Vu les procédures suivantes :
I. Par une requête, enregistrée le 9 mai 2020 sous le n° 2007022, et des mémoires, enregistrés les 24 septembre 2020, 13 avril et 7 juin 2022, M. A C, représenté par Me Béguin, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 23 avril 2020 par laquelle le préfet de police a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014 ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de l'ensemble de ses arrêts de travail depuis le 25 octobre 2013 et d'en tirer toutes les conséquences concernant le remboursement des soins et le maintien du plein traitement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier administratif avant la réunion de la commission de réforme. A supposer qu'il ait été mis à même de le consulter, son dossier administratif était incomplet en raison notamment de l'absence du rapport d'enquête administrative ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que son audition par la commission de réforme a duré seulement cinq minutes, que les médecins n'ont pas examiné son dossier de manière suffisamment sérieuse, que la commission de réforme était irrégulièrement composée en l'absence d'un médecin spécialiste et qu'aucun rapport du médecin chargé de la prévention n'a été transmis au préalable à la commission ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits de harcèlement moral et de violence psychologique qu'il a subis de la part de sa hiérarchie ainsi que ses conditions de travail sont en lien avec sa pathologie dépressive ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle constitue un harcèlement moral.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 mars et 16 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2020 sous le n° 2013842, et deux mémoires, enregistrés les 8 avril et 10 juin 2022, M. A C, représenté par Me Béguin, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision implicite née le 7 juillet 2020 par laquelle le commissaire central du commissariat du 16ème arrondissement de Paris a rejeté sa demande, présentée le 7 mai 2020, tendant à reconnaître l'imputabilité au service de service de ses arrêts de travail du 23 février 2015 au 22 janvier 2016, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017, du 16 mai 2017 au 14 novembre 2017, du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 et du 6 avril 2020 au 17 mai 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie dépressive et de l'ensemble de ses arrêts de travail et d'en tirer toutes les conséquences concernant le remboursement des soins et le maintien du plein traitement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier administratif et, à supposer qu'il ait été mis à même de le consulter, que son dossier administratif était incomplet en raison notamment de l'absence du rapport d'enquête administrative ;
- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission de réforme ne comprenait pas de médecin spécialiste et qu'aucun rapport du médecin chargé de la prévention ne lui a été transmis ;
- contrairement à ce que soutient le préfet de police, les dispositions de l'article 47-2 du décret du 14 mars 1986, issues de l'article 10 du décret du 21 février 2019, ne sont pas applicables en l'espèce ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits de harcèlement moral et de violence psychologique qu'il a subis de la part de sa hiérarchie ainsi que ses conditions de travail sont en lien avec sa pathologie dépressive. En outre, aucune faute personnelle ne peut lui être imputée ;
- cette décision méconnait les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dès lors que le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail procède d'un harcèlement moral.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 mars et 16 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet née le 7 juillet 2020 en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des arrêts maladie de M. C du 23 février 2015 au 13 novembre 2017 sont irrecevables en raison du caractère confirmatif de celle-ci au regard de la décision du 23 avril 2020, devenue définitive en l'absence de recours contentieux dirigé contre elle ;
- les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.
Par un courrier en date du 12 avril 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet née le 7 juillet 2020, en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des arrêts maladie de M. C du 23 février 2015 au 22 janvier 2016, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai 2017 au 13 novembre 2017, en raison du caractère confirmatif de celle-ci au regard de la décision du 23 avril 2020, devenue définitive en l'absence de recours contentieux dirigé contre elle.
III. Par une requête, enregistrée le 16 avril 2020 sous le n° 2006459, et un mémoire, enregistré le 5 mai 2020, M. A C, représenté par Me Béguin, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision implicite née le 14 mars 2020 par laquelle le commissaire central du commissariat du 8ème arrondissement de Paris par intérim a rejeté sa demande, présentée le 14 janvier 2020, tendant à reconnaitre l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 7 janvier au 2 avril 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier administratif préalablement à la réunion de la commission de réforme. A supposer qu'il ait été mis à même de le consulter, son dossier administratif était incomplet ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits de harcèlement moral et de violence psychologique qu'il a subis de la part de sa hiérarchie sont en lien avec sa pathologie dépressive ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail procède d'un harcèlement moral.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 mars et 16 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B,
- les conclusions de M. Abrahami, rapporteur public,
- et les observations de Me Béguin pour M. C.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C, capitaine de police, est entré dans les cadres de la police nationale le 6 janvier 2005. Il a été affecté, à compter du 18 décembre 2013, au commissariat du 4ème arrondissement de Paris, en qualité de chef des unités d'appui de proximité. Depuis le 20 août 2019, il est affecté au commissariat du 16ème arrondissement de Paris, en qualité d'officier du service de sécurisation du quotidien (SSQ) en charge des unités de nuit. Par une décision du 23 avril 2020, le préfet de police, après un avis défavorable de la commission de réforme en date du 11 février 2020, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de M. C du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai au 13 novembre 2017. M. C demande l'annulation de cette décision en tant qu'elle porte refus d'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014. Par une décision implicite, née le 7 juillet 2020, dont M. C demande l'annulation, le commissaire central du commissariat du 16ème arrondissement de Paris a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 23 février 2015 au 22 janvier 2016, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017, du 16 mai 2017 au 14 novembre 2017, du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 et du 6 avril 2020 au 17 mai 2020. Enfin, par une décision implicite, née le 14 mars 2020, dont M. C demande l'annulation, le commissaire central du commissariat du 8ème arrondissement de Paris par intérim a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'arrêt de travail de M. C du 7 janvier au 2 avril 2020.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°2006459, n°2007022 et n° 2013842 présentées par M. C présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul jugement.
Sur la recevabilité de la requête n° 2013842 :
3. Le préfet de police soutient que les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet née le 7 juillet 2020, en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des arrêts maladie de M. C du 23 février 2015 au 22 janvier 2016, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai 2017 au 14 novembre 2017 sont irrecevables en raison du caractère confirmatif de celle-ci au regard de la décision du préfet de police du 23 avril 2020, devenue définitive en l'absence de recours contentieux dirigé contre elle. Toutefois, il est constant que la décision du 23 avril 2020 a été contestée par M. C dans sa requête n° 2007022. Ainsi, cette décision n'a pas acquis de caractère définitif, de sorte que la décision attaquée du 7 juillet 2020 ne constitue pas une décision confirmative. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police ne qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus d'imputabilité au service de l'arrêt maladie du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014 :
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.
5. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Le fonctionnaire en activité a droit : () / 2° A des congés de maladie () / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article
L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite () ". Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors applicable : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée () ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " () Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. () ".
6. Aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986, dans sa version alors applicable : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. " Et aux termes de l'article 26 de ce même décret, dans sa version alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné ".
7. Il résulte des dispositions précitées du décret du 14 mars 1986 que la consultation du médecin du service de médecine préventive est constitutive d'une garantie pour le fonctionnaire demandant le bénéfice des dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Dans ce cadre, le médecin de prévention doit remettre à la commission de réforme un rapport écrit et peut, s'il le demande, obtenir communication du dossier de l'intéressé, présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion.
8. M. C soutient que la décision est entachée de vices de procédures dès lors que son dossier administratif était incomplet en l'absence du rapport de l'enquête administrative diligentée par le service de déontologie, de synthèse et d'évaluation (SDSE) en date du 20 décembre 2019 et, en outre, qu'aucun rapport du médecin chargé de la prévention ne lui a été transmis. D'une part, il ne ressort pas de la liste des pièces de son dossier administratif produite par le requérant que le rapport d'enquête du SDSE y figurait. En se bornant à faire valoir que ce rapport faisait partie intégrante du dossier de M. C, le préfet de police n'établit pas qu'il y figurait antérieurement à la réunion de la commission de réforme en date du 11 février 2020, malgré la mesure d'instruction diligentée en ce sens, à laquelle il n'a pas répondu. La circonstance que le rapport ait été produit par le préfet de police au cours de la présente instance ne permet pas non plus d'établir qu'il a fait l'objet d'une transmission à M. C préalablement à la réunion de la commission de réforme. Dès lors, M. C doit être regardé comme ayant été empêché de présenter des observations écrites sur ce rapport préalablement à la réunion de la commission de réforme, alors que cette dernière s'est notamment basée sur les conclusions de cette enquête administrative pour refuser de reconnaître l'imputabilité de ses arrêts de travail au service. Cette irrégularité est de nature à avoir privé l'intéressé d'une garantie. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de prévention a remis un rapport écrit à la commission de réforme, en méconnaissance des dispositions précitées des articles 18 et 26 du décret du 14 mars 1986. Cette seconde irrégularité est également de nature à avoir privé M. C d'une garantie. Par suite, la décision du 23 avril 2020, en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des arrêts pour maladie de M. C du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014 doit être annulée pour ces deux motifs.
En ce qui concerne le refus d'imputabilité au service de l'arrêt pour maladie du 23 février 2015 au 22 janvier 2016 :
9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
10. M. C fait valoir que l'arrêt de travail dont il a bénéficié du 23 février 2015 au 22 janvier 2016 est en lien direct avec sa convocation le 5 février 2015 devant le conseil de discipline, qui a eu lieu le 12 mars 2015, sur la base d'un rapport retenant plusieurs griefs tirés en particulier de " sa déviance sexuelle qui révèle une pathologie relevant d'une injonction thérapeutique ", de " son incompétence et de sa dangerosité sur la voie publique ", de " son commandement inadapté " et de " son caractère imprévisible et dangereux ", sur lesquels le ministre de l'intérieur s'est fondé pour prononcer une sanction d'exclusion temporaire de 15 jours en date du 30 avril 2015. Le requérant soutient que son arrêt de travail est notamment justifié par les termes excessifs de ce rapport, fondé sur des faits non établis, qui l'ont particulièrement éprouvé.
11. Il ressort des pièces du dossier, notamment des comptes rendus de rendez-vous médicaux entre le 15 juin 2015 et le 22 janvier 2016 produits par M. C, qu'il présentait durant cette période un état de forte anxiété associé à des douleurs morales. Si ces comptes rendus ne font pas état du lien entre son état de santé et ses conditions de travail, il est constant que la sanction d'exclusion temporaire de 15 jours prononcée à son encontre le 30 avril 2015 a été annulée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Paris n°1604891 du 11 mai 2017, au regard de l'appréciation erronée portée par le ministre de l'intérieur sur les faits de l'espèce. Ce jugement a notamment retenu que le comportement qualifié d'" insistant et déplacé " de l'intéressé vis-à-vis d'agents de sexe féminin placés sous son autorité ne dépassait pas les limites de la correction et qu'il n'a à aucun moment tiré argument de son grade pour tenter d'obtenir des faveurs. Cette sanction, dont il est établi qu'elle présentait un caractère injustifié, a par suite contribué à dégrader les relations de l'intéressé avec son entourage professionnel et à affecter son image au sein du service. Si le préfet de police soutient que l'affection invoquée par M. C est détachable du service dès lors notamment qu'il a fait preuve de manquements à son devoir de loyauté et à son devoir de réserve en enregistrant à leur insu ses supérieurs hiérarchiques lors d'un entretien, en engageant un détective privé pour suivre un adjoint de sécurité de son commissariat et en tenant des propos diffamatoires à l'égard de ses supérieurs et des agents de son commissariat lors d'interventions dans les médias, ces éléments, dont certains font référence à des faits postérieurs à son arrêt maladie, ne permettent pas de caractériser un fait personnel conduisant à pouvoir détacher du service l'aggravation de sa pathologie anxieuse. Ainsi, l'arrêt de travail de M. C du 23 février 2015 au 22 janvier 2016 présente un lien direct avec ses conditions de travail dégradées, caractérisées notamment par sa convocation devant le conseil de discipline sur la base d'un rapport rédigé en des termes inutilement offensants et reposant sur des affirmations sans rapport avec le comportement réel de M. C, ayant donné lieu à une sanction disciplinaire qui a été annulée au motif que les faits sur lesquels elle s'est fondée ne pouvaient être qualifiés de fautifs. Dans ces conditions, la sanction d'exclusion temporaire prononcée à son encontre doit être regardée en l'espèce comme constituant la cause principale de l'aggravation de sa pathologie, quand bien même M. C avait présenté auparavant un épisode dépressif. Par suite, M. C est fondé à demander l'annulation de la décision implicite du 7 juillet 2020 en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service de son arrêt maladie du 23 février 2015 au 22 janvier 2016.
En ce qui concerne le refus d'imputabilité au service des arrêts maladie du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai 2017 au 14 novembre 2017 :
12. M. C soutient que la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que son dossier administratif était incomplet en l'absence du rapport de l'enquête administrative diligentée par le service de déontologie, de synthèse et d'évaluation (SDSE) du 20 décembre 2019. Si l'intéressé a pu consulter son dossier préalablement à la réunion de la commission de réforme du 11 février 2020, le préfet de police n'établit pas que le rapport d'enquête y figurait avant cette réunion, alors que la commission de réforme s'est notamment fondée sur les conclusions de cette enquête pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 23 février 2015 au 14 novembre 2017, ainsi qu'il a été dit au point 8. Le dossier administratif de M. C étant incomplet, il a dès lors été empêché de présenter des observations écrites sur ce rapport préalablement à la réunion de la commission de réforme. Cette irrégularité est de nature à avoir privé M. C d'une garantie. Par suite, la décision implicite du 7 juillet 2020, en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service de ses arrêts maladie du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai au 14 novembre 2017, doit être annulée pour ce motif.
En ce qui concerne le refus d'imputabilité au service des arrêts maladie du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 et du 6 avril 2020 au 17 mai 2020 :
13. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986, alors applicable : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : () / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret () ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6, dans sa version applicable : " () Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 19 du même décret, dans sa version alors en vigueur : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote () ". Aux termes de l'article 18 de ce décret, dans sa version applicable : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous. " Aux termes de l'article 26 du décret, dans sa version en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. "
14. M. C soutient que la procédure d'édiction de la décision attaquée est irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis à même de consulter son dossier administratif et qu'aucun rapport du médecin de prévention n'a été transmis à la commission de réforme, qui ne comportait en outre pas de médecin spécialiste. Toutefois, la commission de réforme n'ayant pas été saisie en ce qui concerne l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 et du 6 avril 2020 au 17 mai 2020, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure au motif que le dossier n'était pas complet. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa version alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (.) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
16. D'une part, M. C fait valoir que l'arrêt de travail dont il a bénéficié du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 est en lien direct avec le harcèlement moral et la violence psychologique qu'il subit depuis 2012 de la part de sa hiérarchie ainsi qu'avec ses conditions de travail dégradées. S'il ressort des comptes rendus de rendez-vous médicaux entre le 25 juin et le 12 novembre 2018 que M. C présentait à cette époque un état de forte anxiété associé à des douleurs morales, ils ne font toutefois pas état du lien entre son état de santé et ses conditions de travail. En outre, l'intéressé ne produit aucun élément de nature à faire présumer qu'il subirait des faits de harcèlement moral ou de violence psychologique de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Par ailleurs, s'il soutient que sa rechute est notamment liée à la notification, le 9 mars 2018, de sa notation au titre de l'année 2017, il ne produit aucun élément permettant d'établir que cet événement aurait un lien avec l'aggravation de son état de santé. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'exercice des fonctions de M. C ou ses conditions de travail auraient un lien direct avec la survenance ou l'aggravation de sa pathologie.
17. D'autre part, M. C fait valoir que les arrêts de travail dont il bénéficié du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 et du 6 avril 2020 au 17 mai 2020 sont également en lien direct avec le harcèlement moral et la violence psychologique qu'il subit depuis 2012 de la part de sa hiérarchie ainsi qu'avec ses conditions de travail dégradées. Toutefois, si le compte rendu médical, produit pour la période de mai à novembre 2018, fait état d'une anxiété importante en avril 2018 puis d'une anxiété majeure en juin, septembre et octobre 2018 avant une régression en novembre 2018, ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, de présumer que le refus de faire droit à sa demande d'imputabilité au service des arrêts maladie du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 procèderait d'agissements revêtant le caractère de harcèlement moral ou serait en lien avec ses conditions de travail dégradées. Par ailleurs, il ressort du compte rendu médical du 15 mai 2020 produit par M. C qu'il ne présentait, à cette date, qu'une " anxiété modérée " et " aucun signe de la série dépressive " ni " aucune idée de suicide " et qu'il était considéré apte au service avec port d'arme. Ainsi, M. C n'établit pas la réalité de sa pathologie dépressive pendant la période du 6 avril 2020 au 17 mai 2020. Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. C n'est pas fondé à soutenir que la décision implicite, née le 7 juillet 2020, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 22 mai 2018 au 13 novembre 2018 et du 6 avril 2020 au 17 mai 2020 serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ou révélerait une pratique relevant du harcèlement moral de la part de sa hiérarchie.
En ce qui concerne le refus d'imputabilité au service des arrêts maladie du 7 janvier au 2 avril 2020 :
19. En premier lieu, M. C soutient ne pas avoir été mis à même de consulter son dossier administratif préalablement à la décision implicite par laquelle le commissaire central du commissariat du 8ème arrondissement de Paris par intérim a rejeté sa demande, présentée le 14 janvier 2020, tendant à reconnaitre l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 7 janvier au 2 avril 2020. Toutefois, la commission de réforme n'ayant pas été saisie de l'imputabilité au service de cet arrêt de travail, M. C n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, qui trouvent uniquement à s'appliquer en cas de réunion de la commission de réforme. Dès lors, le moyen tiré de ce que son dossier administratif serait incomplet doit être écarté comme inopérant.
20. En deuxième lieu, M. C fait valoir que l'arrêt de travail dont il a bénéficié du 7 janvier au 2 avril 2020 est en lien direct avec le harcèlement moral et la violence psychologique qu'il subit depuis 2012 de la part de sa hiérarchie. Toutefois, l'intéressé ne produit aucun certificat médical ou document dans la présente instance permettant d'établir la réalité de sa pathologie dépressive pendant la période où il était en arrêt maladie. Dès lors, M. C n'est pas fondé à soutenir que la décision implicite, née le 14 mars 2020, par laquelle le commissaire central du commissariat du 8ème arrondissement de Paris par intérim a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 7 janvier au 2 avril 2020 serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Le moyen doit être écarté comme non fondé.
21. En dernier lieu, M. C ne produit aucun élément de nature à faire présumer que le refus de faire droit à sa demande d'imputabilité au service de son arrêt pour maladie du 7 janvier au 2 avril 2020 procèderait d'agissements revêtant le caractère de harcèlement moral. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée constituerait un harcèlement moral doit être écarté.
22. Il résulte de ce tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler, la décision du 23 avril 2020 en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des arrêts pour maladie de M. C du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014. D'autre part, il y a lieu d'annuler la décision implicite née le 7 juillet 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de M. C du 23 février 2015 au 22 janvier 2016, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai 2017 au 14 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
23. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 11, le présent jugement implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de police de reconnaître à M. C la prise en charge de son arrêt pour maladie du 23 février 2015 au 22 janvier 2016 au titre d'une maladie imputable au service, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la demande de M. C en ce qui concerne le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts pour maladie du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai au 13 novembre 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les frais liés aux litiges :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 23 avril 2020, en tant qu'elle porte refus d'imputabilité au service
des arrêts de travail de M. C du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014, et la décision implicite née le 7 juillet 2020, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts pour maladie de M. C du 23 février 2015 au 22 janvier 2016, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai 2017 au 14 novembre 2017, sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de prendre en charge l'arrêt pour maladie de M. C du 23 février 2015 au 22 janvier 2016 au titre d'une maladie imputable au service et de réexaminer sa demande en ce qui concerne le refus de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie du 25 octobre 2013 au 18 juillet 2014, du 24 mai 2016 au 16 janvier 2017 et du 16 mai au 13 novembre 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L'Etat versera à M. C une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. C est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente,
M. Pény, premier conseiller,
M. Doan, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2022.
Le rapporteur
A. B
La présidente,
F. Versol
Le greffier,
A. Lemieux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 2006459 - 2007022 - 2013842/6-3