1) |
De la validité des dispositions incluses dans trois règlements communautaires, les règlements 102/64, 120/67 et 473/67, et qui prévoient que l'obtention d'un certificat d'importation ou d'exportation pour les produits visés par le règlement de base no 19 est subordonnée au dépôt d'une caution et que, sauf le cas de force majeure, la caution est perdue si l'opération n'est pas réalisée par le titulaire du certificat; |
2) |
Dans une des affaires, 30-70, de la validité, au regard de la loi communautaire d'un règlement 87/62 et de l'organisation par un État membre de ce régime de caution à compter du 30 juillet 1962, c'est-à-dire avant l'intervention en 1964 du premier règlement communautaire précisant le régime de la caution pour l'ensemble de la Communauté. |
— |
celles qui sont relatives à ce que nous appellerons la légalité externe des dispositions contestées, c'est-à-dire la compétence des autorités communautaires pour les édicter et la régularité de la procédure selon laquelle elles ont été prises; |
— |
celles qui sont relatives à la légalité interne de ces dispositions auxquelles il est reproché essentiellement de violer un principe dit de proportionnalité qui s'imposerait aux autorités communautaires; |
— |
celles enfin qui se rattachent à la validité du règlement 87/62, à la compatibilité avec la loi communautaire du système mis en place en Allemagne fédérale avant l'intervention du règlement 120/64. |
1) |
L'incompétence de toute instance communautaire quelle qu'elle soit pour les édicter; |
2) |
L'irrégularité de la procédure d'élaboration des règlements et notamment de l'intervention des Comités de gestion; |
3) |
Enfin et subsidiairement, les vices propres qui entacheraient en tout état de cause la légalité externe de certaines seulement des dispositions contestées. |
1. |
Le premier de ces arguments est que les textes créeraient une obligation d'importer ou d'exporter, c'est-à-dire une obligation de faire, alors qu'aucune disposition du traité ne permettrait aux autorités communautaires d'imposer aux particuliers une telle obligation. L'argument ne nous retiendra guère. Tout d'abord, la question de savoir si certaines dispositions du traité, et notamment celles relatives à l'agriculture, n'habilitent pas les instances communautaires à imposer dans certaines circonstances à des agents économiques des obligations de faire est fort douteuse et s'il fallait y répondre nous pencherions plutôt, à première vue, pour une réponse affirmative. Mais en réalité, selon nous, la question ne se pose pas en l'espèce. En effet, les dispositions contestées ne créent en réalité aucune obligation d'importer ou d'exporter. La seule portée desdites dispositions est de prévoir que le certificat ne peut être demandé que pour réaliser effectivement une opération d'importation ou d'exportation et non à raison d'une simple velléité. En cela, elles ne créent pas une obligation, mais elles posent seulement une condition à la délivrance d'un titre nécessaire à l'opération déjà décidée par l'agent économique. L'importateur ou l'exportateur sont libres non seulement de ne pas demander de certificat d'importation ou d'exportation, c'est évident, mais même de ne pas réaliser l'importation ou l'exportation qu'ils ont déclaré vouloir effectuer. Dans ce cas, certes, ils perdent leur caution, mais leur liberté d'agir, si elle peut évidemment être influencée quant à ses déterminations par cette perspective, n'en reste pas moins entière en droit. Le système ne crée donc pas une obligation de faire, mais pose seulement une condition pour l'octroi d'une permission de faire. |
2. |
Le deuxième argument qu'on fait valoir en faveur d'une incompétence totale des instances communautaires pour édicter les dispositions contestées mérite un examen plus approfondi. Il est soutenu en effet que ce système, qui oblige ceux qui demandent un certificat d'importation ou d'exportation à déposer une caution et qui prévoit que cette caution est, sauf cas de force majeure, perdue en cas de non-réalisation de l'opération dans les délais prévus par le certificat, constitue en réalité l'institution d'un régime de sanction. On vous affirme que les États membres n'ont pas, en règle générale, confié aux instances communautaires de pouvoirs répressifs, sauf dans les cas expressément prévus par le traité, comme par exemple pour les ententes ou pour l'exploitation abusive de positions dominantes, par l'article 87, alinéa 2, paragraphe a, qui prévoit expressément l'institution d'amendes et d'astreintes. Il est tout d'abord extrêmement contestable d'affirmer que le traité ne donne aux instances communautaires le pouvoir d'édicter des sanctions que dans les cas qu'il prévoit expressément. En matière agricole notamment, le paragraphe 3 de l'article 40 prévoit que l'organisation commune des marchés peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l'article 39. On peut légitimement se demander si une formule aussi large n'inclut pas la possibilité d'instituer éventuellement des sanctions pécuniaires pour assurer le respect des règlements communautaires. Mais vous n'aurez pas, croyons-nous, à trancher la question dans la présente espèce, car il vous suffira, pensons-nous, d'examiner et de préciser la nature juridique de la caution prévue par les textes pour constater que sa perte n'a en aucune façon le caractère d'une sanction. Il y a lieu tout d'abord de remarquer que les termes de caution ou de cautionnement, dans la langue française contemporaine, présentent une ambiguïté que les commentateurs ont depuis longtemps soulignée en proposant parfois d'y mettre fin. En effet, jusqu'au milieu du XIXe siècle, le terme de cautionnement n'avait qu'un seul sens: celui que lui donne l'article Mais très rapidement est apparu un autre sens du mot caution, qu'on a parfois appelée caution «administrative» et qui signifie le dépôt obligatoire d'une somme d'argent avant de pouvoir effectuer certains actes ou exercer certaines fonctions pour garantir les responsabilités éventuelles qui pourraient en résulter, notamment à l'égard de la puissance publique. Cette dernière sorte de cautionnement, qui, du point de vue du droit civil, s'apparente plutôt à un «nantissement», est fort différente de la «fidejussio» que constitue le cautionnement pris dans son premier sens. Mais ces deux formes de cautionnement peuvent se combiner entre elles, par exemple, comme c'est fréquemment le cas dans la pratique, lorsque la «caution nantissement», si l'on peut dire, est elle-même garantie par un «fidejussio», le plus souvent une banque. Mais qu'est-ce en réalité que cette «caution nantissement»? Ce n'est, à notre avis, rien d'autre qu'une forme de sûreté destinée à garantir le respect d'engagements préalablement ou concomitamment souscrits. Or, l'institution d'une sûreté est à l'évidence difficilement assimilable à l'institution d'une sanction. Une sanction a pour objet de punir. Une sûreté a pour objet de prévenir et éventuellement de réparer. Le moyen articulé à l'encontre des dispositions contestées et tiré de ce que les autorités communautaires ne seraient pas compétentes pour instaurer des sanctions manque donc selon nous «en fait» puisque ces dispositions n'ont pas institué un régime de sanction, mais un régime de sûreté. |
— |
d'une part, parce qu'elle confierait au Comité de gestion un droit de participation au travail législatif de la Commission; |
— |
d'autre part, parce qu'elle donnerait aux États membres la possibilité d'obtenir du Conseil une «cassation» des règlements de la Commission. |
1) |
Le Conseil possède institutionnellement non seulement un pouvoir normatif général et de base, mais encore le pouvoir de prendre lui-même les textes d'exécution nécessaires pour l'application des règles générales qu'il édicte. |
2) |
Ce pouvoir en matière d'exécution, le Conseil peut soit l'exercer lui-même soit en confier l'exercice à la Commission. |
3) |
Aucune disposition ne limite le droit du Conseil d'user ou de ne pas user de la faculté qui lui est ouverte par le texte ni ne lui interdit de fixer les conditions dans lesquelles la Commission exercera le pouvoir qui lui est délégué. |
1) |
le Conseil confie à la Commission, et à elle seule, le soin de prendre des mesures d'application d'un règlement de base; |
2) |
il prévoit cependant à cette délégation une limite. |
1. |
Le Conseil, quand il confère des compétences exécutives à la Commission en vertu de l'article 155 pour l'exécution des règles qu'il établit, est en droit d'assortir l'attribution de ces compétences exécutives de certaines conditions en ce qui concerne les modalités de leur exercice; |
2. |
Il n'y a pas de subordination de la Commission au comité puisque la Commission reste maîtresse de sa proposition ; |
3. |
Il n'y a pas de transfert des compétences de la Commission au Conseil puisqu'aux termes du traité c'est ce dernier qui peut en attribuer l'exercice à la Commission; |
4. |
Enfin, le Conseil ne dépasserait les limites que lui donne le traité que s'il conférait aux comités de gestion un quelconque pouvoir de décision, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Une procédure qui réserve au Conseil lui-même le droit de décider en dernier ressort, doit par contre être considérée comme compatible avec le traité. Enfin, en ce qui concerne les droits du Parlement, il est certain que la procédure du comité de gestion instituée par le règlement no 19 ne porte pas atteinte par elle-même aux attributions du Parlement. Il n'est pour s'en convaincre que de relire la résolution adoptée le 3 octobre 1968 et dans laquelle le Parlement reconnaît l'existence et la légalité de cette procédure tout en fixant les limites politiques et juridiques de son emploi. Nous pensons donc que le système du comité de gestion instauré par l'article 26 du règlement de base no 19 n'est contraire ni à l'article 155 du traité ni à l'équilibre institutionnel instauré par celui-ci. Reste un dernier point: il avait été soutenu devant la Cour administrative du Land de Hesse, qui vous interroge à ce sujet, que cette procédure serait contraire à l'article 189 du traité qui prévoit les différentes catégories d'actes qui peuvent être pris par la Commission ou par le Conseil: règlements, directives, etc. Nous comprenons très mal la portée de ce moyen qui n'a d'ailleurs pas été repris devant vous à la barre par ceux qui l'avaient initialement soulevé. Dès lors que l'article 155 du traité donne au Conseil la faculté de confier à la Commission le pouvoir de prendre des mesures d'exécution des règles qu'il établit, il en résulte implicitement et nécessairement que la Commission doit donner à ces règles la forme qui correspond à leur nature juridique: règlement ou directive; et que, d'autre part, c'est cette même forme qu'adoptera le Conseil s'il est amené à abroger ou modifier un texte pris par la Commission. En résumé, nous vous proposons donc de dire que la procédure du comité de gestion prévue par l'article 26 du règlement no 19 et en vertu de laquelle ont été pris les règlements contestés est conforme au traité dans la mesure où le Conseil n'a confié à la Commission que le pouvoir de prendre des règlements d'application de règlements de base pris par lui-même. |
— |
Le premier paragraphe impose pour toute opération d'importation et d'exportation portant sur tout produit visé à l'article 1 du règlement no 19 la délivrance, à l'opérateur économique, d'un certificat. |
— |
Le deuxième paragraphe est uniquement consacré au certificat d'importation des grains. Il prévoit la durée de validité de ces certificats et la procédure selon laquelle cette durée peut être modifiée. Il précise enfin et surtout que la délivrance du certificat est subordonnée à la constitution d'une caution qui garantit l'engagement d'importer pendant la durée de validité du certificat et que cette caution reste acquise au cas où l'importation n'est pas effectuée dans ce délai. |
— |
Le troisième paragraphe enfin renvoie à la procédure prévue à l'article 26, c'est-à-dire à celle du comité de gestion pour la détermination des modalités d'application de l'ensemble de l'article, notamment, dit-il, pour la détermination de la durée des certificats d'importation de tous les produits entrant dans le champ d'application du règlement no 19. |
1) |
C'est le texte seul qu'il convient de prendre en considération pour régler la question, car il n'existe pas, pour ce règlement de base, de travaux préparatoires susceptibles de déterminer le juge dans son interprétation. |
2) |
Le premier paragraphe de l'article 16 pose sans équivoque le principe de l'obligation, pour l'opérateur économique, d'obtenir pour toute importation ou toute exportation de tout produit visé à l'article 1 du règlement, c'est-à-dire aussi bien des grains que des produits céréaliers ou des produits transformés, un certificat d'importation ou un certificat d'exportation. |
3) |
Le troisième paragraphe de cet article confie enfin expressément à la Commission le soin de prendre, selon la procédure prévue à l'article 26, les modalités d'application des règles générales posées par le paragraphe 1. Nous pensons pour notre part que l'institution de la caution n'est en réalité que la définition d'une des conditions nécessaires à la délivrance des certificats d'importation et d'exportation prévue par l'article 16, paragraphe 1, c'est-à-dire une modalité d'application dudit article. |
1) |
celle du tribunal de Francfort qui consiste à affirmer que selon le principe de la proportionnalité résultant de la combinaison des articles 2 et 12 de la loi fondamentale de la république fédérale d'Allemagne, les actes communautaires ne sauraient violer ces dispositions constitutionnelles, thèse dont cette juridiction a tiré toutes les conséquences puisqu'elle a, avant le jugement vous renvoyant cette question, déclaré non valides, comme contraires à la loi fondamentale, les dispositions contestées aujourd'hui devant vous; |
2) |
celle esquissée par la Cour administrative du Land de Hesse et qui consiste à trouver la source juridique de ce principe de proportionnalité dans le droit non écrit de la Communauté, dans les principes généraux du droit communautaire; |
3) |
celle enfin que nous vous proposerons et qui aboutit en l'espèce à trouver la source de ce principe dans une disposition expresse et fort claire du traité. |
— |
Par les principes généraux du droit communautaire: c'est ce qu'au moins deux de vos arrêts ont formellement affirmé : 29 novembre 1956, Fédération charbonnière de Belgique, Recueil 1955-1956, p. 304; 13 juin 1958, Hauts Fourneaux de Chasse, Recueil, IV-1958, p. 190. |
— |
Par une disposition expresse du traité: c'est celle qui figure à l'article 40 du titre consacré à l'agriculture et dont il résulte que l'organisation commune des marchés établie en vue d'atteindre les objectifs prévus à l'article 39 ne peut comporter que les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l'article 39. |
1) |
le principe du système de la caution; |
2) |
les modalités de ce système. |
A — |
Dans son principe nous pensons, quant à nous, que non seulement le système critiqué est strictement nécessaire au fonctionnement normal du marché communautaire des céréales et produits céréaliers, mais encore que, tout en étant perfectible, il est probablement la mesure la moins contraignante que l'on puisse imaginer pour garantir un fonctionnement correct de ce marché. Nous allons essayer de vous le montrer en replaçant ce système dans le contexte dans lequel il s'insère et en fonction duquel il doit être apprécié. L'organisation du marché des céréales a essentiellement pour but d'assurer un niveau de vie équitable pour les producteurs européens dans le respect des autres objectifs fixés par le traité pour la politique commune. Elle prévoit des moyens puissants de soutien et d'intervention en ce qui concerne les prix intérieurs. Chaque année est fixé tout d'abord un prix indicatif, c'est-à-dire le prix auquel il est souhaité que les transactions se fassent sur le marché intérieur de la Communauté. A partir de ce prix indicatif est établi, légèrement en-dessous de façon à ne pas bloquer les échanges intracommunautaires, un prix d'intervention. Ce prix d'intervention constitue en quelque sorte le prix garanti au producteur. Ses variations constituent l'un des éléments qui déclenchent l'action des organismes d'intervention, soit sous la forme d'achats obligatoires sans limitation de quantité, soit par des aides au stockage privé, soit enfin par des moyens indirects comme la dénaturation. Il est bien évident qu'un tel système ne peut fonctionner qu'assorti et épaulé par une action aux frontières de la Communauté, par une action sur le commerce extérieur des produits. Les prix intérieurs de la Communauté fixés en fonction d'objectifs sociaux autant que d'objectifs économiques sont en effet supérieurs aux prix mondiaux dont on sait d'ailleurs tout ce qu'ils ont en général d'artificiel et combien ils correspondent peu au prix idéal d'un marché parfait tel que l'imaginaient les économistes libéraux du XIXe siècle. S'il n'y avait donc aucune action aux frontières de la Communauté, deux phénomènes ne manqueraient pas de se produire :
Si la nécessité d'une intervention aux frontières de la Communauté est donc indiscutable, le choix des modalités de cette intervention a posé à ceux qui ont eu à en décider un problème délicat. La solution la plus simple aurait consisté bien évidemment à réserver à un organe communautaire ou à des organes agissant pour le compte de la communauté le monopole du commerce extérieur. Ces organes, connaissant parfaitement la situation de l'approvisionnement, auraient importé en cas d'insuffisance, exporté à perte en cas de surplus et cherché à compenser sur le plan financier les résultats contraires de ces deux opérations. Une autre solution également possible eut été, tout en maintenant en principe la liberté du commerce extérieur, de fixer périodiquement et en fonction de la situation du marché intérieur des contingents à l'exportation et à l'importation. Ces solutions qui furent défendues par de nombreux spécialistes auraient certainement été celles qui auraient assuré avec le plus de sécurité le contrôle nécessaire du commerce extérieur. Mais elles n'ont pourtant pas été retenues parce que peut-être elles ont paru aux autorités responsables imposer à la liberté des agents économiques des entraves trop grandes, des contraintes qui, aux yeux de beaucoup, ne paraissaient pas absolument nécessaires pour atteindre les buts poursuivis. Aussi ce fut un système beaucoup plus souple, le moins coercitif vraiment qu'on puisse concevoir, qui fut adopté. Ni monopole des importations ou des exportations ni contrôle quantitatif. Tout un régime basé tout entier sur le principe de l'incitation et non sur celui de la contrainte. Pour les exportations, non seulement la liberté d'exporter mais, pour que cette liberté ne reste pas théorique, une subvention à l'exportation: la «restitution» dont l'effet global est de couvrir la différence entre les cours ou les prix de ces produits dans la Communauté et sur le marché mondial. Pour les importations :
Ainsi, Messieurs, sauf le cas de crise aiguë les seuls moyens permettant d'assurer l'équilibre du marché que l'article 39 mentionne expressément parmi les objectifs du marché commun agricole sont :
Si l'offre sur le marché communautaire tend à dépasser la demande, la ristourne est augmentée pour faciliter l'écoulement des surplus. Si la demande tend à dépasser l'offre, le prélèvement est abaissé pour permettre de combler le déficit de l'approvisionnement communautaire. Mais pour manier dans le «bon sens», si l'on peut dire, le prélèvement ou la ristourne, certaines données s'avèrent nécessaires :
Faute de cette dernière donnée, l'action communautaire en matière de commerce extérieur se développerait à tâtons. L'autorité communautaire connaîtrait bien les déséquilibres internes, mais elle ignorerait les décisions des agents économiques susceptibles d'aggraver ou au contraire de diminuer ces déséquilibres; elle ne pourrait donc pas agir dans le sens que requiert l'équilibre du marché. C'est la raison pour laquelle il est non seulement nécessaire mais indispensable, si l'on veut maintenir la liberté économique des importateurs et exportateurs, d'une part de soumettre leurs opérations à la délivrance d'un certificat d'importation ou d'exportation, d'autre part de prévoir que ce document n'est pas une vague déclaration d'intention mais que la condition de sa délivrance est un engagement de réaliser l'opération décidée, engagement garanti par une caution. Ainsi replacé dans son véritable contexte, le système du certificat d'importation et d'exportation, l'engagement de réaliser l'opération décidée ainsi que le régime de la caution qui garantit cet engagement, apparaît sous un jour bien différent de celui sous lequel certains ont voulu le représenter. Ce n'est nullement un système destiné à garantir une sorte d'obligation purement statistique comme a semblé le penser le tribunal de Francfort. Ce n'est nullement, comme on vous l'a suggéré l'autre jour, une sorte de brimade imposée aux agents économiques par des bureaucrates soucieux de voir finalement les tableaux de prévision qu'ils ont dressés correspondre à la réalité. C'est une donnée fondamentale de l'organisation du marché des céréales sans laquelle la liberté qu'on a voulu maintenir au profit des agents économiques risquerait soit d'aboutir à l'anarchie et au chaos, soit d'obliger les autorités responsables à recourir à des mesures de coercition. C'est de plus, et c'est là un aspect de la question qu'il ne faut pas négliger, un moyen nécessaire pour que l'augmentation des dépenses, que constitue un relèvement de la ristourne, ou la diminution des recettes, que constitue une réduction du prélèvement, serve bien uniquement l'intérêt du marché pour que les charges qu'imposent les Etats de la Communauté à leurs ressortissants pour le soutien du marché agricole commun servent bien à cette fin. Les obligations que ce système fait peser sur les importateurs et les exportateurs sont, à notre avis, la rançon minimum, la rançon indispensable de la liberté d'action qui leur a été laissée. Certes, on a tenté de vous démontrer que certificats d'importation ou d'exportation d'une part, caution d'autre part, n'étaient pas indissolublement liés et que l'on pouvait imaginer des procédés moins coercitifs mais aboutissant aux mêmes résultats du point de vue de l'équilibre du marché. L'un de ces procédés est décrit dans le jugement du tribunal de Francfort et l'agent des sociétés céréalières vous en a fait l'autre jour l'apologie. Il consisterait, tout en maintenant l'obligation de délivrance d'un certificat d'importation ou d'exportation, à restreindre les obligations de l'importateur ou de l'exportateur qui décide finalement de ne pas procéder à l'opération qu'il avait initialement décidée à la souscription sous peine d'amende d'une déclaration de non-importation ou de non-exportation. Mais, Messieurs, lorsque l'agent économique adresserait cette déclaration à l'autorité compétente, le mal serait déjà fait: l'importation préalablement décidée et maintenant annulée aurait déjà été prise en ligne de compte pour apprécier la situation du marché. Ce serait, si vous nous permettez d'employer une locution populaire française, «fermer les portes de l'écurie quand les chevaux se sont enfuis». On a, il est vrai, l'autre jour à la barre, longuement tenté de vous démontrer que le système contesté n'était pas parfait et ne permettait pas, dans tous les cas, la réalisation complète de l'objectif poursuivi; autrement dit, que quelques chevaux arrivaient à passer à travers les ventaux entreouverts de la porte de l'écurie dont nous parlions tout à l'heure. Nous le croyons bien volontiers, Messieurs, mais les imperfections mêmes qui sont signalées montrent que seul un système plus coercitif aurait été pleinement efficace et que dès lors le système contesté constitue vraiment le «minimum incompressible», si l'on peut dire, des contraintes que doit supporter l'agent économique s'il veut garder sa liberté de se livrer aux opérations dont s'agit. Nous pensons donc que, dans son principe, le système instauré par les règlements contestés et qui consiste à assortir la délivrance des certificats d'importation et d'exportation d'un engagement de réaliser l'opération décidée et d'une caution destinée à garantir l'exécution de cet engagement est strictement nécessaire au fonctionnement du marché commun des céréales tel qu'il a été organisé et que, dès lors, en l'instituant, les autorités communautaires n'ont pas violé les dispositions de l'article 40 du traité. Vous l'avez déjà jugé en ce qui concerne le marché communautaire des produits laitiers par votre décision 4/68 du 11 juillet 1968. Vous devez, selon nous, le juger également pour le marché communautaire des céréales. |
B — |
Reste alors à examiner si certaines des modalités d'application de ce système ne seraient pas excessives, ne constitueraient pas des mesures que l'article 40 du traité n'aurait pas habilité les autorités communautaires à imposer aux agents économiques. A cet égard deux questions vous sont posées :
Pour répondre à la première demande, vous ne pourrez, croyons-nous, que reprendre les considérations que vous avez déjà développées dans votre arrêt 4-68 du 11 juillet 1968 (Recueil, XIV-1968, p. 551) auquel nous faisions allusion tout à l'heure et que l'on peut ainsi résumer :
Sur la deuxième question, celle de la validité des dispositions qui ne prévoient le remboursement de la caution qu'en cas de force majeure, il a été soutenu devant vous que sa rigidité est excessive compte tenu des buts poursuivis, qu'il y aurait lieu de lui substituer un système plus souple tenant compte, notamment, du comportement du titulaire du certificat et des difficultés qu'il a pu éprouver à réaliser l'opération pour laquelle il avait demandé ce certificat. Nous vous proposons d'écarter cette argumentation pour deux raisons : D'une part, votre définition de la force majeure fait une large part, une part plus large que beaucoup de droits nationaux, au comportement de l'importateur puisqu'elle fait entrer en ligne de compte l'appréciation du caractère des prévisions qu'il a faites, de ses diligences, des sacrifices qu'il aurait dû consentir pour réaliser à tout prix l'opération. Tous ces éléments donnent donc au juge national une large latitude d'appréciation et le système n'est donc pas aussi rigide que certains vous l'ont dit. D'autre part et surtout, dans le raisonnement qui vous est proposé à l'occasion de la force majeure, nous trouvons le même principe de base que dans cette assimilation de la perte de la caution à une sanction que nous vous avons tout à l'heure proposé d'écarter. C est parce que on voit dans la perte de la caution une sanction qu'on vous demande de prévoir qu'elle ne peut être prononcée qu'après qu'auront été pris en ligne de compte tous les éléments intentionnels, subjectifs ou circonstanciels qui expliquent la non-réalisation de l'opération pour laquelle le certificat avait été obtenu. Mais, Messieurs, comme nous vous l'avons dit, le régime de la caution ne nous paraît point être un régime de sanction. C'est pour nous un régime tendant à garantir l'exécution d'un engagement souscrit lors de la délivrance du certificat et c'est dès lors à bon droit que les autorités communautaires ont décidé que seule la force majeure pouvait dispenser celui qui avait souscrit cet engagement de le remplir. Pour conclure sur ces questions soulevées quant à la légalité interne des dispositions contestées, nous pensons que le système de caution qu'elles instaurent est, aussi bien dans son principe que dans ses modalités, nécessaire et même indispensable au bon fonctionnement du marché commun des céréales tel qu'il a été organisé et que les autorités communautaires, en édictant lesdites dispositions, ont parfaitement respecté les obligations qui résultaient pour elles de l'article 40, troisième alinéa, du traité. |
— |
d'une part, elles auraient été prises selon la procédure dite des comités de gestion: |
— |
d'autre part, elles seraient contraires tant à certains principes généraux posés par le traité de Rome qu'aux dispositions de l'article 16 du règlement no 19 pris par le Conseil. |
1. |
En ce qui concerne la partie de cette argumentation qui se réfère à l'illégalité qui entacherait le règlement no 87 du fait qu'il aurait été pris selon la procédure dite des comités de gestion, nous ne pouvons que nous référer aux considérations que nous avons précédemment exposées. |
2. |
En ce qui concerne l'incompatibilité des dispositions du deuxième alinéa de l'article 7 du règlement no 87 avec les principes généraux du traité et du droit communautaire :
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3. |
En ce qui concerne l'incompatibilité des dispositions contestées du règlement no 87 pris par la Commission avec celles de l'article 26 du règlement no 19 pris par le Conseil, l'argumentation développée soulève un problème plus délicat. Le troisième alinéa de l'article 16 dispose en effet, vous vous en souvenez, que «les modalités d'application du présent article, et notamment la durée de validité du certificat d'importation, sont arrêtées suivant la procédure prévue à l'article 26», c'est-à-dire par la Commission après avis du comité de gestion. |
— |
d'une part, une disposition générale, celle prévue par l'article 40, premier alinéa, du traité et qui prévoit que les États membres développent graduellement la politique agricole commune pendant la période de transition (et c'est pendant cette période que le texte contesté est intervenu) ; |
— |
d'autre part, une disposition plus générale encore, celle figurant au premier alinéa de l'article 5 du traité et qui dispose que «les États membres facilitent (à la Communauté) l'accomplissement de sa mission» ; |
— |
troisièmement et enfin: le règlement communautaire no 19 qui précisément applique pleinement ces principes en prévoyant une mise en place graduelle des mécanismes qu'il instaure avec le concours des États membres, dont les compétences pendant cette période de transition sont progressivement aménagées. |
1) |
La procédure prévue par l'article 26 du règlement no 19 du Conseil du 4 avril 1962 est conforme au traité. |
2) |
L'examen des questions dont la Cour administrative de Hesse et le tribunal administratif de Francfort ont saisi la Cour ne révèle aucun élément de nature à affecter la validité de l'article 7, paragraphe 2, du règlement no 87 de la Commission du 25 juillet 1962, ni des articles 1 et 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 102/64 de la Commission du 28 juillet 1964, ni de l'article 12, troisième alinéa, du règlement no 120/67 du Conseil du 13 juin 1967, ni enfin de l'article 9 du règlement no 473/67 de la Commission du 21 août 1967. |
3) |
L'article 16, paragraphes 2 et 3, du règlement no 19 du Conseil du 4 avril 1962 ne s'opposait pas à ce que, conformément à l'article 7, paragraphe 2, du règlement no 87, un État membre fixe les modalités d'application des règles relatives au cautionnement prévues par le règlement no 19 et par b règlement no 87 lui-même. |