Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Chambéry 16 novembre 2017
Cour de cassation 11 avril 2019

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 11 avril 2019, 18-11288

Mots clés procédure civile · nullité · SCI · syndicat · assignation · absence · société · syndic · visa · délivrées · encontre · droit de passage · règlement de copropriété · servitude · prétention

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 18-11288
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 16 novembre 2017
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C200512

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Chambéry 16 novembre 2017
Cour de cassation 11 avril 2019

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme K... E..., M. R... E..., Mme J... E... et Mme O... E... (les consorts E...) ont assigné la société Patbylive, M. S..., M. N..., la société Nexity Lamy, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] et la SCI Le Nôtre Choisy devant un tribunal de grande instance aux fins de rétablissement de leur droit de passage et de jouissance et de condamnation à des dommages-intérêts ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

sur le second moyen

annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais

sur le premier moyen

pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir retenu dans ses motifs que l'assignation délivrée les 23 septembre et 8 octobre 2013 par les consorts E... à l'encontre du syndicat des copropriétaires [...], la société Nexity Lamy Avoriaz, la SCI Le Nôtre Choisy et M. N... est nulle pour absence de motivation en droit, l'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui avait prononcé la nullité de la seule assignation délivrée à l'encontre de M. N... et de la SCI Le Nôtre Choisy et débouté les consorts E... des demandes formées à l'encontre des autres parties ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mme K... E..., M. R... E..., Mme J... E... et Mme O... E... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme K... E..., M. R... E..., Mme J... E... et Mme O... E....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé « en toutes ses dispositions » le jugement entrepris, lequel avait annulé les assignations délivrées par des copropriétaires (les consorts E..., les exposants) à l'encontre de deux autres (M. T...N... et la SCI Le Nôtre Choisy) et les avait déboutés de leurs demandes à l'égard des autres destinataires ;

AUX MOTIFS QUE, selon l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contenait notamment à peine de nullité l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; que l'objet de la demande des consorts E... était le rétablissement de leurs droits de passage et de jouissance ; qu'en droit, ils invoquaient une atteinte au droit de propriété et le fait que plusieurs accès auraient été indument condamnés ; que l'action en rétablissement de droit de passage et de jouissance impliquait que les demandeurs indiquassent le moyen qui sous-tendait leur demande ; que les consorts E... invoquaient tour à tour : l'acte de vente, l'existence d'une servitude, des troubles de jouissance de l'usage de la terrasse, de la piscine et du solarium, et une affectation de l'accès aux studios que possédait l'indivision, le règlement de copropriété, la responsabilité du syndicat des copropriétaires et de son syndic, l'obstruction d'un passage public ; que chacun de ces éléments, à supposer qu'il pût être implicitement considéré comme un moyen, s'appuyait sur des fondements juridiques différents ; qu'en appel, si les consorts E... critiquaient la décision du premier juge en ce qu'il avait déclaré nulle l'assignation, ils ne fondaient pas davantage leurs prétentions sur des moyens de fait et de droit mais se contentaient d'affirmer que l'assignation se fondait sur des « arguments juridiques substantiels » et respectaient les exigences de l'article 56 du code de procédure civile ; qu'aucun texte permettant de déterminer le fondement juridique de leurs demandes n'était visé ; qu'aucun moyen n'était invoqué et, par voie de conséquence, aucune hiérarchie dans ces moyens ; qu'en revanche, les consorts E... fondaient la validité de leur assignation sur le fait que les intimés (comme les défendeurs en première instance) avaient conclu au fond ; que, ce faisant, ils renversaient les obligations des parties, faisant peser sur les intimés les exigences de l'article 56 du code de procédure civile ; qu'il ne suffisait pas de soutenir que, du fait de leurs conclusions en réponse, les intimés avaient parfaitement compris la raison pour laquelle ils avaient été attraits en justice ; qu'en réalité les intimés avaient répondu préventivement au fond sur les moyens qu'ils avaient eux-mêmes choisis et non sur ceux qui auraient été limitativement et précisément invoqués par les appelants ; que ces derniers répondaient aux moyens développés par les intimés, ce qui ne pouvait corriger l'absence de moyens à l'origine de leur requête initiale ; que, par ailleurs, ils délivraient la même assignation à six parties quand, à la lecture de l'acte, les griefs invoqués étaient différents, selon la partie intimée ; que la demande des appelants était une prétention indivisible tandis que les appelants avaient intimé l'ensemble des parties dans un litige divisible ; qu'il en résultait que l'assignation délivrée par les consorts E... à l'encontre du syndicat des copropriétaires, de la société Nexity Lamy Avoriaz, de la SCI Le Nôtre Choisy et de M. T...N... était nulle pour absence de motivation en droit (arrêt attaqué, p. 7, 6ème à 10ème alinéas, p. 8 et p. 9, 1er et 2ème alinéas) ;

ALORS QUE, en premier lieu, la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a tout à la fois énoncé, dans ses motifs, qu'il y avait lieu d'annuler les assignations décernées « à l'encontre du syndicat des copropriétaires Les Hauts Forts, de la société Nexity Lamy Avoriaz, de la SCI Le Nôtre Choisy et de Monsieur T...N... », et déclaré, dans son dispositif, « confirme(r) en toutes ses dispositions le jugement » entrepris, lequel avait pourtant annulé les seules assignations délivrées « à l'encontre de Monsieur T...N... et de la SCI Le Nôtre Choisy » et avait statué par ailleurs au fond sur les autres ; qu'en se déterminant ainsi par une irréductible contradiction, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en deuxième lieu, un acte de procédure ne pouvant être annulé pour vice de forme que sur la demande de la partie intéressée et sur justification par elle d'un grief causé par l'irrégularité prétendue, un moyen de nullité pour vice de forme ne peut être relevé d'office, notamment celui tiré de la supposée nullité d'une assignation pour absence de moyens en droit ; qu'en l'espèce, en soulevant d'office la nullité des assignations délivrées au syndicat des copropriétaires et au syndic au prétexte d'une prétendue absence de motivation en droit, sans constater le grief qu'aurait causé un tel vice, la cour d'appel a violé les articles 112 et 114 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la similitude des assignations délivrées à l'ensemble des défendeurs dans un litige divisible, pour retenir la nullité des assignations délivrées à l'encontre non seulement de deux copropriétaires (la SCI Le Nôtre Choisy et M. T...N...) mais également du syndicat de copropriété et du syndic, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en troisième lieu, une assignation ne saurait encourir pas la nullité pour la seule raison qu'elle ne précise pas le fondement juridique des éléments de fait et de droit énoncés, qu'il appartient au juge d'expliciter ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté que, dans leur assignation, les demandeurs invoquaient différents éléments afférents à l'acte de vente, l'existence d'une servitude, des troubles de jouissance de parties communes, le règlement de copropriété, la responsabilité du syndicat des copropriétaires et du syndic et l'obstruction d'un passage public, chacun étant susceptible de s'appuyer sur des fondements juridiques différents ; qu'en retenant cependant la nullité de l'assignation au prétexte de l'absence de visa d'un texte et de moyens présentés dans une "hiérarchie", la cour d'appel a violé les articles 12 et 56 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, l'assignation n'encourt aucune nullité pour une supposée absence d'exposé des moyens dès lors que la partie adverse ne justifie d'aucun grief pour avoir été en mesure d'organiser sa défense et de s'expliquer sur les demandes formulées ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a observé qu'en réponse à l'assignation des copropriétaires les défendeurs avaient conclu au fond, ce dont il résultait qu'ils avaient été en mesure de s'expliquer sur les demandes, d'en contester le contenu, et qu'ils n'avaient subi aucun grief imputable à la teneur de l'acte ; qu'en retenant cependant la nullité de ladite assignation au prétexte inopérant qu'il n'incombait pas aux défendeurs de préciser les moyens invoqués par les demandeurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 56 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'expertise formée par des copropriétaires (les consorts E..., les exposants) au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE l'article 146 du code de procédure civile était ainsi rédigé : « Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve » ; que les appelants pouvaient rapporter la preuve de leur prétention en recourant à des éléments en leur possession, sans qu'une mesure d'instruction s'avérât nécessaire ; que la demande d'expertise contenait dans les chefs de mission confiés à l'expert certains postulats qui n'étaient nullement établis ; qu'il n'appartenait pas à l'expert de se substituer au juge, notamment de trancher la question d'une « spoliation des droits de l'indivision E... », tel que cela était demandé dans les écritures des appelants ; que la demande d'expertise avait pour but de les conforter dans leurs prétentions, et non celui d'éclairer la cour sur un élément que seule une expertise aurait été en mesure d'appréhender ; que, du fait de son caractère superflu et de la dénaturation de sa finalité, au regard de l'article 146 du code de procédure civile, ce chef de demande serait rejeté (arrêt attaqué, p. 6, et p. 7, 1er à 4ème alinéas) ;

ALORS QUE, saisi d'une demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, le juge ne peut la rejeter par des motifs tirés des dispositions de l'article 146 du même code ; qu'en l'espèce, les exposants avaient saisi la juridiction du second degré d'une demande d'expertise « au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile » ; qu'en les déboutant de cette demande par des motifs fondés sur les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 145 du même code.