Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 octobre et 19 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS), la Fédération française d'ULM (FFPULM), le Comité de sauvegarde et de défense de l'aérodrome de Sallanches (CSDAS) et l'aéroclub de Sallanches demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution des articles 2 et 3 de l'arrêté du 24 juillet 2020 de la ministre de la transition écologique portant modification de l'arrêté du 11 mars 1975 relatif à l'agrément à usage restreint de l'aérodrome de Sallanches-Mont-Blanc (Haute-Savoie) et fermeture de cet aérodrome, ainsi que de la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le litige relève de la compétence du Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort ;
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir dès lors que les décisions contestées procèdent à la fermeture de l'aérodrome, sans prévoir la relocalisation de l'activité aérienne dans les environs, ce qui contraint à évacuer les aéronefs, compromet le développement de l'activité aérienne locale et prive les pilotes d'une solution de repli sécurisée en cas de panne ou d'incident technique ;
- l'aérodrome étant en état de fonctionner, une réouverture reste possible ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que les décisions contestées portent atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, d'une part, à leur situation à raison de l'obligation pour les membres de l'aéroclub de Sallanches et du CSDAS de libérer les locaux de l'aérodrome et de déplacer leurs aéronefs sans disposer d'un local pour les stationner, d'autre part, à la situation économique des sociétés de transport touristiques et, enfin, à l'intérêt public s'attachant à la sécurité aérienne, le terrain de Sallanches constituant l'unique terrain de sécurité et de secours dans le domaine montagneux de la vallée de Chamonix et du Mont-Blanc ;
- la suspension de l'exécution de ces décisions n'aurait aucune incidence sur les intérêts publics en présence et la date d'introduction de la requête ne fait pas obstacle à ce que la condition d'urgence soit regardée comme remplie, dans la mesure où ils ont formé un recours gracieux et fait preuve de diligence ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- l'arrêté du 24 juillet 2020 est entaché d'incompétence faute pour son signataire de justifier d'une délégation régulière pour le prendre ;
- en tant qu'il prononce la fermeture de la plate-forme aérienne et qu'il abroge l'arrêté ministériel du 29 novembre 1974 autorisant son ouverture, il méconnaît le régime applicable à la fermeture des aérodromes tel qu'il résulte des dispositions des articles D. 231-1 et suivants du code de l'aviation civile et de l'article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 dès lors que la fermeture a été décidée, d'une part, sans l'enquête publique préalable visant à recueillir l'avis des tiers intéressés et, d'autre part, sans une enquête technique suffisante ;
- en tant qu'il abroge l'arrêté du 11 mars 1975 relatif à l'agrément pour usage restreint, il ne répond pas à l'exigence de motivation prévue par l'article
D. 212-3 du code de l'aviation civile et n'est fondé sur aucun des motifs énoncés à l'article
D. 212-1 du même code, qu'il ne vise pas ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que cet aérodrome, qui demeure opérationnel, est l'unique terrain de recueil de la vallée d'Arve, aucune solution alternative ou de relocalisation n'ayant été envisagée et, d'autre part, que si le terrain d'aviation de Sallanches nécessitait la réalisation de travaux, ceci ne justifiait pas pour autant sa fermeture définitive ;
- il procède d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les décisions contestées ayant produit tous leurs effets avant la saisine du juge des référés, la demande tendant à la suspension de leur exécution est irrecevable faute d'objet, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des actes attaqués.
La requête a été communiquée à la commune de Sallanches qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des transports ;
- le code de l'aviation civile ;
- l'arrêté du 11 mars 1975 relatif à l'agrément à usage restreint de l'aérodrome de Sallanches-Mont-Blanc (Haute-Savoie) modifié ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS), la Fédération française d'ULM (FFPULM), le Comité de sauvegarde et de défense de l'aérodrome de Sallanches (CSDAS) et l'aéroclub de Sallanches, d'autre part, la ministre de la transition écologique et, enfin, la commune de Sallanches ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 19 novembre 2020, à 14 heures 30 :
- Me Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du CNFAS, de la FFPULM, du CSDAS et de l'aéroclub de Sallanches ;
- les représentants du CNFAS, de la FFPULM, du CSDAS et de l'aéroclub de Sallanches ;
- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la ministre de la transition écologique ;
- les représentants de la ministre de la transition écologique ;
à l'issue de cette audience, l'instruction a été close.
Considérant ce qui suit
:
1. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. Il résulte de l'instruction que, sur la demande du maire de la commune de Sallanches en date du 19 septembre 2019, la ministre de la transition écologique a, par un arrêté du 24 juillet 2020, d'une part, modifié, en son article 1er, l'arrêté du 11 mars 1975 relatif à l'agrément à usage restreint de l'aérodrome de Sallanches-Mont-Blanc pour y introduire de nouvelles dispositions applicables durant une période transitoire allant du 1er au 31 août 2020, d'autre part, prononcé, en son article 2, la fermeture de cet aérodrome à toute circulation aérienne à compter du 1er septembre 2020 et sa suppression de la liste n° 3 des aérodromes dont la création et la mise en service ont été autorisés et, enfin, abrogé en conséquence, en son article 3, l'arrêté du 29 novembre 1974 autorisant la création de l'aérodrome et l'arrêté précité du 11 mars 1975. Le Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS), la Fédération française d'ULM (FFPULM), le Comité de sauvegarde et de défense de l'aérodrome de Sallanches (CSDAS) et l'aéroclub de Sallanches demandent la suspension de l'exécution des dispositions des articles 2 et 3 de cet arrêté.
4. Pour demander la suspension des décisions de fermeture de l'aérodrome de Sallanches-Mont-Blanc et d'abrogation des arrêtés relatifs à sa création et à son agrément, les requérants font valoir l'obligation dans laquelle se trouvent les membres de l'aéroclub de Sallanches et du CSDAS de libérer les locaux de l'aérodrome et de déplacer leurs aéronefs sans disposer d'un local pour les stationner ainsi que l'impact sur l'activité aérienne locale. Toutefois, il résulte de l'instruction que cet aérodrome communal n'était agréé que pour un usage restreint réservé aux pilotes d'avions et de planeurs spécialement qualifiés, aux ULM et aux hélicoptères, sans être ouvert à la circulation aérienne publique, et présentait des capacités opérationnelles limitées, pour une vocation essentiellement tournée vers des activités de tourisme et de loisirs. Il n'accueillait, sur site, que six ULM et un aéronef, qui, selon les indications données à l'audience, ont été déplacés et pour lesquels des solutions, au moins pour quelques temps, ont pu être trouvées. Par ailleurs, la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 juillet 2020, qui comportait une période transitoire d'un mois pour une fermeture prenant effet le 1er septembre, n'a été introduite que fin octobre, à la suite du rejet d'un recours gracieux. Il résulte de l'instruction que depuis l'entrée en vigueur de cet arrêté, l'aérodrome a été mis hors d'usage par la commune de Sallanches et les hangars présents sur le site ont été démolis. Le conseil municipal de Sallanches a d'ailleurs adopté le 22 septembre 2020, dans le cadre de son projet de réaménagement du site des Ilettes en vue de conforter son caractère d'espace naturel sensible, une délibération prononçant le déclassement du domaine public communal des parcelles qui étaient affectées à l'usage de l'aérodrome.
5. En outre, si deux sociétés de transport touristique soutiennent que la disparition de l'aérodrome est susceptible de compromettre la poursuite de leur activité de survol du Massif du Mont-Blanc et donc l'emploi de leurs salariés, ces sociétés, qui sont basées à Annecy et Megève, se bornent, pour l'établir, à affirmer le rôle essentiel de cet aérodrome pour la sécurité des circuits proposés à leurs clients, sans apporter d'élément à l'appui de leurs allégations concernant les répercussions de la fermeture sur leur activité.
6. Enfin, les requérants invoquent les exigences s'attachant à la sécurité aérienne pour les pilotes d'ULM et d'aéronefs, le terrain de Sallanches constituant selon eux l'unique terrain de sécurité et de secours dans le domaine montagneux de la vallée de Chamonix et du Mont-Blanc. Il résulte toutefois de l'instruction que la fermeture de cet aérodrome communal à usage restreint, qui, comme indiqué précédemment, présentait des capacités opérationnelles limitées et n'était pas ouvert à la circulation aérienne publique, est, entre autres, motivée par la dégradation de l'état de la piste et de son abord. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 4, dans le délai séparant l'adoption de l'arrêté et la demande de suspension, l'aérodrome a été mis hors d'usage. Il n'est pas contesté que cette information a été, selon les procédures prévues, portée à la connaissance des navigants aériens en vue de l'adaptation des plans de vol à cette situation, alors qu'il existe d'autres plates-formes à proximité, notamment à Albertville et Annemasse. S'agissant des ULM, il résulte de l'instruction qu'au vu de la spécificité de ces appareils, ceux-ci ne sont en tout état de cause pas dépourvus, dans l'immédiat, de solutions en cas d'urgence, dont, comme précisé à l'audience, le recours à l'hélistation de l'hôpital de Sallanches.
7. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article
L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la transition écologique ni sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, la requête du Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives et autres ne peut être accueillie, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la ministre de la transition écologique.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative par la ministre de la transition écologique sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives (CNFAS), premier requérant dénommé, et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée à la commune de Sallanches.