28 JUIN 2022
Arrêt
n°
KV/SB/NS
Dossier N° RG 20/01677 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FPV4
[P] [J]
/
Caisse CPAM DE L'ALLIER
Arrêt rendu ce VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
Mme Karine VALLEE, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Claude VICARD, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [P] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Eric NURY suppléant Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
Caisse CPAM DE L'ALLIER
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Thomas FAGEOLE de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIME
Mme VALLEE, Président et Mme DALLE, Conseiller après avoir entendu, Mme VALLEE, Président en son rapport, à l'audience publique du 30 Mai 2022, tenue par ces deux magistrats, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Madame le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article
450 du code de procédure civile
FAITS ET PROCÉDURE
Le 14 juillet 2016, M. [P] [J] a déclaré avoir été victime le 21 mai 2016 à 11h30 sur son lieu de travail habituel d'un malaise réactionnel avec douleur thoracique, sa déclaration étant assortie d'un certificat médical établi le 22 mai 2016 par le service des urgences du centre hospitalier de [Localité 5] .
Par décision du 27 septembre 2016, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci- après CPAM) de l'ALLIER a notifié à M. [J] son refus de prendre en charge l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels.
M. [J] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM de l'ALLIER qui, par décision en date du 14 novembre 2016, a rejeté son recours.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 15 décembre 2016, M. [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ALLIER d'un recours contre cette position de refus de prise en charge.
A compter du 1er janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a succédé au pôle social du tribunal de grande instance de MOULINS, auquel avaient été transférées sans formalités à compter du 1er janvier 2019 les affaires relevant jusqu'à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ALLIER.
Suivant jugement prononcé le 20 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a :
- déclaré le recours de M. [J] recevable en la forme ;
- constaté que M. [J] n'établit ni la réalité d'un fait accidentel, ni l'apparition d'une lésion physique apparue au temps et au lieu de travail ;
- confirmé la décision prise par la CPAM de l'ALLIER du 27 septembre 2016 refusant la prise en charge de l'accident du 21 mai 2016 déclaré par M. [J] au titre de la législation professionnelle ;
- débouté M. [J] de ses demandes ;
- condamné M. [J] aux dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 novembre 2020, M. [J] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 29 octobre 2020.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses écritures déposées à l'audience du 30 mai 2022 et oralement soutenues, M. [J] demande à la cour de :
- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel ;
Infirmant,
- le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes ;
- dire et juger que son accident du 21 mai 2016 doit donner lieu à prise en charge au titre de la législation professionnelle ;
- laisser les dépens à la charge de la CPAM de L'ALLIER.
A l'appui de son recours, M. [J] affirme que le 21 mai 2016 il a été convoqué par son supérieur, M. [E], qui a élevé le ton à son encontre, provoquant chez lui des bouffées de chaleur et des douleurs thoraciques. Il affirme que l'enquête de la CPAM de l'ALLIER et divers témoignages démontrent qu'il se trouvait bien au sein de l'entreprise lorsque son malaise est survenu en suite de cet entretien avec son supérieur hiérarchique.
Il estime établir la matérialité de l'accident déclaré et conclut à l'application à son profit de la présomption d'imputabilité de l'accident au travail, non remise en cause de manière sérieuse par la CPAM de l'ALLIER.
Par ses écritures déposées à l'audience du 30 mai 2022 et oralement soutenues, la CPAM de L'ALLIER demande à la cour de :
- dire que c'est à bon droit qu'elle a refusé la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels du prétendu accident survenu le 21 mai 2016 ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 20 octobre 2020 ;
- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. [J], outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
La CPAM de l'ALLIER considère que M. [J] n'établit pas l'existence d'un accident du travail, ses déclarations étant contradictoires avec celles de son supérieur hiérarchique et de la responsable des ressources humaines et aucun élément suffisamment probant n'étant apporté aux débats en ce sens. Elle affirme que M. [J] ne se trouvait plus sous la subordination de son employeur lorsque ses lésions sont apparues.
Conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé de leurs
MOTIFS
la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels :
Aux termes de l'article
L. 411-1 du code de la sécurité sociale : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.'.
Constitue ainsi un accident du travail tout fait précis, à l'origine d'une lésion corporelle ou psychique, survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail, le caractère professionnel d'un accident supposant l'existence d'un lien direct entre ce dernier et le travail.
Il appartient au salarié qui revendique l'existence d'un accident du travail d'établir la matérialité de l'accident survenu au temps et au lieu de travail, ainsi que l'existence d'une lésion.
S'agissant en revanche de la démonstration du lien entre l'accident et le travail, il doit être tenu compte de l'existence d'une présomption simple d'imputabilité, en ce sens que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. Cette présomption d'imputabilité s'applique non seulement dans les rapports entre la victime ou ses ayants droit et l'employeur, mais également dans les rapports entre l'employeur et la caisse.
En l'espèce, les lésions présentées par M. [J] sont confirmées par certificat médical initial du 22 mai 2016 qui les évoque en ces termes : ' malaise, douleur thoracique, hyperglycémie.'
Ce certificat initial a été dressé à la suite d'une hospitalisation au centre hospitalier de [Localité 5] du 21 mai 2016 à 12H16 au 22 mai 2016 à 12H19.
Ces éléments d'ordre médical corroborent l'existence de symptômes physiques assimilables à une lésion dont la réalité n'est au demeurant pas discutée par les parties.
Le débat opposant les parties porte sur la preuve de la matérialité d'un événement survenu au temps et au lieu de travail qui serait à l'origine de la lésion.
Il est constant que dans la matinée du 21 mai 2016, alors qu'il se trouvait sur son lieu de travail, M. [J] a été convoqué par M. [E], son supérieur hiérarchique, en vue de la remise d'une convocation préalable à sanction et qu'il a quitté son poste de travail aux alentours d'11H30 après la tenue de cet entretien.
M. [J] explique qu'au cours de cet entretien, il a soudainement présenté de façon réactionnelle des bouffées de chaleur et douleurs thoraciques qui se sont rapidement aggravées, au point qu'il a dû se rendre aux toilettes pour vomir. Il ajoute que M. [E] a élevé le ton à son encontre.
Ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'audition dressé au cours de l'enquête administrative menée par la caisse, ce dernier considère à l'inverse que l'entretien s'est déroulé tout à fait normalement.
Mme [C], responsable des ressources humaines, témoin de l'entretien, a quant à elle relaté que ' M. [J] ne s'est pas senti bien et il nous a demandé à quitter le bureau et a demandé l'autorisation de quitter le magasin.'.
Si elle indique ainsi que M. [J] ne s'est pas senti bien et a exprimé le souhait de quitter son poste de travail, Mme [C] ne confirme toutefois pas de façon circonstanciée l'apparition sur le lieu de travail des symptômes physiques qui ont conduit le salarié à se présenter ensuite aux services des urgences de l'hôpital qui les a consignés.
L'attestation en date du 7 juin 2016 rédigée par M. [Z] ne permet pas davantage d'étayer les dires du salarié en ce sens que si l'attestant confirme l'existence des symptômes physiques de M. [J] apparus en fin de matinée du 21 mai 2016, il ne peut en situer l'élément déclencheur à un événement survenu antérieurement sur le lieu de travail, sur lequel il n'était pas présent.
Reste l'attestation établie le 26 décembre 2016 par M. [M], par lequel ce dernier, se présentant comme apprenti agent de sécurité, expose que le 21 mai 2016, alors qu'il était posté au PC, M. [J] été convoqué par M. [E] et que ' soudainement, M. [J] est descendu aux toilettes du PC suivi de M. [E]' et avoir 'entendu vomir à plusieurs reprises M. [J]', ajoutant que ' quand il est sorti des toilettes, il a dit au chef qu'il se sentait très mal et qu'il avait besoin d'être soigné d'urgence.'
A l'inverse de l'attestation de M. [Z], celle établie par M [M], qui ne se limite pas à reproduire les déclarations du salarié mais fait état de ce qu'il a personnellement constaté, corrobore l'apparition soudaine de symptômes physiques sur le lieu de travail et pendant le temps de travail.
La force probante de cette pièce n'est pas discutée par la CPAM de l'ALLIER qui se contente de porter la critique sur l'attestation rédigée par M. [Z], et la cour observe que l'attestation de M. [M], établie quelques mois seulement après la journée du 21 mai 2016, est conforme aux dispositions de l'article
202 du code de procédure civile.
Cette attestation, qui complète les déclarations plus évasives de la responsable des ressources humaines quant au fait qu'au cours de l'entretien M. [J] s'est senti mal et a demandé à quitter le bureau, permet de conclure que le salarié établit qu'aux temps et lieu de travail sont survenus un fait accidentel et l'apparition soudaine d'une lésion, le fait que l'intensité de celle-ci se soit accentuée une fois les locaux de l'entreprise quittés n'annihilant en rien sa manifestation primitive sur le lieu même du travail.
Cette démonstration emporte, conformément aux dispositions de l'article
L411-1 du code de la sécurité sociale, l'application de la présomption d'imputabilité au travail, étant constaté qu'aucun élément n'est produit par la caisse en faveur de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail susceptible de la renverser.
Faisant donc une analyse différente de celle conduite par les premiers juges, dont le jugement sera infirmé, la cour trouve en la cause des éléments suffisamment probants pour caractériser un accident devant être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
- Sur les dépens et l'article
700 du code de procédure civile:
Compte tenu de l'issue du litige apportée à hauteur d'appel, la CPAM de l'ALLIER, qui succombe à la procédure au sens de l'article
696 du code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, la disposition contraire du jugement entrepris étant infirmée. Cette condamnation aux dépens exclut qu'il soit fait application à son profit des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé la décision de la CPAM de l'ALLIER en date du 27 septembre 2016 refusant la prise en charge de l'accident du 21 mai 2016 déclaré par M. [P] [J] au titre de la législation sur les risques professionnels, débouté M. [P] [J] de ses demandes et condamné ce dernier aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
- Dit que l'accident du 21 mai 2016 déclaré par M. [P] [J] doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;
- Condamne la CPAM de l'ALLIER aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
- Déboute la CPAM de l'ALLIER de sa demande fondée sur l'article
700 du code de procédure civile ;
- Condamne la CPAM de l'ALLIER aux dépens d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY K. VALLEE