Cour d'appel de Riom, 1ère Chambre, 23 mai 2023, 22/01514

Mots clés Demande relative à d'autres contrats d'assurance · société · carrosserie · localité · véhicule · procédure civile · prescription · compagnie · assureur · assurance · action · contrat · rapport · tribunal Judiciaire · astreinte

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro affaire : 22/01514
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Président : M. Philippe VALLEIX
Rapporteur : M. ACQUARONE

Texte

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 23 mai 2023

N° RG 22/01514 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F3IR

-DA- Arrêt n°

[U] [D] [T], S.A.S. [Localité 4] CARROSSERIE / S.A. ALLIANZ IARD

Ordonnance, origine Juge de la mise en état de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 07 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 21/01665

Arrêt rendu le MARDI VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [U] [D] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

et

S.A.S. [Localité 4] CARROSSERIE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Maître Iadine AURATUS, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTS

ET :

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Maître Sophie VIGNANCOUR-DE-BARRUEL de la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 mars 2023, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Au mois de novembre 2018 M. [U] [T] a confié pour travaux son véhicule BMW à la SARL [Localité 4] Carrosserie, exerçant sous l'enseigne « Carrosserie Labonne » et assurée auprès de la compagnie ALLIANZ IARD.

Le 3 décembre 2018 la Carrosserie Labonne a été victime d'un cambriolage lors duquel le véhicule de M. [T] a été volé.

La voiture a été retrouvée le 6 décembre à l'état d'épave, puis remorquée dans les locaux de la Carrosserie Labonne.

Un expert diligenté par la compagnie ALLIANZ a conclu que le véhicule n'était pas réparable. En conséquence, l'assureur a réglé directement à M. [T] la somme de 8078 EUR, soit la valeur du véhicule avant sinistre sous déduction de la valeur de sauvetage, outre divers frais de fourrière et de gardiennage.

Le véhicule est resté entreposé dans les locaux de la Carrosserie Labonne.

Par exploit du 29 avril 2021 M. [T] et la SARL [Localité 4] Carrosserie ont assigné au fond la compagnie ALLIANZ devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, afin qu'elle soit condamnée sous astreinte à reprendre à ses frais le véhicule BMW entreposé dans l'atelier de carrosserie. M. [T] réclamait également la somme de 2222 EUR au titre du solde de la valeur du véhicule, outre des frais de gardiennage pour 23 946 EUR à parfaire et à verser directement entre les mains de la SARL [Localité 4] Carrosserie.

Par conclusions d'incident du 22 avril 2022, la compagnie ALLIANZ demandait au juge de la mise en état de dire que l'action des demandeurs était prescrite.

Par ordonnance du 7 juillet 2022 le juge de la mise en état a statué comme suit :

« Nous, Juge de la Mise en État, statuant en premier ressort, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe ; selon les dispositions de l'article 795 du Code de procédure civile :

DÉCLARONS irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE à l'encontre de la SA ALLIANZ IARD et en conséquence les déboutons de toutes leurs demandes à son encontre ;

DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNONS in solidum Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE aux entiers dépens. »

***

M. [U] [T] et la SARL [Localité 4] Carrosserie ont fait ensemble appel de cette décision le 19 juillet 2022, précisant :

« Objet/Portée de l'appel : Monsieur [T] et la Société [Localité 4] CARROSSERIE forment appel limité de l'ordonnance rendue le 07 juillet 2022 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG 21/01665) et, en tout état de cause, la réformation ou l'annulation, sinon la critique des chefs de l'ordonnance ci-après exposés. Les appelants précisent que leur appel est formé à l'appui de l'intégralité des pièces produites en première instance ainsi que sur les pièces qui pourraient être produites en cause d'appel. Les appelants défèrent donc à la Cour la connaissance des chefs de l'ordonnance suivants, qu'ils critiquent expressément et ainsi que ceux qui en dépendent, et notamment en ce qu'elle a :

- Déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE à l'encontre de la SA ALLIANZ IARD et en conséquence les déboutons de toutes leurs demandes à son encontre ; - Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, - Condamné in solidum Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE aux entiers dépens. »

Dans leurs conclusions communes nº 2 ensuite du 21 septembre 2022 M. [T] et la SARL [Localité 4] Carrosserie demandent à la cour de :

« Vu les dispositions des articles L. 327-1 et suivants du Code de la route et 1240 du Code Civil,

Vu les dispositions de l'article L. 114-1 du Code des Assurance et subsidiairement de l'article 2224 du Code Civil,

' INFIRMER l'ordonnance rendue le 07 juillet 2022 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE à l'encontre de la SA ALLIANZ IARD et en conséquence les déboutons de toutes leurs demandes à son encontre ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamné in solidum Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE aux entiers dépens.

' DÉCLARER recevables et bien fondées l'instance et l'action de Monsieur [U] [T] et la SARL [Localité 4] CARROSSERIE.

' ENJOINDRE la Société ALLIANZ IARD de reprendre, à ses frais, le véhicule BMW 320 immatriculé [Immatriculation 7], actuellement entreposé au sein des locaux de la Société [Localité 4] CARROSSERIE, et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

' CONDAMNER la Société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [T] l'intégralité du prix du véhicule correspondant à la VRADE, déduction faite de la première somme d'ores et déjà perçue par ce dernier, soit la somme restant due de 2 222 € (1 822 + 400), correspondant à la valeur de l'épave et à la franchise indûment appliquées, outre intérêts au taux légal à compter du 05 mars 2021 (mise en demeure).

' CONDAMNER la Société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [T] les frais de gardiennage exposés depuis le 17 décembre 2018, date de dépôt du véhicule litigieux au sein de la Société [Localité 4] CARROSSERIE, s'évaluant à la somme de 51 918 € arrêtée au 31 juillet 2022, à parfaire à raison d'une indemnité de 54 € TTC par jour supplémentaire écoulés après le 31 juillet 2022, au jour de l'enlèvement effectif du véhicule par la Société ALLIANZ IARD, outre intérêts au taux légal à compter du 05 mars 2021 (mise en demeure), étant précisé que les frais de gardiennage déjà indemnisés pour 15 jours d'un montant de 675 € sont déjà déduits de cette somme.

' PRÉCISER que cette somme sera directement versée entre les mains de la Société [Localité 4] CARROSSERIE pour le compte de Monsieur [T].

' CONDAMNER la Société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [T] les frais d'assurance dont il a été contraint de s'acquitter, soit la somme de 2 015,52 € arrêtée au 31 juillet 2022, à parfaire à raison de mensualités d'un montant de 64,53 € par mois supplémentaire écoulés ultérieurement au 31 juillet 2022, au jour de l'enlèvement effectif du véhicule par la Société ALLIANZ IARD, outre intérêts au taux légal à compter du 05 mars 2021 (mise en demeure), étant précisé que les frais d'assurance déjà indemnisés pour un montant total de 823,80 € sont déjà déduits de cette somme.

' DÉBOUTER la Société ALLIANZ IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires.

' CONDAMNER la Société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [T] et à la Société [Localité 4] CARROSSERIE la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

' CONDAMNER la même aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître AURATUS, Avocat sur son affirmation de droit. »

***

En défense, dans des conclusions du 9 septembre 2022, la compagnie ALLIANZ demande pour sa part à la cour de :

« Vu les articles 114-1 et suivants du code des assurances,

Vu les articles 112-6 et 112-1 du code des assurances.

Vu les articles 1917 et 1235 du code civil.

Vu la loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés,

Vu l'article 568 du code de procédure civile.

Vu le contrat d'assurance, ses dispositions générales et particulières,

Vu la jurisprudence versée aux débats,

À titre principal :

Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de Clermont-Ferrand en qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action intentée par M. [T] et la société [Localité 4] CARROSSERIE.

À titre subsidiaire et évoquant :

Débouter M. [U] [D] [T] et la société [Localité 4] CARROSSERIE de toutes leurs demandes.

En tout état de cause et évoquant :

Condamner M. [U] [D] [T] à répéter l'indu d'un montant de 2 230,80 euros à la S.A ALLIANZ IARD,

Condamner la société [Localité 4] CARROSSERIE et Monsieur [U] [D] [T] à payer la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la S.A ALLIANZ IARD,

Condamner la société [Localité 4] CARROSSERIE et Monsieur [U] [D] [T] aux entiers dépens. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

L'affaire, instruite selon les modalités de l'article 905 du code de procédure civile est venue devant la cour à son audience du jeudi 23 mars 2023.

II. Motifs

Selon l'article L. 114-1 du code des assurances toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

L'article L. 114-2 du même code précise que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

Enfin, selon l'article L. 327-1 du code de la route les entreprises d'assurances tenues à un titre quelconque à indemniser les dommages à un véhicule dont un rapport d'expertise fait apparaître que le montant des réparations est supérieur à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre doivent dans les quinze jours suivant la remise du rapport d'expertise proposer une indemnisation en perte totale avec cession du véhicule à l'assureur. Le propriétaire du véhicule dispose de trente jours pour donner sa réponse.

En l'espèce, la compagnie ALLIANZ est l'assureur de la SARL [Localité 4] Carrosserie dans les locaux de laquelle le véhicule de M. [T] a été volé le 3 décembre 2018.

Le véhicule de M. [T] a été retrouvé le 6 décembre 2018 par les services de police de [Localité 4]. La compagnie ALLIANZ a fait procéder par le cabinet d'expertise REVOL à une évaluation le 25 février 2019, d'où il résulte que ce véhicule, ayant subi un choc violent et des dégradations après avoir été volé, est économiquement irréparable.

Contrairement à ce qu'a dit le juge de la mise en état, l'article L. 327-1 du code de la route est bien applicable ici, en ce que ce texte précise expressément qu'il a vocation à régir toute les situations dans lesquelles les entreprises d'assurances sont « tenues à un titre quelconque à indemniser les dommages ['] » Or dans le cas présent la compagnie ALLIANZ est tenue, en sa qualité d'assureur de la SARL [Localité 4] Carrosserie, de réparer les dommages subis par les clients de celle-ci dans l'hypothèse notamment d'un vol, ainsi que cela résulte des conditions générales du contrat produites au dossier (cf. article 5 - Dommages aux véhicules confiés).

En application de l'article L. 327-1 du code de la route, la compagnie ALLIANZ aurait donc dû proposer à M. [T], dans les 15 jours du rapport d'expertise, soit au plus tard le 12 mars 2019, « une indemnisation en perte totale avec cession du véhicule à l'assureur », ce que manifestement elle n'a pas fait.

Devant la carence de l'assureur, M. [T] disposait selon l'article L. 114-1 du code des assurances d'un délai de deux années, partant du 12 mars 2019, pour faire valoir ses droits auprès de la compagnie ALLIANZ.

Selon l'article L. 114-2 du code des assurances l'interruption de la prescription de l'action peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

En l'espèce, le conseil de M. [T] et de la SARL [Localité 4] Carrosserie a adressé à la compagnie ALLIANZ une lettre RAR le 5 mars 2021, reçue par l'assureur le 11 mars 2021, rappelant expressément les dispositions de l'article L.327-1 du code de la route et sollicitant la somme totale de 27 086,51 EUR « à parfaire » au titre de la valeur du véhicule et des frais de gardiennage.

Cette lettre a donc interrompu la prescription qui a couru de nouveau jusqu'au 11 mars 2023.

En conséquence, l'assignation au fond diligentée le 29 avril 2021 par M. [T] et la SARL [Localité 4] Carrosserie contre la compagnie ALLIANZ n'était pas prescrite.

L'ordonnance sera donc infirmée, mais bien évidemment, contrairement à ce que sollicitent les appelants, il n'est pas question de statuer ici au fond puisque l'appel porte sur une décision du juge de la mise en état. La solution contraire reviendrait à supprimer le premier degré de juridiction, ce qui n'est pas souhaitable, étant rappelé que la cour n'est jamais tenue à l'évocation qui demeure un choix discrétionnaire de sa part (article 568 du code de procédure civile).

3000 EUR sont justes pour l'article 700 du code de procédure civile.

La compagnie ALLIANZ supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance ;

Statuant à nouveau, juge recevables les demandes de M. [T] et de la SARL [Localité 4] Carrosserie devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand statuant au fond ;

Condamne la compagnie ALLIANZ à payer à M. [T] et à la SARL [Localité 4] Carrosserie ensemble la somme unique de 3000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant le juge de la mise en état et la cour ;

Condamne la compagnie ALLIANZ aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président