INPI, 17 juillet 2006, 06-0258

Synthèse

  • Juridiction : INPI
  • Numéro de pourvoi :
    06-0258
  • Domaine de propriété intellectuelle : OPPOSITION
  • Marques : CRISTAL ; CRISTAL DE ROSE
  • Classification pour les marques : 33
  • Numéros d'enregistrement : 1713576 ; 3384792
  • Parties : CHAMPAGNE LOUIS R C / CHATEAU PARADIS SARL DOMAINES ET CHATEAUX

Texte intégral

OPP 06- 0258 / CBO 17/07/2006 DECISION STATUANT SUR UNE OPPOSITION LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;

Vu le

Code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L. 411-4, L. 411-5, L. 712-3 à L. 712-5, L. 712-7, L. 713-2, L. 713-3, R. 411-17, R. 712-13 à R. 712-18, R. 712-21, R. 712-26 et R. 718-2 à R. 718-4 ; Vu l'arrêté du 31 janvier 1992 relatif aux marques de fabrique, de commerce ou de service ; Vu l’arrêté du 2 août 2005 relatif aux redevances de procédures perçues par l'Institut national de la propriété industrielle.

I.- FAITS ET PROCEDURE

La société DOMAINES ET CHATEAUX (société à responsabilité limitée) a déposé, le 3 octobre 2005, la demande d'enregistrement n° 05 3 384 792 portant sur le signe verbal CRISTAL DE ROSÉ. Ce signe est présenté comme destiné à distinguer les produits suivants : « vins rosés » (classe 33). Cette demande a été publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle n° 05/46 du 18 novembre 2006. Le 18 janvier 2006, la société CHAMPAGNE LOUIS R (société anonyme), représentée par Monsieur Christophe PELESE, conseil en propriété industrielle mention « marques, dessins et modèles » du cabinet ERNEST GUTMANN-YVES PLASSERAUD S.A., a formé opposition à l'enregistrement de cette marque. L'acte d'opposition était accompagné de la justification du paiement de la redevance correspondante. La marque antérieure invoquée dans cet acte est la marque verbale CRISTAL, renouvelée par déclaration en date du 22 novembre 2001 sous le n°1 713 576. Cet enregistrement porte notamment sur les produits suivants : « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » (classe 33). L'opposition, formée à l'encontre de l’intégralité des produits désignés dans la demande d'enregistrement contestée, a été notifiée à la société déposante le 7 février 2006, sous le n° 06-0258. Cette notification l’invitait à présent er des observations en réponse à l'opposition dans les deux mois. Le 6 avril 2006, la société DOMAINES ET CHATEAUX, représentée par Monsieur Philippe BRUZZO, avocat justifiant d’un pouvoir, a présenté, par télécopie confirmée par courrier, des observations en réponse à l'opposition, transmises à la société opposante par l'Institut, le 10 avril 2006. Le 19 mai 2006, l’Institut a, par télécopie confirmée par courrier, notifié aux parties un projet de décision établi au vu de l’opposition et des observations en réponse. Cette notification les invitait, si elles souhaitaient en contester le bien-fondé, à présenter des observations écrites au plus tard le 19 juin 2006, fin de la procédure écrite. Le 15 juin 2006, la société DOMAINES ET CHATEAUX a présenté, par télécopie confirmée par courrier, des observations contestant le bien-fondé du projet de décision, transmises à la société opposante par l’Institut, le jour même, par télécopie confirmée par courrier. Il lui était précisé qu’afin de respecter le principe du contradictoire, la date de fin de procédure écrite était repoussée au 22 juin 2006, ce dont la société déposante a également été informée. Le 19 juin 2006, la société opposante a présenté, par télécopie confirmée par courrier, des observations en réponse à celles de la société déposante, transmises à cette dernière par l’Institut, le jour même, par télécopie confirmée par courrier. II.- ARGUMENTS DES PARTIES A.- L'OPPOSANT La société CHAMPAGNE LOUIS R fait valoir, à l'appui de son opposition et dans ses observations faisant suite au projet de décision, les arguments exposés ci-après. Sur la comparaison des produits Les produits de la demande d‘enregistrement sont identiques à certains des produits de la marque antérieure. Sont identiques, les « vins rosé » de la demande d’enregistrement contestée et les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » de la marque antérieure. Sur la comparaison des signes La demande d'enregistrement contestée constitue l’imitation de la marque antérieure, en raison de la présence commune du terme distinctif et dominant CRISTAL et des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles prépondérantes qui en découlent entre les signes, le signe contesté étant susceptible d’apparaître comme une déclinaison de la marque antérieure. La société opposante invoque l’incidence sur la comparaison des signes de l’identité des produits désignés. En outre, elle fait valoir que la marque antérieure «…jouit d’une notoriété certaine en France et dans le monde entier en liaison avec les boissons alcooliques et plus particulièrement le Champagne…». A l’appui de son argumentation, la société opposante joint divers documents et notamment des copies d’articles de presse, ainsi qu’une décision de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur. Suite au projet de décision, la société opposante sollicite la confirmation de celui-ci. A cette fin, elle rappelle que les produits de la demande d’enregistrement, en ce qu’ils relèvent d’une catégorie plus générale de produits de la marque antérieure, sont identiques. En outre, elle répond aux arguments de la société déposante quant à la comparaison des signes en présence, faisant valoir que l’élément verbal CRISTAL constitue l’élément distinctif et dominant de ces deux signes, la présence des termes DE ROSÉ dans le signe contesté étant de nature à laisser croire que le signe contesté constitue une déclinaison de la marque antérieure invoquée pour une gamme de vins rosés. B - LE TITULAIRE DE LA DEMANDE D’ENREGISTREMENT CONTESTEE Dans ses observations en réponse à l’opposition, la société DOMAINES ET CHATEAUX conteste la comparaison des produits. La société déposante conteste également la comparaison des signes, invoquant le caractère descriptif du terme CRISTAL, constitutif de la marque antérieure. En tout état de cause, la société déposante fait valoir que le signe contesté possède une signification propre, distincte de la marque antérieure. A l’appui de son argumentation, la société déposante fournit divers documents commerciaux. Dans ses observations contestant le bien-fondé du projet de décision, la société déposante réitère ses arguments concernant la comparaison des produits et invoque en outre des décisions de justice. La société déposante conteste également la comparaison des signes aux motifs que le signe contesté forme un ensemble indivisible ayant une signification propre, distincte de la marque antérieure. La société déposante entend démontrer que les éléments DE ROSÉ du signe contesté présentent un caractère distinctif, en ce « …qu’ils permettent de rattacher le signe déposé aux produits commercialisés sous cette marque, à savoir des vins rosés très clairs…». Enfin, la société DOMAINES ET CHATEAUX fait valoir que la société opposante ne démontre pas la renommée de la marque antérieure « …auprès des masses populaires… ». A l’appui de son argumentation, elle invoque des décisions de justice.

III.- DECISION

Sur la comparaison des produits CONSIDERANT que l’opposition porte sur les produits suivants : « vins rosés » ; Que l’enregistrement de la marque antérieure invoquée a été effectué pour les produits suivants : « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ». CONSIDERANT que les « vins rosés » de la demande d’enregistrement sont inclus dans la catégorie générale des « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » de la marque antérieure ; Qu’ainsi, ces produits sont identiques ; Qu’à cet égard, il importe peu que les « vins rosés » de la demande d’enregistrement ne figurent pas en termes strictement identiques dans le libellé de la marque antérieure invoquée, dès lors que l’identité entre des produits est reconnue lorsque des produits sont désignés exactement dans les mêmes termes, mais également lorsque ceux-ci appartiennent à la catégorie générale des produits de la marque antérieure, et ce indépendamment des classes dont relèvent les produits en cause ; Qu'en effet, comme le relève la société déposante, la classification internationale des produits et services, n'ayant qu'une valeur administrative sans portée juridique, celle-ci est sans incidence sur la constatation de l’identité ou de l’appréciation de la similarité des produits en cause. CONSIDERANT qu’est inopérant l'argument de la société déposante selon lequel les produits commercialisés par la société opposante sont des champagnes « … haut de gamme… » au contraire des produits de la demande d’enregistrement qui sont des vins rosés « …de consommation courante… » ; qu’en effet, outre que la société opposante n’a invoqué à l’appui de son opposition que les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » de la marque antérieure, en sorte que la société déposante ne saurait contester d’autres liens que celui précité, la comparaison des produits dans le cadre de la procédure d’opposition s’effectue exclusivement en fonction des produits tels que désignés dans les libellés des marques en présence, indépendamment de leurs conditions d’exploitation réelles ou supposées. CONSIDERANT en conséquence, que la demande d’enregistrement désigne des produits identiques à ceux invoqués de la marque antérieure invoquée. Sur la comparaison des signes CONSIDERANT que la demande d’enregistrement contestée porte sur le signe verbal CRISTAL DE ROSÉ, ci-dessous reproduit : Que la marque antérieure invoquée porte sur la dénomination CRISTAL, présentée en lettres majuscules d’imprimerie droites, grasses et noires. CONSIDERANT que la société opposante invoque l’imitation de la marque antérieure par le signe contesté. CONSIDERANT que l’imitation nécessite la démonstration d’un risque de confusion entre les signes, lequel doit donc être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; Que le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause. CONSIDERANT que les signes en présence ont en commun le terme CRISTAL, lequel apparaît distinctif au regard des produits désignés ; Qu’en effet, si l’élément verbal CRISTAL est susceptible d’évoquer la transparence et la pureté, il ne renvoie cependant pas directement à la désignation nécessaire, générique ou usuelle ni à une caractéristique précise des produits en cause, comme le prétend la société déposante ; Qu’en tout état de cause, à moins d’une action en nullité à l’encontre de la marque antérieure invoquée susceptible de suspendre la procédure d’opposition, sont sans incidence sur la présente procédure d’opposition, les arguments de la société déposante selon lesquels le terme CRISTAL serait descriptif, et partant dépourvu de caractère distinctif au regard des produits invoqués de la marque antérieure, dès lors qu’il n’appartient pas à l’Institut de se prononcer sur la validité d’une marque déjà enregistrée, cette question relevant de la compétence exclusive des tribunaux ; Que le terme CRISTAL, seul élément constitutif de la marque antérieure, constitue l'élément distinctif et dominant du signe contesté ; Qu’en effet, ce terme CRISTAL se retrouve dans le signe contesté où il est accompagné des éléments verbaux DE ROSÉ, dépourvus de caractère distinctif au regard des produits en cause, avec lesquels le terme CRISTAL ne forme pas, contrairement aux assertions de la société déposante, une expression dans laquelle il ne serait plus perceptible ; Qu’à cet égard, la société déposante ne saurait à la fois invoquer le caractère distinctif des éléments verbaux DE ROSÉ et reconnaître que ces termes « …permettent de rattacher le signe déposé aux produits commercialisés sous cette marque, à savoir des vins rosés très clairs…» ; Qu’en effet, le caractère distinctif d’un signe s’appréciant au regard des produits désignés, force est de constater que le terme ROSÉ, en ce qu’il constitue la désignation nécessaire des produits désignés, à savoir des vins rosés, est dépourvu d’un tel caractère ; Qu'ainsi, loin de les différencier, la présence des termes DE ROSÉ dans le signe contesté est au contraire de nature à conduire le public à penser que le signe contesté CRISTAL DE ROSÉ constitue une déclinaison de la marque antérieure CRISTAL pour une gamme de vins rosé ; Que la similitude des signes est donc de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public, en laissant croire à l’existence d’une affiliation entre les marques. CONSIDERANT ainsi que le signe contesté constitue l'imitation de la marque antérieure CRISTAL. CONSIDERANT qu'en raison de l'identité des produits en cause et de l'imitation de la marque antérieure par le signe contesté, il existe un risque de confusion sur l'origine de ces marques pour le public. CONSIDERANT qu’à supposer même, comme le souligne la société déposante, que la notoriété de la marque antérieure ne soit pas avérée au regard du grand public, il convient de rappeler que le risque de confusion entre deux marques n’est pas conditionné par la démonstration de la notoriété de la marque antérieure, cette circonstance n’en étant qu’un facteur aggravant ; Qu’ainsi, est inopérant l’argument de la société déposante tiré de l’absence de notoriété de la marque antérieure auprès d’une clientèle à faibles revenus, dès lors qu’il a été précédemment démontré qu’il existe entre les deux marques des ressemblances prépondérantes. CONSIDERANT en conséquence, que le signe verbal contesté CRISTAL DE ROSÉ ne peut donc pas être adopté comme marque pour désigner des produits identiques sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque verbale CRISTAL. CONSIDERANT que ne sauraient être retenus les arguments de la société déposante visant à démontrer que les sociétés en présence développent une politique de commercialisation de leurs produits très différente et s’adressent en outre à des clientèles totalement différentes ; qu'en effet, la comparaison des signes dans le cadre de la procédure d'opposition doit s'effectuer uniquement entre les signes tels que déposés, indépendamment de leurs conditions d'exploitation réelles ou supposées. CONSIDERANT enfin, que ne sauraient être retenus les arguments de la société déposante tirés de décision de justice, dès lors que celles-ci ont été rendues dans des circonstances différentes de la présente espèce.

PAR CES MOTIFS

DECIDE Article 1 : L'opposition numéro 06-0258 est reconnue justifiée Article 2 : La demande d'enregistrement n° 05 3 384 792 est re jetée. Céline BOISSEAU, JuristePour le Directeur général del'Institut national de la propriété industrielle Isabelle M Chef de Groupe