Vu la procédure suivante
:
Par une ordonnance en date du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement des articles
R. 312-14 et
R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée le 11 décembre 2019 par les consorts E au greffe du tribunal administratif de Paris.
Par cette requête, M. A E et Mme C F épouse E, agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs filles Mmes D et B E, mineures, représentés par Me Le Bonnois, demandent au tribunal :
1°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser :
- à Mme B E, représentée par ses parents, la somme de 40 000 euros, à titre de provision sur les préjudices non encore liquidables résultant de sa prise en charge à l'hôpital Raymond Poincaré de Garches entre les 16 et 21 novembre 2015 et de sursoir à statuer sur son indemnisation définitive ;
- à M. A E et Mme C F épouse E, en leur qualité de victime indirecte, la somme de 20 000 euros chacun à titre de provision et de sursoir à statuer sur l'indemnisation de leurs préjudices patrimoniaux ;
- à Mme D E, représentée par ses parents, en sa qualité de victime indirecte, la somme de 14 000 euros à titre de provision ;
- ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019 ;
2°) de déclarer le jugement commun à la caisse de sécurité sociale des indépendants de la région Ile-de-France ;
3°) de condamner l'AP-HP aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- Mme B E a contracté une infection nosocomiale au cours de son hospitalisation à l'hôpital Raymond Poincaré du 16 au 21 novembre 2015 ;
- la responsabilité de l'AP-HP doit être est engagée sur le fondement du I de l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que celle-ci ne rapporte pas la preuve que cette infection résulte d'une cause étrangère ; l'état antérieur et les prédispositions de B ne sauraient amoindrir la part de la responsabilité imputée à l'AP-HP ; le taux de 50 % retenu par la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) à cet égard a été défini arbitrairement ;
- l'état de santé de la jeune B n'étant pas consolidé, la réparation de leurs préjudices ne saurait porter que sur des préjudices temporaires, sous forme de provision ;
- l'AP-HP sera condamnée à verser à Mme B E la somme provisionnelle de 40 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées temporaires, de son préjudice esthétique, ainsi que les dépenses de santé restées à sa charge, sur justificatif ;
- l'AP-HP sera condamnée à verser à M. E et à Mme F épouse E la somme provisionnelle de 20 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection ainsi que la somme provisionnelle de 14 000 euros à leur fille D, au même titre ;
- il sera sursis à statuer sur les préjudices qui ne sont pas encore liquidables.
Par des mémoires enregistrés le 28 août et 2 septembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse de sécurité sociale des indépendants de la région Ile-de-France, représentée par Me Ginestet-Vasutek, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) condamner l'AP-HP à lui régler la somme de 18 000 euros, à titre de provision, à valoir sur sa créance liée au remboursement des prestations en lien avec le dommage subi par Mme B E, assortie des intérêts de droit à compter du jour de la première demande ;
2°) de condamner l'AP - HP à lui verser la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) de déclarer le jugement commun aux parties ;
4°) de mettre à la charge de l'AP - HP la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'AP - HP doit être condamnée à réparer l'ensemble des préjudices résultant de l'infection nosocomiale de Mme B E ;
- la CCI a limité à tort la part de responsabilité de l'AP - HP à 50 % ; l'indemnisation au titre des infections nosocomiales ne saurait être diminuée eu égard à l'état antérieur et les éventuelles prédispositions de la victime, dès lors qu'une telle infection n'était pas présente avant l'hospitalisation ;
- sa créance provisoire s'élève, selon une attestation du 15 mai 2020, à la somme de 18 054,88 euros, correspondant aux frais médicaux et pharmaceutiques sur la période du 7 janvier 2016 au 30 janvier 2020 ; elle a droit au versement d'une somme provisionnelle de 18 000 euros à ce titre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2021, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) conclut à ce que l'indemnisation des consorts E soit ramenée à de plus justes proportions.
Elle fait valoir que :
- elle ne conteste pas le caractère nosocomial de l'infection contractée par Mme B E, ni sa responsabilité de plein droit ;
- comme l'a reconnu la CCI dans son avis, l'étendue du droit à réparation des consorts E doit être limitée à 50 % pour tenir compte du séjour prolongé de l'enfant en réanimation et de sa grande prématurité ;
- les préjudices de Mme B E pourront être réparés par la somme provisionnelle de 21 034,25 euros ;
- le préjudice d'affection de ses parents pourra être réparé par le versement d'une somme de 5 000 euros à chacun d'entre eux et celui de sa sœur, par le versement d'une somme de 2 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Par ordonnance du 23 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2022.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fléjou,
- et les conclusions de M. Goupillier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B E est née le 13 juillet 2015 au terme de 27 semaines d'aménorrhée et 5 jours. Après une prise en charge en néonatalogie pour détresse respiratoire, elle a regagné son domicile avec ses parents le 17 octobre 2015. Le 16 novembre 2015, alors âgée de 4 mois, elle a été hospitalisée à l'hôpital Ambroise Paré, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), pour une bronchiolite sévère. Transférée le lendemain vers l'unité de soins continus de l'hôpital Raymond Poincaré, également établissement de l'AP-HP, une occlusion du cathéter fémoral a été constatée le 20 novembre 2015 et plusieurs tentatives de débouchage réalisées sans succès. Le lendemain, des plaques de purpura sont apparues sur les deux membres inférieurs de la petite fille, rapidement suivies d'une dégradation hémodynamique, conduisant au transfert de l'enfant vers le service de réanimation pédiatrique de l'hôpital Necker. Les résultats d'analyses du cathéter mis en culture ont révélé la présence de la bactérie klebsiella pneumoniae, germe multisensible. L'état de santé de la petite B a évolué vers l'apparition d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë avec défaillance multiviscérale. Les thérapeutiques mises en œuvre ont permis une amélioration progressive de son état et son extubation a été possible le
6 décembre 2015. Elle a été, par la suite, prise en charge au sein du service de dermatologie du même hôpital pour le traitement de ses lésions cutanées et a regagné son domicile le 7 janvier 2016 au terme de sa cicatrisation complète. Le 19 janvier 2018, M. E a saisi d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France qui a ordonné la réalisation d'une expertise. Au terme de leur rapport, déposé le 24 septembre 2018, les professeurs Maruani et Bernard ont conclu que la jeune B avait souffert d'un dommage consistant dans un choc avec atteinte multiviscérale à l'origine d'une nécrose cutanée des membres inférieurs et supérieurs, résultant d'une infection à klebsiella pneumoniae. Dans un avis rendu le 24 janvier 2019, la CCI a estimé que ce dommage résultait de l'acte de soins consistant dans la pose du cathéter et qu'en l'absence de consolidation de son état de santé, il appartenait à l'AP-HP de réparer les préjudices des consorts E en résultant, tout en limitant la part de responsabilité imputable à cet établissement de santé en raison de l'état antérieur de l'enfant, caractérisé par sa grande prématurité et une dysplasie bronchique. Prenant acte de cet avis, l'AP-HP a proposé d'indemniser Mme B E à hauteur de 21 034,25 euros. Insatisfaits, les consorts E ont saisi l'AP-HP d'une demande d'indemnisation préalable par un courrier du 13 août 2019. L'AP-HP a gardé le silence sur cette demande. Par la présente requête, les consorts E demandent la condamnation de l'AP-HP à réparer à titre provisionnel leurs préjudices résultant de l'infection de Mme B E et qu'il soit sursis à statuer sur les préjudices non encore liquidables. Par ailleurs, la CPAM du Puy-de-Dôme demande l'allocation d'une somme provisionnelle de 18 000 euros à valoir sur sa créance définitive.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HP :
2. Aux termes du I de l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. Il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection a le caractère d'un accident médical non fautif ou a un lien avec une pathologie préexistante. L'article L. 1142-1-1 du même code dispose que : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article
L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; () ".
3. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'expertise précitée, que Mme B E, alors atteinte d'une bronchiolite sévère ayant nécessité la pose d'un cathéter fémoral droit le 18 novembre 2014, a été victime d'une infection à klebsiella pneumoniae multisensible avec syndrome de détresse respiratoire aigu et défaillance multiviscérale, ayant entrainé un purpura fulminans, responsable d'une nécrose cutanée étendue aux membres supérieurs et inférieurs. Si elle présentait, en raison de sa grande prématurité et de la bronchiolite à métapneumovirus dont elle souffrait, un risque infectieux plus élevé que celui de la population générale, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est au demeurant pas soutenu par l'AP-HP, que l'infection en cause était déjà présente ou qu'elle proviendrait d'une cause étrangère. A cet égard, les experts ont retenu que la porte d'entrée de l'infection de la jeune B était l'acte de soins consistant dans la pose du cathéter et que l'infection ne résultait " pas [d'une] cause extérieure à l'hospitalisation et aux soins, imprévisible dans sa survenue et irrésistible dans ses effets ". Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a retenu la CCI dans son avis du 24 janvier 2019 et à ce que soutient l'AP- HP en défense, la grande prématurité et la bronchiolite de B n'apparaissent pas de nature à caractériser une cause étrangère, ni même à avoir une incidence sur le lien entre les soins et l'infection, et ne sauraient amoindrir la part de responsabilité imputable à l'AP-HP dans la survenue du dommage. L'infection présentée par B revêt, en conséquence, un caractère nosocomial. Par ailleurs, il est constant qu'à la date de lecture du présent jugement, l'état de santé de la jeune B, âgée de sept ans, qui bénéficie encore de soins et dont la croissance n'est pas terminée, n'est pas consolidé. Dans ces conditions et dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent de celle-ci puisse d'ores et déjà être évalué comme étant supérieur au taux de 25 % impliquant une réparation au titre de la solidarité nationale, la réparation de l'ensemble des préjudices subis par les consorts E résultant de l'infection nosocomiale de l'intéressée doit être mise à la charge de l'AP-HP au titre du deuxième alinéa du I de l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique.
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :
S'agissant des préjudices de la victime directe et de l'action subrogatoire de la CPAM du Puy-de-Dôme :
4. L'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage des dépenses médicales dont il est d'ores et déjà certain qu'elles devront être exposées à l'avenir, ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de l'intéressé.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de l'enfant B E n'est pas encore consolidé. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public de santé la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises consécutives son état de santé.
Quant aux dépenses de santé actuelles :
6. En premier lieu, Mme B E demande le versement des sommes correspondant aux dépenses de santé restées à sa charge, sur justificatif. Toutefois, les requérants ne versent aucune pièce à l'instance permettant d'établir que des dépenses de santé sont restées à leur charge et ainsi la réalité d'un préjudice de dépenses de santé actuelles. Dans ces conditions, Mme B E n'a droit, en l'état de l'instruction, à aucune somme à ce titre.
7. En second lieu, la CPAM du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse de sécurité sociale des indépendants de la région Ile-de-France, soutient s'être acquittée des frais médicaux et pharmaceutiques de Mme B E du 7 janvier 2016 au 30 janvier 2020 à hauteur de 18 054,88 euros, ce dont elle justifie par un relevé de ses débours faisant état de cette créance. Toutefois, en dépit de la mesure d'instruction diligentée par le tribunal, la caisse n'a produit aucun élément permettant d'établir l'imputabilité directe de ces dépenses au dommage résultant de l'infection nosocomiale de Mme B E. Par suite, la CPAM du Puy-de-Dôme n'a droit, en l'état de l'instruction, à aucune somme à ce titre.
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
8. Il résulte de l'instruction qu'en conséquence de l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital Raymond Poincaré, Mme B E a subi une période de déficit fonctionnel total du 23 décembre 2015 au 7 janvier 2016, deux périodes de déficit fonctionnel partiel de 50 % du 1er au 22 décembre 2015 et du 8 au 21 janvier 2016, une période de déficit fonctionnel partiel de 25 % du 21 janvier au 20 mars 2016 et une période de déficit fonctionnel partiel de 10 % à compter du 21 mars 2016. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant, à titre provisionnel, à la somme de 5 000 euros.
Quant aux souffrances endurées :
9. Dans leur rapport, les experts ont fixé à 6 sur 7 les souffrances endurées par Mme B E du 16 novembre au 31 décembre 2015 puis à 4 sur 7 celles endurées à compter de cette dernière date, en raison des douleurs liées au long séjour en réanimation, des nécroses cutanées multiples et des soins prolongés. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant l'AP-HP à verser à Mme B E la somme provisionnelle de 15 000 euros à ce titre.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
10. Dans leur rapport, les experts ont fixé à 6 sur 7 le préjudice esthétique de Mme B E du 16 novembre au 31 décembre 2015 puis à 4,5 sur 7 à compter de cette date. A cet égard, il résulte de l'instruction que l'infection nosocomiale dont elle a été atteinte est à l'origine de lésions cutanées inesthétiques sur ses quatre membres et que le 21 septembre 2018, lors de son examen dans le cadre de l'expertise diligentée par la CCI, de nombreuses zones cicatricielles en rapport avec le dommage ont été retrouvées. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant l'AP-HP à verser à Mme B E la somme provisionnelle de 15 000 euros à ce titre.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP doit être condamnée à verser à Mme B E, représentée par ses parents, la somme de 35 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices qui ne peuvent être définitivement évalués à cette même date.
S'agissant des préjudices des victimes indirectes :
12. Les consorts E demandent le versement de la somme provisionnelle de 14 000 euros au profit de leur fille D et de 20 000 euros à chacun d'entre eux, en réparation de leur préjudice d'affection. Il résulte de l'instruction qu'ils partagent la vie et assistent au quotidien la jeune B, qui a été hospitalisée de nombreuses semaines alors qu'elle n'était âgée que de quelques mois, et que sa sœur avait quant à elle seulement deux ans. Il est par ailleurs constant que les parents de la petite B ont assisté à des moments de souffrance intense de leur enfant en lien avec l'infection nosocomiale. Il résulte en outre de l'instruction que la petite fille est soumise à de nombreux rendez-vous médicaux depuis lors, ce qui impacte le quotidien de ses parents comme celui de sa grande sœur. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection des parents en leur allouant la somme provisionnelle de 10 000 euros chacun et de celui de Mme D E en le fixant à la somme provisionnelle de 5 000 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP doit être condamnée à verser à Mme F épouse E et à M. E, en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, D E, la somme de 5 000 euros à titre de provision. Elle doit également être condamnée à verser la somme provisionnelle de 10 000 euros à chacun des époux.
En ce qui concerne les conclusions à fin de sursis à statuer :
14. Il n'appartient pas au tribunal de faire droit à la demande des consorts E tendant au sursis à statuer s'agissant des préjudices non susceptibles d'être évalués à la date du jugement. Il leur appartiendra, s'ils s'y croient fondés, de revenir devant le juge pour leur fixation définitive.
En qui concerne les intérêts :
15. Aux termes de l'article
1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte () ".
16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la demande indemnitaire préalable des requérants est parvenue à l'AP-HP le 14 août 2019. Il y a donc lieu de d'assortir les provisions mises à la charge de l'AP-HP mentionnées aux points 11 et 13 du présent jugement, des intérêts légaux à compter de cette date.
17. En second lieu, par voie de conséquence du rejet de ses conclusions indemnitaires, la demande de la CPAM du Puy-de-Dôme sur ce fondement doit être rejetée.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
18. Aux termes des dispositions du 9ème alinéa de l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. À compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget () ". Pour leur application, l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2022 fixe respectivement à 115 euros et 1 162 euros les montants minimum et maximum de l'indemnité pouvant être recouvrée par l'organisme d'assurance maladie.
19. La demande de la CPAM du Puy-de-Dôme sur ce fondement doit être rejetée par voie de conséquence du rejet de ses conclusions indemnitaires.
En ce qui concerne la déclaration de jugement commun à la CPAM du Puy-de-Dôme :
20. Seuls peuvent se voir déclarer commun un jugement rendu par une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels pourrait préjudicier ce jugement dans des conditions leur ouvrant droit à former tierce-opposition à ce jugement. En l'espèce, la CPAM du Puy-de-Dôme a été régulièrement mise en cause. Dès lors, ces conclusions doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
21. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP, partie perdante, le versement de la somme de 1 500 euros aux consorts E en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter la demande formée sur ce même fondement par la CPAM du Puy-de-Dôme.
Par ces motifs
, le tribunal décide :
Article 1er : L'AP-HP versera à Mme B E, représentée par Mme F épouse E et M. E, une somme provisionnelle de 35 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter 14 août 2019.
Article 2 : L'AP-HP versera à Mme F épouse E et à M. E la somme provisionnelle de 10 000 euros chacun. Ces sommes porteront intérêts à compter 14 août 2019.
Article 3 : L'AP-HP versera à Mme D E, représentée par Mme F épouse E et M. E, la somme provisionnelle de 5 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter 14 août 2019.
Article 4 : L'AP-HP versera la somme de 1 500 euros aux consorts E au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. A E, en sa qualité de représentant unique des requérants, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Coblence, présidente,
Mme Fléjou, première conseillère et Mme Moinecourt, conseillère,
assistées de Mme Charleston, greffière.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
La rapporteure,
signé
V. Fléjou
La présidente,
signé
E. Coblence
La greffière,
signé
D. Charleston
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2000907