Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 23 janvier 2007, 05-13.352

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2007-01-23
Cour d'appel de Paris (4e chambre civile)
2004-11-19

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 19 novembre 2004), que la Société nouvelle d'études d'édition et de publicité (SNEEP) qui édite la revue hebdomadaire intitulée "L'argus de l'automobile et des locomotions" et exploite un service télématique sous la dénomination "Argus", a découvert auprès de l'Association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC) que le nom de domaine "Argus.fr" avait été enregistré par la société News Morning pour une page web en construction hébergée par la société E Manitoo company (la société E Manitoo), qui l'a intégrée en tant qu'enseigne commerciale figurant au registre du commerce ; que soutenant que ce comportement portait atteinte à leurs droits, la SNEEP et sa filiale, la société Argus interactive, ont poursuivi les sociétés News Morning et E Manitoo company sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

Sur le moyen

unique :

Attendu que les sociétés SNEEP et Argus interactive font grief à

l'arrêt de leur avoir dénié tous droits antérieurs sur le terme "argus" et d'avoir en conséquence rejeté toutes leurs demandes visant à voir interdire aux sociétés News Morning et E Manitoo company tout usage du nom "argus", à voir ordonner la radiation de l'enregistrement du nom de domaine "www.argus.fr" et à obtenir des dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1 / que l'usage par une entreprise d'un signe distinctif l'identifiant auprès du public est constitutif de droit ; qu'en retenant en l'espèce que l'usage par la société SNEEP de la dénomination "argus" à titre d'accès simplifié à un serveur Minitel ne lui conférait aucun droit, tout en constatant qu'il lui permettait "d'être identifiée par un certain public sous ce seul nom", la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 2 / qu'un terme banal peut acquérir un caractère distinctif par la durée, l'importance et la notoriété de l'usage qui en est fait, et devenir ainsi un signe distinctif protégeable ; qu'en déniant en l'espèce aux sociétés SNEEP et Argus interactive tous droits antérieurs sur le terme "argus", pour la seule raison que ce terme appartiendrait au langage courant et ne présenterait donc aucun caractère distinctif, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le terme "argus" n'avait pas acquis un caractère distinctif par l'usage qu'en avait fait la SNEEP et la notoriété que celle-ci y avait attaché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 3 / que la notoriété d'un signe distinctif en étend la protection au delà du domaine de spécialité pour lequel il est utilisé et permet d'en faire sanctionner l'usage par un tiers, lorsqu'en l'absence même de tout risque de confusion, celui-ci cherche à tirer indûment profit de cette notoriété en se plaçant dans son sillage ou y porte atteinte ; qu'en retenant en l'espèce que l'exploitation du site incriminé sous la dénomination "www.argus.fr" ne porterait pas préjudice à la SNEEP, dès lors que ce site ne concernerait pas l'automobile, mais reposerait sur l'achat et la vente de matériel informatique ne concurrençant pas les activités de la SNEEP et notamment son service de cotation de véhicules, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exploitation de ce site ne tirait pas indûment profit de la notoriété attachée au signe distinctif "argus" de la SNEEP ou n'y portait pas atteinte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu

qu'après avoir observé, par motifs adoptés, que le site exploité sous la dénomination Argus.fr ne concerne en rien l'automobile mais l'achat et la vente de matériel informatique, l'arrêt relève que la SNEEP exerce son activité non pas sous les noms "L'argus" ou "argus", mais sous l'expression "L'Argus de l'automobile et des locomotions" son véritable nom commercial qui constitue le titre de sa publication depuis 1942 ; qu'il ajoute que le terme "argus" employé isolément ne sert à la SNEEP qu'à un accès simplifié à un serveur minitel ; que l'arrêt relève encore que le terme disputé est passé dans le langage courant et qu'il est aussi utilisé dans d'autres domaines, tels ceux des assurances ou encore de la presse ; qu'en l'état de ces constatations dont il ressort que les sociétés E Manitoo et News Morning, qui ne sont pas concurrentes de la société SNEEP et ne pouvaient donc pas se rendre responsable d'actes de concurrence déloyale à son encontre, n'avaient pas utilisé un terme qui était distinctif de la société SNEEP et sur lequel celle-ci aurait développé sa notoriété et qu'elles ne s'étaient pas placées dans son sillage pour profiter sans rien dépenser de son succès, de ses efforts ou de ses investissements, la cour d'appel a, sans encourir les griefs de la première et de la deuxième branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés SNEEP et Argus interactive aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille sept.