Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles (12e chambre civile, section 2) 20 décembre 2001
Cour de cassation 03 décembre 2003

Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 décembre 2003, 02-12403

Mots clés société · navire · réparation · transporteur · ballast · marchandise · préjudice · preuve · procédure civile · siège · assureurs · contrôle · satisfait · vérification · bord

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 02-12403
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles (12e chambre civile, section 2), 20 décembre 2001
Président : Président : M. TRICOT

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles (12e chambre civile, section 2) 20 décembre 2001
Cour de cassation 03 décembre 2003

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2001), que suivant deux connaissements des 3 et 4 février 1996, la société CGM Sud a pris en charge sur son navire "Fort Fleur d'Epée", successivement au Havre et à Montoir, des conteneurs renfermant des produits congelés, à destination de Pointe-à-Pitre ; que des avaries ayant été constatées à l'arrivée, Les Mutuelles du Mans assurances et cinq autres assureurs facultés (les assureurs), ont indemnisé le destinataire du préjudice et se déclarant subrogés dans ses droits, ont assigné la société CGM en réparation du dommage ; que cette société a invoqué l'irrecevabilité de la demande des assureurs en l'absence d'intérêt à agir ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société CGM Antilles Guyane qui vient aux droits de la société CGM reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande des assureurs, alors, selon le moyen, que si la subrogation investit le subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et accessoires, le subrogé n'a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et place duquel il agit, de sorte que la quittance subrogative délivrée ne peut transmettre un droit inexistant ; que, par suite, le transporteur maritime peut opposer aux assureurs facultés, subrogés, les exceptions et moyens de défense qu'il aurait pu opposer au créancier d'origine subrogeant ; que, par ailleurs, nul ne peut prétendre au bénéfice de l'assurance s'il ne justifie avoir subi un préjudice ; qu'à cet égard, il incombait à la cour d'appel de rechercher si les assureurs facultés avaient effectué un paiement correspondant réellement à l'exécution d'une obligation découlant du contrat d'assurance, ce qui supposait que l'assuré eût subi un préjudice indemnisable, caractérisé par la perte d'une marchandise effectivement acquise et payée ; que dès lors, en rejetant l'exception d'irrecevabilité, au motif qu'il n'importait pas que le destinataire eût payé le prix de la marchandise, la cour d'appel a violé les articles L. 171-3, alinéa 2 du Code des assurances, 1134 et 1249 du Code civil, 30, 31, 32 et 122 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le droit d'action contre le transporteur maritime est réservé au destinataire mentionné au connaissement ;

qu'ayant constaté que la société Cadi figure en qualité de destinataire sur les connaissements et relevé que les assureurs avaient indemnisé cette société de la perte des marchandises ce dont il résulte qu'ils sont subrogés dans ses droits, la cour d'appel qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante exposée au moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et

sur le second moyen

, pris en ses six branches :

Attendu que la société CGM Antilles Guyane reproche encore à l'arrêt d'avoir accueilli la demande des assureurs, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la faute commise par l'omission de contrôle du serrage des boulons de la trappe de visite et qui résultait du non respect des procédures de vérification après l'intervention d'entretien faite au mois de décembre 1995 dans le ballast, avait eu pour effet de priver le navire de toute navigabilité ;

que, si la cour d'appel énonce que cette innavigabilité du navire ne saurait exonérer de sa responsabilité le transporteur qui ne rapporte pas la preuve qu'il a satisfait aux obligations de l'article 21 de la loi du 18 juin 1966, la faute précitée n'était pas imputable au transporteur, qui avait satisfait à son obligation d'entretien en ayant fait procéder à la réparation de la fissure décelée sur la paroi du ballast, lors d'une précédente escale du navire, mais au bord, qui n'avait pas satisfait à son obligation de contrôler le siège de la réparation, dans le cadre des vérifications de check list nécessaires pour s'assurer de la navigabilité du navire en vue d'une navigation en toute sécurité ; que, par suite, en retenant la responsabilité du transporteur, la cour d'appel a violé l'article 27 a) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

2 / que dans ses conclusions d'appel, le transporteur avait invoqué la faute nautique du bord dans la sécurité du navire, au sens de l'article 27 b) de la loi du 18 juin 1966 ; qu'à cet égard, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la faute antérieurement commise constituée de l'omission de contrôle du serrage des boulons de la trappe de visite résultait du non respect des procédures de vérification après l'intervention d'entretien faite au mois de décembre 1995 dans le ballast ; que cette faute n'était donc pas imputable au transporteur, qui avait satisfait à son obligation d'entretien en ayant fait procéder à la réparation de la fissure décelée sur la paroi du ballast, lors d'une précédente escale du navire, mais au bord qui, connaissant l'existence de la réparation effectuée, n'avait pas satisfait à son obligation de contrôler le siège de celle-ci dans le cadre des vérifications de check list nécessaires pour s'assurer de la navigabilité du navire en vue d'une navigation en toute sécurité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 27 b) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

3 / que dans ses conclusions d'appel, le transporteur avait fait valoir que la signalisation mise en place à la passerelle, sur le tableau de télécommande des vannes de ballasts, destinée à empêcher l'utilisation du ballast n° 8 bâbord dans l'attente de la visite de contrôle de la fin des travaux a par ailleurs été déposée par erreur, sans que ce contrôle ait lieu ; que l'enlèvement de cette signalisation de sécurité, après la réalisation de l'opération d'entretien, était en relation de causalité directe avec l'absence de vérification du serrage du bouchon de trou d'homme du ballast n° 8 et ne pouvant qu'être imputé qu'à une faute nautique du bord ayant l'obligation d'assurer une mise en navigation en toute sécurité ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce qui précède, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que la seconde faute constituée par la négligence dans le contrôle de la vidange du puisard de la cale était imputable à l'absence de suivi par l'équipage de la vidange du puisard ; qu'en outre, si la cour d'appel a estimé que cette seconde faute n'est pas la cause première de l'inondation de la cale, due au mauvais serrage de la trappe de ballast, elle a considérablement aggravé les effets de la première faute commise dans le défaut de vérification du siège de la réparation et concouru au dommage, dès lors qu'une ronde organisée plus tôt eût évité que la hauteur d'eau dans la cale atteignît 1,20 mètre ; que par suite, la cassation prononcée au regard de la première faute s'étendra nécessairement à la seconde, sous le visa de l'article 27 b) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

5 / qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que la seconde faute constituée par la négligence dans le contrôle de la vidange du puisard de la cale était imputable à l'absence de suivi par l'équipage de la vidange du puisard ; que ces faits appelaient la qualification de faute nautique du bord ; qu'en décidant le contraire, aux motifs que son point d'application était une partie du navire où la marchandise était en cours de chargement et qu'il n'est pas démontré que l'inondation ayant endommagé la marchandise aurait eu une incidence sur la stabilité et la sécurité du navire qui se trouvait à quai, la cour d'appel a violé l'article 27 b) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966, en subordonnant son application à des conditions qui n'y figurent pas ;

6 / qu'en toute hypothèse, la faute a un caractère nautique, dès lors qu'elle est commise par le bord et qu'elle est de nature à intéresser l'équilibre et la sécurité du navire, sans qu'il importe que ceux-ci en aient été effectivement affectés dans les circonstances de l'espèce ;

que tel est le cas, en l'état du rapport de l'expert X... cité par la cour d'appel et concluant que tout événement aggravant qui aurait pu survenir risquait de conduire à la perte du navire ; que dès lors, en écartant le caractère nautique de la seconde faute, la cour d'appel a violé l'article 27 b) de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes que le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ou dommages proviennent, notamment, soit des fautes nautiques du capitaine, du pilote ou d'autres préposés du transporteur, soit de l'innavigabilité du navire, sauf au transporteur à établir qu'il a satisfait aux obligations énoncées à l'article 21, lesquelles consistent, avant et au début du voyage, à faire diligence pour mettre le navire en état de navigabilité compte tenu du voyage qu'il doit effectuer et des marchandises qu'il doit transporter ;

Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, l'arrêt retient que les dommages subis par la marchandise résultaient de sa décongélation du fait de la pénétration d'eau de mer dans la cale du navire à la suite d'une opération de ballastage effectuée au cours du chargement ; que cette opération qui en elle-même ne saurait constituer une faute nautique puisqu'elle a été normalement ordonnée pour rétablir l'assiette du navire en cours de chargement, a été le révélateur de la faute antérieurement commise constituée par l'absence de contrôle du serrage des boulons de la trappe de visite d'un ballast laquelle résulte du non-respect des procédures de vérification après l'intervention d'entretien faite avant l'émission des connaissements, et que le transporteur n'apporte pas la preuve qu'il a satisfait aux obligations de l'article 21 de la loi du 18 juin 1966, c'est-à-dire qu'il a mis le navire en état d'accomplir le service qu'il promet compte tenu du voyage qu'il doit effectuer et des marchandises qu'il doit transporter ; qu'il retient encore que l'absence de suivi par l'équipage de la vidange du puisard de la cale a aggravé les effets du mauvais serrage de la trappe du ballast et a concouru au dommage mais que cette négligence ne saurait être qualifiée de faute nautique dès lors que son point d'application est une partie du navire où la marchandise était en cours de chargement et qu'il n'est pas démontré que l'inondation aurait eu une incidence sur la stabilité et la sécurité du navire qui se trouvait à quai ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui a répondu en les écartant aux conclusions invoquées à la troisième branche, a pu en déduire que le transporteur ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CGM Antilles Guyane aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société CGM Antilles Guyane et condamne cette société à payer aux assureurs la somme globale de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille trois.