COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 91Z
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 MAI 2018
N° RG 16/04173
AFFAIRE :
[X] [J] épouse [A]
[V] [A]
C/
Responsable du Service des Impôts des Entreprises - SIE - de [Localité 1], comptable chargé du recouvrement agissant sous l'autorité du Directeur Départemental des Finances Publiques des Hauts de Seine
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
POLE CIVIL
N° Chambre : 1
N° RG : 14/06289
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS
SCP FRICAUDET & LARROUMET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 30 mars et 04 mai 2018 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [X], [P] [J] épouse [A]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représentant : Me Isabelle WALIGORA de l'ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 431 - N° du dossier 160018 - Représentant : Me Bernard LAGARDE de la SCP CABINET BERNARD LAGARDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [V], [L], [Y] [A]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représentant : Me Isabelle WALIGORA de l'ASSOCIATION ALAIN CLAVIER - ISABELLE WALIGORA - AVOCATS ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 431 - N° du dossier 160018 - Représentant : Me Bernard LAGARDE de la SCP CABINET BERNARD LAGARDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
Responsable du Service des Impôts des Entreprises - SIE - de [Localité 1], comptable chargé du recouvrement agissant sous l'autorité du Directeur Départemental des Finances Publiques des Hauts de Seine
[Adresse 2]
Représentant : Me Dominique LARROUMET-FRICAUDET de la SCP FRICAUDET & LARROUMET, Postulant/Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 706 - N° du dossier 7055
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article
786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport, et Madame Nathalie LAUER, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
Vu le jugement rendu le 25 février 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
- déclaré M. [V]-[L] [A] et Mme [X] [J] épouse [A] solidairement responsables avec la société JEF publicité, du paiement des impositions dues au responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1] à hauteur de 92 746 euros,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné in solidum M. [V]-[L] [A] et Mme [X] [J] épouse [A] à payer au responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1] à une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum M. [V]-[L] [A] et Mme [X] [J] épouse [A] aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
Vu l'appel relevé le 3 juin 2016 par M. et Mme [A] qui, dans leurs dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2017, demandent à la cour de :
- dire l'appel interjeté recevable,
- réformer le jugement du 10 juin 2016,
- déclarer n'y avoir lieu à condamnation M. et Mme [A] sur le fondement de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales,
- condamner le Responsable du SIE de [Localité 1] à payer à M. et Mme [A] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Isabelle Waligora conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2016 par lesquelles le responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1] demande à la cour de :
- déclarer M. et Mme [A] mal fondés en leur appel et les en débouter,
- confirmer le jugement du 25 février 2016 en ce qu'il a retenu leur responsabilité solidaire avec la société JEF Publicité sur le fondement de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales,
- déclarer recevable et fondé l'appel incident du responsable du SIE de [Localité 1] et, réformant le jugement du 25 février 2016, déclarer M. et Mme [A], tenus solidairement avec la société JEF Publicité aux dettes fiscales de celles-ci à hauteur de 270 874,50 euros,
- confirmer le jugement du 25 février 2016 en ce qu'il a condamné M. et Mme [A] à payer au responsable du SIE de [Localité 1] la somme de 3 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les époux [A]-[J] à payer au responsable du SIE de [Localité 1] la somme de 5 000,00 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
- condamner les époux [A] aux dépens de première instance et d'appel ;
SUR CE, LA COUR
La société JEF publicité, société par actions simplifiée, exerçant son activité d'agence de publicité sous la dénomination commerciale "[Établissement 1]" a été constituée en février 2000 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 10 mars 2000 par M. [V]-[L] [A] qui en a été le dirigeant jusqu'au 20 octobre 2003, date à laquelle Mme [X] [A] née [J] son épouse, en est devenue présidente.
Mme [X] [A] a déposé une déclaration de cessation des paiements le 2 décembre 2009 et par jugement rendu le 10 décembre 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société JEF publicité.
Le 16 décembre 2010, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de la société.
Par jugement rendu le 24 mai 2012, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert la liquidation judiciaire de la société puis, le 15 juin 2012, arrêté le plan de cession totale de la société.
Autorisé le 17 février 2014 à engager l'action prévue par l'article
L. 267 du livre des procédures fiscales par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, par acte d'huissier de justice en date du 22 mai 2014, le responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1], ci-après l'administration fiscale, a fait assigner à jour fixe M. et Mme [A] devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre pour les voir, tenus solidairement responsables au paiement des impositions dues au SIE par la société JEF publicité à hauteur de 270 874,50 euros au titre de la TVA de 2009 et 2010 et de la TVTS de 2009.
Considérant que
M. et Mme [A] font valoir au soutien de leur appel que les conditions de mise en oeuvre de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales nécessitent de caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses ou l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales s'imposant à eux ;
Sur le défaut de paiement de la TVA correspondant aux déclarations de septembre et octobre 2009
Considérant que M. et Mme [A] soutiennent que la TVA due au titre des mois de septembre et octobre 2009, à hauteur respectivement de 42 001euros et de 42 623 euros n'a pas été réglée à raison des difficultés économiques rencontrées par l'entreprise et de sa situation de trésorerie obérée ; qu'ils font valoir que la société JEF Publicité avait sollicité par courriers successifs en date des 28 octobre et 20 novembre 2009, un délai de 6 mois à compter du mois de janvier 2010, pour s'acquitter des sommes dues ; que la doctrine administrative prescrit de tenir compte de la demande de délai de paiement présentée par le dirigeant, qui doit être interprétée comme une manifestation de bonne volonté ;
Qu'ils font par ailleurs grief à l'administration fiscale de ne leur avoir donné aucune information pour les mettre en garde sur le risque de voir engager leur responsabilité sur le fondement de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales ; que le comptable public n'a diligenté aucune poursuite qui se serait révélée infructueuse et que notamment aucune mise en demeure n'a été adressée à la société JEF Publicité au titre des créances de TVA des mois de septembre et octobre 2009 ;
Considérant que l'article
L 267 du livre des procédures fiscales prévoit que lorsqu'un dirigeant de société est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités ; que cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement la direction effective de la société ;
Qu'en l'espèce Mme [X] [A] était dirigeante en droit de la société JEF Publicité ; que M. [V]-[L] [A] ne conteste pas qu'il a de fait accompli des actes positifs de direction et de gestion de ladite société et donc la qualité de dirigeant de fait qui lui est prêtée ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les déclarations de TVA de septembre et octobre 2009 déposées les 29 octobre et 24 novembre 2009 pour 42 001 euros et 41 623 euros n'étaient accompagnées d'aucun paiement ; que ces déclarations sont antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective ;
Que les difficultés économiques et financières invoquées par les appelants ne font pas obstacle à l'application, à l'encontre des dirigeants, de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales ;
Que la société JEF Publicité, société de prestations de services, était soumise au régime de la TVA sur encaissements, la taxe n'étant exigible qu'à l'encaissement des acomptes et du prix et qu'elle devait procéder au dépôt des déclarations de TVA avant le 23 du mois suivant ; qu'ainsi en matière de TVA, la société n'est que le dépositaire de la taxe qu'elle doit reverser après l'avoir encaissée pour le compte de l'Etat ; qu'il en résulte que le défaut de paiement à l'échéance revêt un caractère de gravité certain puisque l'entreprise redevable conserve dans sa trésorerie, des fonds collectés qui ne lui appartiennent pas et ont vocation à être reversés au comptable public ;
Que s'agissant de la demande de délais, il ne peut qu'être relevé qu'elle n'a fait l'objet d'aucun accord sous la forme d'un plan de règlement de la part de l'administration fiscale, qu'en toute hypothèse les dirigeants savaient ne pouvoir respecter puisque Mme [X] [A] a déclaré auprès du tribunal de commerce, la cessation des paiements de la société JEF Publicité le 2 décembre 2009 impliquant l'ouverture d'une procédure collective suspendant les actes de poursuite et les délais de paiement en cours, s'ils avaient été accordés ; qu'il en résulte que M. et Mme [A], qui ne peuvent se prévaloir de l'octroi d'un moratoire, ne sont pas fondés à invoquer l'absence d'information préalable, antérieurement aux poursuites dont ils font l'objet, de la possibilité de mettre en oeuvre leur responsabilité, au cas de non respect du plan de règlement, comme le prévoit l'instruction relative aux conditions de mise en oeuvre de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales ;
Que par ailleurs, les créances de TVA des mois de septembre et d'octobre 2009, ont fait l'objet de mises en demeure par l'administration fiscale ; que M. et Mme [A] ont, en ne payant pas la TVA de ces deux mois commis des inobservations graves et répétées à l'origine de l'impossibilité de recouvrement des sommes dues à l'encontre de la société JEF Publicité du fait de l'ouverture de la procédure collective ;
Que la responsabilité solidaire de M. et Mme [A] avec la société JEF Publicité est ainsi susceptible d'être retenue pour ce qui concerne la somme due au titre de la TVA des mois de septembre et d'octobre 2009, étant seulement observé que dans le tableau figurant en page 5 des conclusions de l'administration fiscale, il est mentionné qu'une somme de 9 531,50 euros a été payée sur la somme de 42 001 euros au titre de la TVA de septembre 2009 ; qu'ainsi pour ces deux mois, la somme restant due est de 74 092,50 euros (32 469,50 euros + 41 623 euros) ;
Sur la taxe sur les véhicules de société (TVTS) au titre de l'année 2009
Considérant que la taxe sur les véhicules de société est acquittée sur déclaration dans les conditions fixées par décret (article 1010 II du code général des impôts ) ; qu'il résulte de l'article 406 bis I alinéa 2 de l'annexe III du code général des impôts que l'impôt exigible est acquitté lors du dépôt de la déclaration ; qu'il est constant que la déclaration de TVTS a été déposée le 30 novembre 2009 pour 9 122 euros, soit avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'elle aurait dû être acquittée le jour même, ce qui n'a pas été le cas ; qu'il s'agit d'une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, exigible dès le dépôt de la déclaration, pour laquelle la mise en cause des dirigeants peut être recherchée de sorte que M. et Mme [A] ne sont pas fondés à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article
L 622-7 du code de commerce pour prétendre que le paiement leur était interdit, cette interdiction n'ayant été effective qu'à la date du 10 décembre 2009, soit postérieurement à la date d'exigibilité de la créance ; que les dirigeants ont commis une inobservation grave et répétée, eu égard au défaut réitéré de paiement des déclarations de TVA antérieures, en ne s'acquittant pas, pour le compte de la société, du montant de la taxe litigieuse ; que leur responsabilité est donc susceptible d'être recherchée à hauteur de la somme de 9 122 euros ;
Sur la déclaration de TVA de novembre 2009 déposée le 24 décembre 2009
Considérant que la déclaration de TVA a été déposée le 24 décembre 2009, sans paiement, pour un montant de 97 884 euros ;
Que l'administration fiscale relève que le montant en est anormalement élevé au regard des taxes déclarées les autres mois et prétend que le dirigeant a certainement augmenté sa TVA avant sa déclaration de cessation des paiements du 2 décembre 2009 et opéré une minoration de TVA sur les périodes précédentes, ce qui permet de présumer une volonté de sa part d'intégrer la créance au passif de la procédure afin d'échapper à son paiement ;
Considérant que M. et Mme [A] ne s'expliquent pas sur le montant déclaré, du double des mois précédents ; qu'il leur appartient de justifier de ce que la TVA déclarée le 24 décembre 2009 se rattache aux encaissements du mois de novembre 2009 ; qu'ils n'ont pas satisfait à la sommation de communiquer, délivrée à leur conseil le 6 novembre 2014, les relevés de compte TVA 4457 et 4455 (TVA à décaisser) pour les années 2009 et 2010 et les relevés bancaires pour la période 2009/2010 du compte dont leur société était titulaire à la banque Neuflize OBC ; qu'ils s'y sont refusés en prétendant que les pièces demandées étaient sans corrélation avec la procédure judiciaire actuellement en cours et ajouté que ces éléments étaient archivés dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société JEF Publicité, clôturée et que Mme [X] [A] était dessaisie en application des dispositions de l'article
L 622-9 du code de commerce ;
Que cependant, interrogé par l'administration fiscale, le mandataire judiciaire a indiqué par courriel du 26 novembre 2014 qu'il ne disposait pas des comptes TVA à décaisser 4455, ni des comptes TVA collectés 4457, ni des relevés bancaires pour la période 2009/2010 ; qu'en outre durant le redressement judiciaire et la poursuite d'activité de la société JEF Publicité, sa dirigeante n'était pas dessaisie de l'administration de la société, l'administrateur judiciaire désigné par le jugement d'ouverture, en la personne de la selarl FHB n'ayant reçu qu'une mission d'assistance ; que la liquidation judiciaire dessaisissant Mme [X] [A] n'a été prononcée que le 24 mai 2012 en même temps que la résolution du plan de redressement arrêté pour 10 ans par jugement du 16 décembre 2010 ; que faute pour M. et Mme [A] de mettre l'administration fiscale, qui l'a demandé, en mesure de vérifier les dates d'encaissement des sommes déclarées par toutes pièces comptables appropriées, alors qu'ils n'établissent pas leur impossibilité à satisfaire à cette demande, et de justifier par tous moyens de l'exactitude et de l'authenticité de la déclaration de TVA faite le 24 décembre 2009 qui est objectivement largement majorée, il sera considéré, par référence aux déclarations antérieures, que celle-ci a été faussement majorée de 45 000 euros qui correspondent à des encaissements antérieurs, déclarables et exigibles antérieurement au jugement d'ouverture ; que leur responsabilité est ainsi susceptible d'être recherchée à hauteur d'une somme de 45 000 euros au titre de la TVA de novembre 2009 ; que l'administration fiscale doit être déboutée du surplus de sa demande, en application de l'article
L 622-7 du code de commerce interdisant tout paiement à compter du jugement d'ouverture ;
Sur les déclarations de TVA pour les mois de décembre 2009 à mars 2010
Considérant que la société JEF Publicité, qui a poursuivi son activité dans le cadre d'une période d'observation, a procédé aux déclarations suivantes :
- TVA de décembre 2009 déposée le 5 mars 2009 pour 2
5 666 euros,
- TVA de janvier 2010 déposée le 5 mars 2010 pour 55 456 euros,
- TVA de février 2010 déposée le 23 mars 2010 pour 7 186 euros,
- TVA de mars 2010 déposée le 19 avril 2010 pour 1 468 euros ;
Considérant que les appelants se prévalent des dispositions de l'article
L 622-24 alinéa 5 du code de commerce et de son régime spécifique qui, selon eux, permet au créancier de connaître ses créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture et distinguent les créances relevant de l'article
L 622-17 du même code ;
Qu'ils prétendent que la société JEF Publicité a scrupuleusement respecté ses obligations légales en procédant à des déclarations distinctes selon que la TVA collectée avait un fait générateur antérieur ou postérieur à l'ouverture de la procédure collective, lesdites déclarations faisant apparaître très clairement la mention de cette procédure ; que toutes les déclarations relatives au recouvrement des créances nées antérieurement au jugement déclaratif et dont la TVA a été collectée postérieurement à celui-ci ont été régulièrement effectuées ; qu'ainsi les déclarations de décembre et de janvier 2009 font mention des précisions suivantes "redressement judiciaire le 10 décembre 2009, déclaration de TVA concernant les encaissements entre le 1er et le 9 décembre 2009 dont les factures ont été émises au plus tard le 9 novembre 2009" ; qu'ils en déduisent que les déclarations correspondent à des créances antérieures au jugement déclaratif et qu'elles ont été déposées dans un délai permettant à l'administration fiscale de déclarer sa créance ;
Que les appelants ne font valoir aucun moyen sur les déclarations de février et mars 2010 ;
Que l'administration fiscale réplique que contrairement aux affirmations des appelants, la société JEF Publicité a déposé certaines déclarations hors délai et toutes sans paiement ; que les appelants admettent implicitement que les déclarations de TVA déposées sans paiement de février et de mars 2010 concernent des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture puisqu'ils n'en font pas état ; que ces créances entrent donc dans le champ de l'article
L 622-17 du code de commerce et auraient dû être payées à l'échéance ;
Qu'elle soutient qu'il n'y a aucune cohérence entre les déclarations de TVA déposées postérieurement au jugement d'ouverture et la déclaration de cessation de paiement dans la mesure où la société JEF Publicité a déclaré le 2 décembre 2009 avoir des créances clients pour un montant de 284 772 euros TTC, ce qui représente une TVA de 46 658,49 euros ; que ces créances correspondent à des prestations de services réalisées mais non encore payées ; que dès lors, si les déclarations déposées faisaient réellement référence à de la TVA se rapportant à des créances antérieures au jugement d'ouverture, le montant de la TVA due ne devrait pas dépasser 46 658,49 euros, or la société a déclaré la somme de 89 776 euros de TVA pour les mois de décembre 2009 à mars 2010 ; que la société a aussi déclaré un passif de 204 654 euros au titre de la TVA ; qu'elle considérait que cette TVA correspondait à celle exigible sur des créances antérieures au 2 décembre 2009 ; que les déclarations de septembre, octobre et novembre représentent un montant de TVA de 181 508 euros, ce qui laisse présumer une rétention de TVA antérieure de 23 146 euros dont il n'est pas possible de déterminer l'origine ; qu'elle en déduit que soit la comptabilité de la société lors de sa déclaration de cessation des paiements est fausse et non probante, soit les déclarations postérieures concernent l'activité antérieure qui n'a pas été déclarée, soit les déclarations postérieures concernent l'activité postérieure à l'ouverture de la procédure collective, qui aurait dû être déclarée et payée à l'échéance ;
Qu'elle considère que dans tous les cas il y a inobservations graves et répétées engageant la responsabilité des dirigeants qui ne fournissent pas d'éléments probants à l'appui de leurs affirmations ;
***
Considérant que les deux premières déclarations susvisées ont été déposées hors délais et qu'aucune des quatre n'a été accompagnée d'un paiement ;
Que les appelants prétendent en substance que leurs déclarations de TVA de décembre 2009 à mars 2010 concernent des encaissements postérieurs au 9 décembre 2009 dont les factures ont été émises au plus tard le 9 décembre 2009, ce qui revient à dire qu'elles se rapportent à des créances antérieures dont l'absence de paiement ne serait pas fautive en raison de l'interdiction de paiement découlant de l'ouverture de la procédure collective ;
Mais considérant que compte tenu des incohérences relevées par l'administration fiscale entre les éléments contenus dans leur déclaration de cessation de paiement et leurs déclarations de TVA, il incombe à M. et Mme [A] d'établir que les déclarations litigieuses se rapportent effectivement à des créances antérieures au jugement, c'est à dire à des prestations de services réalisées avant la demande de cessation des paiements et l'ouverture de la procédure collective, mais payées postérieurement , qui seules pouvaient être dispensées de paiement à l'administration fiscale ; qu'à l'inverse en effet, les déclarations effectuées après le jugement d'ouverture de sommes correspondant à des prestations de services réalisées après celui-ci et encaissées postérieurement, entrent dans le champ de l'article
L 622-17 du code de commerce en tant que créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pendant la période d'observation et qui doivent être payées à leur échéance ;
Qu'il ne peut qu'être relevé, comme précédemment, que M. et Mme [A] qui se sont refusés à satisfaire à la sommation de communiquer les pièces justificatives des dates d'encaissement des sommes déclarées par toutes pièces comptables appropriées, alors qu'ils n'établissent pas leur impossibilité de le faire, ne rapportent pas la preuve du caractère de créances antérieures des sommes dues au titre de la TVA déclarée de décembre 2009 à mars 2010 ; qu'il doit donc être considéré que les déclarations effectuées, pour certaines hors délai et pour toutes, non accompagnées des paiements correspondants, constituent des inobservations graves et répétées de la part des dirigeants de la société JEF Publicité ;
Considérant que les appelants font encore valoir que le responsable du SIE n'a pas déclaré de créance portant sur la TVA de décembre et de janvier 2010 dans les délais ; que sa déclaration a fait l'objet d'un rejet de sa créance par une décision du juge commissaire ; que cette décision dont il n'a pas été interjeté appel a acquis l'autorité de chose jugée ; que si l'article L 626-27 III du code de commerce prévoit que les créances inscrites au plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire n'ont pas à faire l'objet d'une nouvelle déclaration, ce texte vise les créances admises à la procédure collective et non les créances rejetées ; qu'ils en déduisent qu'ils ne peuvent être recherchés en paiement sur le fondement de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales en l'absence de l'existence de la créance ;
Considérant cependant que M. et Mme [A] ne produisent aucune pièce justificative de la décision de rejet de partie de la créance de l'administration fiscale qu'ils invoquent ;
Que l'administration fiscale justifie avoir procédé à trois déclarations de créances à titre définitif pour 190 630 euros, 102 177 euros et 50 543 euros ; qu'il n'est pas justifié de l'extinction de sa créance à l'égard de la procédure collective ; qu'au surplus et par application de l'article
L 622-26 du code de commerce, l'absence de déclaration de créance ne pourrait avoir pour seule conséquence que son inopposabilité à la procédure collective en excluant le créancier de la répartition des dividendes ; que cette inopposabilité qui ne constitue pas une exception inhérente à la dette, ne s'étend pas aux personnes dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de l'article L 267-7 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que les inobservations graves et répétées de M. et Mme [A], respectivement dirigeants de fait et de droit se trouvent à l'origine de l'absence de paiement de la TVA due et ont permis à la société JEF Publicité de percevoir des sommes importantes, qu'elle a utilisées pour se constituer une trésorerie artificielle, alors qu'elles auraient dû faire l'objet d'un versement immédiat au comptable public, laissant s'accumuler une dette fiscale excessive, dont le recouvrement est devenu impossible à raison de la déclaration de cessation des paiements tardive et de l'ouverture de la procédure collective ; que l'administration fiscale a opéré toutes diligences pour tenter de recouvrer les sommes dues par l'envoi de mises en demeure préalablement à la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective ; que les conditions d'application de l'article
L 267 du livre des procédures fiscales sont réunies ;
Qu'il convient de déclarer M. et Mme [A] solidairement responsables, avec la société JEF Publicité, du paiement des impositions dues au responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1], à hauteur de la somme de 217 990,50 euros (74 092,50 euros + 9 122 euros + 45 000 euros + 25 666 euros + 55 456 euros + 7 186 euros + 1 468 euros) ;
Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et l'application de l'article
700 du code de procédure civile ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé sur ces points ;
Considérant que M. et Mme [A] qui succombent en leur recours seront condamnés aux dépens d'appel ;
Qu'en cause d'appel, l'équité commande d'allouer à l'administration fiscale la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article
700 du code de procédure civile,
L'infirme sur le montant à hauteur duquel M. et Mme [A] ont été déclarés solidairement responsables du paiement des impositions dues au responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1] par la société JEF Publicité,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,
Déclare M. et Mme [A] solidairement responsables avec la société JEF Publicité, du paiement des impositions dues au responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1], à hauteur de 217 990,50 euros,
Condamne M. et Mme [A] à payer au responsable du service des impôts des entreprises de [Localité 1] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne M. et Mme [A] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,