Logo pappers Justice
Logo pappers Justice

Tribunal administratif de Marseille, 1ère Chambre, 24 octobre 2024, 2102531

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    2102531
  • Nature : Décision
  • Rapporteur : Mme Pilidjian
Voir plus

Résumé

Vous devez être connecté pour pouvoir générer un résumé. Découvrir gratuitement Pappers Justice +

Suggestions de l'IA

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mars 2021, 10 mai 2022, 12 décembre 2023 et 1er juillet 2024, M. A Royer-Perreaut, représenté par Me Blanchard, demande au tribunal : 1°) d'annuler la délibération du 8 février 2021 par laquelle le conseil municipal de Marseille a approuvé la signature de la charte récapitulant les valeurs, les principes et missions des acteurs engagés avec l'association SOS Méditerranée ainsi que l'octroi d'une subvention de 30 000 euros à cette association ; 2°) de mettre à la charge la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la délibération accordant une subvention de 30 000 euros a été prise en méconnaissance de l'obligation d'information suffisante des conseillers municipaux ; - la délibération n'est pas justifiée par un intérêt public local ; - l'objet de la subvention n'est pas suffisamment défini par la convention de subventionnement ; - en accordant à l'association un montant plus important que celui fixé par la convention de subventionnement, la commune lui a consenti illégalement une libéralité. Par deux mémoires, enregistrés le 7 mai 2021 et le 4 mai 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de M. Royer-Perreaut la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. Royer-Perreaut ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2022, l'association SOS Méditerranée, représentée par la Selarl Seattle Avocats, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de M. Royer-Perreaut la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. Royer-Perreaut ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2024, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la délibération du 8 février 2021. Elle fait valoir que, par une nouvelle délibération du 20 septembre 2024, le conseil municipal a retiré la décision d'octroi de la subvention d'un montant total de 30 000 euros par la commune de Marseille à l'association SOS Méditerranée. Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2024, M. Royer-Perreaut, représenté par Me Blanchard, déclare maintenir les conclusions de sa requête. Il fait valoir que, la délibération du 20 septembre 2024 n'étant pas devenue définitive et étant elle-même entachée d'irrégularités susceptibles d'entraîner son annulation juridictionnelle, aucun non-lieu ne peut être constaté. Un mémoire présenté par l'association SOS Méditerranée, représentée par la Selarl Seattle Avocats, a été enregistré le 7 octobre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, et n'a pas été communiqué.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Mestric, première conseillère, - les conclusions de Mme Pilidjian, rapporteure publique, - les observations de Me Duplaa représentant M. Royer-Perreaut, celles de Me Mendes Constante représentant la commune de Marseille, et celles de Me Mabile représentant l'association SOS Méditerranée.

Considérant ce qui suit

: 1. Par une délibération du 8 février 2021, le conseil municipal de la commune de Marseille a, d'une part, approuvé la signature de la charte récapitulant les valeurs, les principes et missions des acteurs engagés avec SOS Méditerranée et, d'autre part, approuvé l'octroi d'une subvention d'un montant de 30 000 euros à cette association. M. Royer-Perreaut, conseiller municipal de Marseille, demande au tribunal d'annuler cette délibération. Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la commune de Marseille : 2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. 3. La commune de Marseille établit par les pièces produites en défense que, par une nouvelle délibération du 20 septembre 2024 intervenue en cours d'instance, le conseil municipal a, sur demande de l'association SOS Méditerranée France, procédé au retrait de la " décision portant octroi de la subvention d'un montant de 30 000 euros " correspondant aux articles 2 et 3 de la délibération contestée du 8 février 2021. Toutefois, et alors même que M. Royer-Perreaut ne saurait utilement, dans la présente instance présentée aux fins d'annulation de la délibération du 8 février 2021, invoquer d'éventuelles illégalités entachant selon lui cette décision de retrait, celle-ci n'a pas acquis un caractère définitif à la date du présent jugement. Par suite, les conclusions de la requête conservant un objet, l'exception de non-lieu à statuer opposée par la commune de Marseille doit être écartée. Sur la légalité de la délibération du 8 février 2021 : 4. Aux termes de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. () ". 5. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements et de la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dont elles sont notamment issues, que les collectivités territoriales et leurs groupements ont compétence pour mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire, le législateur n'ayant subordonné cette possibilité ni à la condition que cette action réponde à un intérêt public local, ni à la condition qu'elle s'inscrive dans les autres domaines de compétences attribués par la loi aux collectivités territoriales, ni à l'exigence qu'elle implique une autorité locale étrangère. 6. Il résulte en outre de ces dispositions que les actions menées ou soutenues sur ce fondement doivent respecter les engagements internationaux de la France. Elles ne doivent pas interférer avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France. 7. Par ailleurs, les actions menées ou soutenues sur le fondement de ces dispositions ne sauraient conduire une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales à prendre parti dans un conflit de nature politique ou un conflit collectif du travail. Si la seule circonstance qu'une organisation prenne des positions dans le débat public ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement lui accorde un soutien pour des actions mentionnées à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, ces collectivités et groupements ne sauraient légalement apporter leur soutien à une organisation dont les actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire doivent être regardées en réalité, eu égard à son objet social, ses activités et ses prises de position, comme des actions à caractère politique. 8. En outre, si une collectivité ou un groupement accorde un soutien à une organisation qui prend des positions dans le débat public, ils doivent s'assurer, par les conditions qu'ils posent et par des engagements appropriés qu'ils demandent à l'organisation de prendre, que leur aide sera exclusivement destinée au financement des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire qu'ils entendent soutenir, et ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation. 9. Enfin, si les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales prévoient que les collectivités territoriales ou leurs groupements décidant de mener ou de soutenir des actions internationales de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire peuvent conclure à cette fin une convention avec des autorités locales étrangères, elles ne subordonnent pas la conduite ou le soutien à une telle action à la conclusion d'une convention avec les personnes ou autorités concernées par cette action. Il résulte néanmoins des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations que la conclusion d'une telle convention est obligatoire lorsqu'est attribuée à un organisme de droit privé une subvention d'un montant supérieur à un certain seuil, fixé à 23 000 euros par le décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de ces dispositions. En outre, pour pouvoir bénéficier d'une subvention publique, les associations ou fondations soumises aux dispositions de l'article 10-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations doivent respecter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui ont créé ces dispositions, les engagements qui y sont mentionnés. En ce qui concerne l'approbation, par l'article 1er de la délibération du 8 février 2021, de la " charte récapitulant les valeurs, les principes et missions des acteurs engagés avec SOS Méditerranée " : 10. Il ressort des pièces du dossier que l'association SOS Méditerranée France a pour objet, aux termes de l'article 1er de ses statuts, " dans le respect du droit maritime et des droits humains fondamentaux ", de " sauver la vie des personnes en détresse en mer et d'assurer leur accompagnement et leur protection ", son activité à ce titre consistant à affréter des navires afin de secourir en mer Méditerranée des embarcations en détresse empruntées par des ressortissants de pays tiers cherchant à rejoindre le territoire des pays de l'Union européenne, et ayant permis de porter assistance à plusieurs dizaines de milliers de naufragés depuis 2016. Une telle activité est susceptible de relever d'une action internationale à caractère humanitaire au sens de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Dans la mesure où les dispositions de cet article permettent aux collectivités territoriales décidant de mener ou de soutenir des actions internationales à caractère humanitaire de conclure à cette fin des conventions, ainsi que cela a été explicité précédemment, M. Royer-Perreaut, qui n'invoque aucun grief précis quant à la portée ou au contenu des stipulations de la " charte détaillant les valeurs, principes et missions des acteurs engagés avec SOS Méditerranée ", n'établit pas qu'en approuvant cette charte par l'article 1er de la délibération du 8 février 2021, le conseil municipal de Marseille aurait empiété sur les compétences de l'Etat en matière de politique internationale du sauvetage en mer, ou interféré avec la conduite par l'Etat des relations internationales de la France. Dès lors, l'unique moyen invoqué par le requérant contre l'article 1er de la délibération contestée doit être écarté. En ce qui concerne l'octroi, par les articles 2 et 3 de la délibération du 8 février 2021, d'une subvention de 30 000 euros à l'association SOS Méditerranée : 11. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige ne précise pas la destination de la subvention d'un montant de 30 000 euros qu'elle accorde à l'association pour l'année 2021. Par ailleurs, si la convention signée par la commune de Marseille et l'association pour encadrer l'utilisation de cette subvention stipule à son article 7 que l'association s'engage à utiliser la subvention conformément à l'objet défini à l'article 1er, celui-ci se borne à indiquer que la subvention a été sollicitée pour " la réalisation de la demande déposée par l'association ", et à rappeler à son article 2, sans autre précision, l'ensemble des buts énumérés par l'article 1er des statuts de SOS Méditerranée, précédemment rappelés au point 10. Ni cette convention, en l'absence de stipulations réservant exclusivement l'utilisation de la subvention allouée à l'action de sauvetage en mer de l'association, à l'exclusion du financement des autres activités, à caractère politique, conduites par cette association, ni aucun autre élément du dossier ne suffisent à établir que la commune se serait assurée, par les conditions qu'elle aurait posées et des engagements appropriés qu'elle aurait demandé à l'association de prendre, que son aide serait exclusivement destinée au financement de l'action internationale à caractère humanitaire qu'elle entendait soutenir. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre des articles 2 et 3 de la délibération attaquée, M. Royer-Perreaut est fondé à en demander l'annulation dans cette mesure. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la délibération du conseil municipal de Marseille du 8 février 2021 doit être annulée en tant seulement qu'elle octroie, en ses articles 2 et 3, une subvention de 30 000 euros à l'association SOS Méditerranée. Sur les frais d'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. Royer-Perreaut, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante à titre principal. Les conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Marseille et l'association SOS Méditerranée doivent dès lors être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le requérant à l'encontre de la commune de Marseille en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 de la délibération du conseil municipal de Marseille du 8 février 2021 sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A Royer-Perreaut, à la commune de Marseille et à l'association SOS Méditerranée. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Hameline, présidente, Mme Le Mestric, première conseillère, Mme Fabre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024. La rapporteure, signé F. Le Mestric La présidente, signé M-L. Hameline La greffière signé B. Marquet La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière,

Commentaires sur cette affaire

Pas encore de commentaires pour cette décision.