Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, Mme B A, représentée par Me Ruel, demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du président de l'université de Perpignan du 29 juin 2023 portant sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un an ;
2°) de mettre à la charge de l'université de Perpignan la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie car la décision la prive de toute rémunération pendant un an et nuit gravement à sa réputation et à sa carrière;
- le doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué découle de : 1) la prescription des faits reprochés qui sont antérieurs à 2019, 2) un vice de procédure tenant à ce que le président de l'université s'est cru lié par l'avis de la commission consultative paritaire des agents contractuels, 3) des irrégularités entachant l'avis du conseil de discipline tenant au manque d'impartialité de la directrice générale des services de l'université, à sa composition irrégulière dès lors qu'elle était présidée par le président de l'université, signataire de la décision attaquée, qui n'était pourtant pas membre représentant l'administration dans cette commission, qu'elle comprenait six et non sept membres, et que quatre des membres du personnel étaient issus d'un syndicat concurrent de celui auquel elle était affiliée, à l'absence de motivation de l'avis, à sa notification postérieure à la décision attaquée et à l'absence de transmission de l'entier dossier, notamment de l'audition du président de l'université, 4) l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, 5) l'erreur d'appréciation commise par l'université dès lors que le rapport d'enquête à l'origine de la procédure disciplinaire conclut que son comportement ne peut être qualifié de harcèlement moral et donc de faute, alors qu'elle a toujours été bien notée, sans antécédent disciplinaire ou pénal, que les trois griefs reprochés (surveillance et contrôle excessif de ses agents, gestes et paroles déplacés et mode de management familial aboutissant à un fonctionnement clanique) ne sont pas avérés au vu notamment de témoignages en sa faveur produits par des agents de son service, du contenu et de l'origine des témoignages recueillies par la commission d'enquête dont elle conteste la réalité, et ne sont pas constitutifs d'une faute, 6) la sanction est disproportionnée au regard des faits reprochés, 7) il y a détournement de pouvoir.
Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2023, l'université de Perpignan Via Domitia, représentée par Me Capsie, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme A soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés : 1) les faits reprochés n'ont été connus qu'à l'issue de l'enquête interne fin 2022 ; 2) le président a suivi l'avis du conseil de discipline sans se sentir lié par lui ; 3) la directrice générale des services était membre de droit du conseil de discipline et n'a manifesté aucune animosité particulière envers Mme A ; 3) la présence du président de l'université est régulière au regard de la décision du 13 janvier 2023 et de l'article 44 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 : le procès-verbal du conseil de discipline est suffisamment motivé ; rien n'établit qu'une audition du président de l'université ait eu lieu dans le cadre de l'enquête interne ; 4) la décision est suffisamment motivé en droit et en fait ; 5) les faits reprochés ont été établis à la suite d'une enquête interne et étayés par plusieurs témoignages circonstanciés et concordants ; 5) la sanction infligée est conforme à celle retenue par la jurisprudence dans des cas similaires.
Vu :
- l'ordonnance n° 2302323 du juge des référés du 15 mai 2023 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique,
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Gayrard, vice-président, pour statuer sur les requêtes en référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 juillet 2023 à 14 heures 30 :
- le rapport de M. Gayrard, juge des référés,
- les observations de Me Ruel, représentant Mme A ;
- et les observations de Me Capsiè, représentant l'université de Perpignan.
La clôture d'instruction a été prononcée le 19 juillet 2023 à 17 heures.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B A, agent contractuel de l'université de Perpignan Via Domitia, était responsable administrative et financière du service " Platinum " depuis septembre 2014. Le 30 mars 2023, une procédure disciplinaire à son encontre a été lancée : un conseil de discipline s'est réuni le 17 avril 2023 et a rendu un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un an sans sursis. Par arrêté du 18 avril 2023, le président de l'université de Perpignan a prononcé cette sanction à effet au 1er mai 2023. Par ordonnance n° 2302323 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 15 mai 2023, l'exécution de cet arrêté a été suspendue. Par décision du 29 juin 2023, le président de l'université a retiré la décision du 18 avril 2023 portant exclusion temporaire des fonctions et seulement rétabli Mme A dans ses droits à rémunération à compter du 18 avril 2023. Par arrêté du même jour, la même autorité a infligé à Mme A la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'un an sans sursis à compter du 1er juillet 2023. Par la présente requête, Mme A demande au juge des référés d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
2. En vertu de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. D'une part, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an sans sursis prise à l'encontre de Mme A la prive de toute rémunération à compter du 1er juillet 2023 pour une durée d'un an et est également de nature à porter atteinte à sa réputation et à sa carrière au sein de l'université de Perpignan notamment. La requérante justifie dès lors que la décision attaquée porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation personnelle et donc de l'urgence qui s'attache à ce que soit prononcée une mesure en référé sans attendre le jugement au fond.
4. D'autre part, eu égard aux faits reprochés tenant à des pratiques managériales inadaptées (contrôle excessif sur les missions confiées, mélange des registres professionnels et amicaux, agressivité verbale et gestes déplacés occasionnels) ayant provoqué une souffrance au travail chez certains agents du service mais ne relevant toutefois pas de faits de harcèlement moral selon une enquête de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche de décembre 2022, aux excellentes évaluations de l'agent de 2014 à 2022, à l'absence de toute procédure disciplinaire ou même de simples remarques quant à son mode de management antérieures à la sanction, et au caractère contradictoire, comme en atteste le procès-verbal du conseil de discipline du 17 avril 2023, des nombreux témoignages produits par chacune des parties sur le ressenti des agents ayant eu à servir sous l'autorité de Mme A, le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction au regard des faits reprochés est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision précitée.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux jusqu'à ce qu'il y soit statué au fond.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme demandée par l'université de Perpignan au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par Mme A et de condamner l'université de Perpignan à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : L'exécution de la décision du président de l'université de Perpignan du 29 juin 2023 portant sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un an infligée à Mme A est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond du litige.
Article 2 : L'université de Perpignan versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'université de Perpignan présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B A et à l'université de Perpignan Via Domitia.
Fait à Montpellier, le 21 juillet 2023.
Le juge des référés,La greffière,
J-P. Gayrard B. Flaesch
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 21 juillet 2023,
La greffière,
B. Flaesch
2303870