Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 23 juin 2022, 21/00191

Mots clés Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale · société · associes · docteur · perte · procédure civile · medicale · perte de chance · sécurité sociale · siège · gains · gauche · caisse

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro affaire : 21/00191
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Président : Monsieur Jean-Wilfrid NOEL

Texte

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022

N° 2022/244

N° RG 21/00191

N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXVU

[L] [R]

S.E.L.A.R.L. DOCTEUR [L] [R] & ASSOCIES

C/

[S] [T]

Société LA CPAM DU PUY DE DOME

S.A. LA MEDICALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Yannick LE LANDAIS

-SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES

- SELAS BINON-DAVIN AVOCATS ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 05 Novembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/14660.

APPELANTS

Monsieur [L] [R]

Assuré [XXXXXXXXXXX01]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 8]

représenté et assisté par Me Yannick LE LANDAIS, avocat au barreau de MARSEILLE.

S.E.L.A.R.L. DOCTEUR [L] [R] & ASSOCIES,

Représentée par gérant en exercice domicilié audit siège es qualités M.[L] [R],

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Yannick LE LANDAIS, avocat au barreau de MARSEILLE.

INTIMES

Monsieur [S] [T]

né le [Date naissance 4] 1960,

demeurant [Adresse 6]

représenté et assisté par Me Diane DELCOURT de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE.

Société LA CPAM DU PUY DE DOME,

En charge de l'activité recours contre tiers relative à tous les travailleurs indépendants et leurs ayants-droits, affiliés au sein d'une Caisse Primaire d'Assurance Maladie Métropolitaine ou des Départements et Régions d'Outre-Mer, suite à une décision du Directeur Général de la Caisse Nationale d'Assurances Maladie, Monsieur [X] [Z], en date du 1er janvier 2020, venant aux droits et obligation de la Caisse RSI AUVERGNE (Centre National Recours Contre Tiers) agissant pour compte de la Caisse RSI PROVENCE ALPES en vertu d'une Convention de gestion en date du 1er avril 2016, dont le siège est [Adresse 7], en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié aux lieu et place de la RAM,

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Jean-Pierre BINON de la SELAS BINON-DAVIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE.

S.A. LA MEDICALE

Société Anonyme au capital de 2.160.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° 582 068 698, dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège,

demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée par Me Diane DELCOURT de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lugdiwine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Avril 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[L] [R] est gynécologue obstétricien, exerçant au sein de la Selarl du docteur [R] & associés dont il est associé à 99,8 %, ainsi qu'au sein de l'hôpital privé [Localité 9] à [Localité 10], où il réalise des gardes de nuit.

Le 18 avril 2014, alors qu'il souffrait d'une crise de colique néphrétique gauche sans contexte infectieux associé, il a été hospitalisé à l'hôpital privé [Localité 9].

Après administration d'un traitement symptomatique intraveineux, un scanner abdomino-pelvien a confirmé le diagnostic de colique néphrétique gauche liée à la présence d'un calcul de neuf millimètres dans la portion initiale de l'uretère gauche lombaire.

M. [S] [T], urologue, a préconisé et réalisé une urétéroscopie gauche au cours de laquelle une sonde urétérale, dite double J, et une sonde vésicale ont été mises en place sans évacuation ni destruction du calcul.

Les suites immédiates de l'intervention ont été marquées par la persistance de douleurs qui se sont aggravées à J+1, associées à des urines hématuriques. Après une radio de contrôle qui a objectivé une possible migration de la sonde double J, la sonde vésicale a été retirée et M. [R] a été autorisé à quitter l'établissement sur autorisation de l'associé de M. [T].

Les douleurs lombaires gauches et l'hématurie ayant persisté, M. [R] a consulté le docteur [C], urologue à la clinique Chanteclerc. Celui-ci a prescrit un uroscanner qui a mis en évidence une sonde double J ptosée ainsi qu'une extravasation du produit de contraste utilisé lors de l'urétéroscopie.

Devant l'impossibilité de cathétériser l'uretère gauche par un fil guide, le docteur [C] a été contraint de réaliser le 20 avril 2014 une intervention de laparotomie médiane sous ombilicale afin de réimplanter l'uretère dans la vessie.

Cette intervention a révélé l'existence d'une blessure urétérale gauche majeure commise lors de l'intervention précédente rendant nécessaire une néphrectomie gauche élargie.

Se plaignant de la qualité des soins reçus de M. [T] et de la perte d'un rein, M. [R] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 3 juillet 2015, a désigné le docteur [K] en qualité d'expert.

Celui-ci a déposé son rapport le 8 février 2016.

Par acte du 6 décembre 2016, M. [R] et la SELARL du docteur [L] [R] & associés ont fait assigner M. [T] et son assureur, la société La Médicale, devant le tribunal de grande instance de Marseille, afin d'obtenir, au contradictoire du régime d'assurance obligatoire des travailleurs indépendants (RAM professions libérales Province), l'indemnisation de son préjudice corporel.

La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants (RSI) d'Auvergne), est intervenue volontairement aux débats.

Par jugement du 5 novembre 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- dit que M. [T] a commis une faute dans le choix de la technique de traitement de l'affection dont M. [R] souffrait le 18 avril 2014 et que cette faute a fait perdre à M. [R] une chance de 30 % de conserver son uretère et son rein gauche ;

- fixé à la somme de 8 031,18 € le montant des dommages-intérêts dus à M. [R], tout en rejetant les demandes au titre des frais bancaires et du préjudice d'agrément et condamné M. [T] et la société La Médicale, in solidum, à payer à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants une somme de 2 328,34 € au titre des dépenses de santé exposées et à M. [R] une somme de 5 702,84 € en réparation de ses préjudices ;

- rejeté les demandes de la SELARL du docteur [L] [R] & associés au titre des pertes de gains actuels et futurs ;

- condamné M. [T] et la société La Médicale in solidum à payer à M. [R] une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [T] et la société La Médicale in solidum à payer à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants 776 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [T] et la société La Médicale in solidum aux dépens, recouvrés directement par les avocats en ayant fait la demande pour ceux dont il aurait été fait l'avance sans avoir reçu provision.

Pour rejeter la demande au titre de la perte de gains professionnels actuels de la SELARL du docteur [R], le tribunal a considéré que l'arrêt de travail pendant 47 jours n'est pas du à la complication mais à l'affection initiale ; que l'expert n'a pas préconisé l'arrêt du travail de nuit au regard de l'état de santé de M. [R] mais de son âge et de son asthénie et qu'en tout état de cause, il est établi que M. [R] a repris les gardes à partir d'avril 2014.

Par acte du 7 janvier 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [R] et la SELARL du docteur [L] [R] & associés ont interjeté appel à l'encontre de cette décision en visant expressément chacun des chefs du dispositif à l'exception des dépens et des frais irrépétibles.

Par arrêt du 6 janvier 2022, la cour, statuant dans les limites de sa saisine, a :

- reçu la CPAM du Puy de Dôme en son intervention volontaire aux droits de la RAM, puis de la caisse RSI Provence Alpes, puis de la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des travailleurs indépendants ;

- infirmé le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que M. [T] a commis deux manquements fautifs à l'origine d'une perte de chance pour M. [R] d'échapper à la néphrectomie gauche élargie ;

- évalué cette perte de chance à 40 % ;

- condamné M. [S] [T] et la société La Médicale in solidum à payer à M. [L] [R] les sommes suivantes :

- 1 279,72 € au titre des frais divers ;

- 234,90 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 2 400 € au titre des souffrances endurées ;

- 4 200 € au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 800 € au titre du préjudice esthétique permanent ;

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2020 à hauteur de 5 702,84 € et du prononcé du 6 janvier 2022 pour le surplus ;

- débouté M. [R] de sa demande au titre du préjudice d'agrément ;

- débouté la CPAM du Puy de Dôme de l'ensemble de ses demandes, en ce compris l'indemnité forfaitaire de gestion et les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

- condamné M. [S] [T] et la société La Médicale in solidum à payer à la SELARL du docteur [R] & associés une somme de 17 736 € au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

Avant dire droit sur l'étendue de la perte de gains professionnels actuels subie par la SELARL du docteur [R] & associés :

- invité la SELARL du docteur [R] & associés à produire une attestation de son expert comptable précisant les bénéfices réalisés au cours des années 2011, 2012, et 2013, les charges fixes au cours de chacune de ces trois années et les honoraires perçus entre le 29 avril 2014 et le 3 juin 2014 ;

- renvoyé la procédure et les parties à l'audience du mardi 29 mars 2022 ;

- réservé les dépens et frais irrépétibles exposés en appel.

A l'audience du 29 mars 2022, l'affaire a été renvoyée au 26 avril 2022. L'ordonnance de clôture a été révoquée et la procédure clôturée au 19 avril 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions, régulièrement notifiées le 24 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [R] et la SELARL du docteur [L] [R] & associés demandent à la cour en ce qui concerne la perte de gains professionnels actuels de la SELARL du docteur [R] & associés de :

' infirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Marseille ;

' condamner solidairement M. [T] et la société la Médicale à payer à la SELARL du docteur [L] [R] & associés la somme de 2 699,60 € au titre de la perte de gains professionnels actuels subie entre le 29 avril 2014 et le 3 juin 2014 ;

' condamner solidairement M. [T] et la société la Médicale à payer à M. [R] la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' les condamner aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire pour un montant de 1800 € et avec distraction au profit de Me Le Landais, avocat.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que M. [R] est associé unique de la SELARL docteur [R] & associés et que l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de travailler jusqu'au 3 juin 2015, lui a causé par ricochet une perte de gains professionnels actuels qui correspond sur 36 jours, après application du taux de perte de chance, à la somme de 2 699,60 €.

Dans leurs dernières conclusions d'intimés, régulièrement notifiées le 12 avril 2022 ,auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [T] et la société la Médicale demandent à la cour de :

' évaluer la perte de gains professionnels actuels indemnisable à 2 565, 768 € ;

' débouter M. [R] et la SELARL du docteur [R] & associés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou à tout le moins réduire l'indemnité allouée ;

' condamner M. [R] et la SELARL du docteur [R] & associés in solidum aux dépens d'appel, distraits au profit de maître Diane Delcourt de la SCP Cabinet Rosenfeld et associés.

Ils font valoir que le revenu de référence s'établit à 122 129 € par an soit 334,36 € par jour, soit pour 35 jours d'arrêt de travail, après déduction des honoraires perçus à hauteur de 5 296,58 €, une perte de 6 414,42 € indemnisable à hauteur de 2 565,768 € correspondant à une perte de chance de 40 % .

L'arrêt du 6 janvier 2022 a statué sur les prétentions de la CPAM telles que formulées dans ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2021, étant précisé que ses débours consistent exclusivement en des prestations en nature.

L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.


MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la perte de gains

Le préjudice subi par un tiers, notamment une personne morale, du fait des dommages causés à la victime directe, est réparé en tenant compte de la preuve des pertes subies. Les limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation des dommages de la victime directe sont opposables à la victime indirecte.

En l'espèce, la SELARL docteur [R] & associés invoque une perte de gains professionnels actuels, au titre d'un arrêt de travail de M. [R], associé unique, jusqu'au 3 juin 2015.

La SELARL du docteur [R] & associés est composée d'un seul et unique médecin de sorte que ses revenus sont exclusivement constitués des actes facturés par M. [R].

A l'époque des soins litigieux, l'intéressé était en retraite mais poursuivait une activité au titre d'un cumul emploi-retraite, ce qui explique que l'arrêt ponctuel de son activité n'ait donné lieu au versement d'aucune indemnité de remplacement de la part des organismes sociaux, mutualistes ou d'assurance.

La perte de gains correspond à la perte de revenus induite par la seule complication.

M. [R] souffrait, lorsqu'il a été pris en charge par M. [T], d'une colique néphrétique en relation avec la présence d'un calcul centrimétrique de la portion initiale de l'uretère lombaire.

Or, cette colique néphrétique nécessitait des soins. Il convient donc de tenir compte de la période d'arrêt de travail que l'affection aurait en tout état de cause généré et dont M. [T] n'a pas à indemniser les conséquences dommageables.

Dans son rapport, l'expert ne fixe pas la durée de l'arrêt de travail générée par la complication. Il se contente, au chapitre 'ITT ITP' de consigner la durée effective de l'arrêt des activités professionnelles subie par M. [R], laquelle a duré 47 jours, du 18 avril 2014 au 3 juin 2014.

Il précise par ailleurs que si M. [R] n'avait pas subi la complication médicale, il aurait dû en tout état de cause bénéficier a minima de la mise en place d'une endoprothèse urétérale de type double J avec introduction d'un cystoscope dans la vessie, puis une urétéropyélographie rétrograde avant que le calcul soit, dans un second temps, traité par une intervention urologique (urétéroscopie souple voire rigide ou lithotritie extra-corporelle).

Ce traitement aurait, selon lui, induit des soins d'une durée de trois à six semaines.

Ceci ne signifie pas pour autant que M. [R] aurait, en l'absence de complication, subi un arrêt de travail pendant toute la durée des soins.

A J+1 de l'urétérotomie, que l'associé de M. [T] pensait sans complication, un arrêt de travail a été prescrit jusqu'au 28 avril 2014 et il n'est établi par aucune pièce probante que si M. [R] avait bénéficié des soins préconisés par l'expert, à savoir une endoprothèse urétérale de type double J avec introduction d'un cystoscope dans la vessie puis urétéropyélographie rétrograde avant traitement du calcul par intervention urologique (urétéroscopie souple voire rigide ou lithotritie extra-corporelle), la durée de l'arrêt de travail aurait été inférieure.

Si le docteur [C] indique dans un certificat du 23 mars 2021 que les conséquences de la néphrectomie sur la capacité de travail ne peuvent être comparées à celles d'un traitement classique d'élimination d'un calcul nécessitant tout au plus trois jours d'arrêt de travail, cet avis s'appuie sur l'hypothèse d'un traitement classique d'élimination des calculs, ce qui ne correspond pas aux soins qui, selon l'expert, auraient dû être réalisés en tout état de cause.

L'expert ne nie d'ailleurs pas que les préjudices de M. [R] auraient été moindres s'il n'avait pas eu à affronter la complication.

M. [R] ne produit donc aucun avis médical pertinent démontrant que la colique néphrétique dont il souffrait n'était pas à risque ou ne nécessitait aucun soin susceptible d'entraver sa capacité de travail.

Dans ces conditions, il convient de considérer que les soins rendus nécessaires par la colique néphrétique dont souffrait M. [R] ont justifié un arrêt de l'activité professionnelle du 18 avril au 28 avril 2014 et que cette période d'arrêt n'est pas imputable à la complication dont M. [T] doit réparer partie des conséquences dommageables.

En conséquence, l'arrêt de travail lié à la complication s'étend du 29 avril 2014 au 3 juin 2014.

Les revenus d'une société d'exercice libéral étant fluctuants, le revenu de référence doit être calculé sur les trois ans ayant précédé le fait dommageable. La perte indemnisable correspond aux bénéfices d'exploitation auxquels sont ajoutées les charges fixes ou de structure qui correspondent aux charges exposées inutilement par la victime, à savoir les sommes d'argent qui ne varient pas en fonction du volume de l'activité et qui sont dépensées en vain, la victime n'ayant pu en raison de son arrêt de travail, percevoir de revenus.

Il résulte de l'attestation de l'expert comptable M. [F] [H] que :

- en 2011, la société a réalisé une perte de 9 819 € tandis que ses charges fixes se sont élevées à 104 774 €

- en 2012, la société a réalisé un bénéfice de 4 403 € tandis que ses charges fixes se sont élevées à 141 018 €

- en 2013, la société a réalisé une perte de 17 981 € tandis que ses charges fixes se sont élevées à 143 992 €.

Le revenu de référence s'établit donc à 122 129 € par an.

Entre le 29 avril 2014 et le 3 juin 2014, il s'est écoulé 36 jours.

La société aurait dû percevoir sur cette période 12 045,60 €.

Les honoraires encaissés sur cette même période s'élèvent à 5 296,58 €.

En conséquence, la perte s'élève à 6 749,02 €.

Affectée du taux de perte de chance retenu, soit 40 %, cette perte est indemnisable à hauteur de 2 699, 60 €.

Sur les demandes annexes

M. [T] et la société La Médicale succombent partiellement et sont tenus à indemnisation, de sorte qu'ils supporteront la charge des entiers dépens d'appel.

Les frais d'expertise judiciaire sont compris dans les dépens de première instance qui ne font pas partie du périmètre de l'appel.

L'équité justifie d'allouer à M. [R] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs



La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Vu l'arrêt avant dire droit du 6 janvier 2022 ;

Infirme le jugement du 5 novembre 2020, en ce qu'il a rejeté les demandes de la SELARL du docteur [L] [R] & associés au titre des pertes de gains actuels ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [S] [T] et la société La Médicale, in solidum, à payer à la SELARL du docteur [L] [R] & associés les sommes de :

- 2 699, 60 € au titre de la perte de gains professionnels actuels, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel ;

Condamne M. [T] et la société la Médicale, in solidum, aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président