Cour d'appel de Rennes, 16 octobre 2012, 2009/07282

Mots clés procédure · action en contrefaçon · recevabilité · appel · intervention volontaire · cédant · intervention accessoire · action en responsabilité délictuelle · action en nullité du titre · demande nouvelle en appel · demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale · demande reconventionnelle · demande en contrefaçon · demande en nullité du titre · demande en déchéance · demande de réparation pour procédure abusive · lien suffisant avec la demande initiale · intérêt à agir · qualité pour agir · opposabilité du titre · faits antérieurs à l'inscription de la cession au registre · perte des droits sur le titre · titre expiré · forclusion par tolérance · connaissance de l'usage · validité de la marque · dépôt frauduleux · signe ou usage antérieur · dénomination sociale · enseigne · nom commercial · nom patronymique · fonction d'indication d'origine · volonté de s¿approprier le signe d'autrui · entrave à l'exploitation du signe d'autrui · concurrence déloyale · atteinte à l'enseigne · atteinte à la dénomination sociale · atteinte au nom commercial · situation de concurrence · activité identique ou similaire · proximité géographique · risque de confusion · préjudice · trouble commercial · interdiction

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro affaire : 2009/07282
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CUISINES DANIEL DANET ; CUISINES DANET
Classification pour les marques : CL20 ; CL21 ; CL37 ; CL38 ; CL42
Numéros d'enregistrement : 3794432 ; 3036297
Parties : MENUISERIE ARTISANALE ECRIN SARL / AJIRE SELARL (es qualité d'administrateur judiciaire de la Sté MENUISERIE ARTISANALE ECRIN) ; CUISINES DANET SARL ; DUPONT (Me R, es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la Sté MENUISERIE ARTISANALE ECRIN)
Président : Monsieur Alain POUMAREDE

Texte

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2012

3ème Chambre Commerciale R.G : 09/07282

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Mme Françoise COCCHIELLO, Conseiller, Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, entendu en son rapport et rédacteur

GREFFIER : Madame Béatrice F, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 03 Juillet 2012

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Octobre 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

APPELANTE : Société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN SARL (RJ) Zone des Quatre Vents 56250 MONTERBLANC Représentée par la SCP GAUTIER LHERMITTE, Postulant (avocats au barreau de RENNES) assistée de Me G Jean-François, Plaidant (avocat au barreau de PARIS)

INTIMÉS : AJIRE SELARL es qualité d'administrateur judiciaire de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN 4 cours Raphaël Binet 35000 RENNES Représentée par la SCP GAUTIER LHERMITTE, Postulant (avocats au barreau de RENNES) assistée de Me G Jean-François, Plaidant (avocat au barreau de PARIS)

Société CUISINES DANET SARL [...] 56000 VANNES Représentée par la SCP BREBION CHAUDET, Postulant (avocats au barreau de RENNES) assistée de Me François H, Plaidant (avocat au barreau de PARIS)

Maître Raymond D es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN [...] BP 173 56000 VANNES défaillant, régulièrement assigné

EXPOSÉ DU LITIGE Immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Vannes le 25 octobre 2002, la SARL Menuiserie Artisanale Ecrin (société MAE) exerce à Monterblanc (Morbihan), à 11 km de Vannes, depuis le 5 novembre 2002, l'activité de menuiserie, ébénisterie, aménagement de cuisines et de salles de bains. Elle a racheté pour le prix de 346 821 euros, dont 220 000 euros au titre des éléments incorporels, le fonds de commerce de la société Cuisines Daniel Danet, dont le gérant et unique associé était monsieur Daniel D, ce fonds comprenant l'enseigne et le nom commercial 'CUISINES DANET' ainsi que le nom de domaine 'cuisines- danet.com' enregistré le 5 janvier 2001.

Le fonds de commerce cédé qui trouvait son origine dans l'activité artisanale exercée à Monterblanc par Monsieur Daniel D depuis le 15 février 1976, date de son inscription au répertoire des métiers de Vannes, était exploité depuis le 1 er juillet 1982 par la SARL Cuisines Daniel Danet.

Le 4 septembre 2003, la société MAE a déclaré au Registre du commerce et des sociétés avoir modifié, à compter du 25 juin précédent, son nom commercial de 'Espace Cuisines et réalisations d'intérieurs' en 'Espace Cuisines Daniel D'. Elle a ouvert à Vannes, le 1er novembre 2003, un établissement complémentaire pour l'exploitation d'un fonds de commerce de vente et exposition de cuisines, salles de bains et dressing à l'enseigne 'Espace Cuisines Daniel Danet'. Le 29 novembre 2005, elle a déclaré avoir modifié, à compter du 20 septembre précédent, l'enseigne et le nom commercial de ses établissements principal et complémentaire en 'Cuisines D Daniel'.

Le 3 janvier 2011, la société MAE a déposé la marque nominale n°3794432 'Cuisines Daniel D'.

La SARL Cuisines Danet, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Vannes le 26 septembre 2006, exerce depuis le 1er octobre suivant, l'activité ainsi déclarée : 'commercialisation de biens d'équipement du foyer, en particulier, se rapportant à la cuisine'. Suivant acte du 15 octobre 2006, elle a racheté une partie du fonds de commerce de la société Atelier de Très Le Bois, comprenant 'à l'exclusion de tous autres actifs' les éléments suivants : branche d'activité de commercialisation et de distribution de cuisines et d'équipement destinés aux particuliers, la clientèle et les contrats y attachés, le droit au bail de locaux sis à Vannes et à Loudéac, le matériel et la marque semi-figurative n°00 3 036297 'C DANET' enregistrée le 19 juin 2000 pour désigner des produits et services des classes 20, 37 et 38.

La cession de cette marque, qui n'est plus en vigueur depuis le 19 juin 2010 faute de renouvellement, a été publiée au registre national des marques le 6 septembre 2007. Elle avait été déposée par la société Jean Luc DANET, devenue le 12 juillet 2004 société 'Atelier de Très le Bois', laquelle exploitait, depuis son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc le 24 juin 1980, le fonds de commerce créé par monsieur Jean-Luc DANET, artisan menuisier à Loudéac dans les Côtes d'Armor, immatriculé au Répertoire des Métiers de Saint-Brieuc (22) du 3 avril 1972 au 31 mars 1980, puis au registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc à partir du 17 septembre 1976 au titre d'une activité de 'menuiserie- agencements de cuisines-vente d'appareils ménagers'.

La SA Jean-Luc D faisait immatriculer, le 8 mars 1986, un établissement secondaire au registre du commerce et des sociétés de Vannes.

En 1996, les consorts D vendaient leurs actions et leur fonds de commerce à monsieur C FERREC qui prenait les fonctions de président de la société Jean Luc DANET.

Le 13 décembre 1999, la société Jean Luc DANET déclarait avoir modifié, à compter du 8 octobre précédent, son nom commercial et son enseigne de 'ETS J.L. DANET' en 'C DANET-AGENCEMENT DANET'.

Le 14 avril 2003, elle faisait enregistrer le nom de domaine 'cuisinesdanet.com'.

Après avoir le 28 mai 2007 mis en demeure la société MAE de cesser tout usage de son nom commercial, de son enseigne et de son nom de domaine, la société Cuisines Danet l'a, le 16 octobre 2007, assignée devant le tribunal de grande instance de Vannes en contrefaçon de sa marque.

Le 22 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Vannes a rendu la décision suivante : 'Juge que la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de la marque française semi figurative n°003036297 "Cuisines Danet" au détriment de la société CUISINES DANET,

Interdit à la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN tout usage de la marque française semi figurative n° 003036297 "Cuisines Da net" pour désigner des produits ou services similaires ou identiques,

Interdit à la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN tout usage des vocables ou mentions "Danet", "Cuisines Danet", "Cuisines Daniel D", Espaces cuisines Daniel D", "Cuisines D Daniel" et "Daniel D cuisines",

Ordonne à la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN d'avoir à rétrocéder à la société C DANET le nom de domaine: cuisines-danet.com,

Condamne la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN à payer à la société CUISINES DANET la somme de 30.000 euros, à titre de dommages et intérêts,

Ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans deux journaux ou revues au choix de la société Cuisines Danet, aux frais exclusifs de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN, dans la limite de 5.000 euros HT par insertion, ainsi qu'en page d'accueil du site internet de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN pendant une durée de deux mois à compter de la signification du présent jugement ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute les parties leurs demandes plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamne la société MENUIS ERIE ARTISANALE ECRIN aux dépens dont distraction au profit de Maître Patrick E, Avocat.'

La SARL MAE a relevé appel de ce jugement. Placée en redressement judiciaire le 24 août 2011, la SELARL Ajire étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et Maître D en qualité de mandataire, elle a été assignée en reprise d'instance le 18 octobre 2011.

La société Atelier de Très Le Bois est intervenue à la procédure le 9 janvier 2012.

Dans le dernier état de ses écritures, la société MAE forme les demandes suivantes : 'Décerner acte à la société Ajire, prise en la personne de Maître Erwann M, de son intervention à la procédure devant la Cour es qualités d'administrateur judiciaire de la société Menuiserie Artisanale Ecrin et de ce qu'il s'associe aux demandes de l'appelante,

Dire et juger la société Atelier de Très le Bois irrecevable en toutes ses demandes formées par voie d'intervention volontaire par conclusions du 6 janvier 2012, et l'en débouter,

Dire et juger que les demandes en usurpation de ses signes distinctifs autres que la marque «Cuisines Danet» n° 00 3 036 297, formées pour la p remière fois en cause d'appel par la société Cuisines Danet, par conclusions du 6 janvier 2012, sont également irrecevables,

Déclarer la société Menuiserie Artisanale Ecrin recevable et bien fondée en son appel et, y faisant droit,

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

' Déclarer la société Cuisines Danet irrecevable en sa demande en contrefaçon,

Subsidiairement : ' Prononcer l'annulation de la marque «Cuisines Danet» n°00 3 036 297 pour les produits et services suivants : « meubles de cuisine, salle de bains, agencement d'intérieur ; banques d'accueil, bars, comptoirs, placards, rayonnages. Service d'installation : pose de cuisines, salle de bains et aménagement intérieur », par application des articles L. 713-6 et L. 711-4 b) et/ou L. 711-4 g) du code de la propriété intellectuelle et/ou de l'adage «fraus omnia corrumpit»,

' Dire que mention de cette annulation sera inscrite au Registre national des marques tenu par l'Institut national de la propriété industrielle, sur réquisition du greffier, par application de l'article R 714-3 du code de la propriété intellectuelle,

' À tout le moins, dire et juger que la société Menuiserie Artisanale Ecrin est recevable et fondée à opposer, par voie d'exception, la nullité de l'enregistrement de la marque «Cuisines Danet » n° 00 3 036 297, au regard des textes susvisés,

' À défaut, constater que la société Cuisines Danet ne justifie d'aucun usage sérieux de la marque n°00 3 036 297, pendant une période in interrompue de cinq ans postérieurement à son enregistrement, pour désigner les produits et services suivants : ' meubles de cuisine, salle de bains, agencement d'intérieur ; banques d'accueil, bars, comptoirs, placards, rayonnages. Service d'installation, pose de cuisines, salle de bains et aménagement intérieur. Service de transmission d'information par réseau internet ',

' En conséquence, prononcer la déchéance des droits de la société Cuisines Danet sur la marque n°00 3 036 297, à compter du 29 juill et 2005, pour désigner l'intégralité des produits et services visés dans la marque enregistrée,

' Dire que mention de cette déchéance sera faite au registre national des marques à l'Institut national de la propriété industrielle, à la requête de la société Menuiserie Artisanale Ecrin, par application de l'article R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle,

En toute hypothèse:

' Déclarer la société Cuisines Danet irrecevable en sa demande en contrefaçon pour la période antérieure au 6 septembre 2007, et celle postérieure au 19 juin 2010,

' Dire et juger que, par suite du non-renouvellement de la marque n°00 3 036 297, et de son expiration, le 19 juin 2010, les demandes d'interdiction d'usage formées par la société Cuisines Danet sont désormais irrecevables,

' Débouter la société Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

' Condamner la société Cuisines Danet à payer à la société Menuiserie Artisanale Ecrin la somme de cent mille euros (100 000 €) à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme,

' Interdire à la société Cuisines Danet ainsi qu'à la société Atelier de Très le Bois tout usage de la dénomination «Cuisines Danet» de toute dénomination similaire associant les mots « Cuisines» et « Danet », de toute dénomination comprenant le nom « Danet » sans que celui-ci ne soit précédé ou suivi du prénom «Jean-Luc», à quelque titre que ce soit, notamment à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, de même que tout usage du nom de domaine www.cuisinesdanet.com sous astreinte de 3.000 € par jour de retard, et par infraction constatée dans les huit jours de la signification de l'arrêt à intervenir,

' Dire et juger que la Cour se réservera le pouvoir de liquider l'astreinte,

' Condamner la société Cuisines Danet à payer à la société Menuiserie Artisanale Ecrin la somme de dix mille euros (10000 €) à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

' Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en totalité ou par extraits, au besoin à titre de dommages et intérêts, dans deux revues ou journaux au choix de la société Menuiserie Artisanale Ecrin et aux frais de la société Cuisines Danet, ainsi que, pendant une durée ininterrompue de trois mois en première page du site Internet cuisinesdanet.com et de tout autre site Internet de la société Cuisines Danet, en caractères très apparents (police arial 12) sans que le coût global de chaque insertion ou publication n'excède la somme de 5 000 euros H.T.,

' Autoriser la publication de l'arrêt à intervenir sur le propre site Internet de la société Menuiserie Artisanale Ecrin, aux frais de la société Cuisines Danet,

' Condamner la société Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois aux entiers dépens, et autoriser la SCP Yvonnick Gautier et Christophe Lhermitte, avocats, à les recouvrer directement, par application de l'article 699 du Code de procédure civile,

' Condamner la société Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois, in solidum, à payer à la société Menuiserie Artisanale Ecrin la somme de 50 000 euros, sauf à parfaire, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.'

La SARL Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois présentent les demandes suivantes : 'DIRE ET JUGER recevable l'intervention volontaire de la société ATELIER DE TRES LE BOIS;

DIRE ET JUGER que la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de la marque française serni-ftgurative n°003036297 «C DANET» et d'usurpation de signes distinctifs, au détriment de la société CUISINES DANET et ATELIER DE TRÈS LE BOIS ;

DIRE irrecevables les demandes nouvelles en cause d'appel de MENUISERIE ARTISANALE ECRIN tendant à déclarer irrecevable l'action en contrefaçon de la société CUISINE DANET, à l'annulation de la marque «CUISINES DANET» n°003036297, à l'octroi de dommages et intérêts au titre d'une procédure abusive et à la déchéance de la marque CUISINES DANET DIRE ET JUGER que l'enregistrement de la marque française n°03794432 «C DANIEL D» a été fait en fraude des droits de C DANET et de la société ATELIER DE TRÈS LE BOIS et porte sur un signe indisponible

PRONONCER en conséquence la nullité de la marque française n°3794432 «C DANIEL D» pour les produits et services suivants 'Meubles, glaces, cadres, meubles de cuisine, salle de bains, dressings, bibliothèques, meubles d'intérieur: banques d'accuei4 bars, comptoirs, placards, rayonnages, miroirs, tables, chaises, tabourets, fauteuils. Ustensiles et récipients non électriques pour le ménage ou la cuisine. Services de conception, pose de cuisines, salles de bains, dressings, bibliothèques, meubles d'intérieur et aménagement intérieur ; décoration intérieure.'

INTERDIRE à la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN tout usage des vocables ou mentions « Danet» « Cuisines Danet» 'Cuisines Daniel D', 'Espaces Cuisines Daniel D', 'Cuisines D Daniel' ou encore 'Daniel D C' et ce, sous astreinte de 2.500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir et se RESERVER la liquidation de l'astreinte ;

ORDONNER à la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN d'avoir à rétrocéder à la société CUISINES DANET le nom de domaine cuisines-danet.com, sous astreinte de 2.500 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement à intervenir et se RÉSERVER la liquidation de l'astreinte;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement entrepris sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts octroyés à la société CUISINES DANET et dit n'y avoir lieu à article 700 code de procédure civile

Et jugeant de nouveau pour le surplus

DÉBOUTER la société MENUISERIES ARTISANALE ECRIN de toutes ses demandes, fins et conclusions

à titre subsidiaire, LIMITER l'utilisation du nom DANET par MENUISERIE ARTISANALE ECRIN à la seule mention du nom de «Monsieur Daniel D» comme fondateur de l'entreprise dans le texte écrit du seul historique de présentation de l'entreprise, figurant sur le site internet de MENUISERIE ARTISANALE ECRIN et/ou sur les plaquettes commerciales de l'appelante, à l'exclusion de toutes autres exploitations de quelque nature et sur quelque support que ce soit ;

En toute hypothèse:

ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans deux journaux ou revues au choix de la société CUISINES DANET, et aux frais exclusifs de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN, dans la limite de la somme de 5.000 € HT par insertion, ainsi qu'en page d'accueil du site internet de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN, pendant une durée de 2 mois, à compter de la signification de la décision à intervenir ; FIXER la créance de la société CUISINES DANET au passif du redressement judiciaire de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN à la somme de 150.000,00 € (CENT CINQUANTE MILLE EUROS) se décomposant de la manière suivante:

- Principal : 100.000,00-€

- Frais de publication : 10.000,00-€

- Article 700 : 40.000,00-€

CONDAMNER solidairement Maître Raymond D, es-qualité de mandataire judiciaire de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN et la SELARL AJIRE, es-qualité d'administrateur judiciaire de la société MENUISERIE ARTISANALE ECRIN aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP BREBION CHAUDET conformément aux dispositions de l'article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.'

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Menuiserie Artisanale Ecrin et la SELARL Ajire le 9 janvier 2012 et pour la SARL CUISINES DANET et la SARL Atelier de Très Les Bois le 6 juin 2012.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la recevabilité de l'intervention de la société Atelier de Très le Bois

Aux termes de l'article 554 du Code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance.

Le 9 janvier 2012, la société de Très le Bois est intervenue volontairement à la procédure, indiquant 'reprendre à son compte et soutenir les demandes de Cuisines Danet, sans former par ailleurs aucune demande propre ou nouvelle pour son compte' (page 18 de ses écritures). Il s'en déduit que son intervention est accessoire.

En tant que cédante de la marque dont la validité est contestée et utilisatrice des signes distinctifs litigieux, elle justifie d'un intérêt personnel à intervenir au soutien de l'action en contrefaçon de marque diligentée par la société Cuisines Danet.

En revanche, son intervention tardive ne saurait avoir pour effet d'étendre les termes du litige au-delà des demandes recevables de la société Cuisines Danet, et de lui permettre d'échapper ainsi à la prescription encourue pour les faits de contrefaçon dont elle aurait été personnellement victime.

Sur la recevabilité des demandes présentées par la SARL Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois Conformément à l'article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Ces dispositions s'imposent au tiers qui intervient pour la première fois en cause d'appel.

Cependant les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Pour la première fois en cause d'appel, la société Cuisines Danet, qui avait exclusivement fondé son action en première instance sur les articles L.713-1 et suivants et L.716-1 du Code de la propriété intellectuelle, sollicite la condamnation de la société MAE pour usurpation de ses signes distinctifs autres que la marque. Elle déduit la recevabilité de sa demande du fait qu'elle sollicite comme en première instance qu'il soit fait interdiction à son adversaire de faire usage de ses signes distinctifs.

Mais, l'action en contrefaçon sanctionne l'atteinte à un droit privatif tandis que l'action en usurpation de signes distinctifs autres que la marque constitue une action en responsabilité délictuelle fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil. Même si elle peut donner lieu à des mesures de réparation similaires, elle ne tend donc pas aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges de sorte qu'elle sera déclarée irrecevable comme nouvelle.

De même, l'action en nullité de la marque n° 379443 2 'Cuisines Daniel D' déposée le 3 janvier 2011 par la société MAE, présentée pour la première fois devant la cour, est irrecevable comme nouvelle puisque son objet et sa fin diffèrent de ceux de l'action en contrefaçon initiale.

Sur la recevabilité des demandes de la société Menuiserie Artisanale des Ecrins

En application de l'article 567 du Code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel dès lors qu'elles se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires.

Tel est le cas de la demande tendant à voir constater l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon de marque et de celles tendant à l'annulation de la marque prétendument contrefaite, à la nullité de son enregistrement ou à sa déchéance, lesquelles constituent des moyens de défense recevables à ce titre en tout état de la procédure.

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n'encourt pas davantage le grief de demande nouvelle dans la mesure où elle peut être présentée à tous les stades de la procédure dont elle est la conséquence.

Sur le moyen tiré de la nullité de la cession de la marque La société MAE conclut à la nullité de la cession de la marque en raison du non- respect des dispositions de l'article L.143-17 du Code de commerce selon lequel :

'Outre les formalités d'inscription mentionnées à l'article L.143-16, les ventes ou cessions de fonds de commerce comprenant des marques de fabrique et de commerce, des dessins ou modèles industriels, ainsi que les nantissements de fonds qui comprennent des brevets d'invention ou licences, des marques ou des dessins et modèles, doivent être inscrits à l'Institut national de la propriété industrielle, sur la production du certificat d'inscription délivré par le greffier du tribunal de commerce, dans la quinzaine qui suivra cette inscription, à peine de nullité à l'égard des tiers, des ventes, cessions ou nantissements en ce qu'ils s'appliquent aux brevets d'invention et aux licences, aux marques de fabrique et de commerce, aux dessins et modèles industriels.'

Mais ces dispositions qui sont insérées dans la section du code consacrée aux formalités d'inscription et de radiation des gages et privilèges en cas de vente ou de nantissement du fonds de commerce en sont indissociables. Elles s'analysent en une inopposabilité de la cession aux tiers revendiquant des droits ou des garanties sur l'actif cédé, ce qui n'est pas le cas de la société appelante.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon

Aux termes de l'article L.714-7 du Code de la propriété intellectuelle, toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques.

Or, la transmission de la propriété de la marque 'Cuisines Danet' à la SARL Cuisines Danet n'a été publiée au registre national des marques que le 6 septembre 2007.

L'assignation en contrefaçon ayant été délivrée le 16 octobre 2007, la société Cuisines Danet avait à cette date intérêt et qualité à l'exercice de cette action mais seulement pour la période postérieure à la publication de la cession à son profit. Cette marque n'étant plus en vigueur depuis le mois de juin 2010, l'action en contrefaçon de l'intimée n'est recevable qu'en tant qu'elle porte sur des actes de contrefaçon commis pendant la période comprise entre le 6 septembre 2007 et le 19 juin 2010.

Le jugement du tribunal de grande instance sera donc réformé en ce qu'il a interdit à la société MAE tout usage de la marque française semi figurative n°003036297 "Cuisines Danet" pour désigner des produits ou services similaires ou identiques et, par voie de conséquence, tout usage des vocables et mentions contrefaisant cette marque puisque le fondement justifiant cette interdiction n'existe plus.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande d'annulation de l'enregistrement de la marque 'Cuisines Danet'

Les sociétés intimées soutiennent que cette demande, formulée pour la première fois par conclusions déposées le 15 février 2010, se heurterait à la forclusion par tolérance édictée par l'article L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle aux termes duquel 'seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L.711-4. Toutefois, son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans.'

Mais, il appartient à la partie qui se prévaut de cette forclusion de démontrer la connaissance, par son adversaire, de l'existence de la marque en cause, cette connaissance pouvant en l'espèce d'autant moins se déduire de sa publication au BOPI (toujours insuffisante) que celle-ci était affectée d'une erreur quant à l'identité du déposant qui n'a été réparée que concomitamment à la publication de sa cession.

Or, il n'est pas démontré qu'avant la démarche effectuée par monsieur F au cours de l'année 2007, le dépôt d'une marque 'Cuisines Danet' ait été porté à la connaissance de la société MAE. Les documents produits révèlent au contraire que jusqu'à l'introduction de la présente procédure, la société Atelier de Très le Bois qui avait commencé dès 1998 à utiliser le logo déposé seulement deux ans plus tard à titre de marque, a continué à utiliser ce signe dans les mêmes conditions que précédemment, comme enseigne, nom commercial et ensuite nom de domaine sans jamais le qualifier de marque, ni s'en servir pour identifier les différents produits qu'elle fabriquait et commercialisait ou les services qu'elle offrait à la clientèle. C'est seulement en 2008, soit en cours de procédure, qu'a commencé à apparaître sur les courriers adressés à la clientèle la mention : 'Cuisines DANET est une marque déposée à l' INPI'.

En conséquence, la société intimée ne démontre pas que la société MAE avait connaissance de l'existence de la marque litigieuse avant l'année 2007 de sorte que la forclusion de l'article L.714-3 n'est pas encourue.

Sur la demande d'annulation de l'enregistrement de la marque 'Cuisines Danet''

Aux termes de l'article L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle, 'ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment :...

b) à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.'

La liste de l'article L711-4 n'est pas exhaustive et, de manière générale, toute atteinte frauduleuse aux droits antérieurement acquis peut justifier l'annulation de l'enregistrement d'une marque.

Pour s'opposer à la demande d'annulation de la marque 'Cuisines Danet', la société intimée et son auteur contestent l'antériorité des droits de la société MAE sur le nom commercial et l'enseigne 'Cuisines Daniel Danet'. Elles revendiquent cette antériorité au motif qu'elles tiennent leurs droits de Jean Luc D immatriculé au répertoire des métiers de Saint-Brieuc le 3 avril 1972 pour l'exercice d'une activité de menuiserie alors que Daniel D n'a commencé, dans le Morbihan, la même activité que le 15 février 1976. Elles en déduisent avoir acquis un droit exclusif à l'utilisation du patronyme Danet en qualité d'ayant cause du premier 'occupant' de celui-ci et par extension sur tout signe incluant ce patronyme.

Mais le nom de famille 'Danet' est extrêmement répandu en Bretagne (352 foyers recensés dans l'annuaire téléphonique du Morbihan, 552 dans celui des Côtes d'Armor), ce qui explique qu'aucun des acteurs économiques en cause ayant exercé son activité sous ce nom patronymique ne s'en est servi de manière isolée pour identifier son entreprise et partant ne s'en est approprié l'exclusivité. L'antériorité revendiquée doit dès lors s'apprécier au regard du signe complexe associant les termes 'Cuisines' et 'Danet' seul distinctif de l'activité en cause.

En effet, les pièces produites révèlent que Jean Luc D s'attachait systématiquement à identifier son entreprise par l'association de son prénom (ou à défaut des initiales de celui-ci) à son nom patronymique et à son adresse. Au demeurant lors de son inscription au Registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc le 17 septembre 1976, il a coché la rubrique [mentionner s'il y a lieu 'sous l'enseigne de' ou 'nom commercial'] sans la remplir, montrant ainsi qu'il ne revendiquait pas à cette date la possession de ces signes distinctifs (pièce 16). En 1976, il a commencé à utiliser le nom commercial 'ETS J.-L. DANET', pour désigner son entreprise, usage qui s'est poursuivi lorsqu'il a constitué, en 1980, la SA Jean Luc D.

Il a certes financé dans des publications locales, des annonces commerciales, en utilisant le slogan 'Une (ou la) véritable cuisine sur mesure' et fait apposer sur son véhicule 4L en 1975 l'inscription 'Cuisines sur mesure JL DANET FABRICANT LOUDÉAC téléphone...', mais ceci ne constituait pas un nom commercial par lequel l'entreprise était désignée auprès de ses clients, fournisseurs et prestataires de services. A la même époque, il s'identifiait en effet de la manière suivante : 'Menuiserie Générale Agencement Jean-Luc D ', mention suivie de son adresse.

De son côté, Daniel D a commencé dès 1976 à identifier son entreprise de la façon suivante : 'Daniel D A de cuisines', puis en 1980 'Cuisines sur Mesures Agencements de salle de bains Daniel D', avant d'adopter parallèlement à la constitution de la SARL Cuisines Daniel Danet en 1982 le nom commercial 'Cuisines Daniel Danet' dont il se prévalait expressément dans le certificat de radiation de son inscription au répertoire des métiers le 17 décembre 1982 (pièce 2).

Ce nom commercial a été utilisé sans interruption, conjointement avec une version ultérieurement contractée en 'Cuisines Danet' ainsi qu'en attestent les factures de fournisseurs.

Ainsi la société MAE démontre que son auteur a utilisé le nom commercial et l'enseigne 'Cuisines Daniel Danet' depuis 1982 au moins, puis simultanément dès les années suivantes le nom commercial 'Cuisines Danet', tandis c'est seulement en juillet 1998 que la société Jean Luc Danet fera usage du logo 'Cuisines Danet', puis du nom commercial 'Cuisines Danet-Agencement Danet' qu'elle a déclaré avoir adopté à compter du 8 octobre 1999 en remplacement du nom commercial 'ETS J-L DANET'. Au moment où elle déposait la marque contestée, la société Jean Luc Danet ne bénéficiait donc pas de l'antériorité sur le nom commercial et l'enseigne 'Cuisines Danet' qui ont été régulièrement acquis en 2002 par la société MAE.

Même si elle a déclaré au Registre du commerce et des sociétés, le nom commercial 'Espace Cuisines et réalisations d'intérieurs' de novembre 2002 à juin 2003, puis jusqu'au mois de septembre 2005, le nom commercial 'Espace Cuisines Daniel Danet', les pièces produites démontrent que la société MAE a continué à utiliser le nom commercial et l'enseigne 'Cuisines Daniel Danet' ainsi que le nom de domaine 'cuisines-danet.com', de sorte qu'elle n'en a pas perdu le bénéfice. Elle justifie donc de l'antériorité l'autorisant à contester la validité de la marque 'Cuisines Danet'.

La validité d'une marque s'apprécie à la date de son enregistrement. Or à la date de l'enregistrement de la marque contestée, la SARL Cuisines Daniel Danet, gérée par Daniel D, exerçait, depuis 18 ans, une activité identique à celle de la société Jean Luc DANET, dans la même zone de chalandise, les sociétés étant domiciliées à 55 km l'une de l'autre et la société Jean Luc Danet possédant un établissement secondaire à quelques kilomètres de l'établissement principal de sa concurrente.

La société déposante savait donc que le signe litigieux n'était pas disponible et qu'elle n'avait pas le pouvoir d'en interdire l'usage à la société Cuisines Daniel Danet qui utilisait de bonne foi, à titre de dénomination sociale, nom commercial et enseigne, un signe contenant le nom patronymique de son associé gérant.

Elle savait également que la marque qu'elle déposait, faute d'indication du prénom de son auteur, était inapte à remplir la fonction d'une marque, à savoir distinguer aux yeux du consommateur pertinent, ses produits et services de ceux de l'entreprise qui lui était directement concurrente et qu'au contraire son usage générerait nécessairement la confusion dont se plaignent aujourd'hui toutes les parties.

Il est significatif que bien qu'ayant rencontré en 2002 les acquéreurs potentiels du fonds de commerce de la société Cuisines Daniel Danet, son dirigeant se soit abstenu de notifier au cédant ses prétentions à l'appropriation de ses signes distinctifs, prétentions qu'il savait pertinemment vouées à l'échec au regard des dispositions de l'article L.713-6 du Code de la propriété intellectuelle.

Pourtant de concert avec la société Cuisines Danet, dont elle a suscité la création, la société Atelier de Très Le Bois a ensuite tenté de créer les conditions juridiques visant à éliminer un concurrent en s'appropriant ses signes distinctifs et partant sa clientèle. Ces manoeuvres se sont, dans un premier temps, manifestées par la création d'une nouvelle société, reprenant l'établissement secondaire de Vannes, société pour laquelle a été choisie la dénomination sociale nouvelle de 'C DANET' et dont le siège social a été fixé à proximité immédiate du lieu où étaient implantés depuis 30 ans, la société MAE et ses auteurs, identifiés par le nom commercial et l'enseigne 'CUISINES DANIEL DANET' et par le nom de domaine 'cuisines- danet.com'. Cette nouvelle société s'est alors prévalue de l'acquisition de la marque litigieuse, restée jusqu'alors inutilisée sinon à titre d'enseigne et de nom commercial, pour contester à la société MAE tout droit à l'usage des signes indispensables à l'exercice de son activité et à la conservation de sa clientèle. Or, un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué, comme en l'espèce, dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ou de détourner par voie de conséquence à son seul profit la clientèle d'une société concurrente.

La demande d'annulation de l'enregistrement de la marque sera en conséquence accueillie, de sorte que l'action en contrefaçon ne peut prospérer.

Sur la demande reconventionnelle fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire

En utilisant la dénomination sociale, l'enseigne et le nom commercial 'Cuisines Danet', sans y adjoindre le prénom de son auteur, alors qu'elle s'implantait dans le voisinage immédiat de la société MAE pour y exercer une activité identique, la société intimée a délibérément créé un risque de confusion entre elles deux, au préjudice de la société MAE qui avait régulièrement acquis le droit à l'usage du nom commercial et de l'enseigne 'Cuisines Daniel Danet', ces signes étant l'accessoire indispensable à la transmission et à la conservation de la clientèle cédée. Elle s'est ainsi rendue coupable d'actes de concurrence déloyale.

La société MAE démontre avoir subi des difficultés économiques qui ont provoqué son placement en redressement judiciaire mais ne justifie pas de l'évolution de son activité depuis 2010. Or, les motifs du jugement prononçant son redressement judiciaire révèlent que ses difficultés trouvent principalement leur origine dans la conjoncture économique et des défaillances internes. Il sera en outre relevé que la confusion reprochée ne s'est pas nécessairement toujours exercée à son détriment, les parties ayant un poids économique et une implantation géographique comparables.

Il sera cependant tenu compte de la durée du trouble commercial provoqué par la société Cuisines Danet et de sa gravité, puisque les prétentions émises mettait directement en jeu son existence, pour fixer à 50 000 € l'indemnisation qui lui sera allouée.

Les pièces produites montrent qu'est créée aux yeux de la clientèle une véritable confusion entre la société Atelier de Très Le Bois dont le siège social est fixé à Loudéac et la SARL Cuisines Danet domiciliée à Vannes. Ceci est démontré notamment par leur site internet commun où l'identité de deux sociétés n'est pas mentionnée et par les écritures mêmes des parties qui affirment utiliser les mêmes signes distinctifs dont elles seraient toutes les deux indistinctement propriétaires.

Il leur sera dès lors fait interdiction d'utiliser tout signe distinctif utilisant le patronyme 'Danet' sans le faire précéder ou suivre du prénom 'Jean-Luc' écrit en toutes lettres en utilisant des polices de même taille, cette précision étant indispensable mais suffisante pour différencier les deux établissements sans qu'il soit nécessaire de leur interdire l'usage du vocable 'cuisine(s)' qui décrit l'activité commune des parties et ne peut dès lors être accaparé par l'une d'entre elles. Des mesures de publicité apparaissent nécessaires pour mettre fin au plus vite à la confusion qu'elles déplorent.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel.

La société MAE qui n'avait pas soulevé devant les premiers juges les moyens qui lui ont permis de faire échec aux prétentions de son adversaire ne démontre pas les circonstances particulières qui justifieraient sa demande de dommages-intérêts.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la société MAE l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d' exposer pour résister aux demandes injustifiées des intimées, de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 22 septembre 2009 par le tribunal de grande instance de Vannes ;

Statuant à nouveau,

Décerne acte à la société AJIRE, prise en la personne de maître Erwann M, de son intervention à la procédure en qualité d'administrateur judiciaire de la société Menuiserie Artisanale Ecrin ;

Déclare recevable l'intervention accessoire de la société Atelier de Très le Bois au soutien de l'action intentée par la société Cuisines Danet ;

Déclare irrecevables, comme nouvelles les demandes formées par la société Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois en annulation de la marque n° 3794432 'Cuisines Daniel D' et en usurpation de leurs signes distinctifs autres que la marque ;

Déclare irrecevable l'action en contrefaçon intentée par la société Cuisines Danet pour la période antérieure au 6 septembre 2007 et postérieure au 19 juin 2010 ;

Déclare recevable et bien fondée la demande d'annulation de la marque n°00 3 036 297 'C DANET' ;

En conséquence, annule la marque n° 00 3 036 297 'C DANET' déposée le 19 juin 2000 pour l'ensemble des produits et services désignés dans l'enregistrement ; Dire que mention de cette annulation sera inscrite, sur requête de la société Menuiserie Artisanale Ecrin au Registre national des marques tenu par l'Institut national de la propriété industrielle par application de l'article R 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Déboute la société Cuisines Danet de son action en contrefaçon de marque ;

Condamne la société Cuisines Danet à payer à la société Menuiserie Artisanale Ecrin la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Interdit aux sociétés Cuisines Danet et Atelier de Très le Bois tout usage, dans leur dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, logo, marque ou tout autre signe destiné à les identifier auprès de la clientèle, du patronyme 'DANET' sans le faire précéder ou suivre immédiatement du prénom Jean-Luc écrit en toutes lettres dans une police de même taille ;

Dit que faute par elles de se mettre en conformité avec cette injonction dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, elles seront passibles d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée par procès-verbal d'huissier de justice, étant précisé que les infractions constatées par procès-verbaux dressés le même jour seront considérées comme une seule infraction ;

Ordonne la publication par extraits du dispositif du présent arrêt dans deux revues ou journaux, au choix de la société Menuiserie Artisanale Ecrin aux frais de la société Cuisines Danet sans que le coût global de chaque insertion n'excède la somme de 4 000 euros ainsi qu'en page d'accueil du site internet de la société Cuisines Danet pendant une durée de deux mois à compter de la signification du présent jugement ;

Autorise la publication de l'arrêt sur le propre site internet de la société Menuiserie Artisanale Ecrin à ses frais ;

Condamne in solidum la société Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois à payer à la société Menuiserie Artisanale Ecrin une somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne in solidum la société Cuisines Danet et la société Atelier de Très le Bois aux entiers dépens de la procédure qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.