Vu la procédure suivante
:
I. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 sous le n° 2202180, et des mémoires en réplique enregistrés le 16 décembre 2022, le 6 février et le 10 mai 2023, Mme A B, représentée par Me Callet, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 25 mai 2022 par laquelle le conseil national de l'ordre des infirmiers a rejeté son recours contre la décision par laquelle le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de la Meuse et des Vosges a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice en site distinct ;
2°) de condamner le conseil national de l'ordre des infirmiers à lui verser la somme de 1 euro en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des infirmiers les entiers dépens de l'instance ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa situation ne relève pas de l'article
R. 4312-72 du code de la santé publique ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que le conseil national de l'ordre des infirmiers s'est borné, pour l'appréciation de l'offre de soins, à prendre en compte l'offre classique de soins infirmiers " de ville " alors que l'exercice au sein d'un centre médical de soins immédiats porte sur des soins d'urgence relative ne concurrençant pas l'activité des infirmiers libéraux exerçant en ville ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'établissement.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 novembre 2022 et le 20 janvier 2023, le conseil national de l'ordre des infirmiers, représenté par Me Smallwood, conclut au rejet de la requête et à ce que les entiers dépens de l'instance et, en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros, soient mis à la charge de Mme B.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 sous le n° 2202186, et des mémoires en réplique enregistrés le 16 décembre 2022, le 6 février et le 10 mai 2023, Mme A B, représentée par Me Callet, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 2 mai 2022 par laquelle le conseil national de l'ordre des infirmiers a rejeté son recours contre la décision par laquelle le conseil départemental de l'ordre des infirmiers de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice en site distinct ;
2°) de condamner le conseil national de l'ordre des infirmiers à lui verser la somme de 1 euro en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des infirmiers les entiers dépens de l'instance ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa situation ne relève pas de l'article
R. 4312-72 du code de la santé publique ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que le conseil national de l'ordre des infirmiers s'est borné, pour l'appréciation de l'offre de soins, à prendre en compte l'offre classique de soins infirmiers " de ville " alors que l'exercice au sein d'un centre médical de soins immédiats porte sur des soins d'urgence relative ne concurrençant pas l'activité des infirmiers libéraux exerçant en ville ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'établissement.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 novembre 2022 et le 20 janvier 2023, le conseil national de l'ordre des infirmiers, représenté par Me Smallwood, conclut au rejet de la requête et à ce que les entiers dépens de l'instance et, en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros, soient mis à la charge de Mme B.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coudert,
- les conclusions de Mme Guidi, rapporteure publique,
- les observations de Me Callet, représentant Mme B,
- et les observations de Me Lefaire, représentant le conseil national de l'ordre des infirmiers.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B, infirmière libérale exerçant au sein du centre médical de soins immédiats (CMSI) de Thionville, a demandé l'autorisation d'exercer en site distinct afin de pouvoir exercer au sein des CMSI d'Essey-lès-Nancy et d'Epinal. Le conseil départemental de l'ordre des infirmiers de Meurthe-et-Moselle et le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de la Meuse et des Vosges ont rejeté ses demandes. Par deux décisions des 2 et 25 mai 2022, le conseil national de l'ordre des infirmiers a rejeté les recours administratifs préalables exercés par l'intéressée contre ces décisions. Par ses requêtes, Mme B demande au tribunal d'annuler les décisions des 2 et 25 mai 2022.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 2202180 et n° 2202186 présentées par Mme B posent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article
R. 4312-72 du code de la santé publique : " I. - Le lieu d'exercice de l'infirmier est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit au tableau du conseil départemental de l'ordre. / II. - Si les besoins de la population l'exigent, un infirmier peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle, lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la continuité des soins. / L'infirmier prend toutes dispositions pour que soient assurées sur tous ces sites d'exercice, la qualité, la sécurité et la continuité des soins. / III. - La demande d'ouverture d'un lieu d'exercice distinct est adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée par tout moyen lui conférant date certaine. Elle est accompagnée de toutes informations utiles sur les besoins de la population et les conditions d'exercice. Si celles-ci sont insuffisantes, le conseil départemental demande des précisions complémentaires. / () ".
4. L'activité exercée dans le cadre d'un CMSI, qui a le statut de société interprofessionnelle de soins ambulatoires défini par les articles
L. 4041-1 et suivants du code de la santé publique, par un infirmier libéral qui en est membre entre, contrairement à ce que soutient la requérante, dans le champ d'application des dispositions de l'article
R. 4312-72 du code de la santé publique qui prévoient que l'ouverture, par un infirmier libéral, d'un site d'exercice distinct de celui de sa résidence professionnelle habituelle est subordonnée à l'autorisation préalable de l'instance ordinale. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit que le conseil national de l'ordre des infirmiers s'est fondé sur ces dispositions pour refuser d'autoriser l'activité de Mme B au sein des CMSI d'Essey-lès-Nancy et d'Epinal. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
5. Il ressort des pièces des dossiers que, pour refuser d'accorder les autorisations d'exercice en site distinct sollicitées par Mme B, le conseil national de l'ordre des infirmiers s'est fondé sur la circonstance que ni à Essey-lès-Nancy, qui comptait 325 infirmiers installés dans un rayon de 10 kilomètres de la commune, ni à Epinal, qui était classée en zone intermédiaire par l'agence régionale de santé Grand-Est s'agissant de sa dotation en infirmiers, l'offre de soins infirmiers était insuffisante. Toutefois, il ressort des pièces des dossiers que les infirmiers exerçant au sein des CMSI ne réalisent aucune visite à domicile, ne consultent que dans les locaux des CMSI et, dès lors qu'ils ont vocation à prendre en charge des urgences relatives permettant de désencombrer les services d'urgences des hôpitaux, pratiquent des soins d'urgence relative. Ainsi, bien qu'ils exercent également à titre libéral, ces infirmiers ne se trouvent pas dans la même situation que les infirmiers exerçant en ville. Par suite, Mme B est fondée à soutenir qu'en se bornant à prendre en compte, pour refuser les autorisations d'exercice en site distinct sollicitées, la densité d'offre de soins infirmiers " de ville " pour apprécier l'offre de soins sur les territoires concernés, le conseil national de l'ordre des infirmiers a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à demander l'annulation des décisions des 2 et 25 mai 2022 par lesquelles le conseil national de l'ordre des infirmiers a rejeté ses demandes d'exercice en site distinct.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Aux termes de l'article
R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision () / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.
8. Il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait adressé au conseil national de l'ordre des infirmiers une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le conseil national de l'ordre des infirmiers en défense et tirée du défaut de liaison du contentieux doit être accueillie et les conclusions indemnitaires de Mme B doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, les sommes demandées par le conseil national de l'ordre des infirmiers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des infirmiers le versement à Mme B d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
10. La présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions présentées à ce titre par les parties ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les décisions des 2 et 25 mai 2022 par lesquelles le conseil national de l'ordre des infirmiers a rejeté les demandes d'autorisation d'exercice en site distinct présentées par Mme B sont annulées.
Article 2 : Le conseil national de l'ordre des infirmiers versera à Mme B la somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme B est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des infirmiers au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et celles tendant à la mise à la charge de Mme B des entiers dépens sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au conseil national de l'ordre des infirmiers.
Délibéré après l'audience publique du 16 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Coudert, président,
Mme Grandjean, première conseillère,
M. Gottlieb, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
Le président-rapporteur,
B. CoudertL'assesseure la plus ancienne,
G. Grandjean
La greffière,
A. Mathieu
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 2202180,