Cour d'appel de Versailles, 3 mai 2007, 2006/01982

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    2006/01982
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : THÉ DE NOËL MÉLANGE EXCLUSIF COMPAGNIE COLONIALE ; NOËL ; THÉ NOËL
  • Classification pour les marques : CL21 ; CL30
  • Numéros d'enregistrement : 95601602 ; 1692919 ; 96622602
  • Parties : MARIAGE FRÈRES SA / FRALIB SOURCING UNIT SAS ; CAPEL (Me Marie-Laëtitia, mandataire judiciaire ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA INDAR)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Nanterre, 2 février 2006
  • Président : Madame Sylvie MANDEL
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2007-05-03
Tribunal de grande instance de Nanterre
2006-02-02

Texte intégral

COUR D'APPEL de Versailles LE TROIS MAI DEUX MILLE SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. MARIAGE FRERES, dont le siège est : [...], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL ET FERTIER, avoués -N" du dossier 20060352 Plaidant par Me Jean-Baptiste A, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Laurence B, avocat au même barreau APPELANTE **************** 1. S.A.S. FRALIB SOURCING UNIT, dont le siège est : [...], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP GAS, avoués - N° du dossier 20060347 Plaidant par Me Darius S, avocat au barreau de PARIS 2. Maître Marie-Laetitia C, mandataire judiciaire es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A. INDAR, fonction à laquelle elle a été nommée suivant jugement du Tribunal de Commerce de POITIERS en date du 12 janvier 2007 INTERVENANTE VOLONTAIRE, domiciliée [...] - 86280 SAINT BENOIT. Concluant par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - N° du dossier 260508 Plaidant par Me Céline B, avocat au barreau de PARIS, membre du cabinet HERBERT - SMITH INTIMEES ****************

Composition de la cour

: L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2007 devant la cour composée de : Madame Sylvie MANDEL, président, Monsieur A CHAPELLE, conseiller, Madame Marie-José VALANTIN, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE La société FRALIB a déposé le 18 décembre 1995 à l'INPI une marque figurative "thé de noël en couleurs (reproduite ci-dessous) marque enregistrée sous le n° 95 601 602 pour désigner en classe 30 les thés. L'opposition qui avait été formée à rencontre de l'enregistrement de cette marque par la société INDUSTRIAS ALIMENTICLAS NOËL titulaire de la marque antérieure NOËL enregistrée sous le n° 1 692 919 pour désigner notamment de la pâtisserie a été rejetée par décision du directeur de l'INPI du 25 septembre 1996 devenue définitive. La société FRALIB a concédé à la société INDAR une licence exclusive de la marque "thé de noël" pour des thés par acte du 23 janvier 2001 inscrit au RNM le 29 octobre 2001 puis lui a cédé celle-ci par acte inscrit au RNM le 5 novembre 2004. De son côté, la société MARIAGE FRERES bénéficie en vertu d'un accord conclu le 6 août 2002 enregistré le 23 octobre 2002 au registre national des marques d'une licence exclusive de lamarque verbale française "Noël" n° 1 692 919 déposée le 5 octobre 1981 par la société INDUSTRIAS ALIMENTICIAS NOËL, cédée le 4 juin 1999 à la société COMPANIA DE GALLETAS NOËL. Cette licence a été accordée à la société MARIAGE FRERES pour du thé. Cette marque a été renouvelée dans le dernier état le 30 mars 2001. Par ailleurs, la société MARIAGE FRERES a déposé le 24 avril 1996 une marque consistant dans la dénomination THE NOËL, marque enregistrée sous le n" 96 622 602 pour désigner en classe 21 : ustensiles et récipients pour la cuisine et le ménage, peignes, éponges et brosses, verre, brut ou mi- ouvré; vaisselle en verre, porcelaine et faïence. La société MARIAGE FRERES faisant valoir que la société INDAR commercialisait des boîtes de thé sur lesquelles était apposé le libellé THE DE NOËL lui a adressé le 28 novembre 2002 une mise en demeure d'avoir à cesser cette commercialisation et par ailleurs, par lettre en date du lé juillet 2003, elle a invité la société FRALIB à renoncer volontairement à ses droits sur la marque semi-figurative 95 601 602 au motif qu'elle ne faisait pas l'objet d'un usage sérieux. Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée entre les parties, la société MARIAGE FRERES a ,par exploit en date du 8 octobre 2003 assigné la société FRALIB devant le tribunal de grande instance de Nanterre. La société INDAR étant intervenue volontairement à la procédure, MARIAGE FRERES dans le dernier état de ses écritures, demandait que la société FRALIB soit déchue de ses droits sur la marque n° 95 601 602 pour le thé et que les sociétés FRALIB et INDAR soient condamnées pour contrefaçon de la marque NOËL ainsi que pour actes de concurrence déloyale. Elle sollicitait le paiement d'une indemnité provisionnelle de 80 000 euros à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise ou subsidiairement l'allocation d'une indemnité de 250 000 euros outre des mesures de publication et d'interdiction. En défense, la société FRALIB contestait la recevabilité de la demande en déchéance et sur le fond concluait à son mal fondé. Elle soulevait également l'irrecevabilité de la demande en contrefaçon de marque en invoquant notamment la forclusion par tolérance. Sur le fond, elle concluait à l'absence de contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale. Par ailleurs, FRALIB formait une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 15 000 euros pour procédure abusive et réclamait la même somme au titre de l'article 700 du NCPC. La société INDAR concluait également à l'irrecevabilité de la demande en déchéance et à son mal fondé. Elle contestait la recevabilité de la demande en contrefaçon faute de mise en demeure et invoquait également la forclusion par tolérance. Sur le fond, la société INDAR concluait au rejet de la demande en contrefaçon au motif qu'il n'y avait pas reproduction à l'identique et que par ailleurs il n'existait aucun risque de confusion, se rapportant sur ce point à la décision du directeur de l'INPI ayant statué sur l'opposition. Elle concluait en outre au rejet de la demande en concurrence déloyale et elle formait une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et d'une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Par jugement du 2 février 2006 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, le tribunal a estimé que la demande en déchéance était recevable mais qu'elle était mal fondée dès lors que les défenderesses justifiaient d'un usage de la marque "thé de noël" depuis l'année 1999 dans des conditions qui n'altéraient pas son caractère distinctif. Le tribunal a considéré que la société MARIAGE FRERES était irrecevable en son action en contrefaçon formée contre la société FRALIB au motif qu'aucun acte de contrefaçon n'avait été commis par cette société dans la période non couverte par la prescription (21 mars 2002- 21 mars 2005). Le tribunal a, en revanche, considéré que la société MARIAGE FRERES était recevable en son action en contrefaçon à rencontre de la société INDAR au motif qu'il n'était pas établi que le titulaire de la marque Noël ou l'exploitant de cette marque, à savoir Mariage Frères, ait toléré pendant cinq ans l'usage de la marque Thé de Noël. Toutefois, le tribunal a estimé que la demande en contrefaçon était mal fondée aux motifs qu'il n'y avait ni reproduction à l'identique, ni risque de confusion entre les marques en cause. Le tribunal a également rejeté la demande pour concurrence déloyale faute d'élément distinct de ceux de la contrefaçon. Le tribunal a condamné la société MARIAGE FRERES à payer à chacune des sociétés FRALIB et INDAR une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC. La société INDAR a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 16 juin 2006 puis en liquidation judiciaire par jugement du 12 janvier 2007. La société MARIAGE FRERES a déclaré sa créance le 28 juillet 2006. Appelante, la société MARIAGE FRERES demande à la cour dans le dernier état de ses écritures de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré ses actions recevables mais de l'infirmer pour le surplus et de : - prononcer à compter du 8 octobre 2003 la déchéance des droits sur la marque n°95601 602 en ce qu'elle désigne du thé, - déclarer recevable l'action en contrefaçon, - dire et juger que les sociétés FRALIB et INDAR ont commis des actes de contrefaçon de marque, que l'action en déchéance prospère ou non, - prononcer des mesures d'interdiction sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, - condamner la société FRALIB à lui payer la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, - fixer sa créance au passif de la société INDAR à la somme de 80 000 euros, - ordonner une expertise afin de déterminer son préjudice, - ordonner des mesures de publication de l'arrêt à intervenir, - subsidiairement de condamner la société FRALIB à lui verser la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts si la mesure d'expertise ne devait pas être acceptée et de fixer sa créance au passif de INDAR au même montant. En toute hypothèse, MARIAGE FRERES sollicite la condamnation solidaire des sociétés FRALIB et INDAR à lui payer la somme de 150 000 euros pour concurrence déloyale mais de dire qu'en ce qui concerne ENDAR, il n'y a lieu qu'à fixation de la créance. Enfin, elle sollicite le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. FRALIB SOURCENG UNIT poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté MARIAGE FRERES de ses demandes en déchéance et en contrefaçon de marque. Formant appel incident pour le surplus, elle demande de déclarer irrecevable en raison de la forclusion par tolérance, la demande en contrefaçon et en nullité de la marque n' 95 601 602 (aucune demande en nullité de cette marque n'est formée par la société MARIAGE FRERES). Elle sollicite le paiement d'une somme de 30 000 euros pour procédure abusive et de 7 000 euros en application de l'article 700 du NCPC. Maître C, es qualités de mandataire liquidateur de INDAR conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit MARIAGE FRERES recevable à agir en déchéance de la marque n° 95 601 602 et à titre subsidiaire à sa confirmation en ce qu'il a débouté MARIAGE FRERES de sa demande en déchéance. Sur la contrefaçon, Maître C es qualités conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit MARIAGE FRERES recevable à agir en contrefaçon de marque à son encontre sur le fondement de la marque NOËL n° 1692 919 et subsidiairement à sa confirmation en ce qu'il a débouté MARIAGE FRERES de sa demande de ce chef. Sur la concurrence déloyale, Maître C poursuit la confirmation du jugement. A titre subsidiaire, elle conclut à l'absence de préjudice. Enfin, elle sollicite le paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC A l'issue de l'audience des plaidoiries, la Cour a invité les parties à présenter une note en délibéré sur la recevabilité de la société MARIAGE FRERES à agir en contrefaçon de la marque "Noël" après avoir constaté que le certificat de renouvellement de cette marque n'était pas communiqué. Le 13 mars 2007, la société MARIAGE FRERES a communiqué le certificat de renouvellement de la marque "Noël" effectué le 30 mars 2001 ainsi qu'un certificat d'identité complet de la marque "thé de noel". Le même jour la société INDAR a communiqué une note en délibéré exposant que la marque "Noel" n'ayant pas été renouvelée depuis le 12 septembre 1991, la société MARIAGE FRERES n'avait pas d'intérêt à agir en déchéance et était irrecevable à agir en contrefaçon.

SUR CE,

LA COUR. I. Sur la demande en déchéance de la marque n' 95 601 602 "thé de Noël : a) sur l'intérêt à agir en déchéance de la société MARIAGE FRERES : Considérant que la société MARIAGE FRERES rapporte la preuve qu'elle est titulaire d'une licence exclusive de la marque verbale "Noel' n° 169 2919 pour du thé et justifie par ailleurs par sa note en délibéré que cette marque a fait l'objet d'un renouvellement le 30 mars 2001 ; Considérant que la société MARIAGE FRERES commercialisant tout comme la société INDAR des thés, et la présence de la marque "thé de Noël" étant susceptible de la gêner dans ses activités, elle justifie d'un intérêt à solliciter la déchéance de cette marque ; que le fait que la société MARIAGE FRERES soit titulaire d'une licence exclusive de la marque "Noel " antérieure à la marque "thé de Noel" n'est pas de nature à rendre sa demande en déchéance irrecevable dès lors qu'elle peut vouloir, soit proposer à la société COMPANIA DE GALETAS NOEL (son donneur de licence) une modification de son contrat de licence afin de pouvoir déposer elle-même une marque pour du thé comportant le vocable "Noël", étant déjà titulaire d'une marque " THE NOEL" déposée le 24 avril 1996 et enregistrée pour désigner des produits en classe 21, soit préserver ses intérêts futurs dans l'hypothèse où son contrat de licence qui expire le 6 août 2007 serait dénoncé, ce d'autant plus que la société MARIAGE FRERES a pour principale activité la vente du thé et de ses accessoires et a acquis une réputation certaine dans ce domaine ; Que la loi sur les marques offrant à la société MARIAGE FRERES plusieurs possibilités pour défendre ses intérêts, les sociétés INDAR et FRALIB ne peuvent soutenir que la société MARIAGE FRERES a cherché par cette demande en déchéance à contourner la loi et à échapper à l'irrecevabilité d'une action en contrefaçon résultant de la forclusion par tolérance; que rien n'interdit de former simultanément une action en déchéance et une action en contrefaçon à l'encontre d'une même marque ; Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit la société MARIAGE FRERES recevable en sa demande en déchéance ; b) sur le bien fondé de la demande en déchéance : Considérant que la demande en déchéance ayant été formulée par la société MARIAGE FRERES le 8 octobre 2003 avec effet à la même date, la société FRALIB propriétaire à cette date de la marque n° 95 601 602 doit rapporter la preuve qu'elle en a fait un usage sérieux pour du thé entre le 8 mars 1998 et le 8 octobre 2003 ; Considérant que l'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque étant assimilé à un usage de la marque par son titulaire, la société FRALIB peut à bon droit se prévaloir de l'usage qu'aurait fait la société INDAR de la marque au cours de cette période ; Mais considérant que l'usage du signe en cause doit être un usage sérieux et non pas simplement anecdotique, être un usage à titre de marque pour identifier l'origine des produits et cet usage doit porter sur le signe tel que déposé ; que si l'usage de la marque sous une forme modifiée est susceptible d'être retenu c'est à la condition que les modifications apportées à la marque telle que déposée n'en altèrent pas le caractère distinctif, ce qui implique que les éléments conférant à la marque son caractère distinctif se retrouvent dans la marque modifiée ; Considérant que la marque n° 95 601 602 se présente ainsi : qu'il s'agit d'une étiquette de forme rectangulaire recouvrant presque entièrement la face avant de la boîte, à fond jaune pâle entouré sur trois côtés d'un bandeau rouge ; qu'au milieu de l'étiquette est représentée un paquet cadeau emballé dans un papier rouge et entouré d'un ruban vert ; que derrière le paquet sont représentées deux feuilles de houx et une clochette ; que le paquet est posé sur un tas de feuilles de thé de couleur rougeâtre; que sous le paquet sont inscrites sur deux lignes les mentions suivantes en lettres fantaisie de couleur rouge "thé de Noël" et en lettres capitales d'imprimerie de dimensions très nettement inférieures : "mélange exclusif; qu'à la base de l'étiquette figure un cartouche de forme ovale, à fond noir portant la dénomination "Compagnie Coloniale" en lettres blanches sur deux lignes, surmontée de deux C accolés ; Considérant que certes les plaquettes de sélection de thés communiquées par les sociétés intimées ont été diffusées à des dates se situant à l'intérieur de la période à prendre en compte; que de même il est justifié par les factures produites que les sociétés FRALIB et INDAR ont vendu des sacs ou des boîtes "thé de noël"; que par ailleurs différents articles de presse sur le "thé de Noël" de la Compagnie Coloniale parus à l'automne 2001 et en décembre 2001 et 2002 ainsi qu'en janvier- février 2003 sont versés aux débats ; Qu'en revanche la pièce n°6 représentant une boîte de thé n'est pas pertinente, la date de péremption mentionnée au verso de la boîte étant le 31 décembre 1995, il est manifeste que cette boîte a été mise dans le commerce en dehors de la période à prendre en compte ; Considérant que la marque en cause n'est pas la marque verbale "thé de Noël" mais une marque figurative qui présente les éléments décrits ci-dessus ; Or considérant qu'aucun des documents communiqués pour justifier de l'usage de cette marque figurative ne reproduit la marque telle que déposée; que lorsqu'une marque figurative est reproduite sur ces documents, elle se présente sous la forme d'une boîte cylindrique ou rectangulaire sur laquelle est apposée une bande rouge sur laquelle se détache une étiquette de forme carrée à fond noir, couvrant environ la moitié de la face avant de la boîte; que la mention "thé de Noël" est inscrite en lettres droites de couleur blanche sur trois lignes ; que de part et d'autre de cette dénomination sont représentées deux boules de Noël de couleur rouge (l'une étant plus grosse que l'autre) reposant sur des feuilles de houx ; que la mention "mélange exclusif figure en petits caractères de couleur blanche à la base de cette étiquette carrée ; que sous cette étiquette est placé un cartouche de forme ovale, à fond noir portant la dénomination "Compagnie Coloniale" en lettres blanches sur deux lignes, surmontée de deux C accolés ; Considérant que si dans l'exploitation qui a été faite du signe, se retrouve le cartouche avec la dénomination "Compagnie Coloniale", les éléments essentiels et caractéristiques de la marque figurative telle que déposée, ont été profondément modifiés et affectent le caractère distinctif de la marque ; que la seule reprise de la dénomination "thé de Noël" au demeurant dans un graphisme, une couleur et un agencement différents, ne peut être assimilée à un usage de la marque d'autant plus que cette dénomination ne présente pas en elle-même un fort caractère distinctif pour désigner du thé ; que c'est bien davantage la combinaison spécifique des couleurs rouge, jaune et vert et la présence au centre de l'étiquette d'un paquet cadeau posé sur un tas de thé et de la dénomination "thé de Noël" dans une calligraphie de fantaisie qui confèrent à l'ensemble un caractère distinctif; que la suppression du tas de thé, la substitution de deux boules de Noël au paquet cadeau ainsi que l'adoption de la couleur noire pour le fond de l'étiquette et d'un graphisme plus épuré pour la dénomination "Thé de Noël" altèrent de manière significative le caractère distinctif de la marque et en modifient l'impression d'ensemble ; que dans ces conditions il convient d'infirmer le jugement de ce chef et de faire droit à la demande en déchéance des droits sur la marque n° 95 601602 à compter du 8 octobre 2003 ; II. Sur la demande en contrefaçon de la marque " NOËL" n° 1692 919 : Considérant que dans les motifs de ses conclusions, la société MARIAGE FRERES demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle abandonne ses demandes en contrefaçon à rencontre de la société FRALIB SOURCING UNIT ; Mais considérant que le dispositif des mêmes écritures contenant des demandes de condamnation pour contrefaçon de marque à l'encontre de la société FRALIB SOURCING UNIT, la cour examinera la demande en contrefaçon de marque au regard tant de la société INDAR que de la société FRALIB SOURCING UNIT; a) sur la recevabilité de la demande en contrefaçon : - à l'égard de la société FRALIB SOURCING UNIT (ci-après FRALIB) : Considérant que la société FRALIB tout en opposant la forclusion par tolérance fait tout d'abord valoir que la demande en contrefaçon formée à son encontre est prescrite ; Considérant que l'action en contrefaçon se prescrit par trois ans ; qu'en l'espèce, la demande en contrefaçon ayant été formée par conclusions du 21 mars 2005, seuls les actes commis après le 21 mars 2002 peuvent faire l'objet d'une poursuite pour contrefaçon de marque ; Or considérant que la société FRALIB a conféré le 23 janvier 2001 une licence exclusive d'exploitation de la marque n° 95 601 602 à la société INDAR et que ce contrat a été inscrit au registre national des marques le 29 octobre 2001 ; que la société MARIAGE FRERES ne verse aux débats aucune pièce tendant à démontrer que la société FRALIB aurait fait usage de cette marque postérieurement au 29 octobre 2001, date d'opposition aux tiers du contrat de licence ; qu'en conséquence, la demande en contrefaçon formée à son encontre est irrecevable ; - à l'égard de la société INDAR : Considérant que la société INDAR fait valoir que la demande en contrefaçon se heurte au principe de la forclusion par tolérance dès lors que le dépôt de la marque "Thé de Noël" n'a pas été fait de mauvaise foi et que son usage a été toléré pendant plus de cinq ans successivement par la société INDUSTRIAS NOËL, la société COMPANIA GALLETAS et la société MARIAGE FRERES ; Considérant qu'en vertu de l'article L 716-5 du CPI "est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. Toutefois, l'irrecevabilité est limitée aux seuls produits et services pour lesquels l'usage a été toléré"; Considérant que la société INDAR fait valoir que la société MARIAGE FRERES a eu connaissance au moins depuis le 21 mars 2000 de l'usage de la marque en cause tandis que la société MARIAGE FRERES prétend qu'elle n'en a eu connaissance qu'à l'automne 2001 et qu'en conséquence, elle n'en a pas toléré l'usage pendant cinq ans puisqu'elle a formé une demande en contrefaçon par conclusions du 21 mars 2005 ; que devant la cour, la société MARIAGE FRERES ne critique pas le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la lettre de mise en demeure du 28 novembre 2002 n'avait pas eu pour effet d'interrompre le délai pour agir, ne constituant pas un acte interruptif au sens de l'article 2244 du code civil ; Considérant qu'il incombe à la société INDAR qui se prévaut du bénéfice de l'article L 716-5 du CPI de rapporter la preuve que les sociétés titulaires de la marque ou la société MARIAGE FRERES avaient connaissance de l'usage qu'elle faisait de la marque en cause et qu'en dépit de cette connaissance, elles se sont abstenues de s'y opposer ; que l'usage au sens de l'article L 716-5 du CPI suppose que les produits désignés par la marque "thé de Noël" aient été proposés à la vente, commercialisés auprès du consommateur final et ne peut se déduire du simple dépôt de la marque ou du fait que la société INDUSTRIAS NOËL, ait fait opposition à ] 'enregistrement de cette marque ; que sur ce dernier point il convient de relever que le texte de l'article L 716-5 du CPI vise une marque postérieure "enregistrée" ; Considérant en revanche que la société MARIAGE FRERES tirant son droit d'agir en contrefaçon du contrat de licence exclusive dont elle bénéficie, la société INDAR peut se prévaloir des actes d'usage de la marque dont non seulement la société MARIAGE FRERES aurait eu connaissance mais également de ceux dont le titulaire de la marque première, la société INDUSTRIAS NOËL puis la société COMPANIA GALLETAS auraient eu connaissance ; Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société FRALIB puis la société INDAR ont facturé des quantités non négligeables de "thé de Noël" à la fin de l'année 1999, puis en novembre 2000 ainsi qu'à la fin de l'année 2001 auprès de distributeurs implantés sur tout le territoire national ; que des articles de présentation de ce thé sont parus dans la presse nationale française fin 2001 et fin 2002; Mais considérant que la preuve n'est pas rapportée que la société INDUSTRIAS ALIMENTICIAS ou la société COMPANIA DE GALLETAS ayant leur siège social à Medelin Colombie aient pu avoir connaissance de ces actes de commercialisation de thés sous la marque "thé de Noël" et en aient toléré l'usage ; qu'il n'est ni démontré, ni allégué que ces sociétés aient des établissements secondaires en France voire qu'elles aient par leurs activités en France été amenées à avoir connaissance de la distribution de thé sous la marque " Thé de Noël"; Considérant s'agissant de la société MARIAGE FRERES que si en tant que spécialiste de la commercialisation du thé, elle avait nécessairement connaissance de la présence sur le marché de thé vendu sous la marque "thé de Noël", cette connaissance ne peut avoir pour effet de rendre sa demande en contrefaçon irrecevable dès lors que jusqu'au 6 août 2002, elle ne bénéficiait d'aucun droit sur la marque "Noël" et ne pouvait donc agir en contrefaçon de cette marque ; qu' immédiatement après être devenue licenciée exclusive de la marque "Noël" elle a adressé le 28 novembre 2002 une mise en demeure à la société FRALIB puis a introduit par conclusions du 21 mars 2005 une demande en contrefaçon, soit moins de cinq ans après avoir eu connaissance de l'usage de la marque critiquée ; Qu'en conséquence et sans qu'il soit besoin de rechercher si la marque seconde a été déposée de mauvaise foi, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas forclusion par tolérance et que la demande en contrefaçon formée par la société MARIAGE FRERES était recevable ; b) sur le bien fondé : Considérant que la société MARIAGE FRERES fait valoir que la société IND AR doit être condamnée tant sur le fondement de l'article L 713-2 que L 713 -3 du CPI ; Mais considérant que la reproduction au sens de l'article L 713-2 du CPI s'entend d'une reproduction à l'identique sans modification, ni ajout ou lorsque les différences sont si insignifiantes qu'elles passent inaperçues aux yeux du consommateur moyen ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la marque dont se prévaut la société MARIAGE FRERES étant une simple marque verbale : "Noël" tandis que la marque incriminée est une marque figurative déposée en couleurs comportant la dénomination "thé de Noël" inscrite de manière fantaisie et des éléments figuratifs dont notamment un paquet cadeau et un tas de thé ; Considérant sur le fondement de l'article L 713-3 du CPI, il convient d'examiner d'une part les signes en présence, d'autre part les produits et de rechercher s'il existe des ressemblances telles qu'elles génèrent un risque de confusion pour le public auquel s'adressent les produits en cause ; Considérant que constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d'entreprises liées économiquement; Que ce risque doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce tels que le caractère particulièrement distinctif de la marque antérieure que celui-ci dérive des qualités intrinsèques de cette marque ou de sa renommée ; Considérant que cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment entre la similitude des marques et celle des produits ou services désignés; ainsi un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré plus élevé de similitude entre les produits ou services et inversement, sans oublier que la perception qu'a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion ; que toutefois il ne faut pas oublier que le consommateur moyen perçoit normalement la marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails et qu'il n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l'image imparfaite qu'il a gardé en mémoire ; Considérant que les produits visés par chacun des signes étant des produits de consommation courante, le public de référence est le consommateur final, consommateur d'attention moyenne normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ; Considérant que s'agissant des produits désignés par chacune des marques, il est constant que le thé est désigné tant par la marque première et que par la marque seconde ; Considérant qu'en ce qui concerne les signes en cause, il convient de relever que phonétiquement, il existe une certaine similitude entre les signes du fait de la présence de l'élément commun "Noël"; Qu'en ce qui concerne la comparaison conceptuelle des signes, si le consommateur moyen est amené à percevoir les deux signes comme se rapportant à la fête de Noël, il demeure que l'expression "thé de Noël" évoque un thé conçu pour les fêtes de Noël et commercialisé à cette époque tandis que le terme isolé de Noël renvoie uniquement au jour de Noël et à la fête de Noël sans lien avec un produit spécifique ; Considérant que sur le plan visuel, les deux signes ne présentent aucune similitude ; que la marque première est une marque exclusivement verbale constituée du seul terme "Noël"; que la marque incriminée telle que déposée ou telle qu'utilisée est une marque figurative en couleurs ; que même si le mot "Noël" est reproduit dans la dénomination "thé de Noël" le terme "Noël" ne conserve pas au sein du signe composé une position distinctive autonome mais forme avec le mot "THE" et la préposition "DE" un tout indivisible, une expression ayant une signification propre distincte de celle de chacun des termes qui la composent et qui suggère au consommateur que le produit désigné est un thé créé spécialement pour Noël ; Que par ailleurs dans l'appréciation visuelle d'ensemble des signes en cause, il y a lieu de prendre en considération l'existence des couleurs utilisées dans le signe critiqué de même que des éléments figuratifs que ce soit le paquet cadeau posé sur un sac de thé ou les deux boules de Noël avec les feuilles de houx; que ces éléments font que l'impression globale du signe critiqué se distingue de la marque "Noël"; Considérant enfin qu'il convient de relever qu'il n'est ni prétendu, ni démontré que la marque "Noël" bénéficie d'une notoriété quelconque ; Considérant que les légères similitudes phonétique et conceptuelle existant entre les signes se trouvent neutralisées par l'absence de similitude visuelle, observation étant faite que le degré de similitude phonétique entre les deux signes est d'une importance réduite s'agissant d'un produit qui est habituellement commercialisé de telle manière que le public pertinent, lors de l'achat, perçoit la marque le désignant de façon visuelle; Considérant en conséquence que faisant application du principe d'interdépendance entre les différents facteurs, même si les produits en cause sont identiques, le degré de similitude entre les signes n'est pas suffisamment élevé pour pouvoir considérer que le public pertinent puisse croire que les produit en cause proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société MARIAGE FRERES de sa demande en contrefaçon; III. Sur la concurrence déloyale : Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a débouté la société MARIAGE FRERES de sa demande en concurrence déloyale dès lors que celle-ci ne justifie d'aucun fait distinct de ceux invoqués à l'appui de la demande en contrefaçon ; que le fait que les produits commercialisés par les sociétés INDAR et FRALIB seraient de moindre qualité, ce qui au demeurant n'est pas démontré, ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; IV. Sur les demandes des sociétés INDAR et FRALIB SOURCING UNIT: Considérant que chacune de ces deux sociétés font valoir que la société MARIAGE FRERES a abusé du droit d'ester en justice et a cherché à s'attribuer un monopole sur la dénomination "Noël" pour désigner du thé ; Mais considérant que la cour ayant retenu que l'action en déchéance formée par la société MARIAGE FRERES était bien fondée et les sociétés INDAR et FRALIB ne démontrant pas en quoi la présente procédure leur aurait porté préjudice, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a jugé abusive l'action intentée par la société MARIAGE FRERES et Maître C es qualités et la société FRALIB SOURCING UNIT seront déboutées de leur demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef ; V. Sur l'article 700 du NCPC : Considérant que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : - DONNE ACTE à Maître C es qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société INDAR de son intervention, - CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande en déchéance formée par la société MARIAGE FRERES et condamné cette dernière à payer à la société FRALIB SOURCING UNIT et à la société INDAR une somme de 3 000 euros à titre de dommages- intérêts et une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC. L'INFIRMANT de ces chefs et statuant à nouveau, - PRONONCE la déchéance des droits de la société INDAR sur la marque n°95 601 602 à effet du 8 octobre 2003, - DIT que la présente décision sera inscrite au registre national des marques sur réquisition du greffier ou sur requête d'une des parties à l'instance, - DÉBOUTE Maître C, es qualités et la société FRALIB SOURCING UNIT de leur demande en paiement de dommages-intérêts, - DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC, - FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel lesquels seront supportés par moitié par la société MARIAGE FRERES et par Maître C es qualités à l'exception des dépens résultant de la mise en cause de la société FRALIB SOURCING UNIT qui resteront à la charge de la seule société MARIAGE FRERES, - ADMET la SCP GAS, la SCP FIEVET LAFON et la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL & FERTIER, avoués, au bénéfice de l'article 699 duNCPC. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été avisées préalablement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile. - signé par Sylvie MANDEL, président et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.