Tribunal administratif de Strasbourg, 2ème Chambre, 16 mai 2024, 2108389

Mots clés
société • contrat • préjudice • requête • publicité • rejet • réparation • résiliation • restructuration • pouvoir • rapport • recours • référé • relever • remboursement

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
  • Numéro d'affaire :
    2108389
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Rejet
  • Nature : Décision
  • Rapporteur : M. Boutot
  • Commentaires :
  • Avocat(s) : SELARL DÔME AVOCATS
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2021 et 21 décembre 2022, la société Ingevo, représentée par Me Llorens (SELARL Leonem Avocats), demande au tribunal : 1°) d'annuler, à défaut résilier, le contrat conclu par la commune de Petit-Rederching avec la société Socotec le 30 septembre 2021 ; 2°) de condamner la commune de Petit-Rederching à verser à la société Ingevo la somme de 1 187,12 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction illégale, subsidiairement la somme de 365 euros au titre des frais engagés pour la présentation de son offre, assortie des intérêts de droit et de leur capitalisation ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Petit-Rederching le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la commune s'est volontairement soumise à une procédure adaptée ; - elle ne pouvait recourir au critère unique du prix compte tenu de la nature de la prestation objet du contrat ; - elle s'est fondée sur un second critère non porté à la connaissance des candidats ; - ces irrégularités sont directement à l'origine de l'éviction de l'offre de la société Ingevo, qui est dès lors fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait de cette éviction illégale et fautive. Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 novembre 2022 et 25 janvier 2023, la commune de Petit-Rederching, représentée par Me Verdin (Selarl Dôme Avocats), conclut au rejet de la requête, et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de la société Ingevo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance en date du 25 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 février 2023. Vu les pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 avril 2024 : - le rapport de Mme Merri, première conseillère, - les conclusions de M. Boutot, rapporteur public ; - les observations de Me Canal, représentant la société Ingevo, - et les observations de Me Verdin, pour la commune de Petit-Rederching.

Considérant ce qui suit

: 1. La commune de Petit-Rederching a engagé une procédure en vue de la passation d'un marché de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs (SPS), dans le cadre des travaux de restructuration d'un ancien bâtiment scolaire pour l'aménagement d'une maison d'assistantes maternelles. La société Ingevo a présenté une offre au prix de 3 124 euros hors taxes. Par un courrier du 28 septembre 2021, la commune a avisé la société Ingevo de l'attribution du marché à la société Socotec, pour un prix de 2 598 euros hors taxes. La société Ingevo a contesté le rejet de son offre par un courrier du 7 octobre 2021, et a présenté une demande d'indemnisation du préjudice causé par son éviction le 30 novembre 2021. Elle demande au tribunal d'annuler le marché conclu entre la société Socotec et la commune de Petit-Rederching et de condamner cette dernière à l'indemniser du préjudice que lui a causé son éviction illégale. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. En ce qui concerne les vices invoqués : 3. En premier lieu, aux termes du point 11 du document intitulé " règles d'achat et conditions d'exécution du marché ", relatif au jugement des offres : " Le jugement sera effectué dans les conditions prévues par le code de la commande publique. L'offre économiquement la plus avantageuse sera choisie selon le critère suivant (). ". 4. Il résulte de l'instruction que la commune, qui n'y était pas tenue au regard du montant du marché en litige, a fait le choix de procéder à une publicité et une mise en concurrence préalable en vue de sa passation, et en particulier, ainsi qu'il ressort des dispositions précitées, en se soumettant aux règles de jugement des offres prévues par le code de la commande publique. Il lui incombait donc de se plier à ces règles. 5. Aux termes de l'article R. 2152-7 du code de la commande publique : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : / 1° Soit sur un critère unique qui peut être : / a) Le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; (). ". 6. Si la mission objet du contrat en litige consiste en une combinaison de prestations définies et limitativement énumérées aux articles R. 4532-4 à R. 4532-29 du code du travail, leur qualité, s'agissant de prestations intellectuelles, ne saurait être regardée comme étant insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre. 7. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la commune de Petit-Rederching ne pouvait, sans méconnaître les règles qu'elle s'était fixées pour passer le marché, recourir au critère unique du prix. 8. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, pour attribuer le marché, la commune de Petit-Rederching se soit, en outre, fondée sur un second critère non mentionné dans les documents de la consultation. En ce qui concerne les conséquences à tirer du vice constaté : 9. Il revient au juge du contrat, après avoir pris en considération la nature des vices entachant la validité du contrat dont il constate l'existence, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. 10. Le vice constaté au point 7, qui n'affecte pas le consentement de la commune et ne présente pas une gravité particulière, n'est pas de nature à justifier l'annulation du contrat litigieux. Dans les circonstances de l'espèce, en particulier eu égard au très faible montant du marché et à la circonstance que, en cas de résiliation, les prestations restant à exécuter pourraient, compte tenu de leur montant, être attribuées sans publicité ni mise en concurrence, y compris à son titulaire actuelle, il y a lieu de considérer que ce vice de fait pas obstacle à la poursuite de l'exécution du marché en litige. Sur les conclusions indemnitaires : 11. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi. 12. Il résulte de l'instruction que la société Ingevo a remis une offre de 3 124 euros, alors que la société Socotec, attributaire, a remis une offre de 2 598 euros, inférieure de 20 %. Compte tenu de cet écart très significatif, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de l'attributaire aurait été d'une valeur technique sensiblement inférieure à celle de la requérante, cette dernière doit être regardée dépourvue de toute chance de remporter le marché. En conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par la société Ingevo ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Petit-Rederching, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Ingevo la somme qu'elle réclame à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Ingevo la somme que sollicite la commune de Petit-Rederching sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la société Ingevo est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Petit-Rederching au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Ingevo, et à la commune de Petit-Rederching. Copie en sera adressée à la société Socotec. Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient : M. Rees, président, Mme Merri, première conseillère, Mme Dobry, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024. La rapporteure, D. MERRI Le président, P. REES La greffière, V. IMMELÉ La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier,

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