Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023, l'association Trap skeet cible pilotin, représentée par Me Tiburce, demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2023, par lequel le maire de Rivière-Pilote a interdit, pendant une durée d'un an, la pratique de toute activité de tir sur le site de l'association, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au maire de Rivière-Pilote de ne prendre aucune nouvelle mesure portant interdiction des activités de tir sur le site de l'association, jusqu'à ce que soit rendue une décision juridictionnelle définitive sur la légalité de cette interdiction, et de condamner la commune de Rivière-Pilote à une astreinte de 100 euros par jour en cas de méconnaissance de cette injonction ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rivière-Pilote la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts financiers et moraux ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux, dès lors que :
o l'arrêté est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de procédure contradictoire préalable ;
o l'arrêté repose sur des faits matériellement inexacts et incorrectement qualifiés, son activité ne présentant aucun trouble ni aucune menace sur l'ordre public ;
o la mesure de police présente, par son caractère général et absolu, un caractère disproportionné.
La requête a été régulièrement communiquée à la commune de Rivière-Pilote, qui n'a produit aucune observation.
Vu :
- la requête, enregistrée le 26 juillet 2023, sous le n° 2300453, par laquelle l'association Trap skeet cible pilotin demande notamment l'annulation de l'arrêté visé ci-dessus ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
En application de l'article
L. 511-2 du code de justice administrative, la présidente du tribunal a désigné M. Lancelot, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendues au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Pyrée, greffière d'audience :
- le rapport de M. Lancelot, juge des référés,
- et les observations de Me Tiburce, avocate de l'association Trap skeet cible pilotin, qui reprend les moyens développés dans ses écritures.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit
:
1. L'association Trap skeet cible pilotin exploite, depuis 1973, un stand de tir sportif, sur un terrain situé au lieu-dit Desfarges, sur le territoire de la commune de Rivière-Pilote. Par un arrêté du 25 mai 2023, le maire de Rivière-Pilote, agissant dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative générale, a interdit la pratique de toute activité de tir sur le site, pendant une durée d'un an. Par la présente requête, l'association Trap skeet cible pilotin demande au juge des référés d'ordonner, dans l'attente du jugement au fond, la suspension de l'exécution de cet arrêté du 25 mai 2023.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
En ce qui concerne l'urgence :
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
4. L'exécution de l'arrêté du 25 mai 2023, qui interdit, de manière générale et absolue, la pratique du tir, pendant une durée d'un an, sur le site de l'association requérante, a nécessairement pour effet de priver ses 178 adhérents de la possibilité de pratiquer leur activité sportive et fait obstacle à la tenue de compétitions, empêchant ainsi l'association de réaliser son objet statutaire. En outre, l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2023 porte atteinte aux intérêts financiers de l'association requérante, dans la mesure où elle a pour effet de la priver des contributions versées par ses partenaires institutionnels, alors qu'elle continue de supporter ses charges d'entretien et de maintien du site aux normes sécuritaires. Dans ces conditions, il est établi que l'arrêté attaqué porte atteinte, de manière grave et immédiate, aux intérêts de l'association Trap skeet cible pilotin, et celle-ci justifie ainsi d'une situation d'urgence, au sens de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
5. D'une part, aux termes de l'article
L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article
L. 211-2 [] sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Ces dispositions sont applicables, en vertu de l'article
L. 211-2 du même code, aux : " décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ".
6. Dans la mesure où la commune de Rivière-Pilote n'a pas produit de mémoire en défense et n'était pas représentée à l'audience, et ne conteste donc pas les allégations de l'association requérante selon lesquelles l'arrêté du 25 mai 2023 n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire, et ce alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la situation présentait un caractère d'urgence, de nature à dispenser le maire de Rivière-Pilote de cette procédure contradictoire préalable, le moyen tiré du vice de procédure est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté, dont la suspension est demandée.
7. D'autre part, aux termes de l'article
L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article
L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : [] 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publiques telles que [] les bruits, les troubles de voisinage [] et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ".
8. Si l'arrêté du 25 mai 2023 évoque, de manière peu circonstanciée, des nuisances sonores et des troubles de voisinage générés par l'activité de l'association requérante, la matérialité de ces incidents n'est nullement démontrée. Dans la mesure où, de surcroît, l'association requérante justifie avoir pris, antérieurement à l'arrêté du 25 mai 2023, des mesures destinées à réduire le bruit, il ne peut être regardé comme établi que l'activité de l'association requérante présente un trouble ou une menace sur l'ordre public. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits, de l'erreur de qualification juridique des faits et de la disproportion de la mesure de police, au regard de l'objectif de préserver le bon ordre et la tranquillité publique, sont également, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté, dont la suspension est demandée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2023, par lequel le maire de Rivière-Pilote a interdit, pendant une durée d'un an, la pratique de toute activité de tir sur le site de l'association Trap skeet cible pilotin, doit être suspendue.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Il n'entre pas dans l'office du juge administratif d'interdire, pour l'avenir, à une autorité de police administrative de faire usage de ses pouvoirs. Dans ces conditions, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, présentées par l'association Trap skeet cible pilotin, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Rivière-Pilote la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par l'association Trap skeet cible pilotin et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 25 mai 2023 du maire de Rivière-Pilote est suspendue.
Article 2 : La commune de Rivière-Pilote versera à l'association Trap skeet cible pilotin la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Trap skeet cible pilotin est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Trap skeet cible pilotin et à la commune de Rivière-Pilote.
Fait à Schœlcher, le 8 août 2023.
Le juge des référés,
F. Lancelot
La greffière,
M. Pyrée
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.