Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème Chambre, 18 avril 2016, 15MA03482

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    15MA03482
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Décision précédente :tribunal administratif de Montpellier, 3 juillet 2015
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000032472990
  • Rapporteur : M. Allan GAUTRON
  • Rapporteur public :
    M. THIELE
  • Président : M. MARCOVICI
  • Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB & ASSOCIES
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
2016-04-18
tribunal administratif de Montpellier
2015-07-03

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : La société Twin Audiolive SARL a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le marché public relatif à la location, la mise en place et l'exploitation d'équipements scéniques pour des spectacles concernant le lot n° 1 du marché conclu, le 1er avril 2014, entre la commune de Montpellier et la société Texen et de l'indemniser de son préjudice consécutif à son éviction, à hauteur de 25 000 euros. Par un jugement n° 1402425 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société Twin Audiolive et mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 août 2015 et les 19 et 25 janvier 2016, la société Twin Audiolive, représentée par MeB..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 juillet 2015 ; 2°) d'annuler le marché public relatif à la location, la mise en place et l'exploitation d'équipements scéniques pour les spectacles concernant le lot n° 1 du marché conclu, le 1er avril 2014, entre la commune de Montpellier et la société Texen ; 3°) de condamner la commune de Montpellier à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation dudit marché, avec intérêts légaux à compter du 26 janvier 2015 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable au regard notamment des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - l'acte d'engagement est entaché d'incompétence à raison du renouvellement du conseil municipal avant sa signature et de l'absence de délégation au profit de son signataire ; - les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ; - l'avis d'appel public à la concurrence est irrégulier ; - au regard notamment des dispositions de l'article 10 du code des marchés publics, le marché litigieux aurait dû faire l'objet d'un allotissement en quatre lots, le lot n° 1 devant être décomposé en trois lots ; - la procédure de passation du marché litigieux est entachée de vices destinés à favoriser la société Texen ; - la définition des besoins par le pouvoir adjudicateur a été formulée en référence à des spécifications techniques discriminatoires, correspondant aux produits offerts par la même société, pour des éléments essentiels du marché litigieux ; - les documents de la consultation ne sont pas rédigés de façon claire ; - les mêmes vices entachent l'attribution du lot n° 2 à la société SGroup ; - la personne responsable techniquement du marché litigieux est liée, économiquement notamment, à la société Texen, ainsi d'ailleurs qu'à la société SGroup ; - les premiers juges ont insuffisamment répondu à ces moyens ; - l'offre de la société Texen aurait dû être écartée comme anormalement basse ; - il y a lieu pour la Cour d'ordonner la communication par les défendeurs des justificatifs requis sur ce point ; - les conclusions présentées par la société Texen sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative doivent être rejetées ; - l'exposante n'était pas dépourvue de chances sérieuses et avait même de telles chances d'emporter le marché ; - elle a subi un préjudice important du fait de son éviction, à la fois économique et moral. Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2015 et le 22 janvier 2016, la société Texen, représentée par Mes Silleres et Rosier, conclut au rejet de la requête, à la suppression de passages outrageants, injurieux ou diffamatoires, outre la condamnation de la société Twin Audiolive à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la même société sur celui des dispositions de l'article L. 761-1 du code précité. Elle soutient que : - la requête d'appel est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - subsidiairement, cette requête est infondée : - sur le terrain de la validité du marché litigieux, les moyens tirés de la définition des besoins en fonction et au profit d'un candidat, de l'opacité de la rédaction des documents de la consultation, des liens existant entre la personne responsable techniquement du marché et l'exposante et du caractère anormalement bas de l'offre de cette dernière ne sont pas assortis de justifications suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; - ces moyens et les autres moyens soulevés par la société Twin Audiolive ne sont pas fondés ; - les vices du contrat litigieux dont se prévaut cette société, à les supposer établis, ne seraient pas de nature à justifier son annulation, ni à empêcher la poursuite des relations contractuelles ; - sur le terrain indemnitaire, la société Twin Audiolive ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre lesdits vices et le préjudice qu'elle prétend avoir subi ; - elle était manifestement dépourvue de toute chance d'emporter le marché litigieux ; - elle ne justifie pas des frais exposés pour la présentation de son offre, ni de son manque à gagner ; - en sous-entendant que l'exposante se rendrait coupable du délit de travail dissimulé, la société Twin Audiolive porte une atteinte à sa réputation devant être réparée. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ; - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative. Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gautron, - les conclusions de M. Thiele, rapporteur public, - et les observations de Me C...de la SCP d'avocats CGCB représentant la société Texen. 1. Considérant que, par avis d'appel public à la concurrence du 21 février 2014, la commune de Montpellier a lancé une consultation en vue de la conclusion d'un marché relatif à la location, la mise en place et l'exploitation d'équipements scéniques pour des spectacles ; que ce marché à bons de commande, passé en procédure adaptée, pour un montant maximal de 89 998 euros et une durée d'un an non renouvelable, comportait deux lots, portant l'un et l'autre sur des prestations d'éclairage et de sonorisation ; que par courrier du 18 mars 2014, la société Twin Audiolive, qui avait présenté une offre pour le lot n° 1, a été informée du rejet de cette dernière et de l'attribution de ce lot à la société Texen, pour un montant maximal de 44 999 euros ; que le contrat a été signé le 1er avril suivant ; que la société Twin Audiolive, en sa qualité de concurrent évincé, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de justice administrative, d'annuler l'ensemble des actes concernant la procédure d'attribution des lots n° 1 et n° 2 du marché litigieux, lequel a rejeté sa demande, par une ordonnance n° 1401944 du 7 mai 2014 ; qu'elle relève appel du jugement du même tribunal du 3 juillet 2015, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation dudit marché et à ce qu'elle soit indemnisée par la commune de Montpellier du préjudice consécutif à son éviction irrégulière de la procédure d'attribution ;

Sur la

fin de non-recevoir opposée à la présente requête par la société Texen : 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) " ; que si la société Texen soutient que la requête en appel de la société Twin Audiolive ne comporterait aucun moyen d'appel, en méconnaissance de ces dispositions, cette requête ne se borne pas à reproduire le contenu de la demande présentée par son auteure devant le tribunal administratif et, notamment, critique la régularité du jugement attaqué ; que par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ; Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ; 4. Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ; En ce qui concerne la régularité de la procédure de passation du contrat litigieux : 5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-12 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 4° De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget ; (...) " ; qu'aux termes de son article L. 2122-15 : " (...) Le maire et les adjoints continuent l'exercice de leurs fonctions jusqu'à l'installation de leurs successeurs, sous réserve des dispositions des articles L. 2121-36, L. 2122-5, L. 2122-6, L. 2122-16 et L. 2122-17. (...) " ; 6. Considérant, d'une part, qu'il est constant que le renouvellement intégral du conseil municipal de la commune de Montpellier est intervenu à la suite des élections s'étant tenues les 23 et 30 mars 2014 ; que le 1er avril de la même année, date de signature du contrat litigieux, ainsi qu'il a été dit au point 1, les membres du nouveau conseil municipal issu de ces élections n'avaient pas encore été installés, dès lors qu'il n'est pas contesté que la première réunion de cette assemblée, n'a eu lieu que le 4 avril suivant ; que si, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2122-15, le maire et ses adjoints poursuivaient l'exercice de leurs fonctions jusqu'à l'installation de leurs successeurs, le conseil municipal sortant ne pouvait plus, toutefois, siéger, à la date considérée, que pour expédier les affaires courantes ou prendre des actes indispensables à la continuité des services publics ; que la maire sortant ne pouvait davantage prendre des actes excédant ces limites, dans les matières déléguées à lui par ledit conseil ; qu'il n'est pas même allégué et ne résulte pas de l'instruction que la conclusion du contrat litigieux, en dépit de son faible montant, présentait, eu égard à son objet, un degré d'urgence tel, qu'elle aurait relevé de l'expédition des affaires courantes ou aurait été indispensable au bon fonctionnement des services publics ; que par suite, le maire de Montpellier ne pouvait plus légalement procéder à la passation de ce contrat, à la date de sa signature ; 7. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que la délégation de signature consentie par le maire de Montpellier à M. D...A..., en sa qualité de directeur général adjoint des services, le 2 avril 2012, ne portait que sur la signature des " actes relatifs à la préparation, exécution et règlement des marchés passés selon une procédure adaptée " ; qu'ainsi, cette délégation ne portait pas sur la passation et donc la signature, de ces contrats ; que par suite, M. A... n'était pas, en tout état de cause, compétent pour signer le contrat litigieux ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence du signataire communal du contrat litigieux est fondé ; 9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article 1er du code des marchés publics : " Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en oeuvre conformément aux règles fixées par le présent code. " ; qu'aux termes du I de l'article 5 du même code : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. " ; qu'aux termes du I de son article 77 : " Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. Lorsqu'un marché à bons de commande est attribué à plusieurs opérateurs économiques, ceux-ci sont au moins au nombre de trois, sous réserve d'un nombre suffisant de candidats et d'offres. / Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou prévoir que le marché est conclu sans minimum ni maximum. (...) " ; 10. Considérant, certes, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 77 que le pouvoir adjudicateur était libre de s'abstenir d'assigner un montant minimal au marché litigieux ; qu'en revanche, dès lors, qu'il résulte de l'instruction, notamment du règlement de la consultation et de l'acte d'engagement conclu avec la société Texen, qu'il a choisi d'assigner un montant maximal non seulement à ce marché, mais à chacun des deux lots composant celui-ci, il devait, à peine d'irrégularité de la consultation, mentionner les montants maximaux tant du marché lui-même que de ses deux lots, au sein de l'avis d'appel public à la concurrence qu'il a publié, dans le respect des principes, notamment de libre accès à la commande publique, énoncés à l'article 1er ; que l'absence d'indication des montants maximaux des lots au sein de cet avis ne saurait être palliée par les précisions figurant sur ce point au sein des autres documents de la consultation, lesquelles ne font pas l'objet des mêmes mesures de publicité que l'avis d'appel public à la concurrence et n'ont vocation à être remis qu'aux entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour le marché en cause auprès du pouvoir adjudicateur ; que cette omission n'a pas permis de connaître les besoins de la personne publique et ainsi l'étendue du marché et a, par suite, entaché d'irrégularité la procédure de passation du marché litigieux ; qu'alors même que des entreprises ayant retiré un dossier de consultation ont présenté une offre, ce vice qui, comme il a été dit, n'a pas permis aux entreprises intéressées de connaître l'étendue du marché, a également porté atteinte au principe de libre accès à la commande publique ; 11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 10 dudit code : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus. Si plusieurs lots sont attribués à un même titulaire, il est toutefois possible de ne signer avec ce titulaire qu'un seul marché regroupant tous ces lots. / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. " ; 12. Considérant qu'il n'est pas contesté que le lot n° 1 portait sur la sonorisation et l'équipement de trois scènes distinctes, disposant chacune de ses équipements propres, dans trois zones de diffusion différentes, dont deux destinées à accueillir de 1 000 à 3 000 spectateurs et la dernière destinée à accueillir de 3 000 à 10 000 spectateurs ; que ce lot doit ainsi être regardé comme portant, en réalité, sur la réalisation de trois prestations autonomes et donc distinctes, alors même que ces dernières seraient, dans les trois cas, techniquement identiques ; que la société Texen allègue qu'un sous-allotissement du lot n° 1 aurait, toutefois, présenté des difficultés techniques et un coût économique supérieur à celui du marché unique choisi par le pouvoir adjudicateur ; qu'elle se borne, toutefois, à affirmer que les prestations en cause seraient " complémentaires et imbriquées entre elles ", qu'elle nécessiteraient " une unité de gestion et de fonctionnement ", de sorte qu'un seul opérateur aurait été requis pour leur exécution " et que " l'exécution de ce type de marché nécessite l'optimisation des moyens en personnes et en matériel tout en organisant une plateforme logistique commune entre les sites ", sans verser aux débats quelque élément que ce soit de nature à établir l'existence d'une unique prestation technique, ni les économies réalisées à l'occasion de la mutualisation des moyens affectés aux trois scènes ; que la commune de Montpellier, qui n'a pas défendu à la présente instance malgré la mise en demeure qui lui a été adressée à cette fin par la Cour, n'a pas davantage rapporté, dans les documents de la consultation notamment, la preuve qui lui incombe de la nécessité de recourir à un marché unique pour lesdites prestations ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est également fondé ; 13. Considérant en revanche, d'une part, que si la société Twin Audiolive soutient que cette procédure serait encore entachée de divers vices destinés à favoriser la société Texen, les similitudes observées entre le bordereau de prix unitaire soumis aux candidats et le catalogue de cette société, tout d'abord, lesquelles se présentent en nombre limité, sans qu'il soit démontré que les éléments concernés présenteraient un caractère essentiel pour le marché litigieux, ne sont pas, à elles seules, de nature à caractériser la partialité du pourvoir adjudicateur ; qu'en outre, celui-ci a pris soin, dans la plupart des cas, de préciser que les prestations demandées pourraient être assurées soit par les matériels spécifiques mentionnés au sein dudit bordereau, soit par des matériels équivalent ; que dans les autres cas, très minoritaires, il n'est pas démontré que les matériels concernés auraient été exclusivement accessibles à la société Texen et non, en particulier, à la société Twin Audiolive ; que ni la rareté, ni les faibles performances de ces matériels ne sont, en tout état de cause, établies ; qu'ensuite, les seules imprécisions des documents de la consultation alléguées par la société Twin Audiolive, tenant à l'omission, au sein de ces documents, d'informations particulièrement techniques et nécessairement connues des professionnels du secteur considéré sur les caractéristiques de la sonorisation demandée, lesquelles pouvaient d'ailleurs se déduire de l'ensemble des informations délivrées aux candidats concernant ses caractéristiques, au vu notamment des éléments figurant au bordereau de prix unitaires, ne sont pas davantage de nature à établir la partialité du pouvoir adjudicateur ; que ne l'est pas non plus la seule existence, à la supposer établie, de liens de nature économique entre la personne prétendument responsable techniquement du marché litigieux et la société Texen, compte tenu tant de ce qui précède que de la taille restreinte du secteur économique considéré, comme de l'absence de démonstration par la société Twin Audiolive du rôle éventuellement joué par cette personne dans le choix de l'attributaire dudit marché ; qu'enfin, les prétendus vices affectant la procédure d'attribution du lot n° 2, lequel n'est pas présentement en litige, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'attribution du lot n° 1 ; qu'il s'en suit que le moyen doit être écarté ; 14. Considérant, d'autre part, que si la société Twin Audiolive soutient que l'offre de la société Texen aurait dû être écartée comme anormalement basse, elle se borne, à l'appui de ce moyen, à faire valoir que le prix proposé par cette société est particulièrement et étonnamment bas, sans même alléguer que cette offre aurait été manifestement sous-évaluée, ni qu'elle ne serait pas viable économiquement et ainsi, de nature à compromettre la bonne exécution du marché litigieux ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ; En ce qui concerne les conséquences à tirer des vices entachant la conclusion du contrat litigieux : 15. Considérant que les vices, identifiés aux points 9 à 11, 13 et 15, entachant la régularité de la consultation litigieuse, ont affecté la régularité de la mise en concurrence et la légalité du choix de l'attributaire du marché public litigieux ; que toutefois, d'une part, le vice d'incompétence entachant la procédure de passation du marché litigieux est régularisable et doit être regardé, comme ayant été régularisé, en l'espèce, par l'exécution effective et complète de ce marché qui révèle l'accord de la commune à la poursuite du contrat ; que d'autre part, les autres vices identifiés, qui n'affectent ni le consentement de la personne publique, ni le bien-fondé de ce marché et en l'absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifient pas que soit recherchée une résolution du contrat contesté ; que s'ils impliqueraient cependant, par leur gravité et en l'absence de régularisation possible, la résiliation dudit contrat, il résulte de l'instruction que celui-ci a été entièrement exécuté à la date du présent arrêt, n'étant conclu que pour une durée d'un an non renouvelable ainsi qu'il a été dit au point 1 ; que dès lors, les conclusions présentées par la société Twin Audiolive à fin d'annulation du marché public litigieux doivent être rejetées ; En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : 16. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ; 17. Considérant qu'aux termes du I de l'article 28 du code des marchés publics : " Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. / Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. (...) " ; qu'aux termes du III de son article 53 : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. " ; 18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant de l'offre présentée par la société Twin Audiolive était nettement supérieur à celui de l'offre de la société attributaire ; qu'ainsi et quand bien même son offre a été jugée satisfaisante sur le plan technique, cette société ne présentait pas de chances sérieuses d'emporter le marché litigieux ; qu'en revanche, elle n'était pas pour autant dépourvue de toute chance de l'emporter, alors même que le montant de son offre excédait le montant maximal dudit marché, la rendant ainsi inacceptable au sens et pour l'application des dispositions précitées du III de l'article 53 du code des marchés publics, dès lors qu'il résulte de celles également précitées du I de son article 28, applicables à ce marché passé en procédure adaptée, que le pouvoir adjudicateur aurait pu, le cas échéant, engager une négociation avec la société Twin Audiolive sur cet élément de son offre ; que dès lors, la société Twin Audiolive a droit, au regard des principes rappelés au point 19, au remboursement de ses frais de soumissionnement ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice à ce titre en en fixant le montant à la somme de 2 000 euros ; 19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Twin Audiolive est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires dans la limite de 2 000 euros ; que par suite, elle est également fondée à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que la condamnation de la commune de Montpellier à lui verser ladite somme ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : 20. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que le passage dont la suppression est demandée par la société Texen n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions en dommages-intérêts formulées au titre de l'article L. 741-2 ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montpellier une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Twin Audiolive et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Twin Audiolive, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Texen demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 juillet 2015 est annulé. Article 2 : La commune de Montpellier est condamnée à verser la somme de 2 000 (deux-mille) euros à la société Twin Audiolive en réparation de son préjudice. Article 3 : Une somme de 2 000 (deux-mille) euros est mise à la charge de la commune de Montpellier au profit de la société Twin Audiolive, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Twin Audiolive SARL, à la société Texen et à la commune de Montpellier. Délibéré après l'audience du 29 mars 2016, où siégeaient : - M. Marcovici, président-assesseur, - Mme Héry, premier conseiller, - M. Gautron, conseiller. Lu en audience publique, le 18 avril 2016. '' '' '' '' 2 N° 15MA03482