Vu la procédure suivante
:
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 18 et 23 avril et les 3 et 7 mai 2024, la société Cityz Media, représentée par Me Cabanes, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) avant-dire droit, d'enjoindre à la commune de Quiberon de lui communiquer les informations manquantes au titre des articles
R. 3125-1 et
R. 3125-3 du code de la commande publique, ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs de l'offre pressentie attributaire ;
2°) d'annuler l'ensemble des décisions qui se rapportent à la procédure de passation lancée en vue de l'attribution d'une concession ayant pour objet la fourniture, l'installation, l'entretien et l'exploitation commerciale de mobiliers urbains publicitaires et non publicitaires ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Quiberon la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la lettre de rejet de son offre ne respecte pas les exigences des articles
R. 3125-1 et
R. 3125-3 du code de la commande publique ; elle ne mentionne que son rang de classement, sa note totale et celle de l'attributaire et ne lui ont pas été communiqués, malgré deux demandes, les notes obtenues sur chaque critère, les explications littérales permettant de les expliquer et les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ;
- la candidature de la société attributaire aurait dû être écartée, dès lors qu'elle ne possède pas les capacités techniques et professionnelles pour exécuter le contrat ; la commune de Quiberon n'a au demeurant pas contrôlé la suffisance des capacités des candidats, ce qu'elle avait l'obligation de faire en application des dispositions de l'article
R. 3123-1 du code de la commande publique, se contentant de vérifier la complétude des dossiers ; la production du rapport d'analyse des offres, au surplus caviardé, ne saurait établir la preuve requise ;
- il appartient aux défendeurs de produire les éléments de la candidature permettant au juge des référés précontractuels d'exercer son contrôle et son office ; le secret des affaires ne saurait être utilement invoqué, notamment pour justifier l'occultation importante du rapport d'analyse des offres, alors même, au demeurant, que la société Phenix Groupe se prévaut de nombreux contrats publics ; la société attributaire s'est prévalue de références qui ne sont pas les siennes, mais appartiennent à la société Naja Mobilier Urbain, rachetée récemment ; il en résulte que sa candidature aurait dû être écartée, dès lors qu'elle contient des renseignements erronés ;
- la méthode de notation mise en œuvre pour l'évaluation du sous-critère relatif au montant de la redevance versée à la ville est irrégulière :
* elle n'est pas conforme à celle qui avait été annoncée dans le règlement de la consultation ;
* elle méconnaît le principe d'égalité de traitement des candidats, la commune de Quiberon indiquant, dans le rapport d'analyse des offres, que des méthodes de notation différentes ont été mises en œuvre en fonction des candidats : la moyenne des chiffres d'affaires a été prise en considération, pour les candidats ayant proposé un chiffre d'affaires supérieur à cette moyenne et leur propre chiffre d'affaires a été pris en considération, pour les candidats ayant proposé un chiffre d'affaires inférieur à cette moyenne ; la circonstance que la méthode annoncée lui ait été appliquée, ainsi qu'à la société attributaire, n'a pas d'incidence ;
* elle est irrégulière en ce qu'elle ne permet pas d'assurer que la meilleure note est attribuée à la meilleure offre, des données étrangères à la valeur intrinsèque des offres ayant été prises en compte : le chiffre d'affaires moyen constitue un élément dépourvu de tout lien avec le critère dont il permet l'évaluation ;
- l'offre de la société attributaire est irrégulière : les stipulations du dossier de consultation ne permettaient pas aux candidats de proposer plusieurs modèles ou gammes de mobilier pour chaque type d'équipement à fournir, imposant au contraire une unité de style, impliquant donc une unité de gamme et modèle ; la société attributaire a, toutefois, proposé deux modèles et gammes de mobilier dans son offre, sans préciser celui qui serait finalement fourni ; le rapport d'analyse des offres ne précise pas celui retenu ;
- les critères de sélection sont irréguliers et n'ont pas été correctement mis en œuvre :
* le critère portant sur la qualité des mobiliers et de leur implantation n'est pas précisément défini et ne permet pas de comprendre les attentes de la collectivité sur ce point ; le rapport d'analyse des offres révèle que l'esthétique des panneaux proposés et leur intégration dans l'environnement ont été pris en considération pour apprécier ce critère, ce qui n'a jamais été indiqué dans le règlement de la consultation ; le cahier des charges ne permettait pas non plus de comprendre les attentes de la commune sur ce point ; la commune de Quiberon a précisément détaillé ses attentes, en matière de taille, pour les différents types de mobiliers, sauf pour les panneaux d'information municipale pour lesquels elle renvoyait à " l'appréciation " des candidats, de sorte qu'elle ne pouvait pas, en phase d'analyse et faute d'avoir défini ses attentes, la sanctionner au motif que les panneaux proposés seraient " trop grands " ;
* le rapport d'analyse des offres révèle qu'elle et la société attributaire ont fait les mêmes propositions en termes de produits d'entretien, de véhicules et de matériels, mais qu'elle a fait une proposition plus ambitieuse en terme de réduction de l'empreinte carbone, ainsi que fait des propositions complémentaires, en terme de tri, de bilan carbone et de télégestion, outre qu'elle justifie de certifications ; elles ont pourtant obtenu la même note sur le critère du développement durable, ce qui ne peut que caractériser une rupture d'égalité de traitement des candidats ou une neutralisation illégale de ce critère de sélection.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2024, la commune de Quiberon, représentée par la Selarl Ares, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Citiz Media la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société Citiz Media a eu communication de l'ensemble des éléments requis, suffisants pour comprendre les motifs de rejet de son offre et de sélection de celle de la société attributaire ;
- elle a procédé à l'analyse et au contrôle des capacités des candidats, ce qui ressort des termes du rapport d'analyse des offres ; les candidats ont tous déposé un dossier complet, comportant donc les documents listés par le règlement de la consultation, lesquels permettaient de procéder au contrôle requis ; la commission d'appel d'offres s'est livrée à une appréciation des garanties techniques et financières de chaque entreprise candidate ;
- la société attributaire justifie de ses capacités techniques et professionnelles pour exécuter le contrat ; son objet social inclut l'exploitation de mobiliers urbains publicitaires et non publicitaires ;
- la méthode de notation annoncée dans les documents de la consultation, s'agissant du sous-critère portant sur le montant de la redevance versée à la ville, a été celle appliquée à la société requérante et à la société attributaire ; elle n'a donc en tout état de cause pas été lésée par le vice allégué ; les notes et les écarts de notes auraient été les mêmes, si la méthode annoncée avait également été appliquée au candidat n° 4, qui est le seul auquel une autre méthode de notation a été appliquée ; aucune inégalité de traitement n'a donc été commise ;
- cette méthode de notation est régulière et n'est pas fondée sur la prise en considération d'éléments sans lien avec l'objet du critère : la prise en considération d'une moyenne de chiffres d'affaires pour déterminer un chiffre d'affaires prévisionnel n'est pas dépourvu de tout lien avec le critère évalué ; la méthode permet au contraire de ne pas faire reposer la note des candidats sur un chiffre d'affaires prévisionnel qui ne fait l'objet d'aucun engagement de leur part ; la méthode n'a ni pour objet, ni pour effet, de permettre que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ; en toute hypothèse, si avait été pris en considération le chiffre d'affaires propre à chaque candidat, les notes auraient été identiques ;
- l'offre de la société attributaire est régulière : les documents de la consultation n'interdisent pas la proposition de plusieurs gammes de mobilier, exigeant seulement une harmonie et une unité de styles, ce qui n'est pas exclusif d'une pluralité de gammes ;
- les critères annoncés sont réguliers et ont été correctement mis en œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2024, la société Phenix Groupe, représentée par Me Tabouis et Me Douineau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Cityz Media la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les capacités techniques et financières des candidats ont été analysées, ce que confirment les mentions du rapport d'analyse des offres, aux termes desquels la commission d'appel d'offres a déclaré les offres transmises régulières et suffisantes ;
- elle justifie des capacités techniques et professionnelles requises ; le point de savoir si l'objet du marché entre ou non dans son objet social et s'il correspond à son code Insee APE (activité principale exercée) est inopérant ; en toute hypothèse, elle exerce son activité dans le domaine du contrat ;
- la méthode de notation du sous-critère relatif au montant de la redevance versée à la ville mise en œuvre est celle qui avait été annoncée ; le fait qu'une autre méthode ait été appliquée à un autre candidat n'a pas lésé la société requérante, dès lors que cette méthode a bien été appliquée à la société attributaire ; cette méthode est régulière ;
- les documents de la consultation n'interdisaient pas de proposer un modèle unique de mobilier urbain, imposant seulement une homogénéité de style et une cohérence de l'esthétique ;
- c'est régulièrement que la commune de Quiberon a pu apprécier l'esthétique des mobiliers proposés pour évaluer le critère portant sur leur qualité et leur implantation ;
- l'argumentation relative au sous-critère développement durable consiste en réalité à remettre en cause l'appréciation portée sur la valeur des offres.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 7 mai 2024 :
- le rapport de Mme Thielen ;
- les observations de Me Cabanes, représentant la société Citiz Media, qui abandonne ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer et enjoint à la commune de Quiberon de lui communiquer les informations relatives aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue, ainsi que le moyen afférent tiré du défaut de motivation de la décision de rejet de son offre, persiste dans le surplus de ses conclusions écrites, par les mêmes moyens développés ; il soutient en particulier que :
* la société Phoenix Groupe est un nouvel opérateur sur ce secteur d'activité et il est normal de s'interroger sur ses capacités techniques, professionnelles et financières à exécuter le contrat ; il est transmis, pour contester le moyen, un dossier de candidature entièrement caviardé, qui ne permet pas au juge des référés précontractuels d'opérer son contrôle ; les capacités alléguées ne peuvent donc être vérifiées, alors même que les éléments pertinents de la candidature doivent être versés au débat ; ne sont produits, en cours d'instance, que deux attestations de sociétés privées, portant sur la réalisation de prestations non comparables, et deux attestations de communes, datées du 3 mai 2024, qui n'ont pas été jointes au dossier de candidature et qui confirment que les contrats en cause, dont la société Phoenix Groupe se prévaut, n'ont pas été conclus avec elle, mais avec une autre société, tierce, qu'elle a effectivement rachetée mais qui a conservé son existence et sa personnalité juridique propres ; les informations transmises sont ainsi nécessairement erronées ;
* dès lors que n'est produite aucune attestation de cette société, indiquant qu'elle mettait à disposition ses moyens, les capacités professionnelles et techniques ne sont pas établies ;
* la méthode de notation mise en œuvre n'est pas celle annoncée, alors même que les dispositions des documents de la consultation sont obligatoires en toutes leurs mentions ; la méthode de notation doit être fixée avant l'ouverture des plis et ne peut évoluer ensuite, nonobstant la circonstance que sa publication n'est pas obligatoire ; en l'espèce, elle a été portée à la connaissance des candidats, puis a été modifiée, dès lors qu'elle n'a pas été mise en œuvre pour la valorisation de toutes les offres ;
* il n'y a pas lieu de procéder au recalcul et à la réévaluation des offres avec application de la méthode de notation annoncée ou de la méthode de notation appliquée à l'une des offres, dès lors précisément que chaque société établit son offre en fonction des informations connues et que son offre aurait pu être différemment construite si elle avait su qu'une autre méthode pouvait éventuellement être mise en œuvre ;
* la méthode mise en œuvre n'est pas pertinente et les motifs invoqués pour la justifier ne convainquent pas ; aucune raison ne justifie de prendre en considération la moyenne des chiffres d'affaires prévisionnels ; il est possible de sanctionner, par des pénalités contractuelles, un attributaire qui ne respecterait pas du tout le chiffre d'affaires prévisionnel de son offre, sur la base duquel est calculé la redevance attendue ; le chiffre d'affaires prévisionnel est par définition propre à chaque offre ainsi qu'à la stratégie commerciale de la société ; la note attribuée ne correspond donc pas, par définition, à la valeur intrinsèque de l'offre ;
* l'offre de la société attributaire est irrégulière, dès lors que le règlement de la consultation impose aux candidats de ne proposer qu'une seule gamme de mobilier, exigeant une unité de style et un design homogène ;
* le sous-critère sur la qualité de l'implantation est trop imprécis ; son offre a été sanctionnée au seul motif que les panneaux d'information générale proposés sont trop grands, alors même que le cahier des charges ne comprend aucune précision, notamment sur la taille des panneaux en cause ;
- les observations de Me Collet, représentant la commune de Quiberon, qui persiste dans ses conclusions écrites, par la même argumentation ; il fait également valoir que :
* le contrat de concession en litige est de faible importance, portant sur l'exploitation d'une vingtaine de mobilier urbain ;
* les capacités techniques et professionnelles des candidats ont été contrôlées, ce que confirme le rapport d'analyse des offres ;
* le contrôle du juge des référés précontractuels sur ce point est restreint à l'erreur manifeste d'appréciation et doit en outre être réalisé en tenant compte de l'enjeu et de l'importance du contrat ; les extraits du dossier de candidature sont produits, dans le respect des impératifs du secret des affaires ; la société Phoenix Groupe justifie de références en propre avec des collectivités territoriales, ainsi qu'avec des sociétés privées exploitant des centres commerciaux ;
* la méthode de notation annoncée a été appliquée à la société requérante et à la société attributaire ; la première ne peut être lésée par la manière dont l'offre d'une société tierce a été valorisée ; les résultats ne changent au demeurant pas si est appliquée l'autre méthode de notation ;
* cette méthode est régulière en ce qu'elle permet d'évaluer le critère noté et qu'elle est pertinente au regard de l'objet et des enjeux de la consultation ; ce critère évalue un taux de redevance, sur lequel les candidats s'engagent ; pour que l'évaluation ait un sens, il est nécessaire que le taux annoncé par chaque candidat soit appliqué à une base unique et commune ; si est pris en considération le chiffre d'affaires propre à chaque société candidate et non la moyenne des offres, les notes et écarts de notes restent identiques ;
* le seul candidat recevable à se plaindre de l'application d'une autre méthode de notation est celui, précisément, auquel cette méthode alternative a été appliquée ;
* l'offre de la société attributaire n'est pas irrégulière, dès lors que le règlement de la consultation n'excluait pas ni n'interdisait que soient proposées plusieurs gammes de mobilier, dès lors qu'elles présentaient une homogénéité et une harmonie entre elles ; en l'espèce, la cohérence et l'harmonie entre les deux gammes ont été contrôlées et considérées comme satisfaisantes ;
* le sous-critère portant sur la qualité des implantations est suffisamment précis s'agissant des attentes de la commune, celle-ci étant également définie dans le cahier des clauses techniques particulières ainsi que dans le cahier des charges ; la note obtenue s'explique par la mauvaise intégration de certains panneaux, au regard de leur taille ; au demeurant, les deux sociétés ont obtenu la même note, de 20/25 ;
* la contestation de la société requérante s'agissant du sous-critère du développement durable tend à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité concédante sur la valeur des offres ; il n'existe aucune incohérence entre les notes attribuées et les mentions et commentaires portés dans le rapport d'analyse des offres ;
- les observations de Me Douineau, représentant la société Phenix Groupe, qui persiste dans ses conclusions écrites, par la même argumentation ; il fait également valoir que :
* sa candidature est régulière, dès lors qu'elle a justifié de ses capacités techniques et professionnelles et qu'aucune erreur manifeste n'entache l'appréciation portée par l'autorité concédante ; elle a pour volonté de diversifier ses activités mais justifie de son expérience en matière de mobiliers d'affichage dans des centres commerciaux ; elle a racheté la société Naja Mobilier Urbain, qui intervient de longue date dans le secteur d'activité du mobilier urbain ; les éléments précis de sa candidature et de son offre sont couverts par le secret des affaires et la protection de sa stratégie commerciale ; la seule question pertinente réside dans le point de savoir si elle peut assumer seule, ou non, l'exécution du contrat ; elle se prévaut des références et de l'expérience de personnels, acquis lorsqu'ils travaillaient dans d'autres sociétés ; les références de contrats conclus avec des sociétés privées sont pertinentes, dès lors que le mobilier est équivalent ; en toute hypothèse, les références mentionnées dans le dossier de candidature consolidé ne sont pas déterminantes pour établir ses capacités techniques, professionnelles et financières ;
* son offre est également régulière, dès lors que les documents de la consultation n'exigent qu'une cohérence en terme d'esthétique et de visuel, sans exclure que puissent être proposées deux ou plusieurs gammes de mobilier ;
* la société Citiz Media est l'attributaire sortant et disposait donc de toutes les informations pertinentes pour construire son offre ;
* elle n'a pas été lésée par l'application de la méthode de notation, dès lors que celle annoncée lui a bien été appliquée, ainsi qu'à la société attributaire ; l'allégation d'une construction différente de son offre n'est pas crédible ;
* la méthode de notation est légale et cohérente ; elle permet d'évaluer et valoriser des offres très disparates, sur une base de comparaison unique ; en toute hypothèse, l'autorité concédante peut corriger les travers d'une méthode de notation pour un candidat, si cela n'a pas d'incidence sur la situation des autres candidats.
La clôture de l'instruction a été fixée à l'issue de l'audience.
Une note en délibéré a été produite pour la société Citiz Media, enregistrée le 10 mai 2024.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un avis publié le 14 décembre 2023, la commune de Quiberon a lancé une procédure de passation pour l'attribution d'un contrat de concession de mobiliers urbains publicitaires et non publicitaires (fournitures, installation, entretien et exploitation commerciale) de concession de service en format, d'une durée maximale de dix ans et d'une valeur estimée globale maximale de 500 000 euros HT. La société Citiz Media a été informée, le 8 avril 2024, d'une part, du rejet de son offre pour l'attribution de ce contrat et, d'autre part, de ce qu'il serait conclu avec la société Phénix Group. Par la présente requête, la société Citiz Média demande au juge des référés précontractuels l'annulation de cette procédure de passation.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Selon l'article
L. 551-2 du même code : " I.- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ".
3. En vertu des dispositions de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
4. Aux termes de l'article
L. 3123-18 du code de la commande publique : " L'autorité concédante ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du contrat de concession. / Lorsque la gestion d'un service public est concédée, ces conditions de participation peuvent notamment porter sur l'aptitude des candidats à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution ". Selon son article L. 3123-19 : " Après examen des capacités et aptitudes des candidats, l'autorité concédante élimine les candidatures incomplètes ou irrecevables et dresse la liste des candidats admis à participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession ".
5. Aux termes de son article
R. 3123-1 : " L'autorité concédante vérifie les conditions de participation relatives aux capacités et aux aptitudes des candidats nécessaires à la bonne exécution du contrat de concession ". Aux termes de son article R. 3123-2 : " L'autorité concédante ne peut exiger des candidats que des renseignements et documents à caractère non discriminatoire et proportionnés à l'objet du contrat de concession ainsi que des renseignements et documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. / Elle peut notamment exiger que les personnes morales indiquent, dans leur candidature, les noms et les qualifications professionnelles des personnes qui seront chargées de l'exécution du contrat de concession ". Aux termes de son article R. 3123-19 : " Si le candidat s'appuie sur les capacités et aptitudes d'autres opérateurs économiques, il justifie des capacités et aptitudes de ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pendant toute l'exécution du contrat. Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié. / () ". Aux termes de son article R. 3123-20 : " Avant de procéder à l'examen des candidatures, l'autorité concédante qui constate que manquent des pièces ou informations dont la production était obligatoire conformément aux dispositions des articles
R. 3123-1 à R. 3123-8 et aux articles R. 3123-16 à R. 3123-19 peut demander aux candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié. Elle informe alors les autres candidats de la mise en œuvre de la présente disposition ". Aux termes de son article R. 3123-21 : " Ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession : / 1° Les candidats qui produisent une candidature incomplète, le cas échéant après mise en œuvre des dispositions de l'article R. 3123-20, ou contenant de faux renseignements ou documents ; / () ".
6. Si le juge des référés précontractuels ne peut censurer l'appréciation portée par une autorité concédante sur les capacités techniques, professionnelles et financières que lorsqu'elle est entachée d'une erreur manifeste, il lui appartient de contrôler que celle-ci n'a pas pris en considération des renseignements erronés.
7. Le règlement de la consultation du contrat de concession en litige exige des candidats, en son article 6.4 portant sur la présentation des candidatures, pour justifier de leur capacité technique et professionnelle, la présentation des références acquises au cours des trois dernières années dans le domaine du contrat et une présentation de l'entreprise, ainsi que de ses moyens humains et matériels.
8. Il ressort des pièces du dossier que la société Phenix Groupe, présidée par la Financière Phénix Holding, a racheté, en 2022, 100 % des parts sociales de la société SmartMedia, propriétaire de l'intégralité des parts sociales de la société Naja Mobilier Urbain, laquelle est depuis le 2 janvier 2023 également présidée par la Financière Phenix Holding. Il est à cet égard constant que si les deux sociétés Phenix Groupe et Naja Mobilier Urbain sont présidées par la même société holding et si la première détient l'intégralité des parts sociales de la seconde, elles n'en constituent pas moins des opérateurs économiques distincts, dotés de leur personnalité juridique propre.
9. Si la commune de Quiberon produit, dans la présente instance, les extraits du dossier de candidature de la société Phenix groupe sur ces différents points, ils sont entièrement occultés et sont par suite largement inexploitables. Plus précisément, la liste de références récentes en matière de contrats publics de mobiliers urbains, présentées comme couvrant un large éventail de communes, communautés d'agglomérations, communautés urbaines et départements, dont la population va de 2 000 à 700 000 habitants, dont de nombreuses villes et stations touristiques, est intégralement occultée et ne permet pas de connaître le nombre exact de contrats en référence, leur objet précis ou encore leur date de signature. Il en est de même de la liste des interlocuteurs référents s'agissant de l'exécution de ces contrats, ainsi que de la liste de contrats de mobiliers urbains conclus avec des personnes privées. Il en est également de même du document de présentation de la société Phenix Groupe et de ses moyens humains et matériels, présentant l'équipe d'encadrement, les deux interlocuteurs responsables du contrat, les responsables au sein de la structure nationale des pôles commercial, administratif, technique et marketing ainsi que le dispositif local projeté, comprenant les mêmes pôles d'activité, dont les seules informations non occultées sont l'identité du fondateur et président de la société Phenix Groupe, de son directeur général patrimoine groupe et directeur général adjoint filiales malls et mobiliers urbains et de sa directrice financière et opérations. La société Phenix Groupe produit, également en cours d'instance, deux attestations de capacités et de bonne exécution de contrats de concession de mobilier urbain établies le 3 mai 2024 par deux communes, Roanne et Puteaux, contrats dont il est constant qu'ils ont été attribués et sont exécutés par la société Naja Mobilier Urbain.
10. À cet égard, et compte tenu des éléments versés au débat, la société Cityz Media soutient, en second temps, que la société Phenix Groupe n'est attributaire d'aucun des contrats dont elle semble se prévaloir au titre des références de prestations similaires, ce que la société Phenix Groupe ne conteste pas sérieusement ni utilement en produisant les extraits de son dossier de candidature, lesquels ne permettent précisément pas, compte tenu de l'étendue des occultations, de connaître l'identité de la société attributaire des contrats listés et exécutant les prestations en cause. Cette allégation de la société Cityz Media apparaît au demeurant corroborée par les explications de la société attributaire elle-même, qui indique que le rachat de la société StartMedia et, par suite, de la société Naja Mobilier Urbain, a constitué un moyen de s'implanter dans ce secteur d'activité particulier, dans lequel elle n'intervenait antérieurement pas.
11. S'il était à ce titre loisible à la société Phenix Groupe de se prévaloir des capacités techniques et professionnelles, notamment des références ainsi, le cas échéant, que de l'expérience des personnels de la société Naja Mobilier Urbain, c'est à la seule condition de produire un engagement juridique contraignant de cette société, portant sur la mise à sa disposition des moyens nécessaires à l'exécution des prestations objet du contrat en cause, pendant toute la durée projetée d'exécution. En produisant les extraits de son dossier de candidature presqu'intégralement occultés, à l'exclusion ainsi qu'il a été dit au point 9, de l'identité de son fondateur et président, de son directeur général patrimoine groupe et directeur général adjoint filiales malls et mobiliers urbains et de sa directrice financière et opérations, la société Phenix Groupe ne met pas en mesure le juge des référés d'exercer son office et son contrôle sur le contenu même de sa candidature et sur les informations qu'elle y a mises, alors même que la véracité desdites informations et l'existence d'un tel engagement sont sérieusement et utilement contestées par la société Citiz Media. Le secret des affaires et de la stratégie commerciale développée ne saurait, à ce titre, justifier l'abstention de la société Phenix Groupe à transmettre des extraits pertinents et exploitables de son dossier de candidature, celle-ci n'ayant au demeurant pas demandé à ce que les pièces en cause puissent être soustraites du contradictoire, ainsi que le permettent les dispositions des articles
R. 611-30 et R. 412-2-2 du code de justice administrative, ainsi qu'elle y avait d'ailleurs été invitée au cours de l'audience publique.
12. L'instruction révèle ainsi un faisceau d'indices suffisamment concordants et probants, d'une part, pour tenir pour établi que la société Phenix Groupe s'est prévalue des références de la société Naja Mobilier Urbain qu'elle a rachetée, et, d'autre part, pour que ne puisse être exclu qu'elle a présenté ces références comme étant les siennes propres, alors même qu'elle est seule, avec l'autorité concédante, en mesure de rapporter la preuve inverse.
13. Compte tenu des différentes pièces produites à l'instance, il ne peut par ailleurs être exclu qu'elle a présenté les moyens humains et matériels de la société Naja Mobilier Urbain comme étant les siens propres et elle n'établit pas davantage disposer d'un engagement de celle-ci de mise à disposition des moyens requis pour l'exécution des prestations du contrat, ce qu'elle est également seule, avec l'autorité concédante, en mesure de prouver.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction et au regard des éléments versés à l'instance, la société Citiz Media est fondée à soutenir que la candidature de la société Phenix Groupe aurait dû être écartée comme irrégulière, soit que l'autorité concédante ait fondé son appréciation des capacités techniques et professionnelles sur des informations erronées, soit que la société attributaire n'ait pas justifié de ses capacités propres à exécuter les prestations du contrat en litige. Dans ces circonstances et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, dès lors que ce manquement aux obligations de mise en concurrence est susceptible d'avoir lésée la société Citiz Media, la procédure de passation lancée par la commune de Quiberon en vue de l'attribution d'une concession ayant pour objet la fourniture, l'installation, l'entretien et l'exploitation commerciale de mobiliers urbains publicitaires et non publicitaires doit être annulée, ensemble toutes les décisions prises par l'autorité concédante s'y rapportant.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie les frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La procédure de passation lancée par la commune de Quiberon en vue de l'attribution d'une concession ayant pour objet la fourniture, l'installation, l'entretien et l'exploitation commerciale de mobiliers urbains publicitaires et non publicitaires est annulée, ensemble toutes les décisions prises par l'autorité concédante s'y rapportant.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Quiberon et de la société Phenix Groupe présentées au titre des l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Citiz Media, à la commune de Quiberon et à la société Phenix Groupe.
Fait à Rennes, le 30 mai 2024.
Le juge des référés,
signé
O. ThielenLa greffière,
signé
P. Lecompte
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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