Cour d'appel de Douai, 14 mars 2013, 12/01881

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-10-29
Cour d'appel de Douai
2013-03-14

Texte intégral

République Française Au nom du Peuple Français COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT

DU 14/03/2013 *** N° MINUTE : N° RG : 12/01881 Jugement (N° ) rendu le 14 Février 2012 par le Tribunal de Commerce de LILLE REF : PB/FB APPELANTES S.A. GAN ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4] [Localité 4] représentée et assistée par Maître Philippe BODEREAU, avocat au barreau d'ARRAS SAS SOCIETE DU POIDS LOURD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 5] [Localité 1] représentée et assistée de Maître Philippe BODEREAU, avocat au barreau d'ARRAS INTIMÉES SAS ID VOYAGES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Localité 2] représentée par Maître Roger CONGOS, avocat au barreau de DOUAI assistée de Maître Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE, SA AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 3] [Localité 5] représenté par Maître Roger CONGOS, avocat au barreau de DOUAI assistée de Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE, Société IVECO FRANCE Maître Philippe DESCHODT, avocat au barreau de LYON [Adresse 1] [Localité 3] représentée et assistée par Maître Anne CHAMPAGNE, avocat au barreau de DOUAI DÉBATS à l'audience publique du 15 Janvier 2013 tenue par Patrick BIROLLEAU magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Patrick BIROLLEAU, Président de chambre Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller Stéphanie BARBOT, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 Décembre 2012 ***** La société de transport de personnes ID VOYAGES, victime de l'incendie d'un autocar à l'issue d'une réparation effectuée sur ce véhicule par la SAS SOCIÉTÉ DU POIDS LOURD (SPL), et son assureur la SA AXA FRANCE IARD ont, par acte du 15 octobre 2010, assigné SPL devant le tribunal de commerce de Lille devant lequel est intervenue volontairement l'assureur de cette dernière, la SA GAN ASSURANCES. Par acte du 1er avril 2011, GAN ASSURANCES a mis en cause la société IVECO, constructeur du véhicule en cause. Le tribunal de commerce, par jugement rendu le 14 février 2012, a donné acte à la SA GAN ASSURANCES de son intervention volontaire, condamné solidairement la SA SPL et la SA GAN ASSURANCES à payer à la SA AXA FRANCE IARD la somme de 130.302,00 euros, avec intérêts capitalisés à compter du 22 septembre 2010, à ID VOYAGES celle de 18.420,00 euros, avec intérêts capitalisés à compter du 3 juillet 2009, à ID VOYAGES et AXA FRANCE IARD celle de 2.500,00 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, répartie par moitié entre ID VOYAGES et AXA FRANCE IARD et à IVECO celle de 2.000,00 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les autres parties de toutes leurs autres demandes et condamné solidairement SPL et GAN ASSURANCES aux dépens. Les sociétés SPL et GAN ASSURANCES ont interjeté appel de ce jugement. Par conclusions déposées le 19 octobre 2012, elles demandent d'infirmer le jugement entrepris et : - à titre principal, de débouter ID VOYAGES et AXA de leurs demandes, de dire que le préjudice invoqué par ID VOYAGES et AXA trouve son origine dans l'existence d'un vice caché ; - subsidiairement, de dire qu'IVECO est seule responsable du sinistre sur le fondement des produits défectueux et sur celui de la garantie contractuelle ; - à titre infiniment subsidiaire, de réduire sensiblement les prétentions présentées et rejeter les demandes relatives au poste locatif et à la perte commerciale et sur la demande de capitalisation des intérêts, de faire application de la clause de la police d'assurance prévoyant une garantie acquise sous déduction d'une franchise de 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1.032,00 euros et un maximum de 5.158,00 euros ; - en tout état de cause, de condamner in solidum ID VOYAGES et AXA, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à SPL et à GAN ASSURANCES la somme de 3.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Elles font valoir qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du garagiste-réparateur dès lors que les expertises amiables versées aux débats ne permettent de déterminer ni l'origine de l'incendie, ni le siège exact de celui-ci et que le faisceau remplacé ne peut être à l'origine du sinistre. Elles invoquent ensuite, au soutien de la responsabilité du constructeur à raison des vices cachés, une fragilité du véhicule à l'incendie du fait : - des matières plastiques composites constituant les feux arrières, propres à favoriser la progression de l'incendie, IVECO ayant, par fiche de 2008, recommandé la mise en place de carters de protection sur l'arrière du feu côté compartiment moteur ; - de la mauvaise fixation des tuyaux de gasoil et tuyaux in/out d'alimentation en carburant, sensibles aux vibrations et, par leur proximité du faisceau électrique, présentant un risque de fuite de gasoil sur un moteur chaud. Les sociétés ID VOYAGES et AXA, appelantes à titre incident, par dernières conclusions déposées le 22 août 2012, concluent à l'infirmation du jugement sur le préjudice et : - à la condamnation de SPL et de GAN ASSURANCES à payer à ID VOYAGES la somme de 88.892,51 euros et à AXA celle de 130.302,00 euros, augmentée chacune des intérêts de droit avec capitalisation ; - subsidiairement, à la condamnation alternative ou conjointe d'IVECO au paiement des mêmes sommes ; - à la condamnation de toute partie succombante au paiement de la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. La SA IVECO, par conclusions déposées le 27 août 2012, conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de SPL et de GAN ASSURANCES au paiement de la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle indique que le garagiste, tenu d'une obligation de résultat à l'occasion de son intervention sur le véhicule, ne rapporte la preuve ni de la cause étrangère justifiant l'inexécution de l'obligation à laquelle il était astreint, ni d'un quelconque vice de construction affectant l'autocar. Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les parties de leur recherche de responsabilité du constructeur au titre des vices cachés, en soulignant l'absence de défectuosité : - du faisceau remplacé, dont le fonctionnement, en tout état de cause, ne peut provoquer un incendie; - du système des feux arrières, pour lequel la recommandation constructeur de mise en place de carters de protection sur l'arrière du feu côté compartiment moteur ne répondait pas à un quelconque risque d'incendie ; - du système de fixation des tuyaux de carburant, la fragilité de ces tuyaux, susceptibles de se fissurer lors de leur manipulation, n'ayant pas été retenue comme cause du sinistre par le Cabinet [W] lors de ses opérations d'expertise en septembre 2009 alors que l'hypothèse avait alors été émise par l'expert de GAN ASSURANCES. DISCUSSION

Attendu que

la société ID VOYAGES a, selon ordre de réparation du 6 mai 2009, confié à la société SOCIÉTÉ DU POIDS LOURD (SPL) un autocar de marque IRISBUS, équipé d'une motorisation IVECO, à la suite de l'allumage du voyant de dysfonctionnement électronique du moteur ; qu'ayant décelé une anomalie sur le faisceau alimentant les servitudes moteur, SPL a réparé le faisceau avant de le remonter, le 3 juillet 2009 a posé un faisceau neuf, puis a procédé à un essai routier satisfaisant du véhicule ; que, le même jour, sur le chemin du retour au siège de l'entreprise, l'autocar, dont ID VOYAGES venait de prendre possession, a pris feu à l'arrière au niveau du compartiment moteur ; Sur la responsabilité du garagiste-réparateur Attendu qu'en application de l'article 1147 du code civil, le garagiste est débiteur d'une obligation de résultat envers son client et ne peut s'exonérer de sa responsabilité que s'il démontre que le préjudice invoqué par le propriétaire du véhicule réparé résulte de causes qui lui sont étrangères, pour autant que le dommage trouve son origine dans les travaux exécutés par le garagiste; Attendu que, selon rapport d'expertise amiable contradictoire du 25 septembre 2009 du Cabinet [W] agissant à la requête de GAN ASSURANCES, l'expert observe que 'le point de départ de l'incendie se trouve dans la zone de l'intervention' de SPL, et que 'l'origine pourrait en être un court circuit, ou toute autre cause' ; que ce rapport retient toutefois que 'le faisceau remplacé ne comprend aucune puissance' - ce faisceau se bornant à collecter des informations de diverses sondes moteur et à alimenter le calculateur moteur - et conclut que 'la cause précise de l'incendie n'est pas démontrée' ; Que la société CAP EUROPE EXPERTS, mandatée par AXA, par note du 24 juillet 2009, se borne à indiquer 'l'examen contradictoire sans démontage nous a néanmoins permis de localiser le foyer de l'incendie : compartiment moteur, partie arrière gauche' ; que le cabinet d'expertises AUTOTECH CONSEILS, expert conseil d'AXA, précise que 'l'origine vraisemblable de l'incendie est à rechercher soit auprès du constructeur, surtout du réparateur SPL qui est intervenu directement sur les faisceaux électriques du moteur avec dépose d'éléments annexes à la gestion du moteur quelques kilomètres avant l'incendie du véhicule' ; Que, par rapport complémentaire du 12 novembre 2011, le Cabinet [W] précise que les notes du constructeur de 2010 et 2011 font état de la fragilité des canalisations de carburant in/out sur ces motorisations et conclut que ce n'est pas une action fautive de SPL qui est à l'origine du sinistre, mais la fragilité des canalisations de carburant qui a été mise en évidence prématurément du fait des deux manipulations successives lors de la réparation du faisceau ; Attendu que : - ni la localisation - peu précise - du point de départ de l'incendie 'dans la zone d'intervention' de SPL ; - ni l'éventuelle manipulation de tuyaux de carburant gazole et de tuyaux hydrauliques - évoquée par le rapport complémentaire du 12 novembre 2011 du Cabinet [W] - dont rien n'établit qu'elle n'aurait pas été effectuée par SPL dans les règles de l'art, les notes techniques d'IVECO n° FH-2010-109 et n° 2011/0115/2 recommandant l'élimination des colliers de fixation des tuyaux à carburant étant postérieures aux travaux du garagiste ; - ni la concomitance de l'incendie et de la réparation, ne sont à eux seuls suffisants à établir un lien entre le sinistre et la réparation effectuée ; qu'en outre, les experts soulignent d'une part que le faisceau remplacé, qui n'a aucune puissance électrique, n'a pu être en lui-même la source de l'embrasement, d'autre part que la cause de l'incendie n'est finalement pas déterminée ; que la preuve n'est, dans ces conditions, pas rapportée que le dommage trouve son origine dans les travaux exécutés par le garagiste ; que c'est donc à tort qu'ID VOYAGES et AXA invoquent la responsabilité de plein droit pesant sur le garagiste-réparateur ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; Sur la responsabilité du constructeur Attendu que SPL et GAN soutiennent que le véhicule serait affecté de vices cachés favorisant une fragilité à l'incendie et tenant à la présence de matières plastiques dans les feux arrières et à la détérioration des tuyaux d'alimentation en carburant ; Attendu que les vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil sont des défauts cachés, non décelables, de la chose vendue la rendant impropre à l'usage normal auquel on la destine ; que le manquement du débiteur ne donne lieu à réparation que s'il est en lien de causalité avec le dommage subi ; Mais attendu que SPL et GAN ne démontrent : - ni l'existence de défauts compromettant l'usage de la chose, tel n'étant le cas : - ni de la matière des feux arrières du véhicule, dont il n'est pas démontré qu'elle présentait un risque de propagation de l'incendie, la fiche de recommandation d'IVECO de 2008 sur ce point ne faisant état que de risque de corrosion et d'entrée d'eau projetée par les roues ; - ni d'une prétendue fragilité des tuyaux à carburant, aucune fissuration de ces tuyaux n'ayant été constatée sur l'autocar en cause ; - ni, en toute hypothèse, le lien de cause à effet entre les vices invoqués et le dommage survenu ; Qu'en conséquence, la Cour confirmera le jugement en ce qu'il a débouté ID VOYAGES, AXA, SPL et GAN ASSURANCES de leurs demandes fondées sur la responsabilité du constructeur à raison des vices cachés ; Attendu que l'équité commande de condamner in solidum ID VOYAGES et AXA, qui succombent, à payer, au titre des frais hors dépens, à SPL et GAN ASSURANCES la somme de 2.500,00 euros et à IVECO celle de 2.000,00 euros ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 14 février 2012 par le tribunal de commerce de Lille, sauf en ce qui a débouté les parties de leurs demandes fondées sur la responsabilité du constructeur à raison des vices cachés, Statuant à nouveau, Déboute la SAS ID VOYAGES et la SA AXA FRANCE IARD de leurs demandes, Condamne in solidum la SAS ID VOYAGES et la SA AXA FRANCE IARD à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la SAS SOCIÉTÉ DU POIDS LOURD et à la SA GAN ASSURANCES la somme de 2.500,00 euros et à la SA IVECO celle de 2.000,00 euros, Condamne in solidum la SAS ID VOYAGES et la SA AXA FRANCE IARD aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le GreffierLe Président Marguerite Marie HAINAUTPatrick BIROLLEAU