Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 novembre 2022 et le 4 mai 2023, l'association Saint-Martin-d'Hères football club et M. C A, en qualité de représentant légal de son enfant mineure B A, représentés par la SCP Benoit Pin, demandent au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 26 juillet 2022 par laquelle la commission de discipline de la ligue Auvergne-Rhône-Alpes de football a confirmé la décision du conseil de discipline du district de l'Isère de football qui a infligé à Mme B A une sanction de trois ans de suspension ferme à compter du 1er mai 2022 ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer la sanction prononcée à l'encontre de Mme A en l'assortissant, intégralement ou partiellement, d'un sursis ;
3°) d'enjoindre à la ligue Auvergne-Rhône-Alpes de restituer au club de Saint-Martin-d'Hères football club les points retirés du fait de la sanction de Mme A ;
4°) de mettre à la charge de la ligue Auvergne-Rhône-Alpes de football une somme de 1500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les faits de brutalité qui sont reprochés à Mme A ne sont pas établis ;
- son geste ne constitue pas un coup volontaire comme l'article 13 du règlement disciplinaire mais plutôt un geste involontaire relevant de l'article 11 ;
- la sanction infligée à Mme A de trois ans de suspension de pratique du football, qui ne tient compte ni des circonstances ni de sa personnalité, est disproportionnée ;
- les points de pénalité infligés au club sont injustifiés.
En application de l'article
R.141-24 du code du sport, le président de la conférence des conciliateurs a transmis au tribunal la proposition de conciliation du 20 octobre 2022.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 février 2023, 10 mars 2023 et 23 mai 2023, l'association Ligue Auvergne-Rhône-Alpes de Football, représentée par Me Dumollard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A et l'association Saint-Martin-d'Hères football club en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la matérialité des faits est établie en application de l'article 128 des règlements généraux de la Fédération Française de Football ;
- ces faits relèvent de l'article 11 du règlement disciplinaire ;
- la sanction n'est pas manifestement proportionnée par rapport à la faute commise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ban,
- les conclusions de Mme Emilie Akoun, rapporteure publique,
-les observations de Me Paris représentant l'association Saint-Martin-d'Hères football club et Mme B A,
- les observations de Me Dumollard représentant la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes de Football.
Considérant ce qui suit
:
1. Par décision du 30 mai 2022, la commission de discipline de district de l'Isère de Football a infligé à Mme A une suspension de 3 ans " fermes " assortie d'une amende de 325 euros au motif qu'elle a commis un acte de brutalité sur un officiel lors du match du 15 avril 2022 qui opposait son équipe U15 du club de Saint-Martin-d'Hères Football à l'équipe de la Vallée du Guiers dans le cadre du championnat de district de l'Isère division 1. Elle a également sanctionné le club de Saint-Martin-d'Hères d'un match perdu par pénalité (moins 1 point au classement). Par décision du 26 juillet 2022, la commission d'appel disciplinaire a confirmé la sanction prononcée à l'encontre de Mme A mais a annulé celle infligée à son club. Saisie en application des dispositions de l'article
R. 141-5 du code du sport, le conciliateur du comité national olympique et sportif a proposé à la ligue d'Auvergne-Rhône-Alpes de football, le 8 septembre 2022, de ramener à trois ans dont deux ans assortis du sursis la suspension infligée à Mme A. Cette proposition a été rejetée par courrier du 22 août 2022 du président de la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes de Football (LAuRAFoot). Par la présente requête, le club de Saint-Martin-d'Hères football et M. C A, en qualité de représentant légal de son enfant mineure B A, demandent l'annulation de la décision du 26 juillet 2022.
Sur les conclusions tendant à enjoindre à la ligue Auvergne-Rhône-Alpes de restituer au club de Saint-Martin-d'Hères football club les points retirés :
2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la commission régionale d'appel disciplinaire a annulé pour incompétence la sanction de match perdu (moins 1 point) infligée au club de Saint-Martin-d'Hères Football par la commission de discipline de première instance et a entériné le score acquis sur le terrain (1-1). Dès lors, les conclusions du club de Saint-Martin-d'Hères football club, en ce qu'elles tendent à enjoindre à la ligue Auvergne-Rhône-Alpes de lui restituer le point retiré, sont dépourvues d'objet et sont, par suite, irrecevables.
3. Le club requérant soutient en outre, sans l'établir, que le district de l'Isère lui a retiré 35 points, ce qui entraîne la relégation de son équipe première U15 en division inférieure ainsi que d'autres équipes de la même catégorie. En tout état de cause, ce retrait n'a pas été décidé par la commission d'appel disciplinaire dans sa séance du 26 juillet 2022 et relève d'un litige distinct. Dès lors, les conclusions tendant à la restitution de ces 35 points doivent être rejetées.
Sur les conclusions d'annulation de la sanction prononcée à l'égard de Mme A :
En ce qui concerne l'établissement des faits :
4. L'article 128 des règlements généraux de la fédération française de football dispose : " Est considérée comme officiel d'une rencontre, toute personne licenciée agissant en qualité d'arbitres ou de délégué, désignée par les instances du football. En cas d'absence d'officiel désigné, toute personne licenciée d'un club agissant en qualité d'arbitres, est également considérée comme tel. Pour l'appréciation des faits, leurs déclarations ainsi que celles de toute personne missionnée par les instances pour la rencontre et assurant une fonction officielle au moment des faits, sont retenues jusqu'à preuve contraire. ".
5. Il résulte des déclarations de l'arbitre central du match opposant les équipes U15 de Saint-Martin-d'Hères Football Club et de la Vallée du Guiers qu'à l'issue de cette rencontre, Mme A s'est dirigée vers l'arbitre principal dans le couloir des vestiaires et lui a porté un coup de poing au visage. Si Mme A fait valoir qu'elle a voulu simplement repousser l'arbitre qui se dirigeait vers elle sans intention de lui donner un coup, cette version des faits est contredite par les déclarations de l'arbitre et n'apparait pas, en outre, en adéquation avec l'état d'agitation et de nervosité dans lequel elle se trouvait à ce moment-là. Elle n'apporte pas d'élément concret et précis de nature à remettre en cause la déclaration de l'arbitre qui est retenue jusqu'à preuve contraire laquelle, au demeurant, converge avec les témoignages de deux dirigeants du club de Vallée du Guiers présents dans le couloir au moment de l'incident. Dès lors, les faits reprochés à Mme A doivent être tenus pour établis.
En ce qui concerne la qualification juridique des faits :
6. Aux termes de l'article 13 intitulé " acte de brutalité / coup " des règlements généraux de la fédération française de football portant règlement disciplinaire : " Action par laquelle une personne porte atteinte, par quelque moyen que ce soit, à l'intégrité physique d'une autre. Au sens du présent barème, cette infraction est considérée comme étant commise dans l'action de jeu si le joueur qui en est l'auteur est en capacité de jouer le ballon au moment de celle-ci. Si le jeu est arrêté par l'arbitre avant la commission de l'infraction, celle-ci ne peut être considérée comme ayant eu lieu dans l'action, même si le ballon est à distance de jeu. Lorsqu'une Incapacité Totale de Travail (plus communément appelée I.T.T.) est prescrite à la victime de (ou des) actes (s) de brutalité / coup (s), l'auteur de ce (ou ces) dernier (s) s'expose aux sanctions prévues ci-après aux articles13.3 ou 13.4. () Constituent notamment des circonstances aggravantes dont il devra être tenu compte dans la détermination du quantum de la sanction : - Tout document médical établi par toute personne habilitée par lequel il est prescrit à la victime un arrêt de sport, un arrêt de travail - Le fait d'accomplir cette action en réunion et/ou au moyen d'une arme (par nature ou par destination) ".
7. L'article 11 du règlement disciplinaire définit la tentative de brutalité ou la tentative de coup comme : " Action par laquelle une personne essaie, par quelque moyen que ce soit, de porter atteinte à l'intégrité physique d'une personne sans y parvenir ".
8. Le coup porté par Mme A, tel que décrit au point 5, a effectivement atteint l'arbitre au niveau de la tempe, celui-ci ayant tenté d'esquiver le coup en se baissant. La circonstance que la victime n'a présenté qu'une simple rougeur cutanée à la suite du coup porté par la joueuse est sans incidence sur la qualification juridique des faits. Dès lors, il constitue un acte de brutalité de nature à porter atteinte à l'intégrité physique de la victime et non, comme le soutient Mme A, une simple tentative de brutalité ou de coup relevant de l'article 11 du règlement disciplinaire. Par suite, la commission d'appel n'a pas commis d'erreur d'appréciation en qualifiant ce comportement d'acte de brutalité au sens des dispositions citées au point 6.
En ce qui concerne le caractère proportionné de la sanction :
9. L'article 13.1 du règlement disciplinaire précise que le joueur ou la joueuse qui commet un acte de brutalité sur un officiel qui n'occasionne pas une blessure est susceptible d'être sanctionné(e) par trois ans de suspension. Cette sanction de référence ouvre toutefois à l'organe disciplinaire compétent la possibilité de prendre en compte des circonstances propres à chaque espèce et de s'en écarter le cas échéant.
10. L'article 4.3 du règlement disciplinaire portant sur le sursis dispose : " Seuls l'amende, la suspension, le retrait de point(s) au classement, la suspension de terrain, la mise hors compétition, le huis clos total ou partiel et la fermeture de l'espace visiteur à l'extérieur peuvent être assortis en tout ou partie du sursis. L'organe disciplinaire peut décider de prononcer la révocation de tout ou partie d'un sursis dès lors que les faits constituant une nouvelle infraction ont été commis avant l'expiration du délai de prescription, que leur nature se rapproche de celle ayant justifié le prononcé de la sanction initiale et que cette dernière est définitive ".
11. En raison de sa nature particulière et de sa gravité indéniable, le comportement de Mme A à l'égard du corps arbitral lors du match du 15 avril 2022 était susceptible de justifier la sanction de référence prévue par le règlement disciplinaire. Si, pour atténuer sa responsabilité, elle soutient que l'arbitre central aurait tenu des propos sexistes à son égard, elle ne l'établit pas en se bornant à produire, à l'appui de ses allégations, le seul témoignage de l'arbitre assistant n°2 qui est membre de son club et qui ne présente pas, à ce titre, les mêmes garanties d'indépendance et d'objectivité qu'un arbitre officiel. De même, la circonstance que, après plusieurs rappels, l'arbitre l'ait contrainte à mettre ses protège-tibias à la mi-temps du match conformément au règlement est sans rapport direct avec le comportement qu'elle a eu après la fin de la rencontre.
12. Toutefois, compte tenu de l'absence de tout antécédent disciplinaire de Mme A, de son jeune âge et de la légèreté du dommage physique causé à la victime, la sanction de 3 ans de suspension apparait disproportionnée en ce qu'elle n'est assortie d'aucun sursis, lequel peut être révoqué en cas de nouvelle faute disciplinaire de même nature commise par la joueuse concernée. Aussi, dans les circonstances de l'espèce, la sanction prononcée par la commission d'appel est illégale seulement en tant qu'elle n'est pas assortie d'un sursis de 2 ans ainsi que l'a d'ailleurs proposée le conciliateur du comité national olympique et sportif. Elle doit être annulée dans cette mesure.
Sur les frais d'instance :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 26 juillet 2022 de la commission d'appel disciplinaire est annulée en tant qu'elle n'a pas assorti d'un sursis partiel d'une durée de deux ans la suspension de trois ans prononcée à l'égard de Mme A.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l'association Ligue Auvergne-Rhône-Alpes de Football présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'association Saint-Martin-d'Hères football club, à M. C A, en qualité de représentant légal de son enfant mineure B A et à l'association Ligue Auvergne-Rhône-Alpes de Football.
Copie en sera adressée pour information au Comité national olympique et sportif français.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Jourdan, président,
M. Ban, premier conseiller,
Mme Letellier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 août 2023.
Le rapporteur,
J-L. Ban
La présidente,
D. Jourdan
La greffière,
C. Jasserand
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.