Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Centrale a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2010 au 30 avril 2013.
Par un jugement n° 1702280 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1702271 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 4 juillet 2019, sous le numéro 1902119, ainsi qu'un mémoire enregistré le 22 janvier 2020, la SELARL Pharmacie Centrale, représentée par Me E... et Richert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le service a violé les dispositions de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales en ce que d'une part, lors du contrôle inopiné, le vérificateur ne s'est pas borné à de simples constatations matérielles mais a procédé à une analyse et à un traitement de son système informatique l'ayant conduit à emporter un CD Rom retraçant ces données alors qu'une telle possibilité n'était pas prévue par la loi avant la loi du 6 décembre 2013 et d'autre part, en ce qu'il a fait porter son analyse sur son logiciel de gestion qui ne fait pas partie des fichiers comptables entrant dans le champ d'application de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales et sur lequel il n'était pas possible d'effectuer des constatations matérielles ; s'il devait être jugé que ce logiciel comporte des données comptables, l'emport des données constituerait en conséquence un début de vérification de comptabilité en violation des garanties de l'article
L. 47 ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les garanties de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ne s'appliqueraient pas à l'occasion d'un contrôle inopiné alors pourtant que le vérificateur a procédé à des traitements informatiques sans le consulter sur le choix du procédé ;
- en violation de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, l'administration a conservé la copie des fichiers obtenus après le recouvrement des impositions ;
- c'est à tort que le tribunal afin d'écarter le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire s'est référé au déroulement de la vérification de comptabilité portant sur l'exercice 2009-2010 alors qu'était en cause l'exercice 2012-2013 ; en l'espèce, le vérificateur s'est borné à trois interventions sur place au cours desquelles aucun débat n'a eu lieu, les discussion s'étant limitées au recueil de diverses autorisations puis à l'annonce des rectifications, tout le travail du service ayant été effectué dans ses locaux en exploitant les fichiers copiés ;
- la comptabilité n'est pas affectée de graves irrégularités en ce que le logiciel Alliance Premium n'est pas un logiciel de comptabilité permissif mais un logiciel de gestion ne comportant pas la fonction d'effacement d'opérations de vente et alors que les allégations du service selon lesquelles des encaissements auraient été effacés ne sont pas établies ; les ventes annulées s'expliquent par des opérations commerciales courantes (abandon d'une vente à la demande d'un client, crédit lors d'une vente sans ordonnance, demande de renseignement, correction d'une erreur de frappe, ventes simulées à des fins de formation du personnel) ;
- la reconstitution effectuée par l'administration est infondée dès lors qu'elle ne repose que sur une seule méthode alors que l'administration avait à sa disposition les éléments pour vérifier les achats revendus à partir des données d'inventaire ; elle est en outre affectée de nombreuses erreurs matérielles ; les données utilisées proviennent de l'administration sans aucune garantie quant à leur provenance ; le tribunal a inversé la charge de la preuve ;
- la volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie par une telle reconstitution théorique, les pénalités pour manquement délibéré ne sont donc pas justifiées.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 19 octobre 2020.
Un mémoire présenté pour la SELARL Pharmacie Centrale a été enregistré le 25 novembre 2020.
II. Par une requête enregistrée le 4 juillet 2020 sous le numéro 1902120, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 22 janvier 2020, M. A... C..., représenté par Me E... et Richert, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 16 avril 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les éléments de preuve qui lui sont opposés afin de justifier les redressements qui lui ont été notifiés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ayant été obtenus de manière irrégulière, aux termes d'une vérification de comptabilité de la société Pharmacie Centrale irrégulière, méconnaissant les articles L. 47,
L. 47 A et la garantie d'un débat oral et contradictoire, et violant les droits de la défense par l'emport irrégulier d'un fichier informatique, l'administration ne saurait les invoquer et le juge les retenir sans qu'y fasse obstacle le principe d'indépendance des procédures d'imposition ;
- les rehaussements des bénéfices de la société Pharmacie Centrale étant non fondés compte tenu de l'absence d'irrégularité de sa comptabilité et compte tenu du caractère sommaire et infondé de la reconstitution effectuée, il n'existe aucune distribution de bénéfice à son profit ;
- le service ne rapporte pas la preuve qu'il aurait appréhendé des recettes occultes et c'est à tort que le tribunal le qualifie de maître de l'affaire ;
- la volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie par une reconstitution théorique des bénéfices de la société, les pénalités pour manquement délibéré ne sont donc pas justifiées.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
La date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 19 octobre 2020.
Un mémoire présenté pour M. A... C... a été enregistré le 25 novembre 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;
- et les observations de Me F..., représentant les requérants.
Considérant ce qui suit
:
1. La SELARL Pharmacie Centrale, dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur les sociétés, exploite une officine de pharmacie à Behren-les-Forbach. Elle a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2009 au 30 avril 2013 dont elle a été avisée par la remise d'un avis de vérification à l'occasion d'un contrôle inopiné effectué le 31 mai 2013. Elle a ensuite été avisée d'une seconde vérification de comptabilité portant sur le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 par un avis de vérification du 9 avril 2014. Les rectifications envisagées selon la procédure contradictoire, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, à l'issue de ces opérations de contrôle, ont été portées à sa connaissance par des propositions de rectifications datées respectivement du 18 décembre 2013 et des 3 avril et 8 juillet 2014. Les rectifications ont été confirmées après observations de la société par trois lettres modèle 3926 du 26 mai 2015. Les suppléments d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement conformément à un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 10 juin 2016. La réclamation préalable de la société du 4 octobre 2016 a donné lieu à une décision de rejet de l'administration du 6 mars 2017. Par le jugement n° 1702280 ci-dessus visé du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires. Ayant estimé que le gérant et associé unique de la SELARL Pharmacie Centrale, M. A... C..., avait été le bénéficiaire des revenus réputés distribués consécutifs aux rehaussements des bénéfices sociaux correspondant à des dissimulations de recettes, l'administration a adressé à l'intéressé deux propositions de rectifications des 20 décembre 2013 et 10 juillet 2014 portant sur des rehaussements de ses revenus de capitaux mobiliers des années 2010 à 2013 selon la procédure contradictoire de rectification. M. A... C... ayant refusé ces rectifications, le service les a maintenues par lettres modèle 3926 du 13 août 2015. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2016. La réclamation préalable de M. A... C... du 4 octobre 2016 a été rejetée le 6 mars 2017. Par le jugement n° 1702271 du 16 avril 2019, ci-dessus visé, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu partiel à la suite d'un dégrèvement prononcé en matière de contributions sociales en cours d'instance, a rejeté le surplus de la demande de M. A... C... tendant à la décharge en droits et pénalités de ces impositions supplémentaires. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SELARL Pharmacie Centrale et M. A... C... relèvent respectivement appel du jugement les concernant.
Sur le chiffre d'affaires et les résultats de la SELARL Pharmacie Centrale :
En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :
2. Aux termes de l'article 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. (...) ". Aux termes de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : "Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Aux termes enfin du II de l'article L. 47 A du même livre dans sa rédaction applicable au présent litige : " II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer (...) ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 ".
S'agissant de la régularité du contrôle inopiné :
3. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur s'est présenté de manière inopinée le 31 mai 2013 dans les locaux de la société vérifiée afin de procéder, en présence du gérant M. A... C..., à la constatation des moyens matériels d'exploitation ainsi que de l'existence des documents comptables et des moyens informatiques d'exploitation. A cette occasion, après avoir remis en main propre au gérant l'avis de vérification de comptabilité accompagné de la charte du contribuable vérifié, le vérificateur a constaté que la société utilisait le logiciel de gestion Alliance Premium, dont plusieurs décisions de justice passées en force de chose jugée ont démontré, contrairement à ce que soutient la société requérante, qu'il permettait aux utilisateurs exploitants de pharmacie de supprimer de manière définitive de la comptabilité des opérations de ventes effectuées en espèces. Il ressort de l'état des constatations matérielles établi par le vérificateur et contresigné par M. A... C... que ce dernier a, sur demande du vérificateur, édité une liste des fichiers de données utilisés par ce logiciel, cette liste étant enregistrée dans un fichier dénommé Catalogue.txt lui-même gravé sur deux CD Rom dont l'un est resté en possession de la société en annexe de son exemplaire de l'état et l'autre a été conservé par le service en annexe de son propre exemplaire.
4. Il ressort, d'abord, des propositions de rectification que le logiciel de gestion Alliance Premium permet à la société requérante, notamment, d'effectuer la gestion de son stock, la réalisation des commandes fournisseurs, l'édition de notes clients détaillées faisant ressortir le mode de paiement ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée et la gestion totale du tiers payant avec les caisses de sécurité sociale et les mutuelles. Par suite, ce logiciel concourt effectivement à la détermination des résultats comptables de la société requérante et le service a pu régulièrement faire porter ses constatations matérielles sur ce système informatisé.
5. Ensuite, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude.
6. Si les dispositions introduites au III de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, afférentes aux copies que peut réaliser l'administration en cas de contrôle inopiné lorsque la comptabilité est tenue au moyen d'un système informatisé, n'étaient pas applicables au présent litige, il était cependant déjà loisible à l'administration, dans l'état antérieur du droit, dans le cadre d'un contrôle inopiné, de réaliser des copies des documents comptables figurant sur des fichiers informatiques, sous réserve de ne se livrer à aucun traitement de ces données. Il en résulte que le vérificateur a pu régulièrement prendre copie de la liste des fichiers de données utilisés par le logiciel Alliance Premium de la société requérante. Ce faisant, le vérificateur n'a procédé à aucune analyse critique de la comptabilité susceptible de caractériser un commencement de vérification de la comptabilité et n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 47 et
L. 47 A du livre des procédures fiscales ci-dessus reproduites.
7. Ensuite, s'étant borné à graver une liste des fichiers de données du logiciel de gestion, ne comportant elle-même aucune donnée comptable, et à emporter l'un des deux CD Rom sur lesquels cette liste était gravée, le vérificateur n'a procédé à aucune saisie des documents comptables de l'entreprise, ni à aucun traitement informatique sans consulter la société sur le procédé utilisé.
8. Enfin, le CD Rom emporté par le vérificateur étant identique à celui laissé dans l'entreprise et étant dépourvu, comme il vient d'être dit, de données comptables ou de fichiers informatiques, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le service aurait irrégulièrement emporté des documents comptables afin de se ménager la possibilité d'utiliser et de manipuler de manière non contradictoire et au mépris des droits de la défense des données comptables destinées à asseoir ensuite les redressements litigieux.
S'agissant de la régularité des traitements informatiques effectués :
9. Dans le cadre de la seconde vérification de comptabilité, ci-dessus analysée, la société a opté, le 15 mai 2014, pour la remise au vérificateur des fichiers nécessaires à la réalisation des traitements informatiques demandés par le vérificateur par lettre du 23 avril 2014. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration a restitué l'ensemble des fichiers remis au vérificateur le 6 juillet 2016 avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions ci-dessus reproduites du dernier alinéa du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
10. Si la société requérante soutient que le service ne lui a pas restitué le CD Rom analysé ci-dessus au point 3, il résulte de ce qui a été dit que ce support ne contenait aucune donnée informatique comptable et ne résultait pas d'un traitement de fichiers. Par suite, et en tout état de cause, la SELARL Pharmacie Centrale n'est pas fondée à soutenir qu'en conservant ce CD Rom l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et violé les droits de la défense.
S'agissant de l'existence d'un débat oral et contradictoire :
11. Si au cours d'une procédure de vérification le contribuable doit se voir offrir la possibilité d'avoir avec le vérificateur un débat oral et contradictoire portant sur les constatations opérées lors de ce contrôle, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec lui-même, soit avec ses conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait.
12. La seconde vérification de comptabilité dont la société requérante a fait l'objet n'a concerné que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013 et réalisé lors de l'exercice du 1er avril 2012 au 31 mars 2013. Il n'est pas contesté que la vérification de comptabilité s'est tenue dans les locaux de la société requérante et que le vérificateur s'est rendu sur place à trois reprises. Si la société requérante soutient que ces interventions ont été limitées à la remise des différents actes relatifs aux traitements informatiques et à l'indication des redressements envisagés sans que le vérificateur n'engage avec ses représentants un véritable débat, elle n'apporte pas la preuve par ses seules allégations que le service se serait refusé à tout échange de vues. Par suite, le moyen tiré de la violation de la garantie liée à l'existence d'un débat oral et contradictoire sera écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
13. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la société Pharmacie centrale au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté qu'une proportion importante des ventes réalisées par cette société, 6 317 euros sur 16 189 euros, 7 124 euros sur 15 885 euros et 7 149 euros sur 15 928 euros s'agissant des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, respectivement, étaient ensuite annulées dans le logiciel de gestion, ces annulations concernant, à hauteur d'environ 99 %, des paiements en espèces. Les ventes ainsi annulées n'étaient pas reprises dans les recettes de la comptabilité informatisée alors que les espèces avaient été encaissées par la pharmacie. En outre, le service a relevé des incohérences entre les entrées et les sorties de produits résultant des inventaires imprimés, les inventaires informatiques ayant été effacés par la société, et les flux entrant et sortant enregistrés par le logiciel de gestion. Si, afin d'établir que le logiciel Alliance Premium ne permettait pas l'effacement physique des enregistrements des ventes dans ses fichiers, la société requérante entend se prévaloir d'une attestation établie par la société éditrice du logiciel, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cet éditeur a fourni à ses clients des logiciels comportant des procédés frauduleux leur permettant d'occulter de manière définitive tout ou partie de leurs recettes espèces. Ainsi, l'administration, qui a relevé, dans les propositions de rectification, que la comptabilité de l'officine de pharmacie ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par la société requérante, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit, que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de son chiffre d'affaires et de son résultat.
14. Aux termes de l'article
L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge" .
15. Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les rappels d'impôt sur les sociétés de la société Pharmacie centrale ont été établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 10 juin 2016. Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article
L. 192 du livre des procédures fiscales, et dès lors que sa comptabilité est entachée de graves irrégularités, la société requérante supporte la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition. Elle peut, dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration.
16. Pour procéder à la reconstitution des recettes espèces de la société requérante, le service s'est fondé sur le détail des données de ventes dans la table " lcomptoir09 ", en totalisant les recettes des ventes validées et des ventes abandonnées. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur, qui n'était pas tenu d'utiliser plusieurs méthodes de reconstitution, ne disposait pas des données d'inventaire qui lui aurait permis d'effectuer une reconstitution à partir des achats revendus. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le service n'a pas établi sa reconstitution sur des données chiffrées obtenues de manière irrégulière qu'il aurait manipulées afin de justifier ses redressements. Dès lors, la méthode utilisée, fondée sur les données de l'exploitation issues du logiciel de gestion utilisé par l'entreprise, ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou sommaire. Si la société requérante soutient que les ventes abandonnées résultent des aléas de la vie commerciale conduisant à devoir annuler certaines opérations, l'existence de telles annulations, effectuées avant tout règlement, ne saurait avoir d'influence sur le montant des recettes et ne sont pas de nature à expliquer une telle proportion de ventes annulées après règlement. Par suite, la SELARL Pharmacie Centrale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a jugé qu'elle n'établissait pas le caractère infondé infligées à la SELARL Pharmacie Centrale des impositions litigieuses.
En ce qui concerne les pénalités infligées à la SELARL Pharmacie Centrale :
17. Aux termes de l'article
1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article
1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et son intention délibérée d'éluder l'impôt.
18. La vérification de la comptabilité de la SELARL Pharmacie Centrale a mis en lumière qu'elle avait procédé à d'importantes dissimulations de recettes au moyen d'un procédé informatique frauduleux lui ayant permis de supprimer de manière définitive des encaissements. L'administration apporte ainsi la preuve de la volonté de la société requérante d'éluder la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés correspondant à ces recettes dissimulées, ce qui était de nature à justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré.
Sur les revenus de capitaux mobiliers de M. A... C... :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
19. Les moyens invoqués par M. A... C..., tirés du caractère irrégulier des vérifications de comptabilité dont la SELARL Pharmacie Centrale a fait l'objet, sont inopérants à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociales qui lui ont été assignés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, compte tenu du principe d'indépendance des procédures d'imposition concernant cette société et celle concernant son imposition personnelle.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
20. Aux termes de l'article
109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". M. A... C... n'ayant pas accepté les redressements qui lui ont été notifiés, l'administration supporte la charge de la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle sans qu'il puisse utilement faire valoir qu'il n'aurait pas appréhendé personnellement les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers.
S'agissant de l'existence et du montant des revenus distribués par la SELARL Pharmacie Centrale :
21. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration a établi l'existence de bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés dissimulés par la SELARL Pharmacie Centrale à la suite de recettes non comptabilisées. Afin de contester l'existence de ces bénéfices, M. A... C... reprend les moyens invoqués par la SELARL Pharmacie Centrale à l'appui de son recours tendant à contester le bien-fondé des impositions. Ceux-ci doivent par suite être écartés par les mêmes motifs. Ces bénéfices n'ayant été, ni mis en réserve, ni incorporés au capital, ils sont présumés avoir été distribués en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article
109 du code général des impôts.
22. D'une part, si M. A... C... soutient que l'administration ne peut, afin d'établir l'existence de ces revenus distribués, se fonder sur des éléments de preuve obtenus irrégulièrement au cours de la vérification de comptabilité de la SELARL Pharmacie Centrale, le principe d'indépendance des procédures d'imposition concernant cette société et celle concernant son imposition personnelle fait obstacle, ainsi qu'il vient d'être dit, à ce qu'il puisse utilement invoquer les irrégularités ayant pu affecter la vérification de comptabilité.
23. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué que les impositions mises à la charge de M. A... C... ont été établies sur des pièces ou documents obtenus par l'administration dans des conditions déclarées irrégulières par le juge. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait fondé les impositions litigieuses sur des moyens de preuve illégaux ne peut qu'être écarté.
S'agissant du bénéficiaire des distributions :
24. M. A... C... étant l'unique associé de la société à compter du 5 octobre 2010 et son gérant, il a disposé des pouvoirs les plus étendus au sein de la SELARL Pharmacie Centrale. Par suite, c'est à juste titre qu'il a été regardé comme le maître de l'affaire et a été imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des bénéfices réputés distribués sans qu'il puisse utilement soutenir qu'il n'aurait pas personnellement actionné le logiciel permissif du fait de ses absences de son officine.
En ce qui concerne les pénalités infligées à M. A... C... :
25. Aux termes de l'article
1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article
1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et son intention délibérée d'éluder l'impôt.
26. Il résulte de ce qui précède que l'administration a établi que M. A... C... avait personnellement appréhendé les recettes dissimulées par la SELARL Pharmacie Centrale au cours des quatre années litigieuses. Par suite, l'administration établit la volonté de M. A... C... d'éluder l'impôt sur le revenu ainsi que les contributions sociales correspondant à ces revenus de capitaux mobiliers dissimulés.
27. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie Centrale et M. A... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements ci-dessus visés du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a, s'agissant des impositions restant en litige, rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes d'appel doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la SELARL Pharmacie Centrale et de M. A... C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie Centrale, à M. D... A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 19NC02119, 19NC02120 2