Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 31 décembre 2020, Mme A B, représentée par le cabinet Athon-Perez, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2020 par lequel le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande de congé de longue maladie à compter du 23 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le recteur de l'académie de Nice l'a placée en congé de maladie ordinaire du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le recteur de l'académie de Nice l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 23 septembre 2020 ;
4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nice de lui accorder un congé de longue maladie à compter du 23 septembre 2019 et de réexaminer sa situation à partir du 23 septembre 2020, dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
1°) s'agissant de l'arrêté du 1er décembre 2020 lui refusant l'octroi d'un congé de longue maladie à compter du 23 septembre 2019 et de l'arrêté du 2 décembre 2020 la plaçant en congé de maladie ordinaire du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 :
- par ces décisions, le recteur de l'académie de Nice a méconnu l'étendue de sa compétence et notamment son obligation d'examiner la demande de congé de longue maladie au regard de l'ensemble des éléments du dossier ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'elle satisfait aux conditions du 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et devait donc bénéficier d'un congé de longue maladie d'un an au lieu d'un placement en congé de maladie ordinaire pour cette même période ;
- ces décisions ont été prises au terme d'une procédure irrégulière en ce que le comité médical départemental n'était pas régulièrement composé pour examiner, de manière éclairée, sa demande de congé de longue maladie ;
2°) s'agissant de l'arrêté du 2 décembre 2020 la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé :
- cet arrêté est illégal par voie de conséquence de l'illégalité entachant les décisions par lesquelles le recteur de l'académie de Nice a refusé de lui accorder un congé de longue maladie à compter du 23 septembre 2019 et l'a placée en congé de maladie ordinaire à cette date et jusqu'au 22 septembre 2020 ; cet arrêté est ainsi entaché d'erreur de droit ;
- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière en ce que le comité médical départemental n'était pas régulièrement composé pour rendre un avis, de manière éclairée, sur le placement en disponibilité d'office.
Par une pièce enregistrée le 17 mars 2021, le recteur de l'académie de Nice conclut au non-lieu à statuer sur la requête de Mme B.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 novembre 2023 :
- le rapport de Mme Gazeau,
- et les conclusions de Mme Belguèche, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B, professeur certifiée hors classe d'économie-gestion au lycée Renoir à Cagnes-sur-Mer, a été placée en arrêt de travail à compter du 23 septembre 2019. Par décision du 1er décembre 2020, le recteur de l'académie de Nice a refusé de la placer en congé de longue maladie, puis, par une décision du 2 décembre 2020, l'a placé en congé de maladie ordinaire du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020. Par une décision du 2 décembre 2020, le recteur de l'académie de Nice a placé Mme B en disponibilité d'office pour raison de santé. Mme B a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice aux fins de suspension de l'exécution de ces trois décisions. Par une ordonnance n° 2005473 du 12 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de ces trois décisions jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de celles-ci et enjoint au recteur de l'académie de Nice de procéder au réexamen de la situation de Mme B. Par décision du 10 mars 2021, le recteur de l'académie de Nice a retiré, à compter du 23 septembre 2019, les dispositions de l'arrêté du 1er décembre 2020 refusant de la placer en congé de longue maladie, celles des arrêtés de placement en congé de maladie ordinaire pour la période considérée, ainsi que celles de l'arrêté du 2 décembre 2020 portant placement en disponibilité d'office. Mme B demande au tribunal d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 1er et 2 décembre 2020.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Par ordonnance n° 2005473 du 12 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution des décisions des 1er et 2 décembre 2020, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions et a enjoint au recteur de l'académie de Nice de réexaminer la situation de Mme B à compter du 23 septembre 2020 dans un délai de trois mois. Par décision du 10 mars 2021, le recteur de l'académie de Nice a octroyé à Mme B un congé de longue maladie du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 inclus. Une telle décision, qui revêt par sa nature même un caractère provisoire, n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions de Mme B tendant à l'annulation des décisions des 1er et 2 décembre 2020. Les conclusions à fin de non-lieu du recteur de l'académie de Nice doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté du 1er décembre 2020 refusant à Mme B l'octroi d'un congé de longue maladie à compter du 23 septembre 2019 :
3. Aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / () 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence () ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés : / () - maladies mentales ; () ". Et en vertu de l'article 1er de l'arrêté précité, un fonctionnaire, atteint d'une maladie mentale, est mis en congé de longue maladie, lorsqu'il est dûment constaté qu'il est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.
4. Il apparaît que l'état de santé de l'intéressée, en arrêt de travail depuis septembre 2019, a été décrit, dès le 13 décembre 2019, puis le 7 juillet 2020, par le médecin psychiatre qui la suit, comme justifiant l'obtention d'un congé de longue maladie en raison d'un état dépressif et d'un contexte d'épuisement professionnel et personnel, ayant d'ailleurs justifié le suivi psychiatrique de l'intéressée par ce dernier. Selon les attestations médicales établies par celui-ci, l'intéressée souffre en effet d'un état dépressif sous forme de burn-out, compliqué en outre par la gestion de son fils atteint d'une trisomie et lui-même dépressif, puisant son énergie psychique, et se manifestant par une aboulie totale, ainsi que des troubles cognitifs, de concentration et de l'humeur, incompatibles avec son activité professionnelle, dont la reprise s'avèrerait préjudiciable pour son état. Dans son rapport du 13 octobre 2020, le docteur C, psychiatre désigné en vue de réaliser la contre-expertise sollicitée par Mme B après l'avis défavorable du comité médical, a indiqué que cette dernière souffrait d'angoisses fréquentes, d'un ralentissement psychomoteur, d'un état de tristesse, d'une culpabilité, d'une tendance à l'anhédonie et d'un isolement, sans désorganisation ni état délirant, ni signes maniaques. Cet expert conclut à la présence d'un état dépressif anxieux avec une composante traumatique très active, la rendant totalement inapte transitoirement et justifiant l'attribution d'un congé de longue maladie de douze mois à compter du 23 septembre 2019, avec une prolongation de six mois à l'issue nécessaire. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B suit, depuis la fin du mois de septembre 2019, un traitement et des soins prolongés par l'administration journalière de médicaments de type antidépresseurs et anxiolytiques. Il en résulte que la pathologie mentale de Mme B, qui est avérée, a un retentissement significatif sur sa vie tant personnelle que professionnelle, la mettant dans l'impossibilité de continuer à exercer ses fonctions antérieures et entraînant pour elle, la nécessité d'un traitement adapté et de soins prolongés. Au vu de l'ensemble des éléments produits, en particulier d'ordre médical, la pathologie de l'intéressée présente ainsi un caractère invalidant et doit être regardée de gravité confirmée au sens de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, justifiant que Mme B soit placée en congé de longue maladie. Il suit de là que Mme B est fondée à soutenir que, malgré la circonstance que le comité médical départemental puis le comité médical supérieur ont émis un avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie pour une durée de douze mois à compter du 23 septembre 2019, en refusant de faire droit à sa demande de congé de longue maladie le recteur de l'académie de Nice a commis une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2020 lui refusant l'attribution d'un congé de longue maladie.
En ce qui concerne l'arrêté du 2 décembre 2020 plaçant Mme B en congé de maladie ordinaire du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 et l'arrêté du même jour la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé du 23 septembre 2020 au 22 mars 2021 :
6. L'annulation de la décision du 1er décembre 2020 refusant de placer Mme B en congé de longue maladie à compter du 23 septembre 2019 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la décision du 2 décembre 2020 plaçant l'intéressée en congé de maladie ordinaire du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 et de celle plaçant cette dernière en disponibilité d'office pour raison de santé du 23 septembre 2020 au 22 mars 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le motif d'annulation des arrêtés litigieux implique nécessairement, par application des dispositions de l'article
L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie de Nice, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, de placer Mme B en congé de longue maladie pour la période du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 et de réexaminer sa situation à compter du 23 septembre 2020. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à Mme B d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêtés des 1er et 2 décembre 2020 du recteur de l'académie de Nice sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Nice de placer Mme B en congé de longue maladie pour la période du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020 et de réexaminer sa situation à compter du 23 septembre 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L'État versera la somme de 2 000 euros à Mme B au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête Mme B est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nice.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Taormina, président,
Mme Gazeau, première conseillère,
Mme Guilbert, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
La rapporteure,
signé
D. Gazeau
Le président,
signé
G. Taormina La greffière,
signé
S. Génovèse
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Ou par délégation, la greffière