Chronologie de l'affaire
INPI 14 juin 2019
Cour d'appel de Versailles 12 décembre 2019

Cour d'appel de Versailles, 12 décembre 2019, 2019/05272

Mots clés procédure · recours contre décision directeur INPI · opposition à enregistrement · moyen nouveau · effet dévolutif · marque complexe · imitation · marque notoire · suppression · mot · mot d'attaque · adjonction · mot mot final · caractère descriptif · caractère évocateur -Similitude visuelle · elément dominant · similitude phonétique · similitude intellectuelle · risque de confusion · risque d'association · opposition fondée

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro affaire : 2019/05272
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : Bonne Maman ; Maman au chocolat
Classification pour les marques : CL05 ; CL29 ; CL30 ; CL32 ; CL35 ; CL41
Numéros d'enregistrement : 8850216 ; 4485699
Décision précédente : INPI, 14 juin 2019, N° 2018-5168
Parties : MAMAN AU CHOCOLAT SAS / DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INPI ; ANDROS SNC
Président : Madame Thérèse ANDRIEU

Chronologie de l'affaire

INPI 14 juin 2019
Cour d'appel de Versailles 12 décembre 2019

Texte

COUR D'APPEL DE VERSAILLES ARRET DU 12 DECEMBRE 2019

12e chambre N° RG 19/05272 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TK34

Décision déférée à la cour : Décision rendu le 14 juin 2019 par le Institut National de la Propriété Industrielle de COURBEVOIE N° RG : OPP18-5168

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SAS MAMAN AU CHOCOLAT [...] 92000 NANTERRE Représentant : Me Martine D de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Gwenola G, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1889 REQUERANT

Monsieur l de l'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE [...] CS 50001 92677 COURBEVOIE CEDEX représentée par Madame Caroline LE PELTIER, chargée de mission AUTRE PARTIE

SNC ANDROS N° SIRET : 428 682 447 Zone Industrielle 46131 BIARS SUR CERE Représentant : Me Alain B, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R162 APPELEE EN CAUSE

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 12 décembre 2019, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés devant Madame Dominique ROSENTHAL, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Thérèse ANDRIEU, Président, Mme Véronique MULLER, Conseiller, Madame Dominique ROSENTHAL, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre G

Après avis du ministère public à qui le dossier a été préalablement soumis à Fabien BONAN, Avocat Général, qui a présenté des observations écrites.

Vu la décision rendue le 14 juin 2019, par le directeur de l'institut national de la propriété industrielle qui, statuant sur l'opposition n°18- 5168, formée le 19 décembre 2018, par la société Andros, titulaire de la marque complexe 'BONNE MAMAN', n° 008850216, déposée le 1er février 2010, à l'encontre de la demande d'enregistrement n°184485699, déposée le 25 septembre 2018, par la société Maman au Chocolat, portant sur le signe complexe 'MAMAN AU CHOCOLAT', a reconnu l'opposition partiellement justifiée ;

Vu le recours formé le 16 juillet 2019, les mémoires des 30 juillet et 28 octobre 2019 aux termes desquels la société Maman au Chocolat demande à la cour :

* à titre principal,

- d'annuler la décision de M. le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle en ce qu'il a rendu sa décision sur le fondement d'une opposition entachée d'irrecevabilité car ne comportant pas la représentation de la marque antérieure dans son dernier état et de constater l'irrecevabilité de l'opposition formée par la société Andros,

- d'annuler la décision de M. le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, en ce qu'il a rendu sa décision sur le fondement d'une marque antérieure française n°108850216 déposée le 1er février 2010 qui n'est pas enregistrée et est inexistante au registre national des marques et ne peut donc fonder une décision d'opposition ;

* à titre subsidiaire,

- de constater l'absence de similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes "BONNE MAMAN" et "MAMAN AU CHOCOLAT" ;

- de constater l'absence d'imitation de la marque antérieure "BONNE MAMAN" par la demande d'enregistrement "MAMAN AU CHOCOLAT" ; - de constater l'absence de risque de confusion et/ou d'association entre ces deux signes au regard du public pertinent ;

- d'annuler la décision rendue le 14 juin 2019 par Monsieur le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle en ce qu'elle a reconnu justifiée l'opposition N°18-5168 formée par la société Andros ;

* de condamner la société Andros au versement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les mémoires des 9 octobre et 4 novembre 2019, aux termes desquels la société Andros demande à la cour de :

* déclarer irrecevable la demande de nullité de la décision d'opposition n°18-5168 rendue par M. le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle

* constater l'imitation de la marque antérieure,

* rejeter le recours,

* confirmer la décision rendue par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle,

* condamner la société Maman au Chocolat au versement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Vu les observations du directeur de l'institut national de la propriété industrielle ;

Vu les observations écrites du ministère public mises à la disposition des parties ;

SUR CE LA COUR,

Sur l'annulation de la décision d'opposition :

À titre principal, la société Maman au Chocolat sollicite l'annulation de la décision déférée qui aurait été rendue sur le fondement d'une opposition entachée d'irrecevabilité, d'une marque inexistante et non enregistrée au registre national des marques.

Elle fait valoir que l'opposition comportait une copie de marque incomplète/tronquée, que la société Andros a fondé son opposition sur la marque de l'Union européenne 'BONNE MAMAN' n°008850216 déposée le 1er février 2010, alors que la décision déférée en date du 14 juin 2019 rendue par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle indique que la marque antérieure invoquée dans cet acte est la marque française portant sur le signe complexe BONNE MAMAN, déposée le 1er février 2010 et enregistrée sous le N°108850216.

Elle soutient que dans ces circonstances, l'opposition formée par la société Andros ne satisfaisait pas aux exigences des articles R.712- 14 et suivants du code de la propriété intellectuelle et que le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle ne pouvait statuer au fond sur cette opposition et devait constater l'irrecevabilité de celle-ci.

Toutefois, le recours instauré devant la cour d'appel à l'encontre des décisions du directeur de l'institut national de la propriété industrielle par l'article L.411-4 du code de la propriété intellectuelle, réglementé par les articles R 411-19 et suivants du dit code, exclusifs de ceux du code de procédure civile, est un recours en annulation n'ayant pas d'effet dévolutif, de sorte que la cour ne peut statuer sur un moyen d'irrecevabilité qui n'a pas été soumis à l'appréciation du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.

En l'espèce, la société Maman au Chocolat n'a aucunement invoqué dans ses observations présentées devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle une prétendue irrégularité de l'acte d'opposition concernant l'existence de la marque antérieure, son identification matérielle et la production de sa copie.

Comme le relève la société Andros, la société Maman au Chocolat n'ayant aucunement soulevé l'irrecevabilité de l'acte d'opposition devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur ce moyen.

Ainsi, la société Maman au Chocolat ne saurait, en raison de l'absence dévolutif du recours, prétendre à la nullité de la décision déférée.

Surabondamment et en tout état de cause, la société Andros justifie avoir produit, lors de la procédure d'opposition, l'intégralité des documents listés à l'article R.712-14 du code de la propriété intellectuelle, notamment la copie de la marque antérieure ; par ailleurs, l'erreur de plume dans la décision déférée portant sur le numéro d'enregistrement (n° 10 8850216) n'a pas empêché la société Maman au Chocolat d'identifier la marque antérieure existante opposée ((n° 00 8850216) et n'affecte pas la validité de cette décision.

Le recours formé par la société Maman au Chocolat sera rejeté en ce qu'il tend à l'annulation de la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle. Sur la comparaison des signes:

La marque antérieure est le signe complexe:

La demande d'enregistrement porte sur le signe complexe:

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il existe un risque de confusion entre les deux signes, lequel doit s'apprécier globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Au soutien de son recours, la société Maman au Chocolat conteste tout risque de confusion ou d'association entre ces signes exposant notamment que :

- l'expression "Maman au chocolat" qui constitue un ensemble unitaire et la marque antérieure BONNE MAMAN qui revêt une signification propre, ne peuvent être réduites au seul terme "maman" et ont un sens différent ; - la demande d'enregistrement comporte des éléments visuels prépondérants, dont la représentation graphique d'une jeune femme imaginative, fantaisiste et originale ;

- l'apposition de caractères japonais disposés en arc de cercle vient renforcer l'élément graphique stylisé à la façon 'manga',

- les deux signes en cause présentent de fortes différences visuelles, phonétiques et conceptuelles ;

Elle soutient que le consommateur d'attention moyenne est celui des magasins et grandes surfaces qui ne commande pas verbalement ses produits mais les choisit dans les rayons particulièrement en fonction de leur caractère visuel et de l'image sur le produit.

Elle ajoute que la notoriété de la marque BONNE MAMAN n'est pas rapportée, cette marque n'étant associée qu'à un seul packaging au motif vichy rouge et blanc.

La société Andros réplique que le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle a bien apprécié le risque de confusion en procédant à une analyse globale des signes en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, de la notoriété de la marque antérieure. Sur la notoriété de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes:

La société Andros a fourni, lors de la procédure d'opposition devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, des pièces établissant la notoriété de la marque BONNE MAMAN.

Les documents produits (pages Wikepedia, articles de presse, publicités, sondage, classement des marques françaises en 2017, budget de marketing) démontrent la connaissance ancienne et particulière de cette marque sur le marché par le public français.

Contrairement à ce que soutient la société Maman au Chocolat, ces documents ne se limitent pas à la seule reconnaissance d'un packaging au motif vichy rouge et blanc, mais se rapportent plus largement à celle de la dénomination verbale BONNE MAMAN en ce qu'elle vise des confitures, biscuits, pâtisseries, yaourts, produits laitiers, desserts sucrés.

La notoriété acquise de la marque BONNE MAMAN renforce sa distinctivité pour désigner ces produits et accroît le risque de confusion avec un signe présentant des similitudes.

Cette marque antérieure est constituée, dans une police d'écriture cursive arrondie de couleur noire, des termes BONNE MAMAN, lesquels sont arbitraires et distinctifs au regard des produits et services désignés; le vocable MAMAN s'avère dominant au sein de cette dénomination, l'adjectif BONNE qui le précède ne faisant que le qualifier et présentant un caractère accessoire.

La demande d'enregistrement contestée est composée d'éléments figuratifs et verbaux, d'un personnage stylisé représentant le buste d'une femme habillée en pâtissière, coiffée d'une toque blanche, des termes MAMAN AU CHOCOLAT également en lettres manuscrites arrondies de couleur noire, de caractères asiatiques en arc de cercle.

Les éléments verbaux MAMAN AU CHOCOLAT apparaissent essentiels en ce qu'ils sont les seuls prononçables par le consommateur français de culture moyenne; l'élément figuratif, bien que non négligeable, n'altère pas le caractère immédiatement perceptible des termes MAMAN AU CHOCOLAT par lesquels le signe sera lu, prononcé et entendu.

Au sein de ces éléments verbaux, le terme MAMAN parfaitement distinctif, placé en attaque est également dominant, l'expression descriptive AU CHOCOLAT qui évoque la composition des produits, étant accessoire.

Sur l'appréciation du risque de confusion:

Les deux signes s'appliquent à des produits alimentaires de consommation courante, s'adressent au consommateur des magasins et grandes surfaces, recherchant des desserts sucrés, dont l'attention n'est pas particulièrement élevée et qui lira le nom de la marque;

La notoriété d'une marque est de nature à en renforcer la distinctivité et aggraver le risque de confusion, de sorte que même en présence de certaines différences, des marques possédant le même élément essentiel peuvent apparaître comme des déclinaisons désignant différentes gammes de produits;

En l'espèce, visuellement, les deux signes partagent la dénomination MAMAN, écrite en caractères assez proches, qui constitue l'élément dominant de chacun d'eux; il s'en déduit une similitude visuelle.

Phonétiquement, l'élément figuratif au sein de la demande contestée ne pouvant être lu et prononcé, de même que les caractères asiatiques, la comparaison auditive portera sur les éléments verbaux des signes qui ont en commun deux syllabes identiques [MA-MAN];

Conceptuellement, les termes BONNE MAMAN renvoient à l'idée de mère, peuvent être compris comme une association de mots évoquant une mère gentille, bienveillante; à supposer que l'expression MAMAN AU CHOCOLAT soit perçue comme un tout, elle constitue néanmoins une appellation affectueuse se rapportant à une maman, tout comme celle de BONNE MAMAN, de sorte que les deux signes se réfèrent à une idée semblable.

Ainsi, en dépit de leurs différences, les deux signes présentent le même élément essentiel distinctif et dominant, visuel, phonétique, conceptuel, de nature à créer entre eux un risque de confusion, le signe contesté pouvant être associé à la marque BONNE MAMAN, proposant une gamme de desserts au chocolat.

Dès lors, conjuguée à la renommée de la marque antérieure sur le marché et à la similarité des produits et services, il résulte une impression d'ensemble telle que le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui n'a gardé en mémoire qu'un souvenir imparfait des marques, sera enclin à accroire à une origine commune de ces signes en forme de déclinaison de la marque première; Le recours sera en conséquence rejeté.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Ne saurait être admise la demande de condamnation aux dépens formée par la société Andros, la présente procédure n'en comportant pas.

PAR CES MOTIFS



Statuant par décision contradictoire

Rejette le recours,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Thérèse ANDRIEU, présidente et par Monsieur G, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.