qu'une mesure préventive et de sûreté et que rien n'empêche l'intéressé d'exercer une autre profession. D. Les opérations effectuées par le personnel d'un établissement pénitentiaire lors de la mise en liberté d'un détenu 52. Selon une lettre du 29 septembre 2005 envoyée au requérant par la prison de Jilava, les opérations nécessaires à la mise en liberté d'un détenu sont régies par le règlement intérieur de la prison et par un protocole conclu par les ministères de la Justice et de l'Administration publique et des Affaires intérieures. D'après la lettre du 4 janvier 2006 adressée au Gouvernement, en pratique, après avoir reçu du tribunal compétent un document télécopié ordonnant la mise en liberté du détenu, le personnel procède aux opérations administratives suivantes : enregistrement de la télécopie ordonnant l'élargissement au secrétariat et envoi au service administratif, lequel prend contact avec le tribunal pour confirmation et identifie le détenu ; rédaction des documents nécessaires à l'élargissement du détenu et présentation du dossier au directeur de la prison pour signature ; rédaction du tableau des détenus à libérer et remise du tableau aux autres services concernés (financier, organisation du travail, visites) ; information du surveillant en chef qui identifie le détenu dans sa cellule, fouille corporelle du détenu et accompagnement de ce dernier à l'accueil de la prison ; nouvelle vérification de l'identité du détenu au regard de son dossier personnel dans la prison, prise des empreintes et remise de ses effets personnels et de ses papiers d'identité ; accompagnement du détenu à la sortie de la prison.

EN DROIT

I. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION 53. Le requérant se plaint de l'illégalité de son placement et de son maintien en détention provisoire en vertu de l'ordonnance du procureur du 2 août 2002 et des jugements avant dire droit des 20 août, 19 septembre et 7 octobre 2002, en raison du défaut de compétence des autorités qui ont rendu ces décisions, de l'absence des motifs requis par les dispositions du CPP et du défaut de publication du règlement d'application de la loi no 23/1969 sur l'exécution des peines de prison, qui concernait également l'exécution de la détention provisoire. Il allègue aussi le manque de base légale de sa détention pendant seize heures le 27 septembre 2005. Le requérant invoque l'article 5 § 1 de la Convention dont les parties pertinentes sont ainsi libellées : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ; (...) c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ; (...) » A. Sur la détention du requérant entre le 2 août et le 19 novembre 2002 1. Sur la recevabilité 54. Pour autant que le requérant allègue la méconnaissance de l'article 5 § 1 de la Convention en raison du défaut de compétence du procureur pour procéder à son placement en détention provisoire le 2 août 2002, la Cour observe qu'à l'époque des faits, conformément à l'article 148 du CPP, le procureur était compétent pour ordonner une telle mesure (voir, mutatis mutandis, Ilie c. Roumanie (déc.), no 9369/02, 30 mars 2006), qui a été ensuite confirmée par un tribunal le 20 août 2002. S'agissant de l'absence de publication du règlement d'application de la loi no 23/1969 précitée, la Cour observe que le requérant n'a nullement indiqué de quelle manière l'absence de publication de ce règlement pourrait entacher d'illégalité son placement et son maintien en détention provisoire en vertu de l'ordonnance du procureur du 2 août 2002 et des décisions subséquentes des tribunaux. 55. Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 56. S'agissant des autres branches du grief, la Cour constate qu'elles ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'elles ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de déclarer le restant du grief recevable. 2. Sur le fond a) Thèses des parties 57. Le requérant fait valoir que ni l'ordonnance de placement en détention provisoire, rendue par le procureur le 2 août 2002, ni les décisions postérieures des tribunaux internes qui ont confirmé cette ordonnance n'ont fourni de motifs concrets pour justifier « le danger pour l'ordre public » que représenterait son maintien en liberté, alors que l'article 148 h) du CPP qui s'y réfère constituait la base légale de son placement en détention provisoire. Renvoyant à l'article 137 du CPP et à l'arrêt Pantea c. Roumanie (no 33343/96, §§ 222-223, CEDH 2003-VI (extraits)), le requérant considère que sa mise en détention provisoire n'a été ni « régulière » ni décidée « selon les voies légales », contrairement à ce qu'impose l'article 5 § 1 c) de la Convention. En outre, il note que les tribunaux internes n'ont pas fourni d'indices à l'appui de l'affirmation selon laquelle il aurait tenté d'influencer le déroulement de l'enquête. 58. Renvoyant aux faits résumés dans les paragraphes 15 à 20 ci-dessus, le requérant fait valoir que, malgré les dispositions de la loi no 360/2002, entrée en vigueur le 24 août 2002, qui prévoyait la compétence des juridictions ordinaires dans les affaires pénales concernant des policiers, le tribunal militaire de Bucarest, dans ses jugements avant dire droit des 19 septembre et 7 octobre 2002, s'est estimé compétent pour ordonner son maintien en détention provisoire, rejetant l'exception invoquée à ce titre. L'arrêt de la cour militaire d'appel de Bucarest du 7 décembre 2002 a confirmé le défaut de compétence des tribunaux militaires et a maintenu, en vertu de l'article 43 § 6 du CPP, la détention provisoire du requérant entre le 20 novembre et le 19 décembre 2002, mais n'a pas réparé la détention irrégulière susmentionnée. 59. Invoquant la jurisprudence de la Cour en la matière, le Gouvernement estime que les articles 137 et 148 h) du CPP étaient des dispositions légales claires et prévisibles et que, dans son arrêt avant dire droit du 20 août 2002, la cour militaire d'appel a examiné l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le procureur le 2 août 2002. La cour d'appel a retenu l'existence de preuves démontrant la culpabilité du requérant et la possibilité pour ce dernier, s'il était en liberté, d'agir pour empêcher l'établissement de la vérité dans l'affaire le concernant. S'agissant de l'existence du danger pour l'ordre public exigée par l'article 148 h) du CPP, le Gouvernement considère que ce danger consistait indubitablement dans les conditions concrètes dans lesquelles le requérant avait commis le délit de corruption passive. 60. S'agissant du défaut allégué de compétence du tribunal militaire pour prolonger la détention provisoire du requérant après l'entrée en vigueur de la loi no 360/2002, le Gouvernement renvoie aux conclusions de l'arrêt de la Cour suprême de justice du 17 janvier 2003 et aux dispositions des articles 382 (3) et 43 (6) du CPP et considère que la Cour suprême a jugé que le maintien du requérant en détention provisoire était conforme au droit interne, de sorte qu'il n'y pas violation de l'article 5 § 1. b) Appréciation de la Cour 61. La Cour observe qu'afin d'examiner la compatibilité de la détention du requérant avec l'article 5 § 1 de la Convention au regard des motifs fournis par le requérant, il est opportun de distinguer deux périodes : du 2 au 31 août 2002, à savoir la période couverte par l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le procureur, et du 21 septembre au 19 novembre 2002, à savoir la période pour laquelle le requérant a allégué le défaut de compétence du tribunal militaire de Bucarest pour le maintenir en détention provisoire. i. Détention du requérant du 2 au 31 août 2002 62. La Cour rappelle que les termes « régulièrement » et « selon les voies légales » qui figurent à l'article 5 § 1 précité renvoient pour l'essentiel à la législation nationale et consacrent l'obligation d'en observer les normes de fond comme de procédure. L'article 5 § 1 exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de cet article: protéger l'individu contre l'arbitraire (Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, § 50 ; Scott c. Espagne, arrêt du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, § 56). 63. Dès lors, toute décision prise par les juridictions internes dans la sphère d'application de l'article 5 doit être conforme aux exigences procédurales et de fond fixées par une loi préexistante. S'il incombe au premier chef aux autorités nationales, notamment aux tribunaux, d'interpréter et d'appliquer le droit interne au regard de l'article 5 § 1, l'inobservation du droit interne entraîne un manquement à la Convention et la Cour peut et doit vérifier si ce droit a été respecté (Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 171, CEDH 2004-II, et Pantea, précité, § 220). 64. En l'espèce, la Cour doit se pencher sur la question de savoir si la mise en détention provisoire du requérant par l'ordonnance du procureur du 2 août 2002 en vertu de l'article 148 h) du CPP a été effectuée « selon les voies légales ». La Cour rappelle qu'elle a déjà abouti à un constat de violation de l'article 5 § 1 dans une affaire où le Gouvernement avait admis que, lors du placement du requérant en détention provisoire en vertu de l'article 148 h) du CPP, le procureur n'avait pas énoncé les faits pour lesquels il estimait que le maintien en liberté de l'intéressé aurait présenté un danger pour l'ordre public, comme l'exigeaient les dispositions pertinentes en la matière (voir Pantea, précité, §§ 222 et 223 et les paragraphes 40-42 ci-dessus). Certes, une période de détention est en principe « régulière » si elle repose sur une décision judiciaire. Néanmoins, renvoyant à l'affaire Pantea précitée, la Cour estime qu'il lui appartient de vérifier le respect, par le procureur, de la condition précitée qui permettait le placement du requérant en détention en vertu de l'article 148 h) du CPP. 65. La Cour observe que, dans son arrêt du 20 août 2002, la cour militaire d'appel de Bucarest a fait droit au recours du parquet contre le jugement du tribunal militaire du 12 août 2002 constatant l'absence de danger pour l'ordre public, au motif que le procureur qui avait ordonné le placement en détention provisoire du requérant le 2 août 2002 avait envisagé la possibilité que ce dernier fît obstruction au déroulement de l'enquête et, par conséquent, à la recherche de la vérité. La Cour note toutefois que l'ordonnance du 2 août 2002, qui reproduisait le texte de l'article 148 h) du CPP, ne faisait aucune mention de la possibilité, pour l'intéressé, d'entraver la recherche de la vérité lors des poursuites à son encontre, motif qui aurait pu conduire à son placement en détention en vertu de l'article 148 d) du CPP. Par ailleurs, à supposer que la cour militaire d'appel ait entendu modifier la base légale du placement en détention provisoire du requérant pour se référer à l'article 148 d) du CPP, il convient de noter qu'elle n'a fourni aucun fait ou motif concret à l'appui de son affirmation (voir, a contrario, Gaidjurgis c. Lituanie (déc.), no 49098/99, 16 janvier 2001). Enfin, la Cour ne saurait accepter l'argument du Gouvernement qui estime que le danger pour l'ordre public qu'aurait représenté le maintien du requérant en liberté ressortait « indubitablement » de la manière dont l'intéressé avait commis le délit de corruption passive, dans la mesure où ni le procureur ni les juridictions internes n'ont avancé un tel motif à l'époque des faits. 66. Dans ces circonstances, la Cour estime que le Gouvernement n'a apporté aucun élément pertinent pour distinguer, sur ce point, la présente affaire de l'affaire Pantea précitée. Partant, la méconnaissance des « voies légales » par le procureur lors du placement en détention provisoire du requérant pour la période comprise entre le 2 et le 31 août 2002 a emporté violation de l'article 5 § 1 c) de la Convention. ii. Détention du requérant du 21 septembre au 19 novembre 2002 67. La Cour observe que la période de détention en question se fonde sur les jugements avant dire droit des 19 septembre et 7 octobre 2002 rendus par le tribunal militaire de Bucarest et que l'article 5 § 1 c) trouve à s'appliquer, à l'exception de la période comprise entre le 11 et le 19 novembre 2002 qu'il convient d'examiner sous l'angle de l'article 5 § 1 a) comme détention suivant la condamnation en premier ressort de l'intéressé par ce tribunal le 11 novembre 2002. Néanmoins, compte tenu du grief du requérant qui allègue le défaut de compétence du tribunal militaire de Bucarest, la Cour considère qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les trois décisions en question selon des critères différents, sachant que l'article 5 § 1 a) exige également que la privation de liberté résulte d'une décision juridictionnelle infligée par un tribunal compétent ayant l'autorité requise pour juger l'affaire (Dacosta Silva c. Espagne, no 69966/01, § 43, 2 novembre 2006). 68. La Cour rappelle qu'une période de détention est en principe régulière si elle a lieu en exécution d'une décision judiciaire. La constatation ultérieure d'un manquement par le juge peut ne pas rejaillir, en droit interne, sur la validité de la détention subie dans l'intervalle. C'est pourquoi la Cour se refuse toujours à accueillir des requêtes émanant de personnes reconnues coupables d'infractions pénales et qui tirent argument de ce que les juridictions d'appel ont constaté que le verdict de culpabilité ou la peine reposaient sur des erreurs de fait ou de droit (Benham c. Royaume-Uni, arrêt du 10 juin 1996, Recueil 1996-III, § 42). 69. En la présente affaire, la Cour doit se pencher sur la question de savoir si les jugements avant dire droit des 19 septembre et 7 octobre 2002 et le jugement du 11 novembre 2002 rendus par le tribunal militaire de Bucarest constituaient une base légale pour la privation de liberté du requérant, compte tenu notamment du défaut de compétence allégué par l'intéressé. A ce titre, la Cour rappelle que, pour déterminer si l'article 5 § 1 de la Convention a été respecté, il est opportun de faire une distinction fondamentale entre les titres de détention manifestement invalides - par exemple, ceux qui sont émis par un tribunal en dehors de sa compétence - et les titres de détention qui sont prima facie valides et efficaces jusqu'au moment où ils sont annulés par une autre juridiction interne (Benham précité, §§ 43 et 46 ; Lloyd et autres c. Royaume-Uni, nos 29798/96 et suivants, §§ 83, 108, 113 et 116, 1er mars 2005 ; Khoudoyorov c. Russie, no 6847/02, §§ 128-129, 8 novembre 2005). 70. La Cour note que le Gouvernement s'appuie sur l'arrêt avant dire droit de la Cour suprême de justice du 17 janvier 2003 et sur les articles 382 § 3 et 43 § 6 du CPP pour conclure que la détention du requérant après l'entrée en vigueur de la loi no 360/2002 était légale. Dans la mesure où, s'agissant de la période en cause, l'arrêt susmentionné a renvoyé pour l'essentiel à l'arrêt avant dire droit de la cour militaire d'appel du 7 décembre 2002, il convient d'examiner la portée de ce dernier arrêt sur la question de la compétence du tribunal militaire. 71. A cet égard, la Cour relève qu'en annulant le jugement du tribunal militaire du 11 novembre 2002 en raison du défaut de compétence des juridictions militaires à l'égard du requérant après le 24 août 2002, la cour militaire d'appel a toutefois appliqué en l'espèce l'article 43 § 6 du CPP, précisant qu'il convenait de maintenir la partie du dispositif du jugement qui ordonnait la détention du requérant entre le 20 novembre et le 19 décembre 2002 au motif que le tribunal « allait décliner sa compétence ». Force est de constater que la cour militaire d'appel a expressément conclu au défaut de compétence du tribunal militaire pour la période postérieure au 24 août 2002, soit celle pour laquelle ce dernier avait ordonné le maintien du requérant en détention provisoire dans les jugements des 19 septembre, 7 octobre et 11 novembre 2002, mais n'a repêché, par l'intermédiaire de l'article 43 § 6, du CPP que la période de détention du 20 novembre au 19 décembre 2002 non visée dans le présent grief. Dans la mesure où seule une interprétation étroite cadre avec les exigences de l'article 5 § 1, le texte de l'arrêt de la cour militaire d'appel du 7 décembre 2002 ne saurait se comprendre comme validant, de manière rétroactive, la détention du requérant du 21 septembre au 19 novembre 2001, à laquelle l'arrêt en cause ne fait aucune référence. Non seulement une validation rétroactive d'une détention ordonnée par un tribunal dépourvu de compétence serait contraire au droit interne et à l'article 5 § 1 de la Convention, mais encore la Cour observe qu'une telle interprétation se heurterait de surcroît en l'espèce au constat que le tribunal militaire a expressément rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le requérant le 19 septembre 2002 (paragraphe 15 ci-dessus). 72. Compte tenu du constat du défaut de compétence du tribunal militaire et du fait qu'il n'y a aucune autre décision judiciaire qui constituerait la base légale de la détention en question, la Cour considère que la détention du requérant entre le 21 septembre et le 19 novembre 2002 a enfreint les exigences de l'article 5 § 1 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Khoudoyorov, précité, §§ 164-166). Il y a eu donc violation de cet article. B. Sur la détention du requérant pendant seize heures le 27 septembre 2005 1. Sur la recevabilité 73. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. 2. Sur le fond a) Thèses des parties 74. Renvoyant à la jurisprudence de la Cour en la matière (Quinn c. France, arrêt du 22 mars 1995, série A no 311, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, CEDH 2000-IV), le requérant estime qu'il a été détenu plus de seize heures en l'absence de base légale avant d'être libéré en vertu du jugement du tribunal de première instance de Bucarest du 20 septembre 2005, devenu définitif le 26 septembre 2005 à minuit à défaut de recours formé par le parquet. En particulier, il juge excessifs le délai de trois heures écoulé avant que le tribunal précité n'informe la prison de Jilava du caractère définitif de ce jugement et le délai d'environ six heures nécessaire à l'administration de la prison pour accomplir les formalités en vue de son élargissement, estimant que la durée minimum nécessaire ne saurait être fonction du nombre de détenus libérés dans la journée en cause. Considérant que les autorités n'ont pas agi avec la diligence requise lorsqu'il s'agit de la liberté d'une personne afin de respecter le délai minimum pour l'exécution du jugement ordonnant sa libération conditionnelle, le requérant fait valoir également, en renvoyant à la lettre de l'administration du 4 janvier 2006, que le délai de déroulement des formalités en question n'est pas régi par la loi, laissant place à l'arbitraire des pratiques administratives. 75. Le Gouvernement estime que la période à prendre en considération pour examiner l'activité du tribunal de première instance de Bucarest est celle entre 8h00 et 10h51 du matin du 27 septembre 2005, délai nécessaire pour rédiger la lettre télécopiée adressée à la prison de Jilava. Par ailleurs, renvoyant aux affaires Quinn précitée et Giulia Manzoni (no 19218/91, Recueil 1997-IV), il considère qu'eu égard aux opérations à accomplir par l'administration pénitentiaire (paragraphe 52 ci-dessus) et au fait que d'autres détenus devaient être libérés le même jour, les autorités n'ont pas dépassé le délai inévitable pour exécuter le jugement de mise en liberté du requérant. b) Appréciation de la Cour 76. La Cour rappelle que la liste des exceptions au droit à la liberté figurant à l'article 5 § 1 revêt un caractère exhaustif et que seule une interprétation étroite cadre avec le but de cette disposition : assurer que nul ne soit arbitrairement privé de sa liberté (Labita, précité, § 170). Il lui incombe dès lors d'examiner des griefs relatifs à des retards d'exécution d'une décision de remise en liberté avec une vigilance particulière (Bojinov c. Bulgarie, no 47799/99, § 36, 28 octobre 2004). Par ailleurs, elle réaffirme que, si un certain délai pour l'exécution d'une décision de mise en liberté est souvent inévitable, encore faut-il qu'il soit réduit au minimum (Quinn, précité, p. 17, § 42, et Giulia Manzoni, précité, p. 1191, § 25). 77. En l'espèce, la Cour observe que les parties s'accordent sur le fait que le jugement du 20 septembre 2005 ordonnant la mise en liberté conditionnelle du requérant est devenu définitif et exécutoire le 26 septembre 2005, à minuit. La Cour rappelle que, pour examiner le délai d'exécution d'un jugement de mise en liberté, elle n'a pas écarté des périodes telles que le soir et la nuit dans d'autres affaires où les conditions requises pour la mise en liberté du requérant avaient été réunies à une heure où l'employé de la prison chargé de certaines opérations nécessaires à cette fin était absent en raison de ses horaires de travail (voir Labita, précité, §§ 24 et 172, et Rashid c. Bulgarie, no 47905/99, §§ 31-32 et 79-80, 18 janvier 2007). Si la situation en l'espèce est différente dans la mesure où la première démarche à accomplir, la notification à la prison du caractère définitif du jugement, devait être effectuée par le tribunal de première instance, à savoir un greffier et un juge délégués, à une heure de fermeture, la Cour estime toutefois que, même si tel délai peut passer pour inévitable, il incombait aux autorités de faire preuve d'une diligence particulière le 27 septembre 2005 afin de réduire au minimum le temps nécessaire à la libération du requérant qui avait déjà passé une nuit de plus en prison. 78. Or, compte tenu des éléments du dossier, la Cour n'est pas convaincue par la thèse du Gouvernement selon laquelle la prolongation de la détention du requérant jusqu'à 16h30 le 27 septembre 2005 a représenté le délai inévitable pour faire exécuter le jugement de mise en liberté du requérant. Ainsi, elle observe que la télécopie notifiant à la prison de Jilava le caractère définitif et exécutoire du jugement en question n'a été envoyée par le tribunal susmentionné qu'à 10h51 et que le temps nécessaire à la rédaction et à la signature de cette lettre ne saurait justifier un tel délai. Par ailleurs, s'il est certain qu'un certain délai s'impose pour accomplir les opérations et rédiger les documents relatifs à la mise en liberté d'un détenu, la Cour relève que, dans sa lettre du 4 janvier 2006, l'administration de la prison de Jilava a indiqué qu'il lui était impossible d'estimer le temps requis par ces opérations et a laissé entendre que la libération de quatre autres détenus le même jour a prolongé la durée nécessaire à la mise en liberté du requérant. 79. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la durée de la détention du requérant le 27 septembre 2005 ne répond pas au délai minimum inévitable dans l'exécution d'un jugement définitif ordonnant sa libération. La détention en cause ne saurait donc relever de l'un des alinéas de l'article 5 de la Convention. 80. Il s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1 à cet égard. II. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION 81. Le requérant se plaint qu'il n'a pas été traduit « aussitôt » devant un magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires après son placement en détention provisoire le 2 août 2002 et que les juridictions internes n'ont pas justifié la nécessité de le maintenir en détention provisoire, en se référant, notamment, à la période allant jusqu'au 19 novembre 2002. Il invoque à cet égard l'article 5 § 3 de la Convention, qui est ainsi libellé : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. » A. Sur la recevabilité 82. Pour autant que le grief relatif au défaut de justification de la nécessité de maintenir le requérant en détention concerne la période entre le 11 et le 19 novembre 2002, la Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, le terme final de la période visée à l'article 5 § 3 est « le jour où il est statué sur le bien-fondé de l'accusation, fût-ce seulement en premier ressort » (Labita, précité, § 147). Même si le Gouvernement n'invoque pas cet argument, la Cour se doit d'observer qu'après le jugement au fond du tribunal militaire de Bucarest du 11 novembre 2002, la détention postérieure de l'intéressé ne saurait relever de l'article 5 § 1 c) de la Convention, mais de l'article 5 § 1 a). Elle estime que ni le fait que la détention en question avait été initialement couverte par le jugement avant dire droit du 7 octobre 2002 maintenant le requérant en détention provisoire, ni même le constat ci-dessus du défaut de compétence du tribunal précité ne sauraient rendre applicable l'article 5 § 1 c) à la période concernée. Dans la mesure où la période de détention susmentionnée échappe au champ d'application de l'article 5 § 3, cette partie du grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 (voir, mutatis mutandis, B. c. Autriche, arrêt du 28 mars 1990, série A no 175, p. 14, §§ 36 et suiv., et Sardinas Albo c. Italie (déc.), no 56271/00, 8 janvier 2004). 83. S'agissant du restant des griefs, la Cour constate qu'ils ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que ces griefs ne se heurtent à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables. B. Sur le fond 1. Thèses des parties 84. S'appuyant sur la jurisprudence de la Cour en la matière (voir, entre autres, Belchev c. Bugarie, no 39270/98, § 82, 8 avril 2004, Trzaska c. Pologne, no 25792/94, § 65, 11 juillet 2000, et I.A. c. France, no 28213/95, § 104, CEDH 1998-VII) et renvoyant aux textes des décisions internes concernées, le requérant considère que les autorités n'ont pas rempli leur obligation de justifier de manière concrète la nécessité de son maintien en détention en vertu de l'article 148 h) du CPP, et, notamment, le danger pour l'ordre public qu'aurait constitué son maintien en liberté. Par ailleurs, les juridictions internes n'ont fourni aucune raison factuelle pour démontrer qu'il aurait essayé de faire obstruction aux poursuites, et la nécessité de finaliser l'enquête pénale ne saurait constituer en soi un motif pertinent et suffisant de détention provisoire d'un accusé. Enfin, les tribunaux ont examiné ensemble le maintien en détention du requérant et de son coïnculpé sans faire aucune distinction quant à leur situation personnelle. 85. Renvoyant aux décisions en question et à la jurisprudence de la Cour (voir, entre autres, Dinler c. Turquie, no 61443/00, § 51, 31 mai 2005 et Labita, précité, § 153), le Gouvernement considère que les tribunaux internes ont motivé de manière adéquate la nécessité du maintien en détention provisoire du requérant et qu'ils ont également pris en compte, lors des premières prolongations, le fait que les poursuites à son encontre n'étaient pas closes. Il estime que les motifs fournis par les tribunaux ne suivaient pas un modèle stéréotypé et qu'il n'y a pas eu de périodes d'inactivité dans les poursuites et considère que la période de détention en cause est inférieure à celle examinée par la Cour dans d'autres affaires où elle a conclu à la violation de l'article 5 § 3. 2. Appréciation de la Cour 86. L'objet de l'article 5 § 3, qui forme un tout avec le paragraphe 1 c) du même article (Lawless c. Irlande (no 3), arrêt du 1er juillet 1961, série A no 3, p. 52 § 14), consiste à offrir aux individus privés de leur liberté une garantie spéciale : une procédure judiciaire visant à s'assurer que nul n'est arbitrairement privé de sa liberté (Schiesser c. Suisse, arrêt du 4 décembre 1979, série A no 34, p. 13, § 30). La Cour l'a déclaré à de nombreuses reprises : l'article 5 § 3 de la Convention fournit aux personnes arrêtées ou détenues au motif qu'on les soupçonne d'avoir commis une infraction pénale des garanties contre la privation arbitraire ou injustifiée de liberté (voir, entre autres, l'arrêt Assenov et autres c. Bulgarie du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3298, § 146). L'article 5 § 3 a essentiellement pour objet d'imposer l'élargissement au moment où la détention cesse d'être raisonnable. 87. La Cour renvoie à ses conclusions ci-dessus (paragraphes 66 et 72) dans lesquelles elle estime que le requérant n'a pas été détenu « régulièrement », au sens de l'article 5 § 1, entre le 2 et le 31 août 2002 et entre le 21 septembre et le 19 novembre 2002. 88. La Cour rappelle que, dans d'autres affaires où elle a conclu à la violation de l'article 5 § 1 de la Convention au regard de certaines périodes de détention provisoire, elle a considéré qu'il ne s'imposait plus de statuer séparément sur le fond des griefs relatifs à la violation de l'article 5 § 3 qui portent sur ces mêmes périodes (voir, mutatis mutandis, Zervudacki c. France, no 73947/01, §§ 60-61, 27 juillet 2006, et Holomiov c. Moldova, no 30649/05, § 131, 7 novembre 2006). Partant, elle estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément en l'espèce le grief susmentionné du requérant selon lequel il n'aurait pas été traduit « aussitôt » devant un magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires après son placement en détention provisoire le 2 août 2002. 89. La Cour considère en revanche que, dans la mesure où le grief du requérant concernant l'omission des juridictions internes de justifier la nécessité de son maintien en détention porte également sur une période qui n'a pas été examinée sous l'angle de l'article 5 § 1, à savoir celle comprise entre le 1er et le 20 septembre 2002 inclus, elle se doit d'examiner ce grief tel qu'il a été formulé, tout en gardant à l'esprit la violation de l'article 5 § 1 constatée ci-dessus (voir, mutatis mutandis, Nakhmanovitch c. Russie, no 55669/00, § 75, 2 mars 2006). a) Principes se dégageant de la jurisprudence de la Cour 90. Il existe une présomption en faveur de la libération. Comme la Cour l'a dit dans l'affaire Neumeister c. Autriche (arrêt du 27 juin 1968, série A no 8, p. 37, § 4), le deuxième volet de l'article 5 § 3 n'offre pas aux autorités judiciaires une option entre la mise en jugement dans un délai raisonnable et une mise en liberté provisoire. Jusqu'à sa condamnation, la personne accusée doit être réputée innocente et la disposition analysée a essentiellement pour objet d'imposer la mise en liberté provisoire dès que le maintien en détention cesse d'être raisonnable. La poursuite de la détention ne se justifie donc dans une espèce donnée que si des indices concrets révèlent une véritable exigence d'intérêt public prévalant, nonobstant la présomption d'innocence, sur la règle du respect de la liberté individuelle fixée à l'article 5 de la Convention (voir, parmi d'autres, McKay c. Royaume-Uni [GC], no 543/03, §§ 41-42, CEHR 2006-...). C'est essentiellement sur la base des motifs figurant dans les décisions rendues par les juridictions internes à cet égard, ainsi que des faits non controversés indiqués par l'intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s'il y a eu ou non violation de l'article 5 § 3 de la Convention (Labita, précité, § 152 in fine). 91. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une détention ne se prête pas à une évaluation abstraite (Patsouria c. Georgie, no 30779/04, § 62, 6 novembre 2007). A cet égard, l'article 5 § 3 de la Convention ne saurait être interprété comme autorisant de manière inconditionnelle une détention provisoire pour autant qu'elle ne dépasse pas une certaine durée. Tout maintien en détention provisoire d'un accusé, même pour une courte durée, doit être justifié de manière convaincante par les autorités (voir, parmi d'autres, Chichkov c. Bulgarie, no 38822/97, § 66, CEDH 2003-I, et Musuc c. Moldova, no 42440/06, § 41, 6 novembre 2007). 92. Par ailleurs, une décision motivée des juridictions internes en la matière prouve que les parties ont été effectivement entendues. Elle permet à la partie intéressée de faire appel et donne à la juridiction d'appel la possibilité d'examiner la décision en question au regard des moyens ainsi soulevés. Ce n'est qu'en fournissant les motifs sur lesquels une décision se fonde que l'on peut permettre un contrôle public de l'administration de la justice (Suominen c. Finlande, no 37801/97, § 37, 1er juillet 2003). Par ailleurs, les arguments pour et contre la remise en liberté ne doivent pas être « généraux et abstraits » (voir, parmi d'autres, Smirnova c. Russie, nos 46133/99 et 48183/99, § 63, CEDH 2003-IX (extraits)). 93. Dans sa jurisprudence, la Cour a développé quatre raisons fondamentales acceptables pour la détention provisoire d'un accusé suspecté d'avoir commis une infraction : le danger de fuite de l'accusé (Stögmuller c. Autriche, arrêt du 10 novembre 1969, série A no 9, § 15) ; le risque que l'accusé, une fois remis en liberté, n'entrave l'administration de la justice (Wemhoff c. Allemagne, arrêt du 27 juin 1968, série A no 7, § 14), ne commette de nouvelles infractions (Matzenetter c. Autriche, arrêt du 10 novembre 1969, série A no 10, § 9) ou ne trouble l'ordre public (Letellier c. France, arrêt du 26 juin 1991, série A no 207, § 51 et Hendriks c. Pays-Bas (déc.), no 43701/04, 5 juillet 2007). 94. Le danger d'entrave au bon déroulement de la procédure pénale ne peut être invoqué de manière abstraite par les autorités, mais doit reposer sur des preuves factuelles (Becciev c. Moldova, no 9190/03, § 59, 4 octobre 2005). C'est aussi le cas des troubles à l'ordre public : si un tel motif peut entrer en ligne de compte au regard de l'article 5 dans des circonstances exceptionnelles et dans la mesure où le droit interne reconnaît cette notion, il ne saurait être considéré comme pertinent et suffisant que s'il repose sur des faits de nature à montrer que l'élargissement du détenu troublerait réellement l'ordre public (Letellier, précité, § 51). b) Application des principes au cas d'espèce 95. La Cour observe que, dans leurs décisions relatives à la détention provisoire du requérant jusqu'au 11 novembre 2002, les tribunaux internes ont jugé qu'il s'imposait de maintenir l'intéressé en détention au motif que les conditions prévues par l'article 148 h) étaient toujours valables, mentionnant également en subsidiaire la nécessité d'assurer le bon déroulement des poursuites et, après le renvoi en jugement par le parquet le 25 septembre 2002, du procès pénal. 96. La Cour rappelle que, s'agissant de la période allant du 2 au 31 août 2002, elle a constaté la violation de l'article 5 § 1 de la Convention vu que le procureur et, lors des recours, les juridictions internes n'ont pas rempli l'obligation prescrite par le droit interne de préciser, dans le cas du placement en détention fondé sur l'article 148 h) précité, les raisons pour lesquelles le maintien du requérant en liberté constituerait un danger pour l'ordre public (paragraphes 64-66 ci-dessus). 97. La Cour observe que, même à défaut d'une jurisprudence nationale toujours cohérente en la matière, les juridictions internes ont défini au cours du temps des critères et des éléments à prendre en compte dans l'examen de l'existence du « danger pour l'ordre public », dont la réaction publique déclenchée en raison des faits commis, l'état d'insécurité susceptible d'être généré par le maintien ou la mise en liberté de l'accusé, ainsi que le profil personnel de ce dernier (paragraphe 41 ci-dessus). Or, il convient de noter qu'en l'espèce, les décisions des tribunaux internes maintenant le requérant en détention pendant la période concernée n'ont pas fourni de raisons concrètes pour appuyer la thèse du « danger pour l'ordre public » et justifier, sur la base de l'article 148 h) du CPP, la nécessité de maintenir le requérant en détention. Ces décisions se sont limitées, pour l'essentiel, à reproduire le texte de cet article d'une manière stéréotypée et à ajouter également, de manière abstraite, la raison tenant au bon déroulement des poursuites (voir, mutatis mutandis, Patsouria, précité, § 71), tout en précisant que les mêmes motifs qui avaient déterminé le placement du requérant en détention, ceux visés à l'article 148 h) du CPP, demeuraient valables (paragraphes 14 à 16 ci-dessus). 98. Or, la Cour observe que la notion d' « entrave au bon déroulement des poursuites » est différente de celle de « danger pour l'ordre public », car elle est énoncée à l'article 148 d) du CPP et non à l'article 148 h) du CPP, lequel a constitué la base légale du maintien de l'intéressé en détention provisoire. Par ailleurs, la Cour relève qu'à aucun moment, les juridictions internes n'ont indiqué la manière concrète dont ces dispositions s'appliqueraient dans le cas du requérant et n'ont examiné les motifs invoqués par l'intéressé dès son placement en détention au regard de son profil personnel et de sa situation familiale, alors que l'article 136 du CPP prévoyait que de tels motifs devaient être pris en compte, parmi d'autres, dans le choix de la mesure provisoire la plus appropriée (paragraphes 12, 14 et 40 ci-dessus et, mutatis mutandis, Becciev, précité, § 62). A cet égard, la Cour rappelle que, selon l'article 5 § 3, les autorités doivent prendre en considération des mesures alternatives à la détention provisoire pour autant que l'accusé fournisse des garanties quant à sa comparution au procès. Toutefois, sans justifier de manière concrète l'entrave apportée par le requérant au bon déroulement des poursuites ou invoquer le risque qu'il ne comparaisse pas à l'instance, les tribunaux internes n'ont à aucun moment examiné en l'espèce la possibilité d'adopter l'une des mesures alternatives prévues par le droit interne (Patsouria, précité, §§ 75-76). 99. Le bref renvoi, dans l'arrêt avant dire droit de la cour d'appel de Bucarest du 31 octobre 2002 rendu à la fin de la période concernée, à la gravité des faits commis, à la manière dont les accusés les auraient perpétrés et à la qualité de ces derniers, ne saurait suppléer le défaut de motivation susmentionnée, car il est de nature à soulever encore plus de questions que de réponses quant au rôle de ces éléments dans l'existence alléguée d'un danger pour l'ordre public en l'espèce. En particulier, la Cour rappelle avoir déjà jugé qu'il incombe aux tribunaux internes de motiver de manière concrète, sur la base des faits pertinents, les raisons pour lesquelles l'ordre public serait effectivement menacé dans le cas où l'accusé comparaît libre (voir, mutatis mutandis, Letellier, précité, § 51). Sachant que les juridictions internes doivent respecter la présomption d'innocence lors de l'examen de la nécessité de prolonger la détention provisoire d'un accusé, il convient de rappeler que le maintien en détention ne saurait servir à anticiper sur une peine privative de liberté en s'appuyant essentiellement et de manière abstraite sur la gravité des faits commis (voir, mutatis mutandis, Patsouria, § 72, et Letellier, § 51, précités). 100. Enfin, la Cour observe que, dans toutes les décisions en question, les juridictions internes ont prolongé la détention provisoire du requérant par une formule globale qui concernait à la fois l'intéressé et son coïnculpé, sans répondre aux arguments invoqués séparément par chacun d'eux et sans avoir égard à leur situation particulière. Elle considère qu'une telle approche n'est pas compatible avec les garanties prévues par l'article 5 § 3 de la Convention dans la mesure où elle permet de maintenir plusieurs personnes en détention sans un examen au cas par cas des motifs justifiant la nécessité de prolonger la détention (voir, mutatis mutandis, Dolgova c. Russie, no 11886/05, § 49, 2 mars 2006). 101. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime que, en ne présentant pas des faits concrets quant aux risques encourus en cas de mise en liberté de l'intéressé et en ne prenant pas en compte des mesures alternatives ainsi qu'en choisissant de s'appuyer principalement sur la gravité des faits commis et de ne pas examiner individuellement la situation du requérant, les autorités n'ont pas fourni des motifs « pertinents et suffisants » pour justifier la nécessité de le maintenir en détention provisoire pendant la période en cause. Dans ces circonstances, il n'est pas nécessaire de rechercher de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (Dolgova, précité, § 50 in fine). 102. Il s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention. III. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 6 §§ 1 ET 3 DE LA CONVENTION 103. Le requérant se plaint de l'iniquité de la procédure pénale devant la Cour de cassation, au motif que, sans l'entendre ou interroger les témoins, elle l'a condamné le 18 juin 2004 sur la base des preuves jugées insuffisantes et contradictoires par la cour d'appel de Bucarest dans sa décision de relaxe rendue en premier ressort et, principalement, sur la base de la dénonciation faite par C.J. sans l'assistance d'un interprète. Par ailleurs, la Cour de cassation n'a pas sanctionné par la nullité le recours formé par un parquet autre que le PNA compétent et ne lui a pas appliqué des circonstances atténuantes lors de l'établissement de sa peine en raison de son refus de s'incriminer soi-même. Le requérant allègue une violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) 3. Tout accusé a droit notamment à (...) d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge (...) » A. Sur la recevabilité 104. La Cour constate que cette partie de la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable. B. Sur le fond 105. S'agissant de l'absence d'audition du requérant par la Cour suprême de justice, le Gouvernement indique être conscient de la jurisprudence de la Cour depuis l'affaire Constantinescu c. Roumanie (no 28871/95, CEDH 2000-VIII) et attire l'attention sur la modification du CPP (paragraphe 45 ci-dessus). Pour ce qui est du fait que la Cour de cassation n'a pas interrogé directement les témoins à charge et à décharge, le Gouvernement note que ces témoins avaient été entendus en premier ressort et que l'intéressé n'a pas sollicité de la Cour de cassation qu'ils le soient à nouveau, et considère que la condamnation du requérant ne se fondait pas uniquement ou de façon déterminante sur ces témoignages mais sur l'ensemble du dossier. 106. Le requérant renvoie à l'arrêt Constantinescu susmentionné et fait valoir le caractère similaire du grief tiré en l'espèce du défaut d'audition par la Cour de cassation, alors qu'il avait invoqué son innocence et avait été relaxé en première instance. S'agissant du fait que la Cour de cassation l'a condamné sans interroger les témoins, et en particulier C.J., qui l'avait dénoncé, il se réfère à l'affaire Ekbatani c. Suède (arrêt du 26 mai 1988, série A no 134, p. 14, § 32), en soulignant que la juridiction qui statue en dernier ressort sur des questions de fait et de droit a l'obligation d'interroger le plaignant. Par ailleurs, le requérant avance qu'il avait été relaxé en première instance, que l'audience du 10 juin 2004 a porté exclusivement sur la recevabilité du pourvoi du parquet et qu'il incombait à la Cour de cassation de respecter les exigences du procès équitable et de procéder à une nouvelle audition des témoins si elle choisissait, après l'audience en cause, de casser la décision de relaxe et de rendre un arrêt sur le fond de l'affaire, sans renvoyer le dossier pour un nouvel examen en première instance. 107. La Cour rappelle avoir déjà jugé que la condamnation d'un accusé pour la première fois en dernière instance seulement par une juridiction qui, sans l'entendre, a été amenée à connaître de l'affaire en fait et en droit et a étudié la question de la culpabilité ou de l'innocence de l'intéressé qui soutenait n'avoir pas commis l'acte tenu pour une infraction pénale, enfreint l'équité de la procédure garantie par l'article 6 § 1 de la Convention (voir, parmi d'autres, Ekbatani c. Suède, arrêt du 26 mai 1988, série A no 134, § 32 ; Constantinescu, précité, §§ 59-61 ; et Mircea c. Roumanie, no 41250/02, §§ 48 et suiv., 29 mars 2007). 108. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère, avec les parties, que la situation en l'espèce est similaire. En effet, par son arrêt du 18 juin 2004, la Cour de cassation a condamné le requérant, sans l'entendre, alors même qu'elle a connu l'affaire en fait et en droit et a renversé la décision de relaxe rendue en première instance par la cour d'appel de Bucarest. A cet égard, dans le respect des garanties de l'équité de la procédure, la Cour de cassation aurait dû entendre le requérant présent pendant les débats, en prenant des mesures positives à cette fin, ou s'assurer, le cas échéant, qu'il avait renoncé à ce droit de manière non équivoque et qu'une telle renonciation était entourée des garanties nécessaires et ne heurtait aucun intérêt public (voir, mutatis mutandis, Constantinescu, précité, § 59, et Botten c. Norvège, arrêt du 9 février 1996, Recueil 1996-I, § 53). Or, la Cour note que le Gouvernement ne soutient pas qu'il y a eu renonciation du requérant à son droit d'être entendu en personne. En outre, tout en se félicitant des modifications du CPP présentées par le Gouvernement, qui enjoignent aux juridictions statuant sur recours d'entendre l'accusé dans une telle situation, la Cour note que ces modifications sont entrées en vigueur le 6 septembre 2006, soit après l'arrêt rendu en l'espèce par la Cour de cassation. 109. Dès lors, la Cour estime que, eu égard à la natures des questions que la Cour de cassation devait examiner, la condamnation du requérant prononcée sans qu'il soit entendu en personne et, de surcroît, après une décision de relaxe rendue en première instance, est contraire aux exigences d'un procès équitable. Il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention. 110. Compte tenu du constat de violation du droit du requérant à un procès équitable, la Cour estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner de surcroît au fond les autres griefs invoqués par l'intéressé, qui concernent tous la procédure devant la Cour de cassation (voir, parmi d'autres, Mircea, précité, § 55, et Muttilainen c. Finlande, no 8358/02, § 28, 22 mai 2007). IV. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION 111. Le requérant dénonce plusieurs violations de son droit au respect de sa vie privée et familiale qui découleraient de l'interception de ses conversations téléphoniques et de sa surveillance illégales par les services spéciaux entre le 15 et le 23 juillet 2002, de sa suspension de ses fonctions de policier en vertu de l'article 65 de la loi no 360/2002 et du fait qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2004, il s'est vu interdire de manière automatique l'exercice de ses droits parentaux sur son enfant mineur pendant l'exécution de sa peine de prison. Il invoque l'article 8 de la Convention, qui est libellé comme suit : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » A. Sur la violation alléguée en raison de l'interception et de l'enregistrement des conversations téléphoniques et de sa surveillance par les services spéciaux 1. Interception et enregistrement des conversations téléphoniques a) Sur la recevabilité 112. Les parties n'ont pas présenté d'observations à cet égard. 113. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. b) Sur le fond i. Thèses des parties 114. Le requérant considère que l'interception et l'enregistrement de ses conversations téléphoniques par les services spéciaux sur la base des autorisations du procureur des 15 et 18 juillet 2002 constituent une ingérence qui n'est pas prévue par la loi au sens de l'article 8 § 2 de la Convention. A cet égard, il invoque l'absence de précision des articles 911 - 914 du CPP tels qu'ils étaient rédigés à l'époque des faits. En tout état de cause, il conteste la nécessité de l'ingérence, estimant que les garanties prévues à l'époque par le CPP en la matière étaient insuffisantes. En particulier, il fait valoir que le procureur militaire qui avait autorisé l'ingérence n'offrait pas de garanties d'indépendance et d'impartialité, que le CPP ne prévoyait pas de contrôle de l'autorisation en cause et qu'il n'y avait pas de possibilité, pour l'accusé, de consulter la partie des enregistrements non indiquée dans le procès-verbal consignant les conversations jugées pertinentes par le tribunal ni d'obligation, pour les autorités, d'informer, avant la clôture des poursuites, la personne ayant fait l'objet d'une mesure d'interception, à la différence de ce que prévoyaient les articles 912 § 4 et 913 § 6 après la modification du CPP en 2003 (voir Dumitru Popescu, précité, § 45). 115. En ce qui concerne l'absence de nécessité de l'ingérence, le requérant fait observer que l'autorisation du procureur du 15 juillet 2002 ne précisait pas exactement les postes téléphoniques soumis à l'interception des conversations téléphoniques, puisqu'elle contenait le mot « également », et que les deux autorisations des 15 et 18 juillet 2002 ne justifiaient pas la nécessité de l'ingérence par rapport à d'autre moyens que le parquet aurait pu employer. Il estime que les autorités pouvaient ainsi écouter plusieurs postes utilisés par lui ou par sa famille. Soutenant qu'il a été condamné sur la base de la conversation téléphonique du 17 juillet 2002, dont l'interception en vertu de l'autorisation du 15 juillet 2002 serait illégale, il fait valoir avoir invoqué à plusieurs reprises, sans succès, le caractère abusif de l'interception de ces conversations (paragraphes 23 et 31 in fine, ci-dessus). 116. Le Gouvernement avance que l'ingérence en question était prévue par la loi, à savoir les articles 911-914 du CPP, et que ces dispositions contiennent des garanties suffisantes quant à la nature, à l'étendue et à la durée des mesures d'interception, aux raisons requises pour permettre de telles mesures et aux autorités compétentes pour les ordonner, les exécuter et les contrôler, et mentionnent le type de recours existant en droit interne, le mode de consignation du contenu des conversations et la possibilité de vérifier le moyen de preuve en cause. Le Gouvernement considère qu'en l'espèce l'ingérence était nécessaire, l'interception des conversations téléphoniques étant réalisée dans le but de prévenir et de punir des infractions, et qu'elle était aussi proportionnée au but légitime recherché puisque les autorités n'auraient pas pu obtenir les renseignements en question par des moyens moins restrictifs du droit du requérant au respect de sa vie privée. ii. Appréciation de la Cour α) Sur l'existence d'une ingérence 117. Les communications téléphoniques se trouvant comprises dans les notions de « vie privée » et de « correspondance » au sens de l'article 8 § 1 précité, leur interception, la mémorisation des données ainsi obtenues et leur éventuelle utilisation dans le cadre des poursuites pénales dirigés contre le requérant s'analysent en une « ingérence d'une autorité publique » dans l'exercice du droit que lui garantissait l'article 8 (voir, parmi d'autres, les arrêts Malone c. Royaume-Uni du 2 août 1984, série A no 82, p. 30, § 64 ; Kruslin c. France et Huvig c. France du 24 avril 1990, série A no 176-A et 176-B, p. 20, § 26, et p. 52, § 25, Halford c. Royaume-Uni du 25 juin 1997, Recueil 1997-III, pp. 1016-1017, § 48). Ce point n'a d'ailleurs pas prêté à controverse en l'espèce. β) Sur la justification de l'ingérence L'ingérence était-elle « prévue par la loi » ? 118. Il convient de rappeler à cet égard que l'expression « prévue par la loi » impose non seulement le respect du droit interne, mais concerne aussi la qualité de la loi, qui doit être compatible avec le principe de la prééminence du droit (Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, § 26, CEDH 2000-V). Dans le contexte de la surveillance secrète exercée par les autorités publiques, le droit interne doit offrir une protection contre l'ingérence arbitraire dans l'exercice du droit d'un individu protégé par l'article 8. En outre, la loi doit user de termes assez clairs pour indiquer aux individus de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite les autorités publiques à prendre pareilles mesures secrètes (Malone, précité, § 67 ; Weber et Saravia c. Allemagne (déc.), no 54934/00, § 93, CEDH 2006-...). Si l'on ne peut jamais, quel que soit le système, écarter complètement l'éventualité de l'action irrégulière d'un fonctionnaire malhonnête, négligent ou trop zélé, ce sont la probabilité d'une telle action et les garanties fournies pour se protéger contre elle qui importent aux fins du contrôle de la Cour en l'espèce (Klass et autres c. Allemagne, arrêt du 6 septembre 1978, série A no 28, § 59). 119. En l'espèce, la Cour observe que les parties s'accordent sur le fait que la base légale de l'ingérence était constituée par les articles 911-914 du CPP, le requérant contestant le caractère « prévisible » des dispositions légales en cause et notamment l'absence, à l'époque des faits, de garanties suffisantes contre l'arbitraire. 120. La Cour rappelle avoir déjà examiné les dispositions légales en matière d'interception des conversations téléphoniques pertinentes en Roumanie avant la modification du CPP par la loi no 281/2003 dans une affaire où elle a conclu que l'examen minutieux des exigences de la législation roumaine applicable et des obstacles de fait potentiellement rencontrés par toute personne s'estimant lésée par une mesure d'interception de ses communications révèle des insuffisances incompatibles avec le degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique (Dumitru Popescu, précité, §§ 69 in fine et suiv.). Il est néanmoins important d'observer que, dans l'affaire en question, l'examen de la Cour a porté à la fois sur les dispositions pertinentes de la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale, la mise sur écoute en l'espèce ayant été fondée sur l'article 13 de cette loi, et sur les articles susmentionnés du CPP, qui constituaient le droit commun en la matière et complétaient la loi no 51/1991 précitée. Dès lors, la Cour considère nécessaire en l'espèce d'examiner ci-après l'existence des garanties exigées par l'article 8 § 2 de la Convention exclusivement à la lumière des articles 911-914 du CPP. 121. Comme sauvegardes minimales, nécessaires pour éviter les abus, qui doivent figurer dans la loi, la jurisprudence de la Cour mentionne : la définition des catégories de personnes susceptibles d'être mises sur écoute judiciaire ; la nature des infractions pouvant y donner lieu ; la fixation d'une limite à la durée de l'exécution de la mesure ; les conditions d'établissement des procès-verbaux de synthèse consignant les conversations interceptées ; les précautions à prendre pour communiquer, intacts et complets, les enregistrements réalisés, aux fins de contrôle éventuel par le juge et par la défense ; les circonstances dans lesquelles peut ou doit s'opérer l'effacement ou la destruction desdites bandes, notamment après un non-lieu ou une relaxe (Valenzuela Contreras c. Espagne, arrêt du 30 juillet 1998, Recueil 1998-V, § 46 in fine, p. 1925). Il convient également de prendre en compte d'autres garanties, comme celle exigeant que la mesure soit autorisée et sa mise en application contrôlée par une autorité indépendante, notamment pas un magistrat (Kruslin, précité, § 34, et Dumitru Popescu, précité, §§ 70 à 77). 122. La Cour observe d'abord qu'à l'époque des faits, le procureur compétent pouvait autoriser l'interception et l'enregistrement des conversations téléphoniques si, en présence d'indices convaincants de la préparation ou de la commission d'une infraction pour laquelle des poursuites pénales ont lieu ex officio, cette mesure apparaissait « utile » à la recherche de la vérité (article 911 du CPP). Elle note qu'en droit roumain, la plupart des infractions, nonobstant leur gravité, sont poursuivies ex officio, à l'exception de celles pour lesquelles le CPP prévoit la nécessité d'une plainte pénale préalable de la victime ou de la saisine ou de l'accord d'une autorité compétente (infractions commises par les membres du Gouvernement, certaines infractions concernant la discipline militaire etc.). Surtout, la Cour observe que la mesure en question était de la compétence exclusive du procureur et qu'en l'espèce, le procureur ayant autorisé l'interception des conversations téléphoniques utilisées ensuite comme moyens de preuve a également rédigé le réquisitoire de renvoi en justice du requérant. Il s'agissait là assurément d'une mesure portant gravement atteinte au droit au respect de la vie privée des particuliers et laissée à la discrétion du procureur. Or, la Cour rappelle avoir déjà constaté le défaut d'indépendance des procureurs roumains qui, agissant en qualité de magistrats du ministère public, ne remplissaient pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif (Dumitru Popescu, précité, § 71). 123. La Cour rappelle également avoir conclu à l'absence, à l'époque des faits, de tout contrôle a priori de l'autorisation du procureur de la part d'un juge ou d'une autre autorité indépendante, ainsi que de tout contrôle a posteriori du bien-fondé de l'autorisation en question (Dumitru Popescu, précité, §§ 72 à 76). Elle observe que le Gouvernement n'a fourni aucun élément susceptible de la conduire à une conclusion différente en l'espèce. A ce titre, il convient de noter qu'après avoir estimé, dans un premier temps, que le requérant n'était même pas victime d'une ingérence du fait de l'interception de ses conversations téléphoniques, les juridictions internes n'ont nullement répondu à ses arguments concernant, entre autres, l'illégalité de l'ingérence en question (paragraphes 23 et 33 ci-dessus). 124. Ensuite, la Cour relève que le CPP n'obligeait pas le procureur à préciser dans l'autorisation les numéros de téléphone mis sur écoute, lesquels ne devaient figurer que dans les procès-verbaux rédigés après l'enregistrement des conversations téléphoniques (Dumitru Popescu, précité, §§ 44 et 78). En l'espèce, elle observe que l'autorisation du 15 juillet 2002, tout en se référant à l'interception des conversations téléphoniques du requérant, de R.P. et de C.J., ordonnait la mise sur écoute « également » des téléphones portables de ces derniers, de sorte que l'objet de l'autorisation n'apparaissait pas clairement circonscrit. Enfin, la Cour observe qu'à l'époque des faits, les articles 911-914 du CPP ne contenaient aucune précision concernant les circonstances dans lesquelles les informations obtenues par écoutes téléphoniques pouvaient être détruites (Dumitru Popescu, précité, § 79, et Kruslin, précité, § 35). 125. Ayant observé ci-dessus l'absence, à l'époque des faits, dans les dispositions internes pertinentes de plusieurs des garanties minimales nécessaires pour éviter les abus des autorités dans une matière aussi sensible que celle des écoutes téléphoniques, la Cour considère qu'il n'est pas nécessaire d'examiner le respect des autres sauvegardes pour conclure que les dispositions en cause présentaient des insuffisances incompatibles avec le degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique. Certes, ces dispositions ont été modifiées notamment par la loi no 281/2003 afin d'y prévoir de nombreuses garanties en matière d'interception et de transcription des communications, d'archivage des données pertinentes et de destruction de celles qui ne le sont pas (Dumitru Popescu, précité, §§ 45-46 et 82), mais ce nouveau cadre législatif, postérieur aux faits de l'espèce, ne saurait influer sur la conclusion de la Cour dans la présente affaire. 126. Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention. 2. Surveillance par les services spéciaux a) Thèses des parties 127. Le requérant estime que la surveillance secrète par les services spéciaux dont il a fait l'objet les 22 et 23 juillet 2002 constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée et avance que cette mesure n'avait pas de base légale, notant que ni le procureur, le 22 juillet 2002, ni le Gouvernement dans ses observations n'en indiquent une. S'agissant de l'enregistrement d'images prévu par l'article 915 du CPP auquel renvoie le Gouvernement, il relève qu'il n'y en a pas eu en l'espèce, les autorités ne lui ayant jamais indiqué l'existence de tels enregistrements. 128. Dans ses observations, le Gouvernement présente simultanément ses arguments sur l'enregistrement des conversations téléphoniques et sur l'enregistrement d'images, sans contester l'existence d'une ingérence ou fournir des détails relatifs aux éventuelles photos représentant le requérant prises par les autorités. S'agissant de la surveillance de l'intéressé, il considère que l'obtention d'images présupposait la surveillance des activités du requérant et que la demande du parquet du 22 juillet 2002 reposait implicitement sur l'autorisation du 15 juillet 2002 concernant l'enregistrement d'images. Il note que le requérant n'a pas été surveillé le 23 juillet 2002, puisque ce jour-là les services spéciaux ont mis en scène le flagrant délit de R.P. Enfin, pour ce qui est de la légalité et de la proportionnalité de l'ingérence, le Gouvernement renvoie aux arguments présentés précédemment sur la mise sur écoute. b) Appréciation de la Cour 129. La « vie privée » est une notion large qui ne se prête pas à une définition exhaustive. Cette disposition protège, entre autres, le droit à l'identité et au développement personnel ainsi que le droit, pour tout individu, de nouer et développer des relations avec ses semblables et le monde extérieur. Il existe donc une zone d'interaction entre l'individu et autrui qui, même dans un contexte public, peut relever de la « vie privée ». A ce titre, dans l'arrêt P.G. et J.H. c. Royaume-Uni (no 44787/98, § 57, CEDH 2001-IX), la Cour a observé également ce qui suit : « Un certain nombre d'éléments entrent en ligne de compte lorsqu'il s'agit de déterminer si la vie privée d'une personne est touchée par des mesures prises en dehors de son domicile ou de ses locaux privés. Puisqu'à certaines occasions les gens se livrent sciemment ou intentionnellement à des activités qui sont ou peuvent être enregistrées ou rapportées publiquement, ce qu'un individu est raisonnablement en droit d'attendre quant au respect de sa vie privée peut constituer un facteur significatif, quoique pas nécessairement décisif. Une personne marchant dans la rue sera forcément vue par toute autre personne qui s'y trouve aussi. Le fait d'observer cette scène publique par des moyens techniques (par exemple un agent de sécurité exerçant une surveillance au moyen d'un système de télévision en circuit fermé) revêt un caractère similaire. En revanche, la création d'un enregistrement systématique ou permanent de tels éléments appartenant au domaine public peut donner lieu à des considérations liées à la vie privée. » 130. La surveillance des faits et gestes d'une personne dans un lieu public au moyen d'un dispositif photographique ne mémorisant pas les données visuelles ne constitue pas en elle-même une forme d'ingérence dans la vie privée (voir, par exemple, Herbecq et autre c. Belgique, requêtes no 32200/96 et 32201/96, décision de la Commission du 14 janvier 1998, DR 92-A, p. 92). En revanche, le fait de recueillir systématiquement de telles données et de les mémoriser peut soulever des questions liées à la vie privée (voir, par exemple, les arrêts Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, §§ 43-44, CEDH 2000-V et Amann c. Suisse [GC] no 27798/95, §§ 65-67, CEDH 2000-II). Par ailleurs, après l'examen des moyens législatifs et juridictionnels mis à la disposition d'un requérant, la Cour a conclu au respect par les autorités de leurs obligations positives découlant du respect effectif de la vie privée dans une affaire où l'intéressé avait fait l'objet d'une surveillance visuelle, englobant également la prise de photos et d'images vidéo, de la part de détectives privées employés par une compagnie d'assurances (Verlière c. Suisse (déc.), no 41593/98, CEDH 2001-VII). 131. En l'espèce, la Cour observe que la prise et l'enregistrement d'images du requérant ont été autorisées par un procureur le 15 juillet 2002 et qu'ensuite le parquet a sollicité l'assistance des services spéciaux pour la surveillance des activités de l'intéressé les 22 et 23 juillet 2002, indiquant le numéro d'immatriculation de sa voiture. Les parties conviennent que le requérant a été surveillé au moins le 22 juillet 2002. Si le Gouvernement indique que cette surveillance a eu pour but l'obtention d'images, le requérant fait observer qu'il n'y a pas eu d'enregistrement d'images et soutient qu'il y a eu ingérence dans son droit au respect de sa vie privée du simple fait de sa surveillance par les services spéciaux. 132. La Cour relève que les opérations de surveillance visaient l'observation des activités du requérant et de R.P. et éventuellement l'enregistrement photo et vidéo de celles-ci (paragraphe 9 ci-dessus). Par ailleurs, il convient de remarquer que les parties n'ont fourni aucun élément permettant de penser que les activités surveillées se sont déroulées ailleurs que dans des lieux accessibles au public. Tout en notant la position du Gouvernement, la Cour ne saurait négliger l'observation du requérant quant à l'inexistence d'enregistrement d'images à son sujet, vu que l'intéressé a eu accès à l'intégralité du dossier pénal, et elle estime qu'il n'y a pas lieu de spéculer sur ce point. De toute manière, la Cour constate que le grief du requérant porte sur la surveillance par les services spéciaux qui constituerait en elle-même une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée. Or, en renvoyant à la jurisprudence précitée et aux circonstances de l'espèce, la Cour estime que la simple surveillance des activités du requérant qui se sont déroulées en public, pendant une brève durée de temps, sans que les autorités enregistrent et mémorisent les données visuelles observées ne saurait constituer en elle-même une forme d'ingérence dans la vie privée. 133. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. B. Sur la violation alléguée en raison de la suspension du requérant de ses fonctions d'officier de police 134. Le Gouvernement soutient d'abord que la suspension de fonctions ne relève pas de l'article 8 de la Convention qui ne doit pas s'appliquer ratione materiae en l'espèce. En subsidiaire, il considère que la mesure en cause était prévue par la loi, à savoir l'article 65 de la loi no 365/2002 sur le statut du policier tel que modifié par l'OUG no 89/2003 et qu'elle poursuivait le but légitime de la protection de l'institution de la police contre le danger de poursuite par l'intéressé de l'activité délictuelle dont il était accusé. Par ailleurs, cette mesure était aussi proportionnée au but susmentionné, puisque l'article 65 précité prévoyait le rétablissement du requérant dans ses droits ainsi que son indemnisation pour le préjudice subi du fait de la suspension, dans le cas d'une décision de non-lieu ou de relaxe. 135. Après avoir initialement avancé, comme grief, la suspension de ses fonctions de policier en dépit de l'arrêt de relaxe du 18 mars 2003, le requérant indique, dans ses observations, qu'il dénonce le maintien d'une telle mesure même après l'arrêt précité, ce qui a eu des conséquences disproportionnées sur sa vie privée. En réponse à l'exception du Gouvernement, le requérant renvoie à la décision de recevabilité de la Cour dans l'affaire Karov c. Bulgarie (no 45964/98, 1er février 2005). Sans contester la base légale invoquée par le Gouvernement, il fait observer qu'après sa modification par l'OUG no 89/2003, l'article 65 de la loi no 365/2002 ne respecte plus l'exigence de nécessité dans une société démocratique et de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. 136. La Cour rappelle que, si elle a jugé que la notion de « vie privée » n'exclut pas en principe les activités de nature professionnelle ou commerciale, puisque c'est dans le domaine du travail que les gens nouent un grand nombre de relations avec le monde extérieur (Niemietz c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 251-B, § 29), elle a également dit que le refus d'embauche dans la fonction publique ne peut en tant que tel constituer le fondement d'un grief tiré de la Convention (arrêts Glasenapp c. Allemagne et Kosiek c. Allemagne du 28 août 1986, respectivement série A no 104, p. 26, § 49, et série A no 105, p. 20, § 35). Elle a réaffirmé ce principe dans l'arrêt Vogt c. Allemagne du 26 septembre 1995 (série A no 323, pp. 22-23, §§ 43-44). Par ailleurs, dans l'affaire Thlimmenos c. Grèce ([GC], no 34369/97, § 41, CEDH 2000-IV), où le requérant n'avait pas été nommé expert-comptable en raison d'une condamnation antérieure, la Cour a dit que la Convention ne garantissait pas le droit de choisir une profession particulière. 137. La Cour observe que le requérant se plaint de sa suspension temporaire de ses fonctions d'officier de police au cours d'une procédure pénale où il était accusé de faits de corruption passive. Or, elle rappelle que toute procédure pénale comporte certaines répercussions sur la vie privée et familiale de l'individu concerné qui ne méconnaissent pas l'article 8 de la Convention si elles ne vont pas au-delà des conséquences normales et inévitables dans pareille situation (voir, parmi d'autres, Sannino c. Italie (déc. partielle), no 30961/03, 24 février 2005). Par ailleurs, relevant que l'intéressé n'allègue pas que la mesure dont il se plaint l'aurait empêché de trouver un emploi dans le privé, la Cour relève que la présente affaire se distingue de celle où elle a jugé que l'interdiction d'occuper un grand nombre d'emplois dans le secteur privé touche à la « vie privée » (Sidabras et Džiautas c. Lituanie, nos 55480/00 et 59330/00, §§ 47-48, CEDH 2004-VIII) et même de celle où elle a admis que la suspension temporaire de la fonction d'officier de police combinée avec le refus d'accepter la démission de l'intéressé ont pu affecter sa « vie privée », sans pour autant porter atteinte à l'article 8 de la Convention (Karov c. Bulgarie, no 45964/98, §§ 88-89, 16 novembre 2006). 138. Se reportant exclusivement à la suspension temporaire de la fonction publique à la suite la mise en mouvement de l'action pénale contre le requérant pour des faits qu'il aurait commis en sa qualité de policier, la Cour estime à la lumière de la jurisprudence précitée que la mesure en question ne saurait s'examiner, malgré les désagréments qu'elle aurait pu causer, comme une ingérence dans le droit de l'intéressé au respect de sa vie privée, au sens de l'article 8 § 2 de la Convention. 139. Partant, la Cour considère qu'il convient d'accueillir l'exception du Gouvernement et de décider que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l'article 35 § 4. C. Sur l'interdiction de ses droits parentaux sur son enfant mineur pendant l'exécution de sa peine de prison 1. Sur la recevabilité 140. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. 2. Sur le fond 141. Le Gouvernement met en avant la modification du code pénal par la loi no 278/2006, l'application de la peine accessoire consistant dans l'interdiction du droit prévu par l'article 64 d) étant désormais laissée à l'appréciation des juridictions chargées de la procédure pénale contre l'accusé (paragraphe 49 ci-dessus), et fournit des exemples datant de 2005 d'application, par les tribunaux internes, de l'arrêt Sabou et Pîrcalab c. Roumanie rendu par la Cour en la matière (no 46572/99, 28 septembre 2004). En outre, le Gouvernement prie la Cour de tenir compte de ce que la mesure en question n'a été appliquée au requérant qu'entre le 18 juin 2004, date de l'arrêt de la Cour de cassation, et le 27 septembre 2005, date de sa mise en liberté conditionnelle. 142. Renvoyant à l'affaire Sabou et Pîrcalab précitée, le requérant fait observer qu'il a été condamné par l'arrêt du 18 juin 2004 précité à une peine accessoire, appliquée de manière automatique, consistant en l'interdiction de l'exercice de ses droits parentaux pendant l'exécution de sa peine de prison, alors que les délits pour lesquels il a été condamné étaient totalement étrangers aux questions liées à l'autorité parentale. Par ailleurs, estimant que la durée en cause n'est pas dérisoire, il soutient que, malgré la mise en liberté conditionnelle, aucun tribunal ne l'a relevé jusqu'à présent des peines accessoires liées à l'exécution de sa peine. 143. S'agissant de l'interdiction automatique de l'exercice des droits parentaux en vertu des articles 64 et 71 du code pénal tels qu'ils étaient rédigés à l'époque des faits, la Cour rappelle avoir déjà jugé que l'application d'une telle mesure, par effet de la loi, sans contrôle par les tribunaux du type d'infraction et de l'intérêt des mineurs, ne saurait répondre à une exigence primordiale touchant aux intérêts des enfants et partant, poursuivre un but légitime, tel que la protection de la santé, de la morale, ou de l'éducation des mineurs. Elle a ainsi conclu à la violation du droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la Convention (Sabou et Pîrcalab, précité, §§ 48-49). 144. En examinant les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant conduire à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, elle observe que les délits de corruption passive et de soustraction de documents pour lesquels le requérant a été condamné étaient totalement étrangers aux questions liées à l'autorité parentale et qu'à aucun moment, il n'a été allégué un manque de soins ou des mauvais traitements de sa part envers son enfant mineur, l'interdiction en question découlant de manière automatique et absolue des articles susmentionnés du code pénal. En outre, s'il convient de saluer les exemples de jurisprudence fournis par le Gouvernement et la modification du code pénal, ces éléments postérieurs aux faits pertinents ne sauraient conduire la Cour à conclure autrement en l'espèce. 145. Par conséquent, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention. V. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DU PROTOCOLE No 1 146. Le requérant se plaint de ne pas avoir été en mesure de voter lors des élections parlementaires et présidentielles de 2004 en raison de sa condamnation à une peine de prison assortie de la peine accessoire de l'interdiction du droit de vote. Il invoque l'article 3 du Protocole no 1, qui se lit comme suit : « Les Hautes Parties contractantes s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif. » A. Sur la recevabilité 147. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. B. Sur le fond 148. Le Gouvernement concède que l'interdiction de voter, imposée au requérant à la suite de sa condamnation par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2004, a constitué une ingérence dans son droit au titre de l'article 3 du Protocole no 1. Cependant, il soutient que cette ingérence était prévue par la loi, à savoir les articles 64 a) et 71 du code pénal, et qu'elle poursuivait les buts légitimes de prévention du crime, de punition des délinquants et de respect de l'Etat de droit, les individus ayant enfreint les règles de la société se voyant privés de leur droit d'exprimer leur opinion sur l'élaboration de ces règles pendant l'exécution de leur peine de prison. Le Gouvernement estime que la mesure en cause était proportionnée au but poursuivi puisqu'elle ne touchait que les personnes condamnées par un arrêt définitif et non pas celles se trouvant en détention provisoire. Par ailleurs, il se réfère à un projet de modification du code pénal datant de 2005 qui envisageait d'abroger la peine accessoire concernant l'interdiction de voter. 149. Renvoyant à l'affaire Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [GC] (no 74025/01, CEDH 2005-IX), le requérant observe que, tout comme l'interdiction de ses droits parentaux, celle de son droit de vote découle directement de l'article 64 du code pénal dont la Cour de cassation a fait une application automatique sans aucunement apprécier la justification ou la proportionnalité d'une telle mesure. Il estime que les conclusions de la Cour à l'égard de cet article dans l'affaire Sabou et Pîrcalab précitée s'appliquent mutatis mutandis en l'espèce. 150. La Cour observe qu'il n'est pas contesté que l'interdiction de voter découlant de manière automatique des articles 64 a) et 71 du code pénal du fait de la condamnation du requérant par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2004 constitue une ingérence dans son droit garanti par l'article 3 du Protocole no 1 et que cette mesure était « prévue par la loi », à savoir les articles précités du code pénal. Tout en réitérant ses doutes quant à l'efficacité du recours à l'interdiction de voter pour atteindre les buts indiqués par le Gouvernement, la Cour admet que ces buts ne sauraient être qualifiés d'incompatibles en soi avec le droit garanti par l'article 3 du Protocole no 1 (voir, mutatis mutandis, Hirst, précité, § 75). 151. S'agissant de la proportionnalité de l'ingérence, la Cour rappelle avoir jugé qu'une restriction globale du droit de vote de tous les détenus condamnés purgeant leur peine, qui s'applique automatiquement à eux, quelle que soit la durée de leur peine et indépendamment de la nature ou de la gravité de l'infraction qu'ils ont commise et de leur situation personnelle, outrepasse une marge d'appréciation acceptable, aussi large soit-elle, et est incompatible avec l'article 3 du Protocole no 1 (Hirst, précité, § 82). 152. En examinant les éléments pertinents, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Elle observe que les articles 64 a) et 71 du code pénal s'appliquaient de manière automatique dès la condamnation définitive d'un accusé à une peine de prison, sans égard pour la nature et la gravité de l'infraction ou pour la situation personnelle de l'intéressé. 153. Certes, comme la Cour l'a rappelé dans l'affaire susmentionnée, l'article 3 du Protocole no 1, qui consacre la capacité de l'individu à influer sur la composition du corps législatif, n'exclut pas que des restrictions aux droits électoraux soient infligées à un individu qui, par exemple, a commis de graves abus dans l'exercice de fonctions publiques ou dont le comportement a menacé de saper l'Etat de droit ou les fondements de la démocratie. Il ne faut toutefois pas recourir à la légère à la mesure rigoureuse que constitue la privation du droit de vote ; par ailleurs, le principe de proportionnalité exige l'existence d'un lien discernable et suffisant entre la sanction et le comportement ainsi que la situation de la personne touchée. La Cour a pris note à cet égard de la recommandation de la Commission de Venise selon laquelle la suppression des droits politiques doit être prononcée par un tribunal dans une décision spécifique, car un tribunal indépendant appliquant une procédure contradictoire offre une solide garantie contre l'arbitraire (Hirst, précité, § 71). Toutefois, en l'espèce, la Cour observe que les juges de la Cour de cassation ont, dans leur arrêt du 18 juin 2004, fait application de l'article 71 renvoyant à l'article 64 du code pénal, application à laquelle ils étaient tenus par la loi, sans aucunement apprécier le but légitime poursuivi et surtout la proportionnalité de l'interdiction du droit de vote du requérant avec le but en question. Si une telle interdiction n'était pas à exclure d'emblée dans le cas d'un délit commis en tant que fonctionnaire public, la Cour ne saurait l'accepter eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment aux dispositions du droit interne, au caractère automatique et indifférencié de l'interdiction et à l'absence de tout examen de la proportionnalité de la part des tribunaux internes en raison de leur défaut de compétence sur ce point. 154. Au vu de ce qui précède, la Cour considère qu'il y a eu violation de l'article 3 du Protocole no 1. VI. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES 155. Invoquant en substance les articles 6 § 2 et 8 de la Convention, le requérant estime que son droit à la présomption d'innocence a été enfreint du fait de l'inscription provisoire de sa mise en examen au casier judiciaire. Invoquant l'article 7 de la Convention, il allègue avoir été condamné en méconnaissance de la loi pénale du fait que l'élément matériel du délit de corruption passive n'existait pas dans son cas. Par ailleurs, dans une lettre du 14 février 2005, il allègue l'iniquité de la procédure lors de l'audience du 19 décembre 2002 et, par conséquent, l'illégalité de sa détention provisoire postérieure. Enfin, dans ses observations du 4 mars 2006, il allègue que le refus des juridictions internes d'examiner la légalité des mesures de surveillances le concernant pourrait s'analyser comme une violation de l'article 13 combiné avec l'article 8 de la Convention. 156. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. VII. SUR L'APPLICATION DES ARTICLES 46 ET 41 DE LA CONVENTION A. Article 46 157. Aux termes de cette disposition : « 1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties. 2. L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. » 158. S'appuyant sur l'arrêt Sejdovic c. Italie [GC] (no 56581/00, CEDH 2006-...), le requérant fait observer que, dans le cas d'une condamnation pénale à l'issue d'une procédure entachée de manquements aux exigences de l'article 6 de la Convention, la Cour a estimé qu'un nouveau procès ou une réouverture de la procédure à la demande de l'intéressé représente en principe un moyen approprié de redresser la violation constatée. Partant, il invite la Cour à indiquer au Gouvernement qu'aux fins de l'article 46 susmentionné, il lui incombe de s'acquitter de son obligation de placer le requérant, dans toute la mesure du possible, dans une situation équivalant à celle où il se trouverait s'il n'y avait pas eu manquement aux exigences de la Convention et que les moyens choisis doivent être compatibles avec les conclusions contenues dans l'arrêt de la Cour. 159. Le Gouvernement n'a pas présenté d'observations sur ce point. 160. La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 46 de la Convention les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs rendus par la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, le Comité des Ministres étant chargé de surveiller l'exécution de ces arrêts. Il en découle notamment que, lorsque la Cour constate une violation, l'Etat défendeur a l'obligation juridique non seulement de verser aux intéressés les sommes allouées au titre de la satisfaction équitable prévue par l'article 41, mais aussi de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à intégrer dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer autant que possible les conséquences. L'Etat défendeur demeure libre, sous le contrôle du Comité des Ministres, de choisir les moyens de s'acquitter de son obligation juridique au regard de l'article 46 de la Convention, pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l'arrêt de la Cour (voir, mutatis mutandis, Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII). 161. S'agissant de la violation de l'article 6 de la Convention constatée par la Cour, sur la base de laquelle le requérant invite la Cour à faire application de l'article 46 de la Convention, la Cour observe que les dispositions du CPP ont été modifiées par la loi no 356/2006 de sorte qu'en cas de cassation sans renvoi, la juridiction de recours doit entendre l'accusé lorsque, comme en l'espèce, le tribunal ayant jugé en premier ressort ne l'avait pas condamné (voir Mircea, précité, § 31). Partant, la Cour n'estime donc pas nécessaire d'indiquer des mesures générales au niveau national qui s'imposeraient dans le cadre de l'exécution des dispositions du présent arrêt concernant l'article 6 § 1 de la Convention. 162. Néanmoins, dans la mesure où la modification susmentionnée du CPP est intervenue après la condamnation du requérant, la Cour rappelle avoir considéré, dans plusieurs affaires, que lorsqu'un particulier, comme en l'espèce, a été condamné à l'issue d'une procédure entachée de manquements aux exigences de l'article 6 de la Convention, un nouveau procès ou une réouverture de la procédure à la demande de l'intéressé représente en principe un moyen approprié de redresser la violation constatée (Sejdovic, précité, §§ 125-126, avec d'autres références). A ce titre, elle note que le CPP prévoit la possibilité, dans certaines conditions, de réouvrir un procès pénal (paragraphe 47 ci-dessus). Cependant, les mesures de réparation spécifiques à prendre, le cas échéant, par un Etat défendeur pour s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention dépendent nécessairement des circonstances particulières de la cause et doivent être définies à la lumière de l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire concernée, compte dûment tenu de la jurisprudence de la Cour citée ci-dessus (Sejdovic, loc. cit.). 163. En particulier, il n'appartient pas à la Cour d'indiquer les modalités et la forme d'un nouveau procès éventuel. L'Etat défendeur demeure libre, sous le contrôle du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, de choisir les moyens de s'acquitter de son obligation de placer le requérant, dans toute la mesure du possible, dans une situation équivalant à celle dans laquelle il se trouverait s'il n'y avait pas eu manquement aux exigences de la Convention (Piersack c. Belgique (ancien article 50), arrêt du 26 octobre 1984, série A no 85, p. 16, § 12), pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l'arrêt de la Cour et avec les droits de la défense (Lyons et autres c. Royaume-Uni (déc.), no 15227/03, CEDH 2003-IX). B. Sur l'article 41 164. Aux termes de l'article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. » 1. Dommage 165. Le requérant réclame 1 067 euros (EUR) au titre du préjudice matériel subi en raison du non-paiement des salaires pendant la suspension de ses fonctions d'officier de police avant sa condamnation définitive le 18 juin 2004. Par ailleurs, il demande 50 000 EUR au titre du préjudice moral subi en raison de la souffrance et de la détresse causées par les violations alléguées, dont 5 000 EUR pour la violation de l'article 5 § 3 de la Convention découlant du défaut de justification, par les autorités, de la nécessité de le maintenir en détention provisoire. 166. Le Gouvernement conteste la responsabilité des autorités au regard du préjudice matériel allégué et considère que le requérant n'a pas prouvé l'existence d'un lien de causalité entre le dommage moral qu'il aurait subi et les violations constatées par la Cour. Il estime que le montant exigé est excessif au vu de la jurisprudence de la Cour. Il considère qu'un constat de violation pourrait constituer, par lui-même, une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral en cause. 167. A l'instar du Gouvernement, la Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre le dommage matériel allégué et les violations constatées et rejette cette demande. En revanche, la Cour ne saurait contester le préjudice moral subi par le requérant du fait des violations multiples de ses droits garantis par la Convention. Contrairement au Gouvernement, elle estime que les constats de violation auxquels elle a abouti ne suffisent pas à y remédier. Il y a néanmoins lieu de constater que la somme exigée par le requérant est quelque peu excessive. Par conséquent, statuant en équité comme le veut l'article 41 de la Convention, et eu égard à toutes les circonstances de l'affaire, la Cour alloue au requérant 12 000 EUR au titre du dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt. 2. Frais et dépens 168. Le requérant demande également 4 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et 1 188,74 EUR pour ceux encourus devant la Cour, montants qu'il ventile comme suit : a) 3 500 dollars américains (USD) et 15 000 000 anciens lei roumains (ROL) pour les honoraires d'avocat dans les procédures internes ; il fournit à ce titre des quittances de paiement desdites sommes datant de septembre 2002 et novembre 2003 ; b) 11 000 000 ROL pour les frais de justice auxquels il a été condamné par les tribunaux internes ; pour la majorité de cette somme (10 000 000 ROL) représentant les frais de justice découlant de l'arrêt du 18 juin 2004, il soumet une lettre de mise en demeure ; c) 888,74 EUR pour les honoraires d'avocate dus pour les observations soumises à la Cour sur l'article 5 § 3 de la Convention ; l'avocate fournit une convention contenant l'accord du requérant pour que le paiement de la somme indiquée à ce titre par la Cour soit effectué directement à son avocate, et soumet une note détaillée relative au nombre d'heures facturées et aux activités déployées; d) 300 EUR pour des frais divers (correspondance avec la Cour, téléphone, photocopies etc.). 169. S'agissant des frais acquittés pour les procédures internes, le Gouvernement note que le requérant a versé au dossier des quittances attestant le paiement des honoraires d'avocat sans fournir aussi les contrats d'assistance d'avocat mentionnés dans lesdites quittances. Par ailleurs, il relève que la lettre de mise en demeure pour le paiement de la somme de 10 000 000 ROL à la suite de l'arrêt du 18 juin 2004 ne prouve pas le paiement effectif de cette somme. Au sujet des frais et dépens relatifs à la procédure devant la Cour, le Gouvernement estime d'une part, en renvoyant à cet égard au tarif pratiqué par certains avocats dans des affaires bulgares devant la Cour, qu'un tarif horaire de 120 EUR est excessif et, d'autre part, que le montant de 300 EUR pour frais divers n'a pas été prouvé. 170. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Au regard des frais et dépens exposés dans la procédure interne, la Cour estime que si, au vu de la date de paiement, les honoraires d'avocat en question se rapportent aux procédures relatives à la détention provisoire du requérant et à la procédure au fond devant la Cour de cassation, il n'y a toutefois pas lieu de considérer que l'ensemble de ces honoraires ont été engagés utilement « pour prévenir ou faire corriger » par les tribunaux internes les violations constatées en l'espèce. S'agissant des frais et dépens exposés dans la présente procédure, la Cour observe que la pratique en Roumanie de tarifs horaires semblables facturés par l'avocate du requérant n'est pas exceptionnelle dans les affaires complexes, comme c'est le cas en l'espèce (voir, mutatis mutandis, Cobzaru c. Roumanie, no 48254/99, §§ 108 à 111, 26 juillet 2007). 171. Compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR au titre des frais et dépens pour les procédures nationales et celle de 1 000 EUR pour la procédure devant la Cour, et les accorde au requérant. Compte tenu de la convention de la requérante avec son avocate, la Cour décide que la somme de 888,74 EUR sera payable directement à l'avocate. 3. Intérêts moratoires 172. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, À L'UNANIMITÉ, 1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l'article 5 § 1 de la Convention du fait de la détention du requérant du 2 au 31 août 2002, du 21 septembre au 19 novembre 2002 et pendant seize heures le 27 septembre 2005, de l'article 5 § 3 du fait que l'intéressé n'a pas été traduit « aussitôt » devant un magistrat et de son maintien en détention jusqu'au 11 novembre 2002, de l'article 6 §§ 1 et 3 et de l'article 8 de la Convention, du fait, pour ce dernier, de la mise sur écoute des conversations téléphoniques du requérant et de l'interdiction de ses droits parentaux, ainsi que de l'article 3 du Protocole no 1, et irrecevable pour le surplus ; 2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1 de la Convention ; 3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention du fait du maintien du requérant en détention jusqu'au 11 novembre 2002 ; 4. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner au fond le grief tiré de l'article 5 § 3 de la Convention, selon lequel le requérant n'a pas été traduit « aussitôt » devant un magistrat ; 5. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention du fait que la Cour de cassation n'a pas entendu en personne le requérant ; 6. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner au fond les autres griefs tirés de l'article 6 §§ 1 et 3 de la Convention ; 7. Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention du fait de la mise sur écoute des conversations téléphoniques du requérant et de l'interdiction de ses droits parentaux ; 8. Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 du Protocole no 1 ; 9. Dit a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement : i) 12 000 EUR (douze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ; ii) 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par le requérant, pour frais et dépens, dont 888,74 EUR (huit cent quatre-vingt-huit euros et soixante-quatorze cents) seront à verser directement à son avocate ; b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; 10. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus. Fait en français, puis communiqué par écrit le 1er juillet 2008 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement. Santiago Quesada Josep Casadevall Greffier Président [1] Rectifié le 10 février 2009 : le texte était le suivant : « Le requérant est représenté par Me Diana-Olivia Hătneanu, avocate à Bucarest. »

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