Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL CLAIR AZUR, dont le siège social se trouve 5, avenue Paul Doumer à Rueil Malmaison (92500), représentée par Me Bécheret, mandataire liquidateur, par Me Sanchez, avocat à la Cour ; la SARL CLAIR AZUR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0709191 du 7 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que l'administration fiscale ne pouvait régulièrement et sans méconnaître son droit à un recours effectif, garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lui refuser la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dès lors que les propositions de rectification ont été adressées à son siège social, alors que le jugement d'ouverture de liquidation étant intervenu, elles devaient être adressées au mandataire liquidateur et qu'ainsi, il ne saurait lui être fait grief d'avoir contesté les redressements après l'expiration du délai de trente jours ;
- que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point ;
- qu'en l'absence d'expert comptable, la procédure de rectification n'a pas pu donner lieu à un débat oral et contradictoire ;
- que la reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire, dès lors qu'il surestime son résultat en ne tenant pas compte de la prescription cambiaire et de la clause de réserve de propriété ;
- que le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs, s'agissant des chèques impayés ;
- que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, la clause de réserve faisant du paiement effectif du prix la condition de transfert de propriété, la taxe grevant les transactions correspondant aux chèques saisis et atteints par la prescription cambiaire ne pouvait être regardée comme exigible ;
- que l'administration fiscale ne pouvait pas refuser de tenir compte de la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspondant aux achats dont les reventes ont été assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, alors qu'elle pouvait connaître le montant de ces achats par l'exercice du droit de communication auprès de ses fournisseurs ;
- que, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, les chèques, saisis le 18 avril 2003, étaient atteints par la prescription cambiaire et ne pouvaient donc être recouvrés ;
- qu'en retenant un taux de charge de 30 %, l'administration fiscale s'est livrée à une évaluation trop approximative de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés ;
- qu'il convient de nommer un expert en vue de la détermination de ses bases imposables ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :
- le rapport de M. Tar, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL CLAIR AZUR, qui exerçait une activité de commerce de produits d'arts de la table jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 24 juin 2004, a fait l'objet de vérifications de comptabilité portant sur l'année 2001 et sur la période du 1er janvier 2002 au 24 juin 2004, à l'issue desquelles et après que l'administration a écarté sa comptabilité comme non probante et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, ont été mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt au titre des années 2002 et 2003 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, assortis de pénalités ; que la SARL CLAIR AZUR, représentée par son liquidateur judiciaire, Me Bécheret, fait appel du jugement du 7 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins de décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu aux moyens soulevés devant lui par la SARL CLAIR AZUR et a, en particulier, exposé les considérations de droit et de fait qui l'ont conduit à juger que la requérante n'avait pas été irrégulièrement privée du droit de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'affirme la SARL CLAIR AZUR, il résulte de l'instruction que c'est au liquidateur de cette société qu'ont été notifiées les propositions de rectification du 9 août 2004 et du 20 avril 2005 ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune réponse n'a été faite à la première proposition de rectification et que la réponse du liquidateur à la seconde proposition de rectification, laquelle avait été reçue le 22 avril 2005, a été postée le 24 mai 2005, soit au-delà du délai de trente jours qui lui était imparti ; qu'ainsi, la SARL CLAIR AZUR doit être regardée comme n'ayant pas contesté les redressements envisagés par l'administration fiscale, laquelle était, dès lors, en droit d'établir l'imposition sans consulter la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'à cet égard, si la requérante soutient que son droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu, elle ne peut utilement invoquer ces stipulations dans un litige ayant uniquement trait à l'assiette de l'impôt et qui ne porte, par suite, ni sur une contestation de caractère civil ni sur une accusation en matière pénale, au sens desdites stipulations ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, que la procédure de vérification dont la SARL CLAIR AZUR a fait l'objet a donné lieu à une rencontre entre la vérificatrice et le gérant de la société depuis le 2 juillet 2002, à des échanges avec Me Sanchez, son conseil, auquel elle avait donné un mandat de représentation, ainsi qu'à deux rencontres avec son gérant de droit au cours de la période vérifiée et que la dernière intervention de la vérificatrice, postérieure à la mise en liquidation judiciaire, s'est déroulée au cabinet du liquidateur et en sa présence ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette société aurait été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article
R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré " ; que, d'autre part, aux termes de l'article
L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
6. Considérant que la SARL CLAIR AZUR devant, comme il a été dit, être regardée comme s'étant abstenue de répondre dans le délai légal aux deux propositions de rectification qui lui ont été adressées, la charge de la preuve de l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du mois de novembre 2001 et de celle allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001, qui ont été établis suivant la procédure contradictoire, lui incombe ;
7. Considérant, par ailleurs, que la SARL CLAIR AZUR ne conteste pas avoir été régulièrement taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2001, du mois de décembre 2001 et de la période allant du 1er janvier 2003 au 31 janvier 2003 et à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt au titre des exercices clos les 31 décembre 2002 et 2003 ; qu'ainsi, la charge de la preuve de l'exagération des rappels mis à sa charge au titre de cette période lui incombe ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article
271 du code général des impôts, dans sa version applicable aux rappels litigieux : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leurs sont délivrés par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur les dites factures ; (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'en l'absence des factures correspondant aux montants de taxe sur la valeur ajoutée que la SARL CLAIR AZUR avait déduite au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, l'administration a, à bon droit, rappelé ladite taxe ; d'autre part, que la requérante n'est pas fondée à demander la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait grevé les achats correspondant aux charges que l'administration fiscale a évaluées forfaitairement à 30 % du chiffre d'affaires pour le calcul du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2002 et 2003 dès lors qu'elle ne présente aucune facture et ne justifie pas avoir acquitté cette taxe ; qu'enfin, la SARL CLAIR AZUR ne peut faire grief à l'administration fiscale de ne pas avoir fait usage de son droit de communication auprès de ses fournisseurs en vue d'évaluer plus précisément ses droits à déduction ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article
256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de bien (...) II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. (...) 3° Sont également considérés comme livraisons de biens : (...) d) la remise matérielle d'un bien meuble corporel en vertu d'un contrat de vente qui comporte une clause de réserve de propriété (...) " ; qu'aux termes de l'article
269 du même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'achat au sens du 10° de l'article 257, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées au b,c,d et e du 1, (1) lors de la réalisation du fait générateur " ;
11. Considérant qu'il n'est pas contesté que la SARL CLAIR AZUR tirait ses recettes de la vente de biens meubles corporels qui étaient livrés au moment de l'achat ; que, contrairement à ce qu'affirme la SARL CLAIR AZUR, la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle collectait dans le cadre de son activité était exigible dès la livraison des marchandises et non à compter de l'encaissement du prix payé par ses clients ; qu'ainsi, et quand bien même les transactions correspondant aux chèques bancaires saisis par l'autorité judiciaire le 18 avril 2003 auraient comporté une clause de réserve de propriété et sans qu'importe la prescription cambiaire, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait rappeler la taxe sur la valeur ajoutée grevant les livraisons de biens qui ont été révélées par ces chèques, faute de survenance du fait générateur de cette taxe, doit être écarté ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article
38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. " ;
13. Considérant que les sommes révélées par les chèques saisis par l'autorité judiciaire constituaient des créances acquises et devaient, par suite, être prises en compte pour le calcul du bénéfice imposable au titre de l'exercice au cours duquel les livraisons correspondantes sont intervenues ; que la SARL CLAIR AZUR, qui ne justifie d'aucune diligence accomplie en vue de recouvrer ces sommes et qui n'a pas passé d'écriture comptable en vue de provisionner la perte correspondante, n'est pas fondée à soutenir qu'en raison du caractère irrécouvrable de ces créances, celles-ci devraient être déduites de son bénéfice imposable ;
14. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL CLAIR AZUR, qui se borne à affirmer que le taux de marge résultant de la fixation forfaitaire de ses charges à 30 % du chiffre d'affaires ne serait pas réaliste mais ne produit pas le moindre élément caractérisant ses conditions d'exploitation au cours des années 2002 et 2003, n'établit pas que les bases d'imposition résultant de cette estimation forfaitaire seraient exagérées ; que, notamment, en se bornant à évoquer sa liasse fiscale correspondant à l'année 2001, mais sans la produire et sans en tirer une évaluation de son taux de marge, elle ne critique pas utilement le taux de marge retenu ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à affirmer que son bénéfice imposable n'a pas été déterminé " par comparaison ", la SARL CLAIR AZUR n'établit pas, comme elle en a la charge, que la méthode de reconstitution de son bénéfice imposable au titre des années 2002 et 2003 a conduit à exagérer ses bases d'imposition ;
16. Considérant, enfin, que la SARL CLAIR AZUR, en se bornant à contester, par les moyens écartés ci-dessus, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcés à son encontre par l'administration fiscale, n'établit pas qu'en retenant un profit sur le Trésor résultant de ce que la taxe sur la valeur ajoutée, qu'elle n'a pas versée et qu'elle a déduite à tort, a constitué pour elle un profit égal au montant de ces rappels, l'administration fiscale aurait exagéré ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SARL CLAIR AZUR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la SARL CLAIR AZUR et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL CLAIR AZUR est rejetée.
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N° 11VE02074