Tribunal de Grande Instance de Paris, 22 septembre 2017, 2015/09489

Mots clés société · modèle · diffusion · contrefaçon · procès-verbal · concurrence déloyale · préjudice · nullité · propriété intellectuelle · communautaire · risque · preuve · procédure civile · produits

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2015/09489
Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Classification pour les marques : CL12-06
Numéros d'enregistrement : 000808951-0002
Parties : ROTOMOD / IDOINE DIFFUSION ; LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE SAS

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 22 septembre 2017

3ème chambre 2ème section N° RG : 15/09489

Assignation du : 18 juin 2015

DEMANDERESSE Société ROTOMOD ZI Jean Maleze 47240 BON ENCONTRE représentée par Me Gwendal BARBAUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1489

DÉFENDERESSES Société IDOINE DIFFUSION [...] aux Dîmes 77760 NANTEAU SUR ESSONNE

Société LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE ZA de la Plaine de Jouques Aubagnes 13420 GEMENOS représentées par Me Marie-Laure BOUZE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0613

COMPOSITION DU TRIBUNAL François A, Premier Vice-Président adjoint Françoise BARUTEL, Vice-Présidente Marie-Christine C, Vice-Présidente assistés de Jeanine R, Faisant fonction de Greffier,

DÉBATS À l'audience du 29 juin 2017 tenue en audience publique devant François A, Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenus seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES La société ROTOMOD fondée en 1973 est spécialisée dans la conception et la fabrication de canoës qu'elle commercialise notamment sous les marques RTM, RTM Fishing et DAG. Elle expose être titulaire d'un modèle communautaire de canoë n°000808951-002 déposé le 16 octobre 2007 par la société DAG, qui lui a été transféré lors de la fusion-absorption du patrimoine de cette dernière et qu'elle exploite sous la dénomination « TARKA ».

La SAS LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE (ci-après désignée la société POLYROTO) a pour activité tous travaux industriels de fabrication, montage, réparations transformations et usinage de bois, matières plastiques, métaux ou tous autres matériaux et conception réalisation de moules de modèles de pièces prototypes et de reproduction et se présente comme spécialisée dans la fabrication de produits en sous-traitance dans le domaine notamment des produits nautiques. Elle a notamment fabriqué un canoë kayak dénommé « RAFKA ».

La SARL IDOINE DIFFUSION a pour activité l'achat ainsi que la vente de produits et accessoires nautiques. Ancien distributeur de la société ROTOMOD, elle commercialise désormais le canoë RAFKA fabriqué par la société POLYROTO.

Estimant que le canoë dénommé RAFKA, fabriqué par la société POLYROTO et commercialisé par la société IDOINE DIFFUSION constitue une contrefaçon de son modèle communautaire et de ses droits d'auteur attachés au canoë dénommé TARKA, la société ROTOMOD a fait procéder le 17 juillet 2014 à un procès-verbal de constat, puis après y avoir été autorisé par ordonnance du 17 avril 2015, le 21 mai 2015, à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la Société IDOINE DIFFUSION.

C'est dans ce contexte que la société ROTOMOD a assigné, par acte d'huissier du 18 juin 2015, les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION en contrefaçon de son modèle communautaire et de ses droits d'auteur.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2016, la société ROTOMOD demande au tribunal au visa notamment des articles 10, 19, 82, 83, et 96 paragraphe 2 du Règlement (CE) n°6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires du 12 décembre 2011, des articles L. 111-1 et suivants, L. 122-1 à L.122-4, L. 331-1-3 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, des articles L. 513-4, L. 515-1, L. 521 -1 et suivants, et L. 522-1 dudit code, et de l'article 1382 et suivants du Code civil, de :

À TITRE PRINCIPAL :

•dire et juger la société ROTOMOD recevable et fondée en toutes ses demandes, •dire et juger que la société LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE s'est rendue et se rend coupable de contrefaçon du modèle communautaire n°000808951-0002 et des droits d'auteur attachés au canoë TARKA, dont la société ROTOMOD est titulaire, en fabriquant, en offrant à la vente et en diffusant le canoë RAFKA ou tout produit équivalent,

•dire et juger que la société IDOINE DIFFUSION s'est rendue et se rend coupable de contrefaçon du modèle communautaire n°000808951-0002 et des droits d'auteur attachés au canoë TARKA, dont la société ROTOMOD est titulaire, en offrant à la vente et en diffusant le canoë RAFKA ou tout produit équivalent,

•condamner in solidum les sociétés IDOINE DIFFUSION et la POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE à verser à la société ROTOMOD la somme de 474 284 euros, par provision, à parfaire au titre du préjudice économique subi du fait des actes de contrefaçon du modèle communautaire n°000808951 -0002 et des droits d'auteur attachés au canoë TARKA,

•condamner in solidum les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE à verser à la société ROTOMOD la somme de 20 000 euros, par provision, à parfaire au titre du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon du modèle communautaire n°000808951-0002 et des droits d'auteur attachés au canoë TARKA,

•dire et juger que les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE se sont rendues et se rendent coupables d'actes de parasitisme au préjudice de la société ROTOMOD,

•condamner in solidum les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE à verser à la société ROTOMOD la somme de 50 000 euros au titre des actes de parasitisme,

•ordonner aux sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE, en application de l'article L. 521-5 du Code de la propriété intellectuelle, la production, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans les huit jours de la signification du Jugement à Intervenir, de toutes les informations nécessaires à l'évaluation des préjudices subis par la société ROTOMOD, du fait des actes de contrefaçon et, notamment:

o les noms et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs, et autres détenteurs antérieurs du canoë incorporant le modèle communautaire n°000808951-0002 du type de celui décrit dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon de Maître Stéphane K, Huissier de Justice, du 21 mai 2015, ou de tout produit équivalent, o les quantités de canoës contrefaisants fabriqués et vendus,

o le prix obtenu pour chaque canoë contrefaisant fabriqué et vendu,

o la marge brute réalisée du fait de la fabrication et de la commercialisation du canoë contrefaisant,

•dire et juger que cette procédure de communication d'informations et de reddition des comptes sera conduite sous le contrôle du Juge de la Mise en État, le Tribunal restant saisi du litige de façon à pouvoir, une fois la reddition des comptes achevée, statuer sur le montant des demandes de réparations formulées par la société ROTOMOD,

•renvoyer la procédure avant-dire-droit sur la détermination des dommages à la mise en état pour permettre le suivi et le contrôle de la procédure de communication et de reddition des comptes et pour conclusions ultérieures de la société ROTOMOD sur le préjudice par elle invoqué,

•subsidiairement, désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal de nommer afin d'évaluer le montant final des dommages et intérêts que les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE devront payer à la société ROTOMOD en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon,

À TITRE SUBSIDIAIRE :

•dire et juger que les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE se sont rendues et se rendent coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société ROTOMOD,

•condamner in solidum les sociétés IDOINE DIFFUSION et la POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE à verser à la société ROTOMOD la somme de 474 284 euros au titre des actes de concurrence déloyale,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

•rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles des sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE, de façon générale, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE,

•interdire aux sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE la fabrication, la détention, l'utilisation, l'offre et la mise en commerce de canoës RAFKA ou de tout produit équivalent, sous astreinte définitive de 5 000 euros par infraction constatée dès signification du Jugement à intervenir,

•dire et juger que le Tribunal se réserve expressément le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution,

•ordonner à titre de dommages et intérêts complémentaires, la confiscation et la destruction, aux frais des sociétés défenderesses, du canoë RAFKA ou de tout produit équivalent, sous astreinte définitive de 5 000 euros par infraction constatée dès signification du Jugement à intervenir,

•ordonner le retrait et le rappel des circuits commerciaux de tous canoës RAFKA, aux frais des sociétés défenderesses, ou de tout produit équivalent, sous astreinte définitive de 5 000 euros par infraction constatée dès signification du Jugement à intervenir,

•ordonner la publication judiciaire du Jugement à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix de la demanderesse, à la charge des sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE, et à concurrence de 5 000 euros Flors Taxes par insertion,

•ordonner la publication du Jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de la société IDOINE DIFFUSION et du site Internet de la société LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et ce pendant une durée ininterrompue de six mois, et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à intervenir,

•condamner in solidum les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE à payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

• condamner in solidum les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais de Maître Stéphane K, pour la saisie-contrefaçon du 21 mai 2015 avec distraction au profit de Maître Gwendal Barbaut sur son affirmation de droit,

•ordonner l'exécution provisoire du Jugement à intervenir nonobstant appel.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2017, les sociétés IDOINE DIFFUSION et LA POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE demandent au tribunal au visa du Règlement n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, modifié par le Règlement CE n° 1891/2006 du Conseil du 18 décembre 2006 et la Directive 98/71 /CE du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles ; des articles L. 522-1, L. 511-1 et suivants, L. 521-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ; L. 111-1 et suivants, L. 331-1 et suivants, L. 332-1 et suivants dudit code ; L. 131-3 dudit code ; des articles 2 et 122 du code de procédure civile ; 1382 du code civil ; et des articles 9 et 32-1 du code de procédure civile de :

DIRE ET JUGER que le modèle communautaire n° 000808951-0002 de ROTOMOD n'est pas nouveau et ne possède pas de caractère individuel.

PRONONCER la nullité du modèle communautaire n° 000808951- 0002.

DONNER ACTE à la Société IDOINE DIFFUSION et à la Société POLYROTO de 1*acquiescement de la Société ROTOMOD à cette nullité.

PRONONCER la nullité du procès-verbal de constat d'huissier du 17 juillet 2014, de l'Ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 17 avril 2015 et du procès-verbal de saisie- contrefaçon du 21 mai 2015.

DIRE ET JUGER que les pièces de la Société ROTOMOD numérotées 10, 11, 12, 13 doivent être écartées des débats.

CONSTATER qu'il n'est pas démontré que la Société ROTOMOD serait titulaire des droits d'auteur sur le modèle TARKA ni qu'elle aurait des droits lui permettant de justifier de son intérêt à agir sur le fondement du Code de la Propriété Intellectuelle.

REJETER en conséquence comme irrecevables les demandes de la Société ROTOMOD fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur.

À titre subsidiaire :

DIRE ET JUGER que le modèle de canoë-kayak RAFKA est différent du modèle TARKA et qu'il n'existe pas de risque de confusion. DIRE ET JUGER que la Société ROTOMOD est défaillante dans la démonstration de l'existence et du montant de son prétendu préjudice au titre de la contrefaçon alléguée.

DIRE ET JUGER que la Société ROTOMOD est défaillante dans la démonstration d'une faute qui serait constitutive de parasitisme ou de concurrence déloyale, d'un préjudice et d'un lien de causalité avec son prétendu préjudice.

En tout état de cause :

REJETER l'ensemble des demandes de la Société ROTOMOD. CONDAMNER la Société ROTOMOD à payer à la Société IDOINE DIFFUSION et à la Société POLYROTO la somme de 30.000 euros chacune sur le fondement de l'Article 1382 du Code Civil et de l'Article 32-1 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la Société ROTOMOD à payer à la Société IDOINE DIFFUSION et à la Société POLYROTO la somme de 10.000 euros chacune sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la Société ROTOMOD aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Marie-Laure BOUZE, sur son affirmation de droit.

DIRE que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'office d'un Huissier, le montant des sommes retenues par l'Huissier en application de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret 96/1080 du 12 décembre 1996 (tarif des Huissiers) devra être supporté par la Société ROTOMOD en sus des frais irrépétibles prévus à l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2017.


MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la demande fondée sur le modèle communautaire :

Sur la nullité du modèle communautaire ;

Les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION considèrent notamment que le modèle revendiqué par la société ROTOMOD ne remplit pas les conditions nécessaires à la protection telles qu'elles sont exigées par le Règlement n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dès lors que ce modèle a été divulgué en 2005 de telle sorte qu'il n'est pas nouveau compte tenu de cette divulgation antérieure à la date de son dépôt, effectuée tant par la Société DAG que par des sociétés concurrentes et par la société ROTOMOD elle-même. Elles précisent que la société ROTOMOD acquiesce à cette argumentation dans leurs dernières écritures en exposant qu'il n'est plus nécessaire de répondre sur le moyen tiré du défaut de nouveauté et de caractère individuel.

En réponse, la société ROTOMOD rappelle que c'est dans le cadre de l'absorption du patrimoine de la société DAG, qu'elle a hérité de l'ensemble du portefeuille des droits de propriété intellectuelle de cette dernière, de sorte que si canoë le TARKA a effectivement été divulgué en 2006 par la société DAG, elle l'ignorait, l'ayant découvert dans le cadre de la présente procédure. La société ROTOMOD ajoute que le modèle TARKA ayant été divulgué en 2006, le moyen de nullité invoqué par les parties adverses pour prétendu défaut de nouveauté et de caractère individuel devient de facto superfétatoire.

Sur ce.

En application de l'article 4 du règlement (CE) No 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

À cet égard, en vertu de l'article 5 « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: (...) / b) dans le cas d ’ un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité./2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ».

Ainsi, la nouveauté d'un modèle communautaire, notion distincte de l'originalité qui est indifférente à sa validité, est objective. Elle s'apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l'examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément.

Seule l'identité entre le modèle et la création divulguée qui découle de l'absence de différences ou de l'existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global est destructrice de nouveauté, la similitude des modèles ne l'excluant en revanche pas.

Il appartient dans ce cadre à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l'antériorité qu'il oppose et au titulaire des droits sur le modèle de démontrer que sa connaissance n'était pas raisonnablement accessible pour les professionnels du secteur considéré.

En l'espèce, le modèle communautaire revendiqué a été déposé le 16 octobre 2007 par la société DAG. Il n'est pas contesté que ce modèle a été commercialisé sous la dénomination TARKA par cette société.

Or il résulte du site internet accessible à l'adresse www.dag- kavak.com que cette société avait d'ores et déjà divulgué le canoë TARKA puisque ledit site expose que « ce Kayak 2/3 places est conçu en 2005 », et qu'en outre ce modèle figure sur le catalogue de cette société daté de 2006 et a été présenté au salon nautique 2006, ce que la société ROTOMOD ne conteste au demeurant pas, exposant uniquement ne pas avoir été informée de cette divulgation antérieure avant l'engagement de cette procédure.

Il y a lieu de constater en conséquence que du fait de cette divulgation, le modèle communautaire allégué est nul.

L'action en contrefaçon engagée sur le fondement de ce modèle nul est donc irrecevable.

Sur la demande fondée sur le droit d'auteur ;

Sur l'irrecevabilité pour défaut de titularité des droits d'auteur

Les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION font grief à la société ROTOMOD de ne pas justifier de sa qualité de titulaire des droits d'auteur. Elles soutiennent que le modèle TARKA n'a pas été divulgué par la société ROTOMOD mais par la société DAG. Elles soulignent également le fait que la société ROTOMOD n'a pas produit le contrat de cession de droits par les prestataires ou salariés, personnes physiques, de la société DÀG qui en ont été les auteurs. Elles considèrent en conséquence que la société ROTOMOD est irrecevable pour défaut de qualité à agir.

En réponse, la société ROTOMOD affirme être titulaire des droits d'auteur attachés au canoë TARKA et ce en vertu de la fusion opérée avec la société DAG en 2012, selon le régime prévu par l'article L. 236-1 du Code de commerce. Elle précise également que la cession n'est pas intervenue entre un auteur et un partenaire économique mais dans le cadre d'une absorption de la société DAG, laquelle était en difficultés financières, par la société ROTOMOD, de telle sorte que les dispositions de l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle n'ont pas vocation à s'appliquer étant observé au surplus que la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION ne sont pas recevables à s'en prévaloir n'étant pas les auteurs de l'œuvre revendiquée.

Sur ce.

En application de l'article L. 236-1 du code de commerce, une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu'elles constituent.

Il n'est pas contesté, et la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION s'en sont même prévalu pour soutenir la nullité du modèle communautaire, que la société DAG est celle qui a commercialisé à partir de 2005 le canoë dénommé TARKA et que ce faisant elle était présumée être titulaire des droits d'auteur sur cette création. En l'espèce, il ressort du projet de fusion-absorption conclu entre la société ROTOMOD et la société DAG daté du 27 juin 2012 qu'il a pour objet « la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante dans l'état où celui-ci se trouvera à la date de la réalisation définitive de la fusion » et de l'extrait Kbis de la société ROTOMOD que celle-ci a fusionné et a absorbé la société DAG à compter du 28 septembre 2012, cette fusion ayant entrainé la dissolution sans liquidation de la société DAG.

Il convient d'en déduire que cette opération a emporté le transfert de l'ensemble des actifs de la société DAG à la société ROTOMOD, en ce compris les droits de propriété intellectuelle.

En l'état de ces éléments, la société ROTOMOD justifie de sa qualité à agir sur le fondement des droits d'auteur et la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION seront déboutées de leur moyen.

Sur le moyen tiré du défaut d'originalité

Les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION contestent l'originalité de la combinaison du canoë revendiqué par la société ROTOMOD. Elles rappellent que l'ensemble des caractéristiques de l'apparence et de la forme du modèle TARKA, tout comme leur combinaison, ne sont pas nouveaux, car identiques aux modèles plus anciens, de sorte que ses concepteurs n'ont fait preuve d'aucune originalité dans l'élaboration de ce kayak.

La société ROTOMOD fait valoir en réponse que dans un domaine comme celui des canoës kayaks, les nouveaux produits s'inscrivent forcément dans une perspective d'amélioration des précédents de la gamme de sorte que les contraintes techniques et culturelles préexistantes doivent être prises en considération pour apprécier l'originalité. Elle fait valoir que son modèle se caractérise à la fois par l'arrondi de ses lignes dirigées vers l'intérieur et par une forte incrustation des empreintes et rainures incorporées au canoë, et ce, quel que soit l'angle de vue dudit bateau. Elle ajoute que le modèle litigieux donne une impression visuelle d'ensemble de contraste dû à l'opposition extérieur/intérieur du canoë ; de flottement et d'enveloppement, en raison de la forme générale de bombée de l'extérieur du canoë ; de maintien et de confort par la précision de ses moulures, ces moulures étant inspirées des formes d'une écrevisse pour rappeler l'esprit marin du canoë et sont espacées pour donner un effet visuel de structuration et de compartimentage. Elle considère en conséquence que le canoë comporte des caractéristiques agencées selon un parti pris esthétique inédit, le tout formant une combinaison exclusivement propre aux canoës de la société ROTOMOD depuis des années. Elle soutient également que les antériorités invoquées ne sauraient remettre en cause l'originalité du canoë TARKA aux motifs qu'elles sont d'inspiration commune avec cette œuvre, qu'elles appartiennent au même fond commun ou qu'il s'agit d'un produit par nature fonctionnel. Sur ce.

Les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.

L'originalité de l'œuvre ressort notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue.

En l'espèce, l'œuvre revendiquée est un canoë kayak.

Soutenant à la fois le caractère propre et original de cette œuvre et se plaçant ainsi indistinctement sur le terrain du droit des dessins et modèles et du droit d'auteur, la société ROTOMOD prétend justifier de l'originalité du canoë revendiqué en exposant qu'elle se caractérise par « / 'arrondi de ses lignes dirigées vers l'intérieur et à la fois par une forte incrustation des empreintes et rainures incorporées au canoë, et ce, quel que soit l'angle de vue dudit bateau ».

Elle ajoute que « l'extérieur du canoë se caractérise par une forme générale bombée pour donner une impression visuelle de flottement facile et d'enveloppement, le tout étant recourbé vers l'intérieur, alors que l'intérieur du canoë est caractérisé par des moulures aux creux très profonds et aux lignes nettement apparentes pour donner une impression visuelle d'installation fixe et droite du pagayeur » et que « les moulures intérieures sont inspirées des formes d'une écrevisse pour rappeler l'esprit marin du canoë et sont nettement espacées les unes des autres pour donner un effet visuel de structuration et de compartimentage ».

Évoquant plus spécifiquement dans ses conclusions la prétendue l'originalité du canoë, la société ROTOMOD fait valoir qu'il est caractérisé par « des contrastes forts entre l'intérieur et l'extérieur : très marqué, détaillé, sculpté avec précision à l'intérieur, les incrustations sont ainsi très apparentes et distinctes les unes des autres, alors que l'extérieur se caractérise par son apurement, l'uniformité et l'arrondi de ses lignes ainsi que son volume bombé » et en ce que « les moulures intérieures sont censées représentées une écrevisse ».

Cependant ces seuls éléments, même combinés entre eux, ne permettent pas de caractériser une œuvre de l'esprit empreinte de la personnalité de son auteur, laquelle suppose que l'œuvre présente des caractéristiques esthétique ou ornementale séparables de son caractère fonctionnel et qui témoignent d'un effort de création susceptibles, en présence de créations antérieures, de l'en dégager d'une manière suffisamment nette et significative.

En effet, l'arrondi des lignes du canoë dirigées vers l'intérieur ou encore le caractère « bombé » constituent des caractéristiques communes des canoës sur le marché depuis de nombreuses années comme en témoignent les modèles « Manga », « Togo » ou « Oxygène » produits par la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION ou encore les modèles présentés dans les pièces 6 (modèle MOBY DICK) 13 (modèle AUTO VIDEUR) 14 (modèle APACHE) étant observé que la société ROTOMOD ne justifie pas non plus que cette caractéristique est séparable d'une volonté d'améliorer la navigabilité du canoë et de faciliter sa maniabilité.

De même, la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION produisent plusieurs modèles antérieurs à 2005 de canoës présentant une « forte incrustation des empreintes et rainures incorporées au canoë » et notamment les modèles HURON, BOLERO, ou encore SANDPIPER respectivement des sociétés FEUILLETTE, EGALIS et JOHNSON O étant également observé que cette caractéristique paraît avant tout répondre à une nécessité fonctionnelle consistant à déterminer l'emplacement des sièges et des espaces pour y loger des personnes et des objets afin que l'embarcation ne soit pas déséquilibrée et non à traduire un parti pris esthétique qui ne saurait au demeurant résulter d'une forme aussi banale que l'emplacement nécessaire pour insérer un bidon ou pour poser des jambes, quand bien même la forme qui s'en dégage peut laisser suggérer celle d'une écrevisse.

Enfin, l'originalité ne saurait résulter du contraste entre l'intérieur (détaillé et sculpté) et l'extérieur (épuré) du canoë alors que cette différence est récurrente sur les modèles de canoës antérieurs et qu'elle fait parti du fonds commun de ce type d'embarcation, outre le fait, comme il a été indiqué ci-dessus, que les éléments sculptés de l'intérieur sont nécessaires pour déterminer l'emplacement des personnes et des objets embarqués et qu'il répond donc essentiellement à un besoin fonctionnel, non nécessaire à l'extérieur, lequel peut donc présenter une certaine épure, sans que cette différence ne puisse cependant caractériser une œuvre de l'esprit au sens du code de la propriété intellectuelle, susceptible de révéler l'empreinte de la personnalité de son créateur.

Ainsi, aucun des éléments revendiqués au titre de l'originalité par la société ROTOMOD ne permet au canoë litigieux de présenter des caractéristiques, esthétique ou ornementale, séparables de son caractère fonctionnel témoignant d'un effort de création marquant l'objet de l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Le moyen tiré du défaut d'originalité sera en conséquence accueilli et l'action en contrefaçon de la société ROTOMOD sur le fondement des droits d'auteur rejetée. Sur la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon ;

L'action en contrefaçon n'étant pas recevable, le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon n'a plus d'objet, ce procès-verbal ne pouvant servir de fondement à une action diligentée, même subsidiairement, sur le fondement de la concurrence déloyale.

Sur la demande subsidiaire en concurrence déloyale ;

La société ROTOMOD soutient subsidiairement que les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION ont commis des actes de concurrence déloyale. Elle considère en effet que la reproduction exacte des caractéristiques propres et originales du canoë TARKA constitue une faute. Elle affirme également qu'il résulte de cette reproduction un risque de confusion indiscutable dans l'esprit du consommateur ayant entraîné un détournement de la clientèle de loueurs de canoës de la société ROTOMOD, et ce malgré l'apposition d'un logo différent. Elle prétend enfin que le modèle TARKA est né de ses investissements intellectuels et financiers dont les sociétés IDOINE DIFFUSION et POLYROTO tentent de tirer bénéfice, en commercialisant un modèle en tous points identique.

Les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION rétorquent que le modèle RAFKA se démarque du modèle TARKA de la société ROTOMOD, lequel ne fait de surcroît que reproduire des modèles antérieurs libres de droits, sans aucune originalité ou caractère propre. Elles ajoutent que la société ROTOMOD ne justifie pas avoir fourni des efforts ou des investissements particuliers pour la mise au point du TARKA et pour cause, puisqu'il s'agit d'une copie de modèles préexistants. Elles considèrent également que la société ROTOMOD ne fait pas la démonstration d'une faute par création d'un risque de confusion et encore moins d'un préjudice qui résulterait directement de cette faute.

Sur ce.

Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383 du code civil) que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.

En l'espèce, pour justifier d'une reprise quasi-servile par le canoë RAFKA de la forme du canoë TARKA, la société ROTOMOD produit aux débats d'une part un procès-verbal de constat dressé par huissier le 17 juillet 2014, puis des photographies issues d'un document commercial émanant de la société IDOINE représentant le canoë RAFKA (pièce n°9).

Sur la nullité du procès-verbal de constat du 17 juillet 2014 ;

La société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION soutiennent que ce procès-verbal doit être annulé aux motifs qu'il a été réalisé sans autorisation du juge et que l'huissier s'est rendu dans une propriété privé et a procédé à une description du canoë.

En réponse, la société ROTOMOD conclut au rejet de cette demande aux motifs que le constat a été dressé par un huissier auprès d'une tierce personne ayant acquis de la société IDOINE le canoë RAFKA et que les opérations de constat se sont déroulées au sein de son entreprise en accord avec ce dernier. Elle ajoute que le procès-verbal se contente de constater la provenance du canoë et l'ouverture du produit encore sous emballage plastique ce qui exclut tout rôle actif de l'officier ministériel.

Sur ce.

Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice « peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences défait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire ».

En l'espèce, il ressort de procès-verbal de constat litigieux que l'huissier s'est transporté dans les locaux du magasin CANOË PASSION et y a rencontré Monsieur P qui lui a indiqué avoir commandé un canoë auprès de la société IDOINE, lui a remis la facture correspondante et lui a désigné l'emplacement où se situait le canoë acquis qui était présenté sous emballage plastique.

L'huissier a ensuite indiqué avoir lui-même procédé à l'ouverture de l'emballage et constaté que le canoë était « bicolore, de couleur jaune et rouge, en matière plastique. », qu'il s'agissait d'un canoë deux places, qu'il était pourvu de 4 poignées latérales, d'une sangle d'attache pour bidon au milieu, et d'une deuxième sangle à l'arrière, ainsi que la présence de deux cordes de manipulation aux deux extrémités du bateau.

L'huissier ajoute après « avoir procédé à la prise de photos et à la description du canoë » avoir apposé deux scellés sur celui-ci.

Si l'huissier de justice pouvait en accord avec le propriétaire des lieux, tiers à la présente procédure, procéder à des constatations chez lui, d'une part, il ne justifie pas avoir précisé à celui-ci ses qualités et le cadre dans lequel il agissait et notamment le fait qu'il n'était pas mandaté par une décision judiciaire et ne pouvait dès lors procéder à aucune mesure d'intrusion ou coercitive sans son consentement exprès, et d'autre part, ne s'est pas contenté de simples mesures de constat puisqu'il indique avoir procédé lui-même au retrait de l'emballage plastique dans lequel se trouvait le canoë litigieux et après en avoir réalisé une « description » de l'objet, a conservé en annexe du procès-verbal deux factures remises par le tiers et procédé à l'apposition de scellés sur le canoë. Ce faisant, ces diligences qui s'apparentent à de véritables mesures d'investigation et d'immobilisation d'un bien appartenant à autrui, excèdent le cadre du simple constat d'huissier autorisé par l'article 1er précité.

L'huissier ayant outrepassé ses pouvoirs, ledit procès-verbal est entaché d'une nullité de fond de telle sorte qu'il ne peut être invoqué à titre de preuve dans le cadre du présent litige.

Sur les autres éléments de preuve produits ;

La comparaison de la pièce 8 représentant le canoë dénommée TARKA commercialisé par la société ROTOMOD et la pièce 9 sur laquelle est représentée de profil et vue de haut le canoë commercialisé par la société IDOINE, dont il n'est pas contesté qu'il est fabriqué par la société POLYROTO, permet de constater que les deux produits présentent des ressemblances évidentes de forme et de structure et que le canoë RAFKA est une reproduction quasi-servile de celui commercialisé par la société ROTOMOD, présent sur le marché plusieurs années avant celui commercialisé par les défenderesses à partir de 2013.

Ainsi, l'intérieur du canoë RAFKA est dessiné selon les mêmes formes que le canoë TARKA et les quelques différences invoquées (pointe avant non renforcée, différences sur les incrustations des extrémités avant et arrières) demeurent insuffisantes à dissiper l'impression de forte ressemblance.

De même, la forme des deux canoës, vue de profil, confirme une impression de reproduction quasi servile, renforcée par la présence aux deux extrémités de deux poignées de portage. Il convient de considérer que ces seuls éléments permettent de caractériser un risque de confusion manifeste pour l'acheteur et ce d'autant que la société ROTOMOD et la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION sont présents sur le même marché et visent notamment comme clientèle de manière identique, les loueurs de canoës.

Ainsi, alors que rien ne les contraignaient à agir ainsi, en fabriquant et en commercialisant un modèle de canoë qui se présente comme la reproduction quasi servile du canoë conçu plus de 7 ans avant par la société DAG aux droits de laquelle la société ROTOMOD vient, et quand bien même ce canoë ne bénéficie pas d'une protection au titre du droit des dessins et modèle ou du droit d'auteur, la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION ont commis des actes de concurrence déloyale en créant sciemment une confusion entre leur produit et celui conçu plusieurs années auparavant par la société ROTOMOD et présent sur le même marché.

Les agissements de concurrence déloyale sont donc constitués.

Sur la demande principale fondée sur le parasitisme ;

La société ROTOMOD considère que le fait pour la société POLYROTO de concevoir, de fabriquer et d'offrir à la vente des canoës RAFKA, ainsi que le fait pour la société IDOINE DIFFUSION de les distribuer, permettent à ces deux dernières de tirer indûment profit du succès commercial du canoë TARKA commercialisé par la société ROTOMOD, en faisant l'économie des frais de recherche et de développement, publicitaires, professionnels et commerciaux qu'elle a engagés et en mettant en œuvre le savoir-faire de la société ROTOMOD. Elle ajoute que la reproduction tant d'un nom similaire que des mêmes couleurs constitue un effet de gamme. Elle considère que ces actes prouvent incontestablement la volonté de la société fabricante de se placer dans son sillage.

Les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION soutiennent qu'elles disposent d'un savoir-faire propre, acquis de longue date, POLYROTO ayant notamment collaboré avec la société COCHOIS dans les années 1990, puis avec la société JOHNSON OUTDOORS dans les années 2000, non seulement pour la fabrication mais aussi pour la conception de modèles et des moules correspondants. Elles considèrent en outre que le modèle RAFKA n'est pas une imitation des modèles de ROTOMOD, dont il se démarque largement, de même, que le nom RAFKA n'est pas une imitation fautive du nom TARKA, qui au demeurant n'a pas été protégé à titre de marque. Elles indiquent enfin que la société ROTOMOD ne rapporte pas la preuve de l’existence d'une confusion dans l'esprit de la clientèle.

Sur ce. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

Si la société ROTOMOD indique que la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION ont tiré indûment profit du succès commercial du canoë TARKA qu'elle commercialise en faisant l'économie des frais de recherche et de développement, publicitaires, professionnels et commerciaux qu'elle a engagés et en mettant en œuvre son savoir-faire, elle ne justifie pas précisément des investissements réalisés pour la conception du canoë TARKA, lesquels ne peuvent résulter des pertes financières liées à la conceptions de modèles antérieurs ou des dépenses faites pour la conception d'autres modèles que le TARKA quand bien même ils seraient équivalents ou proche.

En l'absence d'éléments précis et chiffrés portant sur l'exploitation du modèle TARKA, les demandes formées par la société ROTOMOD au titre du parasitisme seront rejetées.

Sur les mesures réparatrices

La société ROTODOM soutient que la chute des ventes des canoës TARKA concomitamment à la mise sur le marché du canoë RAFKA en 2013 a généré une perte financière pour elle de telle sorte qu'elle sollicite, à défaut de désignation d'un expert, la condamnation in solidum des défenderesses à lui payer une somme de 474 284 euros.

Sur ce.

Le préjudice résultant des agissements de concurrence déloyale résulte de la lésion d'un intérêt patrimonial ou extra-patrimonial de la société ROTOMOD et la réparation doit avoir pour objet de la replacer autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu étant observé qu'il ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit.

En l'espèce, il résulte de l'attestation de l'expert-comptable de la société ROTOMOD que les ventes de canoës TARKA, qui étaient de 630 en 2013 (pour un chiffre d'affaires de 277 531 euros), ont chuté à 389 en 2013 (pour un chiffre d'affaires de 168 153 euros) et 336 en 2015 (pour un chiffre d'affaires de 140 977 euros), ce qui représente une baisse de près de 50% par rapport à l'année 2013 correspondant précisément à la période au cours de laquelle le canoë RAKKA, qui en est une copie quasi-servile, a été mis sur le marché par la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION, et ce alors même que la société ROTOMOD justifie avoir aussi baissé ses prix en 2014 et 2015 pour faire face à la concurrence.

Les agissements de concurrence déloyale ont ainsi été à l'origine d'un manque à gagner certain de la société ROTOMOD qui sera évalué à la somme globale de 50 000 euros pour l'année 2014 et 40 000 euros pour l'année 2015 afin de tenir compte des autres facteurs liés à l'évolution du marché sur deux années.

Il convient en conséquence de condamner la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION, in solidum, à payer à la société ROTOMOD, sans qu'il ne soit nécessaire de désigner un expert, la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande étant rejeté faute d'éléments de preuve permettant d'apprécier l'évolution du chiffre d'affaires de la demanderesse pour les années suivantes.

Il sera en outre fait droit à la demande d'interdiction et de publication de la présente décision dans les conditions fixées par le dispositif.

En revanche, les demandes relatives sur le droit d'information, fondées sur le modèle communautaire seront rejetées, la société ROTOMOD ne pouvant se prévaloir de titre de propriété intellectuelle.

Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

Les sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION considèrent que la présente action a été introduite par la société ROTOMOD dans l'intention manifeste de nuire à ses concurrents. Elles ajoutent qu'en raison du montant des dommages et intérêts et autres sommes réclamées par la société ROTOMOD dans le cadre de cette action, elles ont été contraintes de provisionner dans leurs comptes, ce qui constitue pour elles un véritable préjudice, leurs capacités d'emprunt et d'autofinancement s'en trouvant obérées et leur compétitivité limitée. Elles indiquent enfin, que la société ROTOMOD n'a eu de cesse de communiquer sur cette procédure auprès de l'ensemble des professionnels et surtout des prospects de ce secteur, en leur disant que s'ils achetaient des canoës RAFKA des sociétés POLYROTO et INDOINE, ils feraient ensuite l'objet d'une procédure. Ces circonstances caractérisent selon elles un abus du droit d'ester en justice.

En réponse, la société ROTOMOD rétorque dans un premier temps qu'il est de jurisprudence constante que l'exercice de l'action en justice est libre. Elle fait également grief aux sociétés POLYROTO et IDOINE DIFFUSION de ne pas démontrer son intention de nuire. Elle souligne enfin le fait qu'elle n'a pas introduit d'action à l'encontre de ses concurrents, de telle sorte qu'on ne saurait lui reprocher de vouloir s'arroger un monopole en agissant contre les sociétés IDOINE DIFFUSION et POLYROTO. Sur ce,

L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.

En l'espèce, la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION seront déboutées de leur demande à ce titre, l'action de la société ROTOMOD ayant prospéré au moins partiellement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de condamner la société POLYROTO et la société IDOINE DIFFUSION, parties perdantes, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, qui ne pourront comprendre les frais de constat et de saisie- contrefaçon demeurant à la charge de la société ROTOMOD.

En outre, elles doivent être condamnées à verser à la société ROTOMOD, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5 000 euros, chacune.

Compte tenu de l'ancienneté du litige, il convient d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire qui apparaît compatible avec la nature de l'affaire, sauf en ce qui concerne l'annulation du modèle communautaire et la mesure de publication du communiqué.

PAR CES MOTIFS



Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

PRONONCE la nullité du modèle communautaire n°00080951-0002 dont est titulaire la société ROTOMOD ;

DIT que le canoë dénommé TARKA conçu par la société DAG aux droits de laquelle vient la société ROTOMOD ne présente pas les caractéristiques d'une œuvre de l'esprit originale au sens du code de la propriété intellectuelle :

En conséquence,

DECLARE la société ROTOMOD non fondée à agir en contrefaçon dudit modèle communautaire et au titre de droit d'auteur et la déboute en conséquence de ces demandes à ce titre ;

ANNULE le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 17 juillet 2014 ; DIT qu'en fabriquant et en commercialisant le canoë RAFKA qui constitue la reproduction quasi servile du canoë TARKA, la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société ROTOMOD ;

En conséquence,

FAIT INTERDICTION à la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION de poursuivre ces agissements, sous astreinte provisoire de 300 euros par infraction constatée passé le délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision et ce pendant un délai de 3 mois;

DIT QUE le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ;

CONDAMNE in solidum la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION à payer à la société ROTOMOD la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale ;

ORDONNE la publication du communiqué judiciaire suivant dans trois journaux ou revues au choix de la société ROTOMOD, aux frais de la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et de la société IDOINE DIFFUSION, sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 3.500 euros HT, soit 10.500 euros HT au total :

« Par décision en date du 22 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a notamment jugé que la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société ROTOMOD en fabriquant et en commercialisant des canoës kayaks sous l'appellation RAFKA qui sont une copie quasi-servile du canoë TARKA et en générant ainsi un risque de confusion et les a condamnées à indemniser la société ROTOMOD en réparation des préjudices qu'elle a subis. » ;

DEBOUTE la société ROTOMOD, la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION pour le surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION à payer chacune à la société ROTOMOD la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société POLYVALENCE ET LE ROTOMOULAGE et la société IDOINE DIFFUSION aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et qui ne pourront comprendre les frais de constat et de saisie- contrefaçon demeurant à la charge de la société ROTOMOD ; ORDONNE l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne l'annulation du modèle communautaire et la mesure de publication.