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Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 3ème Chambre, 11 décembre 2024, 2300809

Mots clés
requête • requérant • statut • pouvoir • rejet • procès-verbal • signature • rapport • requis • résidence • ressort • service

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne
  • Numéro d'affaire :
    2300809
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : M. Friedrich
  • Nature : Décision
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Résumé

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Partie demanderesse
Personne physique anonymisée
défendu(e) par NOIZET César
Partie défenderesse

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: I°) Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 avril 2023 et le 27 octobre 2024, M. B A, représenté par Me Noizet, demande au tribunal : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mars 2023 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de le placer en congé de longue durée et a renouvelé son congé de longue maladie, rémunéré à demi traitement, du 24 juillet 2022 au 23 juillet 2023 ; 2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision en litige a été édictée par une autorité incompétente ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - la décision en litige a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière car l'avis du comité médical départemental n'a pas été recueilli dans des conditions régulières ; - la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation car son état de santé justifiait qu'il soit placé en congé de longue durée. Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. II°) Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 juillet 2023 et le 27 octobre 2024, M. B A, représenté par Me Noizet, demande au tribunal : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juin 2023 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a renouvelé son congé de longue maladie, rémunéré à demi traitement, du 24 juillet 2023 au 23 janvier 2024 ; 2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision en litige a été édictée par une autorité incompétente ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - la décision en litige a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière car l'avis du comité médical départemental n'a pas été recueilli dans des conditions régulières ; - la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation car son état de santé justifiait qu'il soit placé en congé de longue durée. Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ; - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; - le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ; - le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice ; - l'arrêté du 30 décembre 2019 relatif à l'organisation du secrétariat général et des directions du ministère de la justice ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Henriot, conseiller ; - et les conclusions de M. Friedrich, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

: 1. M. A, magistrat affecté à la cour d'appel de Reims en qualité de conseiller, a été placé en congé de longue maladie du 24 juillet 2021 au 23 juillet 2022 par un arrêté du 17 janvier 2022. Par un courrier du 21 mars 2022, il lui a été demandé de se prononcer sur la situation dans laquelle il souhaitait être placé, en fonction de son état de santé, à compter du 24 juillet 2022. Le 7 mai 2022, M. A a sollicité son placement en congé de longue durée. Par un avis rendu le 9 février 2023, le conseil médical a proposé de prolonger le congé de longue maladie de M. A du 24 juillet 2022 au 23 janvier 2023 puis du 24 janvier au 23 juillet 2023. Par un arrêté du 7 mars 2023, la garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de le placer en congé de longue durée et l'a placé en congé de longue maladie rémunéré à demi-traitement. Par un arrêté du 23 juin 2023, le garde des sceaux a renouvelé son congé de longue maladie rémunéré à demi traitement pour la période du 24 juillet 2023 au 23 janvier 2024. M. A demande au tribunal l'annulation de ces deux décisions. 2. Aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : / 1° En activité ; / 2° En service détaché ; / 3° En disponibilité ; / 4° Sous les drapeaux ; / 5° En congé parental. () ". Aux termes de l'article 68 de l'ordonnance précitée : " Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après. ". Selon les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : () 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. () 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée () " 3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir () ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 que le refus d'octroi d'un congé de longue durée est au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir et qui doivent être motivées. 4. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que celle-ci n'expose pas les motifs pour lesquels le bénéfice d'un congé de longue durée est refusé à M. A. En outre, si cette décision vise l'avis du conseil médical du 9 février 2023, elle ne reproduit pas le sens de cet avis, qui, en tout état de cause, ne se prononce pas sur le droit du requérant de bénéficier d'un congé de longue durée. Par suite, la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 7 mars 2023 est entachée d'une insuffisance de motivation. 5. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article 7 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans leur version applicable au litige : " I. - Les conseils médicaux en formation restreinte sont consultés pour avis sur : 1° L'octroi d'une première période de congé de longue maladie ou de congé de longue durée ; 2° Le renouvellement d'un congé de longue maladie et d'un congé de longue durée après épuisement de la période rémunérée à plein traitement () ". Selon l'article 8 du même décret : " Les conseils médicaux sont saisis pour avis par l'administration, à son initiative ou à la demande du fonctionnaire. ". Selon l'article 12 du même décret : " Au moins dix jours ouvrés avant la date à laquelle son dossier sera examiné, le secrétariat du conseil médical informe le fonctionnaire concerné de cette date et de son droit à : 1° Consulter son dossier ; 2° Présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux ; 3° Être accompagné ou représenté, s'il le souhaite, par une personne de son choix à toutes les étapes de la procédure. () Dans tous les cas, le fonctionnaire concerné et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le conseil médical. S'il le juge utile, le conseil médical entend le fonctionnaire concerné. ". Selon l'article 17 du même décret : " L'avis d'un conseil médical rendu en formation restreinte peut être contesté devant le conseil médical supérieur par l'administration ou le fonctionnaire intéressé dans le délai de deux mois à compter de sa notification. () En l'absence d'avis émis par le conseil médical supérieur dans le délai de quatre mois après la date à laquelle il dispose du dossier, l'avis du conseil médical en formation restreinte est réputé confirmé. Ce délai est suspendu lorsque le conseil médical supérieur fait procéder à une expertise médicale complémentaire. L'administration rend une nouvelle décision au vu de l'avis du conseil médical supérieur ou, à défaut, à l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'alinéa précédent. " 6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. 7. M. A soutient sans être contredit qu'il n'a pas été informé de la faculté dont il disposait de consulter son dossier médical, de présenter des observations écrites, de fournir des certificats médicaux et d'être accompagné ou représenté durant la procédure. En particulier, M. A soutient qu'il n'a pas reçu la communication des conclusions du médecin expert l'ayant examiné à la demande du conseil médical. De plus, le requérant soutient que deux certificats médicaux émanant de son médecin traitant, le Dr C, n'auraient pas été pris en compte dans le cadre de l'examen de sa situation, ce qui n'est pas contredit par le contenu du procès-verbal de la séance du conseil médical du 9 février 2023 qui ne fait pas état de ces documents. Enfin, si M. A a contesté l'avis du conseil médical devant le conseil médical supérieur, cet avis a été implicitement confirmé à l'issue d'un délai de quatre mois sans qu'une nouvelle instruction du dossier de l'agent n'ait eu lieu. Par suite, la décision en litige a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière dans des conditions ayant privé M. A d'une garantie. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 7 mars 2023 doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de l'arrêté du 23 juin 2023 portant renouvellement du congé de longue maladie rémunéré à demi traitement du requérant pour la période du 24 juillet 2023 au 23 janvier 2024. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme totale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les arrêtés de la garde des sceaux, ministre de la justice, des 7 mars et 23 juin 2023 sont annulés. Article 2 : L'État versera la somme de 2 000 euros à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient : M. Deschamps, président, M. Amelot, premier conseiller, M. Henriot, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024. Le rapporteur, signé J. HENRIOTLe président, signé A. DESCHAMPS Le greffier, signé A. PICOT La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°s 2300809, 2301644

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