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Tribunal administratif de Bordeaux, 1ère Chambre, 20 septembre 2023, 2105466

Mots clés
contrat • société • maire • rapport • règlement • restructuration • remboursement • pouvoir • recours • requête • tiers • signature • préjudice • rejet • relever

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Bordeaux
20 septembre 2023
Tribunal administratif de Réunion
20 septembre 2023

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
  • Numéro d'affaire :
    2105466
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : Mme Caste
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : SELARL OCEANIS AVOCATS
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Résumé

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Partie demanderesse
Parties défenderesses
Commune de Saint-Emilion
défendu(e) par ACHOU-LEPAGE Guillaume
Société ITEC

Suggestions de l'IA

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés le 18 octobre 2021 et le 29 juillet 2022, la société METALNEO, représentée par Me Viel, demande au tribunal : 1°) d'annuler le contrat conclu entre la commune de Saint-Emilion et la société ITEC pour le lot n° 15 " serrurerie " du marché de restructuration du Logis de Malet et d'extension sur l'ancienne Tonnellerie Demptos ; 2°) de condamner la commune de Saint-Emilion à lui verser la somme de 16 796,42 euros en indemnisation du manque à gagner subi du fait de son éviction ainsi que la somme de 3 266,88 euros en remboursement des frais exposés pour présenter son offre ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Emilion les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le contrat a été signé par une autorité incompétente dès lors que le conseil municipal n'avait pas délibéré sur le lancement du projet de marché ni sur l'attribution au candidat retenu ; le maire n'avait non plus été autorisé à signer l'acte d'engagement en date du 22 janvier 2021 ; la délibération produite en défense est postérieure à la signature du contrat ; - la commune a entaché la procédure d'analyse des offres d'irrégularité en jugeant à tort son offre irrégulière puisque le règlement de la consultation en son article 3 exigeait de remettre le planning des travaux signé, ce qu'elle justifie avoir fait et que la circonstance qu'elle ait annoté ce planning ne révèle pas qu'elle l'ait refusé ; - le second motif ayant justifié de déclarer son offre irrégulière et tiré de ce que " les détails, précisions et type d'ouvrage ne correspondent pas au DCE " est erroné dès lors qu'elle a obtenu la note de 46/50 au critère de la valeur technique ; - la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la notation de son offre en lui attribuant la note de 0/20 au critère " délais " ; en tout état de cause, le règlement de la consultation ne prévoyait pas la sanction tenant à infliger une note de 0/20 ; - la commune a méconnu l'article L. 2152-2 du code de la commande publique en attribuant le marché à une société ayant pourtant également présenté une offre irrégulière car comportant des écarts de quantités par rapport à ce que prévoyait le document de consultation des entreprises et alors que cette offre, qui a été retenue, avait été maintenue en l'état après invitation à régulariser ; la commune était donc tenue de l'écarter comme irrégulière ; - au vu des irrégularités commises ayant abouti à écarter irrégulièrement son offre et celle-ci ayant été classée en deuxième position, elle a perdu une chance sérieuse de remporter le marché et est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice correspondant au manque à gagner évalué à la somme de 16 796,42 euros ; elle est également fondée à solliciter le remboursement des frais de présentation de son offre à hauteur de 3 266,88 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2022, la commune de Saint-Emilion, représentée par Me Achou-Lepage, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Caste, rapporteure, - les conclusions de Mme Jaouën, rapporteure publique, - et les observations de Me Achou-Lepage, représentant la commune de Saint-Emilion.

Considérant ce qui suit

: 1. Afin de procéder à la restructuration du Logis de Malet et à l'extension de l'ancienne tonnellerie Demptos, la commune de Saint-Emilion a lancé une procédure de passation d'un marché public composé de 21 lots sur le fondement des dispositions L. 2123-1 et R. 2123-1 du code de la commande publique. La société Metalneo a déposé une offre pour le lot n°15 " serrurerie ". Le 1er août 2020, la société Metalneo a été informée du rejet de son offre. Le contrat portant sur le lot n°15 a été conclu entre la société ITEC et la commune de Saint-Emilion le 22 janvier 2021. La société Metalneo demande au tribunal d'annuler ce marché et de l'indemniser du manque à gagner subi du fait de son éviction irrégulière du marché et des frais induits par la présentation de son offre. 2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les tiers, autres que les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ou le représentant de l'Etat dans le département, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Sur la validité du contrat : 3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 6° De souscrire les marchés () ". Enfin, aux termes de l'article L. 2122-22 : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / 4° De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget () ". Il résulte de ces dispositions que le maire ne peut, au nom de la commune, valablement souscrire avec un opérateur économique, un marché public, sans y avoir été préalablement autorisé par une délibération expresse du conseil municipal. Le conseil municipal ne peut davantage, en dehors des cas limitativement énumérés à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales au nombre desquelles ne figure pas la possibilité de souscrire un marché, déléguer au maire le pouvoir qui lui appartient exclusivement de décider d'obliger la commune. Ainsi, lorsqu'il entend autoriser le maire à souscrire une telle convention, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l'étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment l'objet précis de celui-ci ainsi que les éléments financiers exacts et l'identité de son attributaire. 4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement produit par la commune de Saint-Emilion, que le maire a souscrit, au nom de la commune, un marché public portant sur le lot n°15 " serrurrie " avec la société ITEC le 22 janvier 2021 dans le cadre du projet de restructuration du Logis de Mallet et d'extension de l'ancienne tonnellerie Demptos. Ainsi que le fait valoir la société Metalneo, ce n'est que par délibération du 14 avril 2021, postérieure à l'acte attaqué, que le maire de la commune de Saint-Emilion a été autorisé à signer le contrat litigieux au nom de la commune après que le conseil municipal ait délibéré sur les éléments essentiels du contrat à intervenir et notamment son objet, son montant et l'identité des attributaires de chaque lot. Toutefois, il résulte de l'instruction que d'une part, par une délibération du 14 novembre 2018, le conseil municipal de la commune de Saint-Emilion a approuvé le projet de restauration et de valorisation du Logis de Mallet et que, d'autre part, par une délibération du 10 mars 2020, ce même conseil a approuvé le lancement de la consultation selon la procédure adaptée des articles L. 2123-1 et R. 2123-1 du code de la commande publique et a donné tout pouvoir au maire de la commune. Enfin, le conseil municipal de la commune de Saint-Emilion, qui a eu nécessairement connaissance de cette convention au regard de l'importance du projet, ne s'est à aucun moment opposé à son exécution après sa signature et a approuvé le contrat par la délibération postérieure du 14 avril 2021. Dans ces conditions, l'irrégularité alléguée ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme un vice du consentement d'une particulière gravité, de nature à justifier l'annulation ou la résiliation du contrat. 5. En deuxième lieu, la requérante dont l'offre a été déclarée irrégulière soutient, d'une part, que son offre n'aurait pas dû être rejetée comme irrégulière et, d'autre part, que l'offre présentée par la société attributaire étant entachée d'irrégularités, aurait dû être rejetée comme irrégulière. Ainsi qu'il a été dit au point 2, un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière mais ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel manquement n'étant pas en rapport direct avec son éviction et n'étant pas, en lui-même, de ceux que le juge devrait relever d'office. Il en va ainsi y compris dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l'attributaire, et qu'il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable. 6. Pour écarter l'offre présentée par la société Metalneo, la commune de Saint-Emilion s'est fondée, ainsi qu'il ressort du rapport d'analyse des offres, sur le double motif tiré du refus du planning de travaux et de la non-conformité des détails, précisions et types d'ouvrage proposés dans l'offre au regard des exigences du dossier de consultation des entreprises. Il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation prévoyait en son article 3 la liste des pièces et renseignements à fournir par les candidats aux termes desquels " le planning prévisionnel des travaux signé " et " une note explicative indiquant comment l'entreprise compte respecter le calendrier de l'opération ". S'il résulte de l'instruction que la société Metalneo a bien joint à son offre le planning des travaux signé, les annotations apportées à ce document par la société, notamment l'apposition des mentions " impossible " suivie de " 8 semaines d'approvisionnement minimum " avait pour conséquence, ainsi que le fait valoir justement la commune, d'en modifier substantiellement la teneur et de faire regarder la société comme refusant certains délais dudit planning, notamment les délais prévus pour les travaux sur façades extérieures pour la restructuration du Logis et pour la rénovation de l'ancienne Tonnellerie. Interrogée notamment sur ce point par questionnaire, la société se bornera à préciser qu'" il ne s'agit pas d'un refus mais de précisions sur des délais techniques normaux pour des ouvrages de métallerie ". Ainsi, cette réponse ne pouvant être assimilée à une acceptation pleine et entière du planning de travaux, la société Metalneo ne peut être regardée comme ayant signé le planning des travaux comme exigé au règlement de la consultation. Dès lors, pour ce seul motif, la commune n'a pas commis d'irrégularité en jugeant son offre irrégulière, même si cette offre a été notée et classée. 7. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que l'offre de la société ITEC aurait dû être déclarée irrégulière est inopérant. 8. Il résulte de ce qui précède que le recours en contestation de la validité du contrat doit être rejeté. Sur les conclusions indemnitaires : 9. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. 10. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'offre de la société évincée était irrégulière, cette dernière était dépourvue de toute chance d'obtenir le contrat. La société requérante n'est dès lors pas fondée à demander la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. En outre, il n'existe aucun lien direct de causalité entre l'irrégularité constatée au point 4 du présent jugement et les préjudices invoqués par la société Metalneo. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Saint-Emilion à lui verser les sommes de 16 796,42 euros en indemnisation du manque à gagner subi du fait de son éviction et de 3 266,88 euros en remboursement des frais exposés pour présenter son offre. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Emilion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la société Metalneo au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Metalneo une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Emilion en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête est rejetée. Article 2 : La société Metalneo versera à la commune de Saint-Emilion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Metalneo, à la commune de Saint-Emilion, et à la société ITEC. Délibéré après l'audience du 30 août 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Zuccarello, présidente, - Mme Caste, conseillère, - Mme Denys, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2023. La rapporteure, F. CASTE La présidente, F. ZUCCARELLO La greffière, I. MONTANGON La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière,

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