Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 23 juin 2022, 19/03137

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
  • Numéro de pourvoi :
    19/03137
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :conseil de prud'hommes d'Orléans, 26/08/2019
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/62b556ee3bd41478c06b716f
  • Président : Mme Laurence DUVALLET
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Orléans
2022-06-23
conseil de prud'hommes d'Orléans
2019-08-26

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S CHAMBRE SOCIALE - A - Section 2 PRUD'HOMMES Exp +GROSSES le 23 JUIN 2022 à la SELAS BARTHELEMY AVOCATS la SCP PETIT -LD-

ARRÊT

du : 23 JUIN 2022 MINUTE N° : - 22 N° RG 19/03137 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GA3O DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLÉANS en date du 26 Août 2019 - Section : COMMERCE APPELANTES : SAS PAULVAL et dont l'adresse postale est désormais située CD 17, Lieudit Diepe ' Garancières en Beauce, AUNEAU CEDEX (28703), agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège Avenue d'Orléans 45190 BEAUGENCY représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau D'ORLEANS ayant pour avocat plaidant Me Valérie GUICHARD de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, SAS ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège 24 rue Auguste Chabrières 75015 PARIS représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS ayant pour avocat plaidant Me Valérie GUICHARD de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, ET INTIMÉS : Madame [F] [V] née le 23 Octobre 1993 à ORLEANS (45000) 7 impasse des Vaux 45190 MESSAS représentée par Me Bernard PETIT de la SCP PETIT, avocat au barreau de METZ Ordonnance de clôture : 31 mars 2022 Audience publique du 07 Avril 2022 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier, Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de : Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité, Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller. Puis le 23 Juin 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. FAITS ET PROCEDURE Selon contrat à durée déterminée du 13 juillet 2015 poursuivi en contrat à durée indéterminé, Mme [F] [V] a été engagée par la SAS Paulval en qualité d'employée commerciale, hôtesse de caisse pour exercer au sein du magasin à l'enseigne Intermarché situé à Beaugency (45). La SAS Paulval employait 35 salariés. Société gérée par un chef d'entreprise indépendant, M. [R], la SAS Paulval est adhérente du groupement des Mousquetaires dans le cadre d'un contrat commercial. M. [R] ayant souhaité cesser cette activité et en l'absence de repreneur immédiat, la SAS Paulval a fait l'objet, à partir du printemps 2016, d'une opération de portage de la part de la SAS ITM alimentaire région parisienne, entité du groupement des Mousquetaires, exerçant une activité de conseil en gestion d'affaires et de management. La SAS ITM alimentaire région parisienne est devenue l'actionnaire unique de la SAS Paulval, devenue sa filiale à 100 %, dans l'attente d'un nouveau repreneur. Indépendante, la SAS Paulval est devenue 'portée', c'est-à-dire 'soutenue' par la SAS ITM alimentaire région parisienne. Il convient de préciser qu'en 2008 et 2011, la société Olmigo, gérante de l'enseigne Intermarché située à l'époque sur la commune de Tavers et elle-même adhérente du groupement, avait fait l'objet d'un tel portage, jusqu'à sa reprise par la SAS Paulval, créée en janvier 2012 à cet effet, qui a transféré le magasin à Beaugency. Invoquant des difficultés économiques persistantes et une concurrence exacerbée, la cessation d'activité de la SAS Paulval était décidée et la procédure de licenciement économique collectif de l'ensemble du personnel était engagée le 29 août 2017 par la convocation des représentants du personnel. Le 16 octobre 2017, Mme [F] [V] a été licenciée pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la SAS Paulval. Par requête du 13 mars 2018, Mme [F] [V] et d'autres salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans aux fins de constater une situation de coemploi entre la société Paulval et la société ITM Alimentaire Région Parisienne, prononcer la nullité du licenciement pour violation des dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail ou dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence obtenir le paiement d'une indemnité à ce titre et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par jugement du 26 août 2019, le conseil de prud'hommes d'Orléans, section commerce, a : - Ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros : RG F 18/00096 à F 18/00101 avec l'instance enregistrée sous le numéro RG F 18/00095 ; - Dit qu'il existe une confusion d'intérêts entre les deux sociétés SAS ITM Alimentation région parisienne et SAS Paulval; - Dit que le licenciement pour motif économique de Mme [F] [V], [M] [L], [U] [J], [O] [B] et [W] [A], et de Messieurs [H] [D] et [G] [Z] est frappé de nullité, - Condamné solidairement la SAS ITM Alimentation région parisienne et la SAS Paulval à lui payer à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul : - Pour Mme [F] [V] : 3756 euros ; - Pour Mme [M] [L] : 4800 euros ; - Pour Mme [U] [J] : 4965 euros ; - Pour Mme [O] [B] : 6090 euros ; - Pour Mme [W] [A] : 4662 euros ; - Pour M. [H] [D] : 5745 euros ; - Pour M. [G] [Z] : 14310 euros. - Au titre de l'article 700 du code de procédure civile : - Pour Mme [F] [V] : 1000 euros - Pour Mme [M] [L] : 1000 euros - Pour Mme [U] [J] : 1000 euros - Pour Mme [O] [B] : 1000 euros - Pour Mme [W] [A] : 1000 euros - Pour M. [H] [D] : 1000 euros - Pour M. [G] [Z] : 1000 euros - Débouté Mesdames [F] [V], [M] [L], [U] [J], [O] [B] et [W] [A], et Messieurs [H] [D] et [G] [Z] du surplus de ses demandes ; - Débouté la société ITM Alimentation région parisienne et la SAS Paulval de leur demande au titre de l'article 700 du code procédure civile; - Condamné solidairement la société ITM Alimentation région parisienne et la SAS Paulval aux dépens. Les SAS ITM alimentaire région parisienne et SAS Paulval ont régulièrement interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2019 par déclaration électronique au greffe de la cour. Par ordonnance du 17 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a procédé à la disjonction des sept instances dont la cour d'appel est saisie, l'affaire opposant les sociétés appelantes à Mme [F] [V] étant poursuivie sous le numéro 19/03137.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 16 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SAS Paulval et la société ITM Alimentation région parisienne demandent à la cour de: Vu les articles L. 1233-4 et suivants, L. 1233-61 et L. 1235-3 du code du travail; A titre principal, - Réformer la décision du conseil de prud'hommes d'Orléans en date du 26 août 2019; - Déclarer fondés les licenciements pour motif économique des sept salariés à savoir celui de Madame [V], Madame [L], Madame [J], Madame [B], Madame [A], Monsieur [D], Monsieur [Z] ; - Déclarer respectées les procédures de licenciement pour motif économique des sept salariés à savoir Madame [V], Madame [L], Madame [J], Madame [B], Madame [A], Monsieur [D], Monsieur [Z] ; - déclarer inapplicable en l'espèce la théorie du co-emploi entre la SAS Paulval et la SAS ITM Alimentaire région parisienne

; En conséquence

, - Débouter Madame [V], Madame [L], Madame [J], Madame [B], Madame [A], Monsieur [D], Monsieur [Z] de l'intégralité de leurs demandes; - Condamner Madame [V], Madame [L], Madame [J], Madame [B], Madame [A], Monsieur [D], Monsieur [Z] aux entiers dépens des instances ; A titre subsidiaire, Si, par extraordinaire, la cour jugeait les licenciements sans cause réelle et sérieuse, elle fixerait les demandes de dommanges et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions, conformément au barême légal applicable, soit : Fixation du quantum des dommages et intérêts à titre subsidiaire Nom Montant minimum Montant maximum Madame [F] [V] 4619, 85 euros bruts 5389,82 euros bruts Madame [M] [L] 4800 euros bruts 8000 euros bruts Madame [U] [J] 4905 euros bruts 8175 euros bruts Madame [O] [B] 5374, 26 euros bruts 35 828, 4 euros bruts Madame [W] [A] 4662 euros bruts 5439 euros bruts Monsieur [H] [D] 5415 euros bruts 6317, 5 euros bruts Monsieur [G] [Z] 4400, 9 euros bruts 8580 euros bruts En tout état de cause, - Débouter Madame [V], Madame [L], Madame [J], Madame [B], Madame [A], Monsieur [D], Monsieur [Z] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile; A titre reconventionnel, - Condamner Madame [V], Madame [L], Madame [J], Madame [B], Madame [A], Monsieur [D], Monsieur [Z] (les salariés) au paiement d'un montant de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 09 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles : Madame [F] [V], Madame [M] [L], Madame [U] [J], Madame [O] [B] et Madame [W] [A], et Monsieur [H] [D] et Monsieur [G] [Z], demandent à la cour de : Sur l'appel principal, - Dire et juger l'appel mal-fondé; En conséquence, - En débouter les sociétés SAS Paulval et ITM Alimentaire région parisienne; - Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orléans le 26 août 2019 en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement; Au besoin, - Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, Sur l'appel incident des intimés : - Réformer le jugement entrepris quant aux montants et, Concernant Mme [F] [V] : - Constater que sur la base des dispositions de l'article L.1235-11 du code du travail, elle peut prétendre au minimum à l'indemnisation de 9834,00 euros, - Réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a alloué à Mme [F] [V] quela somme de 3756,00 euros, - Condamner solidairement les parties appelantes au paiement de la somme de 9834, 00 euros. - Condamner solidairement les sociétés SAS Paulval et ITM Alimentaire région parisienne au paiement d'une somme de 1500 euros à chacun des intimés. Les condamner aux entiers frais et dépens. La clôture a été fixée au 31 mars 2022. MOTIFS DE LA DECISION En matière de licenciement économique collectif, les textes applicables sont ceux en vigueur au moment de l'engagement de la procédure de licenciement par l'employeur ( article 18,XXXIII de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et article 40-V de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017). Cet engagement se situe au jour où l'employeur met en oeuvre la procédure consultative des représentants du personnel sur son projet en application de l'article L.1233-8 ou de l'article L.1233-28 du code du travail selon le cas ( Soc., 12 juillet 2010, pourvoi n° 09-14.192, Bull. 2010, V, n° 165 et Soc, 19 mai 2015, n°13-26.670) , l'article 18,XXXIII de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 précisant que la procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d'envoi de la convocation à la première réunion du comité d'entreprise. A défaut, il peut s'agir des délégués du personnel. Au cas particulier, il est constant que les deux délégués du personnel de la SAS Paulval ont été convoqués le 29 août 2017 à la première réunion concernant le projet de fermeture du magasin et la mise en oeuvre du projet de licenciement économique fixée au 6 septembre suivant, avec remise d'un dossier complet, un exemplaire étant adressé conjointement à la Direccte du Val de Loire. Les délégués étaient convoqués le 8 septembre 2017 à une seconde réunion fixée au 20 septembre suivant. Il en résulte que les textes applicables sont ceux dans leur version antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, sauf en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices résultant de la rupture du contrat de travail, celle-ci étant intervenue postérieurement au 24 septembre 2017. - Sur le coemploi : Selon la Cour de cassation, la situation de coemploi peut résulter de deux situations, la première étant l'existence d'un lien de subordination du salarié avec l'entreprise coemployeur, cette subordination se caractérisant, par l'exercice des pouvoirs de direction et disciplinaire reconnus à l'employeur. Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769 publié et Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-10.232). Mme [F] [V] soutient l'existence du coemploi entre la SAS Paulval et la SAS ITM alimentaire région parisienne en raison de l'opération de portage de 2016 aboutissant au passage de la SAS Paulval sous la gestion complète du groupement, devenue son actionnaire unique. Selon elle, la SAS ITM alimentaire région parisienne reprend la totalité des activités de la société 'portée', en assure la direction, la gestion commerciale et sociale. C'est le gérant de SAS ITM alimentaire région parisienne, en la personne de M. [N], qui signe les lettres de licenciement, est l'interlocuteur de la Direccte pour le licenciement des salariés protégés et intervient dans la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel pour le projet de licenciement collectif, la directrice du magasin étant nommée par la SAS ITM alimentaire région parisienne qui lui délègue une grande partie de ses pouvoirs. La salariée ajoute qu'il y a confusion d'activité commerciale, d'intérêts et de gestion, la situation de fait dépassant la simple collaboration pouvant exister entre sociétés d'un même groupe. Elle en déduit l'existence d'un coemploi dont il résulte un effectif supérieur à 50 salariés, enclenchant l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi et à défaut la nullité de son licenciement. Les sociétés opposent l'absence d'immixtion anormale et permanente de la SAS ITM alimentaire région parisienne dans la gestion de la SAS Paulval et l'absence de toute confusion d'intérêts, d'activités et de gestion entre elles. L'intervention de la SAS ITM alimentaire région parisienne n'excède pas la nécessaire coordination des actions économiques entre sociétés. La supervision de la SAS ITM alimentaire région parisienne au cours d'une situation de portage n'excède pas une assistance normale à l'égard de sa filiale dont l'équilibre financier est compromis. La SAS Paulval a conservé son autonomie décisionnelle. Le dispositif de portage et de soutien n'a pas pour effet de créer une situation de coemploi. Si l'on est bien en présence d'une prise de contrôle en capital de la SAS Paulval par la SAS ITM alimentaire région parisienne qui devient son unique actionnaire en 2016, cette détention de capital ne suffit pas à caractériser en soi l'existence d'une situation de coemploi au sens jurisprudentiel. Par ailleurs, le fait que la SAS ITM alimentaire région parisienne ait pris la décision de mettre un terme au portage qui durait depuis plusieurs mois sans qu'un projet de reprise ne se dessine et alors que la situation économique du magasin restait très obérée, étant rappelé que ce portage était le troisième sur une période de moins de 10 années, ne peut suffire à caractériser une situation de coemploi, pas plus que l'existence d'un dirigeant commun aux deux sociétés en la personne de leur gérant. Il n'est pas établi que celui-ci aurait agi exclusivement au nom et pour le compte de la SAS ITM alimentaire région parisienne, quand bien même l'opération de portage implique des remontées d'informations et une coordination sur l'organisation et le fonctionnement de la filiale soutenue. Les lettres de licenciement sont rédigées à l'entête de la société Paulval, les licenciements étant prononcés par et pour le compte de cette société employeur. C'est également la SAS Paulval qui écrit aux services de la Direccte, au maire de la commune et à la commission paritaire professionnelle en vue du reclassement ou aux représentants du personnel pour évoquer le projet de licenciement collectif. Si des représentants de la SAS ITM alimentaire région parisienne ont été présents aux réunions avec les institutions représentatives du personnel, ce qui se justifie par le soutien financier apporté à la société employeur dans la poursuite de l'activité pendant la recherche d'un repreneur puis dans le cadre du financement des mesures d'accompagnement et de reclassement du personnel licencié, cette participation et cette fourniture de moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la cessation d'activité de la SAS Paulval ne suffisant pas à caractériser le coemploi, il n'en demeure pas moins d'une part, que ce n'est pas le gérant qui a participé à ces rencontres et d'autre part, que c'est la directrice du magasin, salariée de la SAS Paulval, ainsi que cela résulte de ses contrats de travail et avenants, qui a organisé et présidé ces réunions. Le fait qu'elle n'ait pas procédé aux licenciements, mesure susceptible de la concerner également à défaut de reclassement, n'induit pas davantage un coemploi de la part de la SAS ITM alimentaire région parisienne. Enfin, il ressort des pièces versées aux débats et notamment de la délégation permanente de pouvoirs et de responsabilités accordée par la SAS Paulval, et non par la SAS ITM alimentaire région parisienne, que la directrice du magasin assumait la gestion administrative, commerciale et sociale de l'établissement. Il est ainsi produit une attestation de la salariée, des contrats de travail ou des courriels qui attestent que Mme [E] assumait la gestion sociale du personnel de la SAS Paulval, assurant le recrutement, les plannings et congés, le respect des règles en matière d'hygiène et de sécurité, l'animation des réunions avec les délégués du personnel tandis que le service de la paie était assuré par le personnel de la SAS Paulval. La directrice était également en charge de la gestion commerciale et administrative du magasin dans ses relations avec les fournisseurs, élaboration des opérations de promotion ou des commandes, jusqu'à la résiliation des conventions passées avec les partenaires. La gestion financière du magasin (passation de commandes, paiement de factures, tenue de la comptabilité...) était également assumée par la SAS Paulval sous la supervision de sa directrice. Il n'est justifié, en l'espèce, d'aucun élément démontrant que la directrice se limitait à se conformer à des instructions permanentes de la SAS ITM alimentaire région parisienne qui l'auraient dépossédée totalement de ses prérogatives et de toute autonomie dans l'exercice de ses fonctions. Il apparaît ainsi que la directrice continuait de gérer le magasin pour le compte de la SAS Paulval. Il n'est pas caractérisé une immixtion permanente et anormale de la SAS ITM alimentaire région parisienne qui serait intervenue aux lieu et place de la SAS Paulval lui faisant perdre totalement toute autonomie d'action dans la gestion de son activité. La supervision de la SAS ITM alimentaire région parisienne et les interactions existant nécessairement entre les deux sociétés du fait de la situation de portage relèvent de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, résultant en l'occurence d'un dispositif d'assistance et de soutien financier sans lequel toute poursuite d'activité était immédiatement compromise avec le départ de l'exploitant indépendant. Il en résulte qu'en l'absence d'immixtion anormale et permanente dans la gestion économique et sociale de la SAS Paulval entraînant chez cette dernière une perte totale d'autonomie d'action, la qualité de coemployeur de la SAS ITM alimentaire région parisienne ne peut être retenue. Le jugement sera infirmé. - Sur la nullité du licenciement : Selon l'article L.1233-61 du code du travail, dans les entreprises comprenant au moins 50 salariés, lorsque le projet de licenciement économique concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. En l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, la procédure de licenciement est nulle ainsi que tous les actes subséquents dont les licenciements ( Soc., 13 février 1997, pourvoi n° 96-41.874, 96-41.875, Bulletin 1997, V, n° 64) . En application de l'article L.1235-10 du code du travail, le salarié peut prétendre, en cas de non réintégration, à une indemnité au moins égale aux salaires des six derniers mois. Il n'est pas contesté que l'effectif de la SAS Paulval, au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, et jusqu'à son terme d'ailleurs, comportait moins de cinquante salariés. Mme [F] [V] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement en l'absence de tout plan de sauvegarde de l'emploi qui s'imposait au regard des effectifs cumulés de la SAS Paulval et de la SAS ITM alimentaire région parisienne dépassant 50 salariés. Elle demande à la cour d'augmenter l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes. Si la reconnaissance d'une situation de coemploi a pour effet de prendre en compte les effectifs cumulés des deux entités concernées (Soc., 22 juin 2011, pourvoi n° 09-69.021), les demandes présentées par la salariée à ce titre seront rejetées en l'absence de coemploi. Le jugement sera infirmé. - Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement Subsidiairement, Mme [F] [V] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle conteste la cause économique et soutient que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement. - Sur le motif économique du licenciement : Selon l'article L.1233-3 du code du travail dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, ' constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à : a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité; 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.' Au cas particulier, la lettre de licenciement vise la fermeture totale et définitive de l'entreprise et la cessation d'activité en raison d'une situation économique dégradée et ce de manière récurrente. La salariée soutient que l'employeur développant dans ses écritures l'existence de difficultés économiques avec baisse du chiffre d'affaires, absence de résultats et l'existence d'une concurrence accrue dans le domaine d'activité sur le site géographique, il en résulte que la cessation d'activité n'est que la conséquence des prétendues difficultés économiques, ce qui autorise le juge à apprécier la réalité du motif invoqué et qu'il faut l'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe une fois défini. Toutefois, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, sauf lorsqu'elle procède d'une faute ou d'une légèreté blâmable, la cessation totale et définitive de l'activité de l'employeur constitue une cause économique de licenciement et il s'agit d'un motif autonome de licenciement économique ( Soc., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-44.647, Bull 2001, V, n° 10 et Soc. 12 juin 2008, pourvoi n°07-42.192) . Il en est de même lorsque la société employeur qui cesse ses activités fait partie d'un groupe (Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-41.644, 08-41.645). Il en résulte que la cour n'a pas à apprécier la réalité des difficultés économiques évoqués au soutien de la décision de fermeture de l'entreprise entraînant le licenciement, ni le périmètre du secteur d'activité du groupe. Le licenciement de la salariée est pourvu d'une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu'il est acquis que la SAS Paulval, société indépendante exerçant cette activité selon son extrait K bis produit aux débats, a cessé définitivement l'exploitation du fonds de commerce sous l'enseigne Intermarché situé à Beaugency, la fermeture du magasin à la clientèle intervenant le 30 septembre 2017, les démarches administratives ayant lieu dans les jours suivants, et qu'il en est résulté la suppression de tous les postes. Le fait d'être une filiale détenue à 100 % par la SAS ITM alimentaire région parisienne ne modifie pas cette analyse. Seule l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur aboutissant à la cessation d'activité serait de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. La salariée invoque une telle faute de l'employeur, exposant que l'origine des difficultés économiques, résultant d'une crise frappant le commerce alimentaire et particulièrement dans la zone de chalandise de la société au sein de laquelle la concurrence est exacerbée avec une clientèle dont le revenu moyen est inférieur à la moyenne nationale, existait avant que la SAS Paulval décide de transférer son activité de la commune de Tavers à celle de Beaugency, sans justifier d'une étude de marché et alors que ce transfert a entraîné des investissements de l'ordre de 250 000 euros pour contribuer au financement d'une bretelle d'accès sur un sens giratoire un an avant la fermeture du magasin et qu'à cette même date, l'installation d'une laverie sur le parking du magasin a été décidée. Toutefois, le juge ne peut s'immiscer dans les choix de gestion de l'employeur et l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ou de l'aléa économique ne caractérise pas à elle seule une faute ou une légèreté blâmable de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ( Soc. 14 décembre 2005, pourvoi n°03-44.380 et Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.029 et s. ) Il n'est pas démontré, en l'espèce, l'existence de décisions dans les choix d'implantation géographique ou d'investissements qui relèveraient de la faute ou de la légèreté blâmable consistant en un comportement volontairement défavorable ou totalement inconsidéré, les éléments invoqués relevant du risque inhérent à tout choix de gestion ou de stratégie d'un chef d'entreprise, étant observé que l'implantation sur la zone de chalandise de Beaugency remonte à 2008 lors d'une précédente opération de portage, soit 9 ans avant la fermeture du magasin. Il est avéré que la SAS Paulval s'est trouvée au fur et à mesure des années confrontée à une très forte concurrence d'hypermarchés et de magasins de discount obérant ses résultats sur les dernières années. Enfin, il n'est démontré, ni même allégué, aucune pratique tendant à faire remonter des dividendes ou de pratiques financières défavorables à la situation économique de la SAS Paulval au profit de la SAS ITM alimentaire région parisienne. Le moyen tenant à l'existence d'une faute de l'employeur sera rejeté. Il en résulte que le licenciement de Mme [F] [V] est fondé sur un cause économique réelle et sérieuse. - Sur l'obligation de reclassement : Selon l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 applicable au litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.' La méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement a pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 19 novembre 2008, pourvoi n°07-44.416), alors même que le licenciement serait par ailleurs bien fondé sur une cause économique. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit étendre ses recherches aux autres entreprises du groupe parmi celles dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Soc., 9 décembre 2015, pourvoi n° 14-26.064, Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 19-24.157) La salariée soutient que la SAS Paulval a manqué à son obligation de reclassement et se prévaut d'une décision d'une cour administrative d'appel ayant statué sur le cas d'un licenciement d'un salarié protégé dans le cadre d'un litige similaire relatif à la fermeture d'un magasin Intermarché dans lequel les lettres adressées aux entreprises, afin de rechercher les postes disponibles à proposer au titre du reclassement, listaient de manière générale les postes des salariés concernés par les suppressions de poste et ne comportaient aucune information sur l'identité des salariés concernés. Toutefois, selon la Cour de cassation, les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe, auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement ( Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-11.114). En l'espèce, il résulte des lettres de recherche de postes disponibles adressées par la SAS Paulval aux entreprises interrogées que celle-ci a mentionné la liste des postes des salariés concernés par le licenciement, comprenant pour chacun d'eux la nature du poste, la nature du contrat de travail (temps complet et temps partiel) et le statut correspondant (agent de maitrise, employé, cadre). Ces mentions satisfont aux exigences légales et jurisprudentielles, en sorte que le moyen soulevé par la salariée sera rejeté. Dans la présente affaire, l'inspection du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés après avoir constaté l'impossibilité de tout reclassement. Il n'est pas allégué qu'un recours a été formé contre ces décisions administratives. L'argumentation soulevée par la salariée qui se prévaut d'un refus d'autorisation dans un autre litige n'est pas opérante. La SAS Paulval justifie enfin de démarches exhaustives en vue du reclassement des salariés auprès des entités du groupe concernées et d'entreprises extérieures. Elle a procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement et rien n'établit qu'il existe d'autres possibilités de permutation d'emploi. La SAS Paulval a ainsi satisfait à son obligation de reclassement. Il résulte de ces éléments que le licenciement de Mme [F] [V] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que ses demandes présentées à ce titre doivent être rejetées. - Sur les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. Il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Paulval et la SAS ITM alimentaire région parisienne à payer à la salariée une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu à appliquer ces dispositions en cause d'appel et les parties seront déboutées de leur demande présentée à ce titre. La salariée supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement rendu entre Mme [F] [V] et les SAS Paulval et SAS ITM alimentaire région parisienne par le conseil de prud'hommes d'Orléans, en sa section commerce, le 26 août 2019, en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, et ajoutant - Rejette la demande de Mme [F] [V] tendant à dire que la SAS ITM alimentaire région parisienne est coemployeur de la SAS Paulval ; -Rejette les demandes de Mme [F] [V] tendant à la nullité du licenciement et à titre subsisidaire, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et les demandes financières subséquentes ; - Rejette les demandes présentées par Mme [F] [V] , la SAS Paulval et la SAS ITM alimentaire région parisienne au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [F] [V]. Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET