Tribunal de grande instance de Paris, 20 mai 2016, 2014/12691

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/12691
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : DIESEL ; DIESEL -ONLY-THE-BRAVE-DIESEL
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL09 ; CL14 ; CL16 ; CL18 ; CL24 ; CL25
  • Numéros d'enregistrement : 467393 ; 608500
  • Parties : DIESEL SpA (Italie) / 4A SARL ; SHOP 75

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 20 mai 2016 3ème chambre 3ème section № RG : 14/12691 Assignation du 22 août 2014 DEMANDERESSE Société DIESEL S.p.A représentée par M. Alessandro Bogliolo en sa qualité de représentant légal et "Adininistratore Delegato" (Administrateur Délégué). Via de l'Industria 4/6 36042 BREGANZE VI (ITALIE) représentée par Maître Julien FRENEAUX de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0390 DÉFENDERESSES Société 4A SARL 7 Place de l'Hôtel de Ville 93600 AULNAY SOUS BOIS représentée par Me Kamel FRIKHA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire El329 Société SHOP 75 [...] 75001 PARIS représentée par Me Joseph HADDAD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0933 COMPOSITION DU TRIBUNAL Arnaud D, Vice-Président Carine G, Vice-Président Florence BUTIN, Vice-Président assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier DEBATS À l'audience du 12 janvier 2016 tenue en audience publique JUGEMENT Prononce publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société italienne de prêt-à-porter DIESEL S.p.A qui indique que ses vêtements sont distribués dans 80 pays par 5.000 points de vente dont 400 boutiques à renseigne DIESEL en nom propre, est titulaire : - d'une marque internationale verbale DIESEL n°467393 du 16 février 1982. régulièrement renouvelée, désignant la France et visant notamment en classe 25 les pantalons. - de la marque semi figurative internationale n"60850() du 4 octobre 1993, régulièrement renouvelée, constituée par la représentation de profil d'une tête d'indien iroquois entourée de l'inscription "DIESEL-ONLY-THE-BRAVE-DIESEL". et visant notamment en classe 25 les '"vêtements". Par ailleurs elle exploite un site internet accessible par le nom de domaine www.diesel.com pour promouvoir et faire connaître ses produits dans le monde entier. Ayant appris qu'étaient commercialisés dans le magasin à l'enseigne DRESSCODE situé [...], des pantalons jeans revêtus de ses marques mais constituant en réalité des contrefaçons ce qui pouvait notamment être repéré par des différences figurant sur les étiquettes intérieures, la société DIESEL a tenté de faire procéder â une première saisie-contrefaçon le 23 juillet 2014 dans les locaux de ce magasin identifié selon ses recherches comme étant exploité par la société 4A. Toutefois les personnes présentes ayant indiqué à l'huissier que la société 4A avait été expulsée et que le commerce était dorénavant exploité par la société SHOP 75, elle faisait procéder le 25 juillet 2014 dans les mêmes locaux à une deuxième saisie- contrefaçon, suivant ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris l'y autorisant, visant cette deuxième société. 138 pantalons de contrefaçon étaient découverts et une facture d'achat du 16 juin 2014 portant sur la fourniture de "2.000 jeans Diesel assortis" émanant d'une société britannique AM UK TRADAING LIMITED, inconnue de la société DIESEL, était remise à l'huissier. C’est dans ces conditions, que la société DIESEL a. par acte d'huissier du 22 août 2014, fait assigner devant ce tribunal, la société SHOP 75 en contrefaçon de marques et concurrence déloyale. La société SHOP 75 soutenant dans ses conclusions notifiées le 27 novembre 2014 que les jeans trouvés ne provenaient pas du reliquat des 2.000 jeans mentionnés sur la facture remise à l'huissier qui ne serait qu'une facture pro forma mais d'un lot de 169 pantalons achetés à la société 4A, a appelé cette dernière en garantie. Dans ses dernières écritures notifiées le 10 décembre 2015 par voie électronique, la société DIESEL, après avoir réfuté les arguments des défenderesses, demande, en ces termes, au tribunal de : - Dire et juger qu'en important et commercialisant en France des pantalons revêtus d'un ou plusieurs des signes "DIESEL" et/ou "DIESEL INDUSTRY" et ou DIESEL DENIM" et ou "DIESEL-CO.", la société SHOP 75 a commis des actes de contrefaçon de la marque internationale "DIESEL" n° 467393 appartenant à la société DIESEL S.p.A. : - Dire et juger qu'en important et commercialisant en France des pantalons revêtus du signe consistant dans la représentation de profil d'une tête d'indien iroquois entourée de l'inscription "DIESEL -ONLY -THE - BRAVE - DIESEL", la société SHOP 75 a commis des actes de contrefaçon de la marque internationale n°608500 appartenant à la société DIESEL S.p.A. : - Dire et juger qu'en important et commercialisant en France des pantalons revêtus de la dénomination "DIESEL S.p.A.", de l'adresse du siège social de cette société, et de l'indication du nom de domaine www.diesel.com. de même qu'en utilisant le nom "DIESEL" à titre d'enseigne de magasin, la société SHOP 75 a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société DIESEL S.p.A. ; - Faire interdiction à la société SHOP 75 de poursuivre ses actes de contrefaçon de marques, de concurrence déloyale et de parasitisme, sous astreinte de 500€ (cinq cents euros) par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement intervenir, l'infraction s'entendant de toute importation et/ou offre en vente et/ou vente, d'un exemplaire de pantalon revêtu d'un signe jugé contrefaisant et/ou constitutif de concurrence déloyale, et de tout usage du signe "DIESEL" à titre d'enseigne de magasin de vêtements ; - Dire que l'astreinte sera liquidée, s'il y a lieu, par la Chambre du Tribunal de Grande Instance de céans qui aura prononcé le jugement à intervenir, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution : - Ordonner la confiscation et la destruction du stock de pantalons contrefaisants saisi le 25 juillet 2014, sous contrôle d'un huissier désigné par la société DIESEL S.p.A.. et aux frais de la société SHOP 75 : - Avant dire droit sur le montant des dommages et intérêts, ordonner à la société SHOP 75, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de produire tous les documents et informations qu'elle détient concernant les quantités exhaustives des pantalons contrefaisants qui ont été importés, commercialisés, livrés, reçus ou commandés par elle jusqu'au jour du jugement à intervenir, ainsi que le prix obtenu et les bénéfices réalisés, l'ensemble de ces informations devant être récapitulé dans un état certifié par son commissaire aux comptes ; - Condamner d'ores et déjà la société SHOP 75 à payer à la société DIESEL S.p.A., la somme de 400.000 € (quatre cent mille euros) à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts qui seront dus en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de marques : - Condamner d'ores et déjà la société SHOP 75 à payer à la société DIESEL S.p.A., la somme de 150.000 € (cent cinquante mille euros) à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts qui seront dus en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme : - Ordonner la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou magazines au choix de la société DIESEL S.p.A. et aux frais de la société SHOP 75 et ce dans la limite de 6 5.000 H.T. (cinq mille euros hors taxes) par insertion: - Autoriser la société DIESEL à procéder à la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, sur son site Internet www.diesel.com, et ce pendant une durée maximum de six mois, les frais de cette mesure étant supportés par la société SHOP 75 dans la limite globale de 5.000 € HT (cinq mille euros hors taxes) : - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir : - Condamner la société SHOP 75 à payer à la société DIESEL S.p.A. la somme de 25.000 € (vingt-cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile : - Condamner la société SHOP 75 aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie- contrefaçon, qui pourront être directement recouvrés par la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2015 par voie électronique, la société SHOP 75 demande en ces termes au tribunal de: - Constater que les actes de contrefaçon n'ont porté que sur la vente de 31 jeans en provenance uniquement de la société 4A. assignée en intervention forcée, - Constater que le caractère lucratif de la contrefaçon ne porte que sur une somme de 485.77€.

En conséquence

: - Débouter la société DIESEL de ses demandes plus amples ainsi que de sa demande de publication : - Déclarer recevable et bien fondée la société SHOP 75 en son appel en intervention forcée et en garantie à l'encontre de la Société 4A qui lui a vendu les jeans allégués de contrefaçon. laquelle est désormais partie à la présente instance. - Condamner la société 4A à relever et garantir la Société SHOP 75 de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la Société DIESEL. - Condamner la société 4A à payer à la société SHOP 75 la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens. Dans ses écritures signifiées le 29 juin 2015, la société 4A demande au tribunal de déclarer la société SHOP 75 mal fondée en sa demande en garantie et de la condamner aux dépens ainsi qu'à lui verser une somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société DIESEL expose au soutien de ses prétentions que : -suivant l'article 4 paragraphe 1 de l'Arrangement de Madrid les marques objet de l'enregistrement international bénéficie en France de la même protection que si elles y avaient été déposées. - il y a contrefaçon par reproduction ou au moins par imitation de la marque semi- figurative n° 608500 sur des étiquettes cousues à l'intérieur des jeans, donc pour désigner un produit identique, - la marque verbale DIESEL est reproduite sur les boutons, rivets et étiquettes des pantalons jeans saisis. - les différences sur l'étiquette intérieure établissent qu'il ne s'agit pas de pantalons DIESEL authentiques, de sorte que la marque n’a pas été utilisée avec l'autorisation de la demanderesse ; - la masse contrefaisante doit être évaluée à la lumière de la facture de la société AM UK TRADING LIMITED, la mention pro-forma n'excluant pas qu'elle ait été la facture correspondante à la livraison de 2.000 pièces, comme le démontre le fait que cette facture ait été remise à l'huissier par Monsieur Mohammed A se disant le responsable du magasin : - même si les autres produits marqués DIESEL dont la commercialisation a été avouée par la société SHOP 75 (2.950 pantalons DIESEL, 2717 T-shirts, acquis auprès de AM UK. TRADING LIMITED) sont authentiques, elle est fondée à s'opposer à leur commercialisation en raison du motif légitime tenant à ce qu'ils sont commercialisés mélangés à des produits contrefaisants et à les comptabiliser dans la masse contrefaisante : - la concurrence déloyale est constituée par les faits distincts de la contrefaçon tenant à l'indication sur les étiquettes intérieures de la dénomination sociale de la société DIESEL, DIESEL S.P.A. de l'adresse de son siège social, du nom de domaine de son site internet www.diesel.com, ainsi que par l'usage de deux enseignes DIESEL de grand format apposées sur le magasin qui tendent à laisser croire à l'existence d" un lien économique entre la société SHOP 75 et la société DIESEL, ce qui n'est pas la cas. - la masse contrefaisante se compose de 5.270 pantalons et 2.937 autres vêtements : le chiffre d'affaires manquées est de 746.600 euros pour les pantalons et de 146.550 euros pour les autres vêtements ; les bénéfices réalisés par le contrefacteur sur les 5.270 pantalons représentent 259.125 euros , d'où une provision sollicitée de 400.000 euros ; - en apposant la dénomination sociale, l'adresse du siège sociale et le nom de domaine sur les étiquettes des produits et en utilisant à titre d'enseigne la dénomination "DIESEL", la société SHOP 75 exploite sans bourse délier le nom et l'image de la société DIESEL en profitant de sa notoriété et des investissements effectués pour développer les produits. La société SHOP 75 fait valoir en substance que : - elle a pris à bail le magasin situé [...] à compter du 1er juillet 2014 en succédant à la société 4A à qui elle a racheté une partie de son stock résiduel comportant selon la facture du 26 juin 2014. 169 jeans Diesel vendu au prix unitaire de 26 euros ; - l'huissier a procédé à la saisie de 138 jeans qu'il a placés sous scellés, qui proviennent de ce lot; elle n'a vendu que 31 exemplaires. - la facture de la société AM UK TRADING LIMITED est une facture Pro Forma établie pour payer avant livraison ; elle ne constitue par une preuve de la livraison mais une proposition de la société britannique et ne prouve pas la réalité de la transaction, laquelle n'a pas eu lieu avant la saisie-contrefaçon : - suivant l'attestation du cabinet d'expert-comptable, il se trouvait en stock au moment de la saisie-contrefaçon plus de 2.500 pantalons DIESEL : ces pantalons authentiques provenaient de lots acquis auprès de plusieurs fournisseurs dont la société AM UK TRADING LIMITED qui avait procédé â une livraison suivant facture du 14 mars 2014 et auprès d'autres fournisseurs comme le justifient des factures en mai . juin et juillet 2014 : - les enseignes extérieures varient en fonction des stocks à écouler, les enseignes Diesel ne sont pas permanentes ; - le préjudice doit être très significativement réduit compte tenu de nombre de jeans contrefaisants effectivement vendus et de leur prix de vente plus bas (50 euros TTC qu'annoncé après remise. - la société 4 A ne démontre pas que le résidu de stock vendu n'est pas contrefaisant, elle n'a pas protesté quand le règlement n'a pas été fait : La société 4A fait valoir qu'il n'est pas démontré que les jeans contrefaisants trouvés faisaient partie du lot qu'elle a vendu à la société SHOP 75. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2015 et l'affaire a été plaidée le 12 janvier 2016. MOTIFS Il résulte de l'article 4 du Protocole du 27 juin 1989 relatif à l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques qu'une marque internationale enregistrée bénéficie dans chaque pays visé dans l'enregistrement de la même protection que si elle avait été enregistrée dans le pays concerné. L'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que : "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l’adjonction de mot tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode ", ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement L'article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s 'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction. I usage ou I apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires ci ceux désignés dans l'enregistrement." La société DIESEL énonce en premier lieu, sans être contestée que les pantalons ayant fait l'objet de la saisie-contrefaçon réalisée le 25 juillet 2014. comportent une étiquette cousue à l'intérieur sur laquelle est reproduite la marque semi-figurative internationale n°608500 constituée par la représentation de profil d'une tête d'indien iroquois entourée de l'inscription "DIESEL-ONLY-THE-BRAVE-DIESEL". De fait l'examen des exemplaires saisis établit que la marque invoquée est reproduite par le signe apposé sur les pantalons de jeans litigieux, la seule différence tenant à la couleur (ocre pour le signe litigieux contre noire pour la marque) n'est pas significative s'agissant d'un signe apposé à l'intérieur d'un vêtement pour lequel cette différence passera inaperçue aux yeux du consommateur. La contrefaçon par reproduction de la marque n°608500 est donc constituée. Comme le soutient la société demanderesse, les pantalons saisis comportent également des boulons et des rivets, ainsi que des étiquettes cousues, attachées ou collées sur lesquels est apposé le signe DIESEL reproduisant la marque internationale verbale DIESEL n°467393. La reproduction de la marque pour désigner l'un des produits visés dans l'enregistrement constitue une contrefaçon. Enfin, le mot DIESEL est également utilisé dans les dénominations "Diesel Industry". "DIESEL DENIM". "DieSel-Co" figurant sur des étiquettes apposées sur ces mêmes pantalons. Le terme Diesel étant dominant dans ces signes, puisque les termes accolés sont s'agissant de pantalon en jean soit banals et fort peu distinctifs (-co. Industry) soit même descriptifs (DENIM), ces dénominations sont très similaires tant au plan conceptuel que visuel ou auditif à la marque opposée et ce pour désigner des pantalons soit un produit identique au vêtement pour lequel elle est enregistrée. Il en résulte un risque de confusion sur l'origine du produit pour le consommateur qui considérera que ces pantalons émanent de la société DIESEL. Par ailleurs, il n'est pas non plus contesté par les défenderesses que l'existence des différences entre les étiquettes d'origine de fabrication et de consignes de lavages des pantalons saisis et celles apposées sur les pantalons authentiques DIESEL, démontrent que les pantalons en cause ne sont pas des produits authentiques ayant pour origine la société DIESEL de sorte que l'apposition des signes reproduisant ou imitant ses marques a été réalisée sans son consentement. En conséquence la contrefaçon est constituée. Sur la concurrence déloyale et le parasitisme Il sera rappelé que la concurrence déloyale tout comme le parasitisme trouvent leur fondement dans l'article 1382 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou ceux parasitaires, qui permettent à leur auteur de tirer profil sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements . Par ailleurs la demande en concurrence déloyale ou en parasitisme doit reposer sur des agissements distincts de ceux qui ont été retenus pour établir la contrefaçon. L'apposition de la dénomination sociale, de l'adresse du siège social et du nom de domaine de la société DIESEL sur des étiquettes à l'intérieur des pantalons de jeans caractérise des faits distincts des actes de contrefaçon qui ont pour effet de renforcer la confusion du consommateur sur l'origine des produits. L'utilisation de panneaux sur fond rouge portant la dénomination DIESEL en grosses lettres blanches, l'un sur le mur immédiatement perpendiculaire à l'entrée du magasin DRESSCODE d'une hauteur identique à celle de la devanture et l'autre plus petit fixé perpendiculairement à la vitrine, les deux étant orientées pour être nettement visibles depuis la rue, excèdent les usages habituels qui permettent de mentionner sur la devanture les marques vendues dans la boutique, et apparaissent comme les enseignes du magasins, en créant ainsi une confusion pour le consommateur en laissant penser que le magasin serait économiquement lié à la société DIESEL, qu'il appartienne à un réseau de cette marque ou qu'il soit distributeur exclusif de celle-ci, de sorte que la société SHOP 75 bénéficie ainsi indûment de la notoriété et du prestige de la société demanderesse. Contrairement à ce que prétend la société défenderesse, le fait que les sociétés SHOP 75 et DIESEL ne seraient pas en situation de concurrence directe n'importe pas dès lorsqu'elles interviennent sur un même marché et que des actes contraires à la loyauté du commerce sont commis en causant un préjudice. Sur la masse contrefaisante La société DIESEL considère que la facture pro forma du 16 juin 2014 de la société AM UK Trading Ltd à la société SHOP 75 portant sur 2.000 "Diesel Jeans Assorted" au prix unitaire de 25 euros établirait que ces 2.000 articles constitueraient la masse contrefaisante totale, puisqu'elle a été remise à l'huissier lors de la saisie-contrefaçon comme facture correspondant aux produits saisis par Monsieur Mohammed A 11 présenté comme le responsable du magasin SHOP 75. La société SHOP 75 oppose que la facture en question n'est qu'une facture pro forma ne correspondant pas à une livraison effective, qu'elle a été donnée par erreur à l'huissier par Monsieur A qui n'est pas le gérant de la société SHOP 75 alors que les pantalons saisis proviendraient en réalité du reliquat d'un stock de 169 pantalons DIESEL laissés par le précédent occupant des lieux, la société 4A, qui lui a vendu ce lot suivant facture du 26 juin 2014 pour un montant hors taxe de 4.394 euros. Il s'ensuit selon elle qu'au total seulement 31 pantalons, soit la différence entre le stock initial et les pantalons saisis, auraient été vendus, entre le 1erjuillet 2014, date d'effet du bail et le 25 juillet 2014, date de la saisie-contrefaçon. Ces pantalons achetés au prix unitaire H.T.de 26 euros et revendus en période de solde 41.67 euros hors taxe auraient ainsi généré un gain de 485.77 euros. La facture du 16 juin 2014 remise lors de la saisie contrefaçon porte les mentions PROFORMA et "note : THIS IS NOT A V.A.T INVOICE" ce qui ne permet pas de retenir qu'elle correspond à une facture émise pour une livraison effective de produits, ce d'autant plus que la société SHOP 75 verse aux débats une facture de la même société du 14 mars 2014 qui elle porte la mention "invoice, ce qui établit que la facturation par des factures "PROFORMA" n'est pas la pratique généralisée de cette société. Par ailleurs, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon mentionne que l'huissier a examiné l'ensemble des stocks de pantalons homme et femmes dont il a isolé 138 articles au regard des critères exposés dans la requête, lesquels sont d'une part l'apposition des marques en cause et d'autre part les particularités sur les étiquettes précisant le lieu de fabrication, la composition et les prescriptions de lavage, qui les distinguent des authentiques pantalons DIESEL. En l'absence de plus de précisions, il est impossible d'exclure, et il apparaît même vraisemblable que d'autres pantalons revêtus des signes DIESEL ont été laissés de côté par l'huissier du fait de l'absence de ces particularités sur les étiquettes qui permettent de repérer la contrefaçon. L'attestation du cabinet d'expert-comptable faisant état de la présence dans les stocks lors du contrôle de plus de 2.500 pantalons jeans DIESEL va également dans ce sens. En outre, la société SHOP 75 verse aux débats quatre factures en date des 17 et 27 juin et des 7 et 15 juillet 2014, donc proches de la date de la saisie-contrefaçon, portant sur 161 jeans DIESEL émanant d'autres fournisseurs, qui tendent à établir que de multiples fournisseurs approvisionnaient la société SHOP 75 en pantalons DIESEL sans que puisse être identifiée la provenance de ceux qui constituent des contrefaçons et qui ont été saisis par l'huissier. Il ressort de tout ce qui précède que bien qu'elle ait été remise lors de la saisie- contrefaçon comme facture correspondant aux articles saisis, il est impossible de déduire de la facture pro forma de la société AM UK. Trading Ltd, la quantité totale de jeans contrefaisant achetés ni d'en conclure que les 138 jeans saisis en seraient le restant non vendu à la date de la saisie-contrefaçon. La société SHOP 75 énonce pour sa part que les pantalons saisis proviendraient du stock cédé par la société 4A et non d'autres commandes. Elle fait valoir qu'une comparaison entre les jeans saisis et placés sous scellés et un document intitulé "packinglist" à l'en-tête de la société 4A récapitulant selon elle les modèles de jeans DIESEL contenus dans ce lot permettrait d'établir que les jeans saisis proviendraient de celui-ci. Toutefois, outre qu'il appartenait à la défenderesse de solliciter cette mesure d'instruction préalablement devant le juge de la mise en état, afin qu'elle soit débattue contradictoirement utilement et alors qu'on peut s'étonner que cette liste n'ait pas été versée au débat en même temps que la facture qu'elle est censée détailler, la valeur probante de ce document n'est pas établie en ce qu'il n'est pas démontré que la référence de "délavage" qui figure dans ce tableau permette si elle est retrouvée sur les jeans saisis d'en conclure qu'ils proviennent nécessairement exclusivement de ce lot. Ainsi la provenance des jeans litigieux n'étant pas démontrée, il n'est pas non plus établi que ce soit la société 4A qui ait vendu ces articles à la société SHOP 75. Les demandes de garanties par la société 4A seront donc rejetées. La société DIESEL soutient par ailleurs que devraient également être comptabilisés dans la masse contrefaisante les produits DIESEL livrés à la société SHOP 75 suivant la facture du 14 mars 2014 de la société AM UK Trading Ltd et ceux livrés en vertu des factures précitées d'autres fournisseurs. La société SHOP 75 reconnaît avoir commercialisé ces articles qu'elle affirme être d'authentiques produits DIESEL. La société DIESEL soutient qu'à les supposer effectivement authentiques, ces produits ayant été mélangés dans la commercialisation à ceux qui sont contrefaisants de ses marques, identifiés lors de la saisie-contrefaçon, elle disposerait, quand bien même ces articles auraient été mis dans le commerce de la communauté européenne avec son consentement, d'un motif légitime prévu par l'article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle pour s'opposer à de nouveaux actes de commercialisation de ces articles, qui devraient ainsi être comptabilisés dans la masse contrefaisante. L'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'étal des produits". L'alinéa 2 de cet article prévoit ainsi en cas d'existence de motif légitime, une exception à la limitation des prérogatives des titulaires de marques suite à l'épuisement de droits. Toutefois l'appréciation du caractère légitime de l'interdiction de nouvelle commercialisation suppose que soient présentées précisément les conditions dans lesquelles ces articles sont commercialisés et dans le cas d'espèce, comment ils sont éventuellement mélangés avec des articles contrefaisants. Or en l'occurrence, la société DIESEL procède par déduction à partir des factures produites par la défenderesse et des affirmations de cette dernière, sans aucune constatation et en paraissant mettre en doute par ailleurs que les produits en cause soient authentiques. Aussi, ces éléments ne sont pas de nature à permettre d'établir un motif légitime d'interdiction. En conséquence, il n'y a pas lieu d'intégrer ces articles dans la masse contrefaisante. Ainsi ne peuvent être retenus au titre de la masse contrefaisante que les 138 articles saisis par l'huissier lors de la saisie-contrefaçon après examen de l'ensemble du stock de jeans du magasin Dress Code. Si la découverte d'un tel stock laisse naturellement penser que des articles contrefaisants ont dû être vendus antérieurement, il n'en demeure pas moins qu'il est impossible, compte tenu des imprécisions du procès-verbal de saisie-contrefaçon et de ce que la société SHOP 75 détenait à la fois des jeans DIESEL authentiques et des contrefaçons, de les dénombrer ou de procéder à une évaluation de leur quantité. Dans ces conditions, la demande d'information de la société demanderesse n'est pas susceptible d'apporter des éclaircissements sur la masse contrefaisante, car la production des factures et pièces comptables ne permettrait pas de déterminer quels sont celles qui portent sur des produits contrefaisants. La demande sera donc rejetée. Sur les mesures réparatrices 1) sur les dommages et intérêts a) préjudice résultant des actes de contrefaçon L'article L.716-14 du Code de la propriété intellectuelle, dispose que : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : I ° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé ci cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon..." La société DIESEL demande la condamnation de la société SHOP 75 à lui verser une somme de 400.000 euros en distinguant la perte de chiffre d'affaire, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral lié à la banalisation de sa marque. La société SHOP 75 admet la vente de 31 pantalons puisqu'elle fait valoir que les 138 articles saisis proviennent du stock de 169 que lui aurait vendu la société 4A et soutient n'avoir réalisé qu'un bénéfice de 485.77 euros sur la vente des 31 articles. Elle demande que les conséquences économiques négatives pour la demanderesse soient évaluées à l'aune de ces quantités. Les demandes de la société DIESEL se fondent sur une masse contrefaisante de 5.270 pantalons et de 2.931 autres articles. Or, ainsi qu'il a été dit la contrefaçon prouvée ne concerne que 138 articles. En l'absence d'autres éléments objectifs d'appréciation, il y a lieu de retenir en outre au titre des quantités vendues, le montant des bénéfices que la défenderesse indique avoir réalisé. Les conséquences économiques négatives pour la demanderesse tiennent uniquement aux bénéfices manquées en raison des ventes réalisées par le contrefacteur qui sont autant de ventes manquées par la demanderesse. En retenant un prix de vente H.T. de 141.67 euros, cela représente un chiffre d'affaires de 4.391.77 euros. En l'absence de la moindre donnée sur la marge réalisée par la société DIESEL, il convient d'appliquer un taux de marge de 30 % de sorte que le bénéfice manqué s'élève à 1.371.53 euros. Enfin la contrefaçon de ses marques constitue une atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la demanderesse qui les dévalorise et constitue un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 10.000 euros. En conséquence la société SHOP 75 sera condamnée à verser à la société DIESEL une somme de 11.803.30 euros (485.77+1.371,53+10.000) au titre du préjudice résultant de la contrefaçon. b) préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et du parasitisme La société DIESEL demande à ce titre une somme de 150.000 euros en faisant valoir que les actes de concurrence déloyale procède d'une usurpation de son identité pour bénéficier de sa notoriété de ses marques et de ses magasins. Compte tenu de la quantité de produits concernés et du fait que la défenderesse établit que les enseignes litigieuses ne sont pas permanentes, le préjudice est fixé à 10 000 euros. 2) sur les autres mesures Art. L. 716 : "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur." Il sera ainsi fait droit à la demande de destruction dans les conditions précisées au dispositif. Cette mesure rend inutile la mesure d'interdiction de commercialiser les pantalons litigieux. En revanche, l'interdiction d'utiliser le mol DIESEL à titre d'enseigne sera prononcée dans les conditions prévues au dispositif. Le préjudice étant suffisamment réparé, il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure de publication. La société DIESEL sera autorisée à faire figurer la décision sur son site internet pendant un délai de six mois à ses frais. Sur les demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d'exécution de la décision La société SHOP 75, partie perdante, sera condamnée aux dépens qui pourront être directement recouvrés par la SELAS BARDEHLE PAGENBERG conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. En outre elle doit être condamnée à verser à la société DIESEL, ainsi qu'à la société 4A. qui ont dû exposer des frais pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 8.000 euros pour la société DIESEL et de 800 euros pour la société 4A. Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire qui est de plus compatible avec la nature du litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort : - DIT que la société SHOP 75 a commis des actes de contrefaçon des marques internationales n°467393 et n°608500 appartenant à société DIESEL S.p.A et au préjudice de celle-ci : - DIT qu'en commercialisant en France des pantalons revêtus sur leur étiquettes de la dénomination "DIESEL S.p.A.", de l'adresse du siège social de cette société, et de l'indication du nom de domaine wwvv.diesel.com. de même qu'en utilisant le nom "DIESEL" à titre d'enseigne de magasin, la société SHOP 75 a commis des actes de concurrence déloyale el parasitaire au préjudice de la société DIESEL S.p.A. ; - INTERDIT à la société SHOP 75 d'utiliser le nom "DIESEL" à titre d'enseigne et ce sous astreinte de 500 euros par jour durant lequel une infraction constatée, chaque enseigne constituant une infraction, à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement : - ORDONNE la confiscation et la destruction du stock de pantalons contrefaisants saisi le 25 juillet 2014. sous contrôle d'un huissier désigné par la société DIESEL S.p.A., et aux frais de la société SHOP 75 ; - CONDAMNE la société SHOP 75 à payer à la société DIESEL S.p.A. une somme de 11.803.30 euros au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon et une somme de 10.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et du parasitisme: - AUTORISE la société DIESEL à faire figurer à ses frais par extraits ou in extenso le présent jugement sur son site internet www.diesel.com pendant une durée maximum de six mois ; - REJETTE le surplus des demandes en ce compris les demandes de garanties par la société 4A : - DIT que le Tribunal reste compétent pour la liquidation des astreintes : - CONDAMNE la société SHOP 75 aux dépens qui pourront être recouvrés par la SELAS BARDEHLE PAGENBERG SELARL conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile : - CONDAMNE la société SHOP 75 à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 8.000 euros à la société DIESEL S.p.A. et une somme de 800 euros à la société 4A : - ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.