Conseil d'État, 11 février 1998, 170282

Synthèse

  • Juridiction : Conseil d'État
  • Numéro d'affaire :
    170282
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Textes appliqués :
    • Code du travail L412-18, L436-1
  • Nature : Texte
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000008009754
  • Rapporteur : Mme de Saint-Pulgent
  • Rapporteur public :
    M. Bachelier
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Texte intégral

Vu la requête

sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juin 1995 et 6 octobre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES dont le siège est à Boussy-Saint-Antoine (91800) ; la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 9 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes dirigées contre les décisions des 3 août 1992 et 1er février 1993 de l'inspecteur du travail de l'Essonne et du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, refusant de l'autoriser à licencier pour motif économique M. René X... ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ; Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code

du travail ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme de Saint-Pulgent, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Sur la

légalité des décisions attaquées : Considérant qu'en vertu des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail, les délégués syndicaux et les membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif tiré de la suppression du poste de l'intéressé et du refus de celui-ci d'accepter le nouveau poste qui lui est proposé, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte des possibilités pour l'entreprise d'assurer son reclassement ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ; Considérant que la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES a demandé l'autorisation de licencier M. X..., membre du comité d'entreprise et délégué syndical, au motif qu'il avait, à la suite de la suppression de son poste, refusé d'accepter les propositions de reclassement qui lui avaient été faites ; qu'elle fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 3 août 1992 de l'inspecteur du travail de l'Essonne et contre la décision du 1er février 1993 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, refusant de lui accorder l'autorisation sollicitée ; Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier qu'après la suppression du service dans lequel trois ouvriers boulangers, dont M. X..., étaient employés, la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES ne disposait pas d'un emploi équivalent qui fût compatible avec le handicap professionnel qui venait d'être reconnu à l'intéressé ; qu'elle lui a néanmoins fait cinq propositions d'emploi ; que l'une d'entre elles était compatible avec son handicap ; que M. X... l'a cependant refusée, ainsi qu'il était en droit de le faire, au motif qu'elle était assortie d'une baisse de salaire ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Versailles s'est à tort fondésur ce que la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES ne pouvait être regardée comme n'ayant pas satisfait à son obligation de reclassement pour rejeter sa demande d'annulation des décisions attaquées ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES devant le tribunal administratif de Versailles ; Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des observations présentées devant les premiers juges par le ministre que celui-ci a opposé à la demande d'autorisation de licenciement de M. X... un motif d'intérêt général, tiré de ce que ce dernier aurait été "particulièrement actif dans la défense des salariés et indispensable au bon fonctionnement des relations sociales dans l'entreprise" ; qu'il est constant cependant que l'organisation syndicale à laquelle M. X... appartenait était représentée, notamment au sein du comité d'entreprise, par plusieurs membres titulaires et qu'aucune circonstance ne faisait obstacle au remplacement de M. X... dans ses fonctions de délégué syndical ; que, le motif retenu par le ministre n'était donc pas de ceux qui pouvaient légalement fonder, dans l'intérêt général, un refus d'autorisation de licenciement ; Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. X... ait été en rapport avec ses fonctions représentatives ou son appartenance syndicale ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, que la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes ;

Article 1er

: Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 9 mars 1995 et les décisions de l'inspecteur du travail de l'Essonne du 3 août 1992 et du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 1er février 1993, sont annulés. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société anonyme SEMNE VAL D'YERRES, à M. René X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.