Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 23 mars 2010, 08-21.234

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-03-23
Cour d'appel de Paris
2008-10-02
Cour d'appel de Versailles
2003-12-11

Texte intégral

Sur le premier moyen

, pris en sa quatrième branche :

Vu

l'article 1167 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, qu'en 1994, la Banque générale du commerce, aux droits de laquelle vient la société Sofigère (la banque), a consenti à la société Buromaster un prêt garanti par une hypothèque sur un immeuble situé rue Edith Cavell à Courbevoie et par le cautionnement solidaire de son dirigeant, M. Michel X... ; qu'un protocole d'accord du 6 février 1997 a mis en place des aménagements de remboursement prévoyant notamment la cession de l'immeuble hypothéqué ou à défaut la délégation des loyers au profit de la banque ; qu'en 1999, M. Michel X... et ses enfants, M. Thomas X... et Mme Julie X..., épouse de Y..., ont constitué la société civile immobilière Edith Cavell (la SCI) ; que par acte notarié du 28 avril 2000, la société Buromaster a fait apport à la SCI de l'immeuble situé rue Edith Cavell, évalué à 3 200 000 francs, et a reçu en contrepartie de cet apport 32 097 des 32 100 parts composant le capital de la SCI ; que le 22 janvier 2001, l'assemblée générale extraordinaire de la SCI a réduit le capital social à 20 000 francs, la société Buromaster ne détenant plus que 197 parts sur 200 ; que le même jour, cette dernière société a cédé ses parts à la société de droit belge Bofin Belgium, constituée entre M. Michel X... et ses enfants, pour le prix de 19 700 francs ; qu'en 2004, la banque a fait assigner la société Buromaster, la SCI, M. Thomas X... et Mme Julie X... en inopposabilité de l'acte notarié du 28 avril 2000 et en dommages-intérêts ; Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt, après avoir retenu, par motifs propres et adoptés, que la banque ne peut valablement soutenir que l'acte du 28 avril 2000 a été fait en fraude de ses droits, sa connaissance de l'apport et son agrément à cet acte lui interdisant de se prévaloir de son caractère frauduleux, relève que la banque ne formule aucune demande concernant les actes passés postérieurement et retient qu'il n'appartient pas à la cour d'appel d'analyser ces actes au regard de leur éventuelle inopposabilité, pas plus qu'il n'est utile d'analyser les chefs de préjudice subis par la banque dès lors que le seul acte contesté par cette dernière est déclaré régulier ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi

, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances qu'elle relevait n'étaient pas de nature à établir que l'acte du 28 avril 2000 constituait la première étape d'un montage frauduleux ayant porté préjudice à la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne les sociétés Edith Cavell et Buromaster, M. X... et Mme de Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, d'une part, les sociétés Edith Cavell et Buromaster et Mme de Y... à payer à la société Sofigère la somme globale de 1 250 euros et, d'autre part, M. X... à payer à ladite société la somme de 1 250 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Sofigère PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société SOFIGERE, venant aux droits de la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, de ses demandes qui tendaient à voir déclarer inopposable à son égard l'acte du 28 avril 2000 par lequel la société BUROMASTER avait fait apport de l'immeuble sis 26 rue Edith Cavell à Courbevoie au profit de la SCI EDITH CAVELL et à obtenir la condamnation solidaire des sociétés BUROMASTER, EDITH CAVELL, de Monsieur Thomas X... et de Madame Julie X... au paiement de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la société SOFIGERE expose qu'elle n'a jamais donné son accord à l'apport de l'immeuble au capital de la SCI et que le notaire lui a laissé croire que l'immeuble allait être vendu, vente à laquelle elle ne s'opposait pas dès lors qu'elle pensait ainsi pou voir être bénéficiaire des fonds ; que par lettre du 27 janvier 2000 adressée à la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, le notaire écrivait : "A titre d'information, je vous précise avoir été chargé de régulariser l'apport de l'immeuble à Courbevoie 26 rue Edith Cavell, par la société Buromaster au profit de la société dénommée SCI Edith Cavell, régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre. Cet immeuble est grevé d'une inscription de privilège de vendeur et de privilège de prêteur de deniers ainsi que d'hypothèques conventionnelles au profit de votre établissement, outre celle profitant au Trésor Public ; Si vous aviez une quelconque observation à formuler sur cet apport, je vous remercie de me le faire savoir" ; que la BANQUE GENERALE DU COMMERCE a répondu à ce courrier le 15 février 2000 en indiquant "Nous n'avons pas d'observations à formuler sur l'apport de l'immeuble … du moment que le montant du prix de cession de ce bien immobilier, le moment venu, soit soumis à l'accord de la banque" ; que le 18 février 2000, la banque précisait au notaire "Vous voudrez bien nous adresser pour accord vos projets d'actes d'apport des immeubles" ; qu'il résulte de ces échanges de correspondance que la banque était informée de la cession et qu'elle a indiqué ne pas s'y opposer ; que si elle n'a jamais reçu le projet d'acte d'apport des immeubles, aucune faute n'a été commise par les parties, dès lors que le protocole prévoyait qu'elle devait donner son accord seulement sur le montant du prix de vente de l'immeuble ; qu'en conséquence, l'immeuble n'ayant pas été vendu, le notaire n'était pas tenu de lui soumettre l'acte pour accord ; que la société SOFIGERE soulève, en 1er lieu, l'inopposabilité de l'apport en société au visa de l'article 1321 du Code Civil, en raison du caractère occulte de l'opération ; que les échanges de courriers ci-dessus rappelés démontrent qu'aucune simulation n'a été mise en place par les intimés pour cacher la transmission de l'immeuble à la BANQUE GENERALE DU COMMERCE ; que les statuts de la SCI étant régulièrement immatriculés, comme le rappelle le notaire, la banque était à même de savoir que la société BUROMASTER était la principale détentrice des parts sociales de la SCI ; qu'aucune simulation ne peut là encore être relevée ; que la société SOFIGERE expose, en 2ème lieu, que l'apport en nature de l'immeuble à la SCI a été fait en fraude de ses droits par un appauvrissement de la société BUROMASTER et une intention frauduleuse évidente ; que la société BUROMASTER étant détentrice de 99,99 % des parts de la SCI EDITH CAVELL, l'apport contesté n'a pas fait perdre à la société BUROMASTER sa qualité de propriétaire ; que la société SOFIGERE ne formule aucune demande concernant les actes passés le 22 janvier 2001 ; qu'il n'appartient donc pas à la Cour de les analyser au regard de leur éventuelle inopposabilité ; qu'il n'est pas plus utile d'analyser les chefs de préjudice subis par la société SOFIGERE, dès lors qu'il vient d'être vu que le seul acte contesté par cette société créancière vient d'être déclaré régulier ; que la société SOFIGERE soulève, en 3ème lieu, la nullité de l'acte d'apport en société du 28 avril 2000 pour absence de cause, au regard du prix dérisoire de l'immeuble ; que le prix de 19.700 F contesté par la société SOFIGERE porte sur celui qui est indiqué dans les actes du 22 janvier 2001 qui ne sont pas remis en cause ; que le seul acte notarié du 28 avril 2000 dont la société SOFIGERE demande la nullité au visa de l'article 1131 du Code Civil indique que l'immeuble est évalué à 3.200.000 F, net de tout passif ; que ce montant n'étant pas remis en cause par la société SOFIGERE, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'acte du 28 avril 2000 ; que l'acte contesté par la société SOFIGERE n'étant déclaré ni nul, ni inopposable, il n'y a pas lieu de statuer sur l'action en responsabilité dirigée à titre personnel contre Thomas et Julie X... sur le fondement de la fraude entachant l'acte du 28 avril 2000 ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'IL convient de se placer, pour déterminer l'existence d'une fraude paulienne, à la date de la signature de l'acte critiqué ; qu'en l'espèce, la société SOFIGERE prétend que l'acte notarié du 28 avril 2000 par lequel la société BUROMASTER a fait apport de la propriété de l'immeuble sis 26, rue Edith Cavell à Courbevoie à la SCI EDITH CAVELL aurait été conclu en fraude de ses droits ; que cependant il ressort des éléments du dossier que le notaire ayant établi cet acte d'apport a, par courrier du 27 janvier 2000, informé la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, aux droits de laquelle vient la société SOFIGERE, de l'apport envisagé par la société BUROMASTER au profit de la SCI EDITH CAVELL de l'immeuble litigieux ; que par courrier adressé au notaire le 15 février 2000 la BANQUE GENERALE DU COMMERCE a indiqué n'avoir aucune observation à formuler sur l'apport de l'immeuble ; qu'il s'ensuit que la BANQUE GENERALE DU COMMERCE a eu connaissance de l'apport critiqué avant sa réalisation mais qu'en plus, elle ne s'y est pas opposé ; que pendant plusieurs années et en dépit des nombreuses procédures opposant les parties, la société SOFIGERE n'a jamais remis en cause cet acte d'apport ; qu'à cet égard, il convient d'observer que la société SOFIGERE a, courant 2002 diligentée une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI EDITH CAVELL, prise en sa qualité de tiers détenteur de l'immeuble sis à Courbevoie ; Qu'en agissant ainsi, la société SOFIGERE a clairement manifesté le fait qu'elle reconnaissait la SCI EDITH CAVELL en tant que nouveau propriétaire de l'immeuble litigieux ; que dès lors, la société SOFIGERE ne peut valablement soutenir que l'acte d'apport du 28 avril 2000 a été fait en fraude de ses droits, sa connaissance de cet apport et son agrément à cet acte lui interdisant de se prévaloir de son caractère frauduleux ; que la société SOFIGERE soutient que l'acte d'apport du 28 avril 2000 lui aurait causé deux préjudices distincts, le premier résultant du fait que l'opération a eu pour effet de rendre insaisissable l'immeuble et le second consistant à ta priver de son droit spécial de percevoir les loyers produits par la location de l'immeuble ; qu'en garantie du prêt qu'elle avait consenti, la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, aux droits de laquelle vient la société SOFIGERE, était titulaire d'une hypothèque conventionnelle en second rang sur l'immeuble sis 26 rue Edith Cavell à Courbevoie ; que cette hypothèque avait été renouvelée et que dès lors, la BANQUE GENERALE DU COMMERCE gardait nonobstant l'apport opéré au profit de la SCI EDITH CAVELL toutes ses garanties sur l'immeuble litigieux ; que sur le fondement du droit de suite hypothécaire, la société SOFIGERE a engagé courant 2002 une procédure de saisie immobilière sur cet immeuble, délivrant à la SCI EDITH CAVELL, en sa qualité de tiers détenteur, une sommation de payer ou de délaisser ; que par un arrêt du 11 décembre 2003, la 16ème Chambre de la Cour d'appel de Versailles a annulé cette procédure de saisie immobilière au motif que tant le commandement de saisie signifié à la SCI EDITH CAVELL le 2 janvier 2002 que la sommation à tiers détenteur signifiée le 11 janvier 2002 devaient être annulées, la société SOFIGERE ne pouvant se prévaloir d'une inscription hypothécaire régulièrement renouvelée lui conférant un droit de suite ; que cette décision a mis en exergue le fait que le second renouvellement de l'inscription hypothécaire opéré le 25 septembre 2001 était inopérant ; que ces éléments démontrent que la perte de la garantie hypothécaire souscrite au profit de la banque n'est en rien liée à l'acte d'apport du 28 avril 2000 mais à un fait imputable à la banque elle-même ; qu'à cet égard, il convient de souligner que la perte de la sûreté est intervenue sur un renouvellement irrégulier opéré en septembre 2001 alors même que la SCI EDITH CAVELL avait, depuis plus d'un an, reçu l'immeuble par voie d'apport ; qu'ainsi le premier préjudice allégué par la société SOFIGERE ne tient nullement à l'acte d'apport de l'immeuble à la SCI EDITH CAVELL, mais à la perte de l'hypothèque sur le bien immobilier résultant de sa propre erreur ; que si le renouvellement de l'inscription hypothécaire conventionnelle opéré le 25 septembre 2001 avait été valable, la société SOFIGERE aurait pu saisir les fruits de l'immeuble entre les mains du tiers détenteur ; que le second préjudice allégué par la société SOFIGERE et consistant en la privation de son droit spécial de percevoir les loyers produits par la location de l'immeuble n'a pas de lien de causalité avec l'acte d'apport mais résulte également de la propre erreur de la société SOFIGERE à l'origine de son droit de suite hypothécaire ; 1. ALORS QUE dans sa lettre du 15 février 2000, la Banque Générale du Commerce avait indiqué au notaire de la société Buromaster : « Nous n'avons pas d'observation à formuler sur l'apport de l'immeuble d'Edith Cavell par la société Buromaster au profit de la SCI Edit Cavell du moment que le montant du prix de ce bien immobilier, le moment venu, soit soumis à l'accord de la BGC, conformément aux dispositions du protocole d'accord du 6 février 1997 intervenu entre la BGC et les sociétés du Groupe X... » ; que, par une lettre complémentaire datée du 18 février 2000, la Banque Générale du Commerce indiquait encore au notaire : « Vous voudrez bien nous adresser pour accord vos projets d'actes d'apport des immeubles François Sommer à Antony et Edith Cavell à Courbevoie par la société Buromaster au profit respectif des SCI Galavany Sommer et Edith Cavell » ; qu'en rejetant l'action paulienne dont elle était saisie, au motif que la Banque Générale du Commerce, informée de la cession de l'immeuble, aurait indiqué ne pas s'y opposer, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis des deux lettres susvisées que la banque avait expressément subordonné son accord sur ce projet d'apport à la communication préalable du projet d'acte notarié et à l'examen des contreparties que la société Buromaster tirerait de cette cession, la Cour d'appel les a dénaturées, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2. ALORS, de surcroît, QUE l'apport en société de la propriété d'un immeuble est un acte de disposition assimilable à une cession à titre onéreux de l'immeuble ; qu'en vertu du protocole d'accord du 6 février 1997, la société Buromaster s'était engagée envers la Banque Générale du Commerce dans les termes suivants : « 1. Préalablement à toute cession de l'immeuble, Buromaster s'engage à en informer la BGC qui donnera son accord éventuel sur le prix de vente de l'immeuble ou sur sa mise à prix. 2. Après cession de l'immeuble et répartition des sommes à revenir aux créanciers hypothécaires, Monsieur Michel X... en sa qualité de caution personnelle et solidaire de Buromaster, s'engage à payer à la BGC le différentiel entre le prix de cession de l'immeuble et le solde de la créance de la BGC (…). 3. La BGC se réserve le droit de provoquer la vente si celle-ci n'intervient pas dans un délai de 2 ans. Si toutefois aucune vente n'avait lieu et si l'immeuble était loué, une délégation de loyers sera mise en place au profit de la BGC, derrière la SOFAL selon des modalités restant à définir » ; qu'il résultait des termes clairs et précis du protocole d'accord susvisé que la société débitrice s'était obligée à requérir le consentement préalable de la banque pour tout projet de cession à titre onéreux de l'immeuble, fût-ce par voie d'apport de l'immeuble à une société, dès lors que la réalisation de cet apport aurait nécessairement compromis l'exécution de la promesse expresse de délégation des loyers contractée en faveur de la banque ; qu'en jugeant néanmoins que la société Buromaster n'avait pas commis de faute en s'abstenant de soumettre à l'approbation de la banque le projet d'acte d'apport de l'immeuble en société, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1843-3 du Code civil, ; 3. ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsque l'appauvrissement du débiteur s'est réalisé par l'enchaînement de plusieurs actes de disposition connexes, la circonstance que le créancier ne se soit pas opposé à la réalisation de l'un d'eux ne peut le priver du bénéfice de l'action paulienne ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué qu'en l'espace de huit mois, la société Buromaster, débitrice d'importantes sommes envers la Banque Générale du commerce, avait, sous l'impulsion de son dirigeant, M. X..., successivement apporté à une SCI un bien évalué à 6.000.000 francs par son propre dirigeant, puis fait voter une réduction du capital de la SCI à 20.000 francs et, enfin, cédé pour un prix dérisoire de 19.700 francs les parts qu'elle détenait dans cette SCI au profit d'une société belge entièrement détenue M. X... et des membres de sa famille ; qu'en déboutant la banque de son action paulienne, au motif qu'elle ne se serait pas opposée à la réalisation de l'apport en nature de l'immeuble, sans constater que la banque avait bien été mise en mesure de donner un consentement éclairé sur l'ensemble des actes ayant concouru à l'appauvrissement de son débiteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ; 4. ALORS, encore, QU'à l'appui de sa demande tendant à faire déclarer inopposable à son égard l'acte d'apport de l'immeuble à la SCI Edith Cavell, la société Sofigere faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pp. 13-14, p. 16) que cet apport ne constituait que la première pièce d'un montage frauduleux qui avait consisté, de la part de la société Buromaster, à aliéner, dans un premier temps, au profit d'une société civile immobilière, un actif immobilier évalué par son propre dirigeant à hauteur de 6.000.000 Francs et générant une revenu locatif de plus de 350.000 francs par an, puis, à céder huit mois plus tard les parts sociales reçues en rémunération de cet apport à une société de droit belge entièrement détenue par la famille du dirigeant de la société Buromaster, pour une somme dérisoire de 19.700 francs ; qu'en déclarant qu'il ne lui appartenait pas, pour rechercher si la fraude paulienne était constituée, d'analyser les actes juridiques effectués par la société Buromaster postérieurement à l'acte d'apport de l'immeuble, au motif inopérant que la société Sofigere concluait à l'inopposabilité à son égard du seul acte d'apport, la Cour d'appel a derechef violé l'article 1167 du Code civil. 5. ALORS, en toute hypothèse, QUE l'apport d'un immeuble effectué par un débiteur insolvable au profit d'une société civile immobilière porte nécessairement préjudice à ses créanciers, dès lors qu'il a pour effet de soustraire cet immeuble de l'assiette de leur droit de gage général en le remplaçant par des parts sociales plus aisées à dissimuler et, en tout cas, plus difficiles à appréhender (Com., 27 septembre 2005, n° 03-16.973 ; Civ. 3ème, 13 novembre 2003, n° 99-19.684) ; qu'en l'espèce, la Cour d'app el a constaté que le prêt consenti par la Banque Générale du Commerce à la société Buromaster le 26 janvier 1994 était demeuré impayé alors qu'il était devenu exigible dès le 30 septembre 1994 ; qu'elle a également relevé qu'à la suite de l'apport de l'immeuble litigieux à la SCI Edith Cavell, la société Buromaster avait cédé ses parts sociales dans cette SCI pour une somme dérisoire de 19.700 Francs ; qu'en jugeant néanmoins que l'acte d'apport de l'immeuble n'avait pas porté préjudice à la banque, au prétexte que la société Buromaster avait été rémunérée de cet apport par l'attribution de 99,9 % des parts de la SCI, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, entachant par là sa décision d'une nouvelle violation de l'article 1167 du Code civil ; 6. ALORS, de sixième part, QU'indépendamment des droits hypothécaires constitués en sa faveur, un créancier peut toujours exercer les prérogatives attachées à son droit de gage général sur les biens de son débiteur ; qu'il s'ensuit que l'acte par lequel le débiteur aliène l'immeuble hypothéqué au profit d'un comparse en contrepartie d'une somme dérisoire nuit nécessairement au créancier hypothécaire en diminuant l'assiette de son droit de gage général, en sorte que l'existence du droit de suite ne saurait faire obstacle à l'action paulienne ; qu'en jugeant, par motif adopté, que la sortie de l'immeuble du patrimoine de la société débitrice n'avait pas, en elle-même, préjudicié à la banque du fait de l'existence de son droit de suite hypothécaire, la Cour d'appel a violé les articles 1167 et 2292 ancien du Code civil ; 7. ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE la constitution d'une hypothèque ne confère aucun droit préférentiel sur les fruits de l'immeuble au créancier hypothécaire ; qu'en l'espèce, la société Sofigere rappelait dans ses conclusions que la société Buromaster s'était personnellement engagée, par le protocole d'accord du 6 février 1997, à lui déléguer les loyers de l'immeuble litigieux dans l'hypothèse où sa vente ne serait pas intervenue dans un délai de deux ans ; que l'exposante faisait ainsi valoir qu'en apportant cet immeuble à une société tierce, puis en cédant ses propres participations dans cette société, la société Buromaster s'était nécessairement placée dans l'impossibilité d'exécuter sa promesse de délégation des loyers, empêchant la banque de percevoir les fruits de l'immeuble ; qu'en jugeant néanmoins, par motif adopté, que ce préjudice était dépourvu de lien de causalité avec l'acte d'apport, mais résultait de la propre erreur de la société Sofigere à l'origine de la perte de son droit de suite hypothécaire, la Cour d'appel s'est méprise sur les effets juridiques de l'hypothèque, en violation des articles 1167 et 2114 ancien du Code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société SOFIGERE, venant aux droits de la BANQUE GENERALE DU COMMERCE, de ses demandes tendant à la condamnation solidaire de Monsieur Thomas X... et de Madame Julie X..., au côté des sociétés BUROMASTER, EDITH CAVELL, au paiement de dommages et intérêts, au titre de leur participation à la mise en oeuvre d'une fraude paulienne à son détriment ; AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'examen du dossier permet de se convaincre que la preuve d'une quelconque intention frauduleuse de Monsieur Thomas X... et de Madame Julie X... n'est pas rapportée par la société SOFIGERE ; qu'en aucun cas, ils ne pouvaient avoir un rôle décisif dans l'élaboration du montage critiqué dans la mesure où ils n'assuraient aucune fonction de gestion ou de direction dans les sociétés BUROMASTER et EDITH CAVELL et ne disposaient que de participations minoritaires dans les sociétés en cause ; que de plus ils n'ont participé ni à la conclusion du prêt, ni au protocole d'accord et encore moins à l'acte d'apport du 28 avril 2000 ; que dès lors, aucune faute ne peut sérieusement leur être imputée ; ALORS QU'A l'appui de sa demande, la société SOFIGERE produisait, d'une part, un extrait K Bis de la société BUROMASTER, faisant apparaître que Thomas X... siégeait au Conseil d'administration de cette société, et, d'autre part, les statuts de la SCI EDITH CAVELL et le procès-verbal de son assemblée générale du 22 janvier 2001, qui faisaient état de ce que Thomas et Julie X... avaient participé à la constitution de la SCI, voté en faveur de la réduction de son capital au plancher de 20.000 francs et, enfin, donné leur agrément à la cession par la société BUROMASTER de ses parts au profits de la société BOFIN BELGIUM dont ils étaient eux mêmes actionnaires ; qu'à la lumière de ces éléments de preuve, la société SOFIGERE soulignait que les deux personnes susvisées, qui avaient nécessairement connaissance de l'étendue de l'endettement de la société BUROMASTER et des engagements souscrits par cette société envers la banque dans le protocole du 6 février 1997, avaient activement participé à la mise en oeuvre de la fraude paulienne dénoncée, dont ils étaient d'ailleurs les premiers bénéficiaires ; qu'en affirmant néanmoins « qu'en aucun cas, Thomas et Julie X... ne pouvaient avoir un rôle décisif dans l'élaboration du montage critiqué », sans procéder à la moindre analyse des preuves contraires versées aux débats, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.