Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 28 mars 2024, l'association sportive Ligue Réunionnaise de Football, représentée par Me Derouesné, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, :
1°) d'ordonner, à titre principal, la suspension de la décision du 1er mars 2024 par laquelle la commission fédérale des règlements et contentieux (CRFC) de la Fédération française de football (FFF), sur saisine du Football club (FC) Parfin, a annulé la décision du 3 février 2024 par laquelle elle a réorganisé l'architecture des championnats seniors masculins pour la saison 2024 ;
2°) d'ordonner, à titre subsidiaire, la suspension partielle de la décision du 1er mars 2024 par laquelle la commission fédérale des règlements et contentieux (CRFC) de la Fédération française de football (FFF) en tant que, d'une part, elle lui enjoint de mettre en place pour la saison 2024, la même architecture des championnats seniors masculins que celle qui existait pour la saison 2023, et d'autre part, elle lui enjoint d'en tirer dès à présent toutes les conséquences en ce qui concerne la composition de ses championnats seniors masculins de la saison 2024 en tenant compte du fait que le championnat régional 2 est maintenu et non pas supprimé.
3°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de recours administratif préalable obligatoire devant le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) prévue par le code du sport ne s'applique pas aux ligues régionales ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision litigieuse remet en cause les dossiers d'engagement envoyés aux clubs de division 2 et 3, les inscriptions des 95 clubs pour la saison 2024, les compositions des poules notifiés aux clubs le 11 février 2023 et les calendriers établis et notifiés à ces derniers ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée au regard, premièrement, de la tardiveté de la saisine de la CRFC par le FC Parfin, deuxièmement ,de l'incompétence de la CRFC, troisièmement, du non-respect du principe du contradictoire, quatrièmement , de l'irrégularité des mentions figurant sur la décision, cinquièmement, du prononcé d'une décision ultra petita, sixièmement, de la légalité de la modification des règlements généraux par le comité directeur, septièmement, de l'erreur de fait et du contrôle en opportunité opéré à tort par la FFF ;
Par un mémoire en défense, enregistré 27 mars 2024, la Fédération française de football, représentée par la SCP Matuchansky Poupot Valdelièvre et Rameix conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Ligue Réunionnaise de Football une somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie, la requérante ayant contribué elle-même à créer la situation d'urgence dont elle se prévaut ;
- aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée le 8 mars 2024 sous le n°2400328 par laquelle la Ligue Réunionnaise de Football demande l'annulation de la décision attaquée.
Vu :
- le code du sport ;
- les statuts de la Fédération française de football ;
- les règlements généraux de la Fédération française de football ;
- le règlement des championnats seniors masculins de la ligue de football de La Réunion ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Bauzerand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 28 mars 2024 à 10h30, M. Bauzerand a lu son rapport et entendu :
- les observations de Me Dérouesné représentant la Ligue réunionnaise de football qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;
- et les observations de Me Dugoujon, substituant Me Poupot, représentant la Fédération française de football qui reprend ses écritures en défense et soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une délibération de son assemblée générale en date du 10 décembre 2023 relative à l'organisation des championnats, la Ligue réunionnaise de football a supprimé la Régionale 2 pour revenir, selon elle, à la situation qui existait avant la pandémie de Covid-19. Par une décision du 3 février 2024, le comité directeur de la ligue a tiré les conséquences de cette délibération et adopté la proposition de refonte des championnats 2024. Pour contester cette décision, le Football Club (FC) Parfin de Saint-André a saisi la Commission fédérale des règlements et contentieux (CFRC) de la Fédération française de football (FFF) qui, par décision du 1er mars 2024, a annulé ladite décision et lui a enjoint, d'une part, de mettre en place pour la saison 2024, la même architecture des championnats seniors masculins que celle qui existait pour la saison 2023, et d'autre part, d'en tirer dès à présent toutes les conséquences en ce qui concerne la composition de ses championnats seniors masculins de la saison 2024 en tenant compte du fait que le championnat régional 2 est maintenu et non pas supprimé. Par la présente requête, la Ligue réunionnaise de football demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, à titre principal, de suspendre cette décision, et à titre subsidiaire, de la suspendre partiellement en tant qu'elle concerne les injonctions.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".
En ce qui concerne la condition d'urgence
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier, ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la décision querellée remet en cause tant les dossiers d'engagement envoyés aux clubs de division 2 et 3 que les inscriptions des 95 clubs concernés pour la saison 2024, les compositions des poules et les calendriers notifiés à ces derniers. Compte tenu de ces éléments, la Ligue réunionnaise de football justifie d'une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation et donc, de l'urgence qui s'attache à ce que soit prononcée une mesure en référé sans attendre le jugement au fond, sans que la FFF puisse faire valoir utilement que la Ligue serait elle-même responsable de cette précipitation dans le calendrier du championnat et des compétitions.
En ce qui concerne la condition relative à l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision :
5.Selon l'article 40 des statuts de la FFF : " Les associations affiliées à la F.F.F. sont groupées au sein de Ligues régionales par décision de l'Assemblée Fédérale qui décide de leur constitution et de leur suppression et détermine leurs limites géographiques. / () ". Aux termes de l'article 18 des règlements généraux de la FFF : " 1. Les Ligues régionales () secondent la Fédération dans la réalisation de son programme et elles s'efforcent de faciliter la création de clubs nouveaux. / () ". Aux termes de l'article 19 de ces règlements : " Elles ont leur autonomie administrative, sportive et financière pour tout ce qui n'est pas contraire aux statuts et règlements de la Fédération. Aucun article de leurs statuts ou règlements ne peut contredire les Statuts et Règlements Généraux de la Fédération. ". Aux termes de l'article 190 de ces règlements généraux : " 1. () les décisions () des Ligues () peuvent être frappées d'appel par toute personne directement intéressée () / () / 4. La Commission compétente saisie de l'appel statue sur sa recevabilité, puis sur la régularité de la procédure antérieure, puis sur le fond. / () ".
6.Aux termes de l'article 7 des règlements généraux de la Fédération française de football : " 1. Le Comité Exécutif peut créer des Commissions Fédérales chargées de l'assister dans le fonctionnement de la Fédération, en plus de celles rendues obligatoires par la loi. Les Commissions Fédérales sont constituées et régies suivant les dispositions prévues au présent article et aux statuts particuliers / (). " Aux termes de l'article 10 des mêmes règlements relatif à la Commission fédérale des règlements et contentieux (CFRC) : " 1. Elle juge les contestations visant la qualification et la participation des joueurs ainsi que l'application des présents règlements et des Statuts et Règlements des Ligues : / - en premier ressort, pour ce qui concerne les compétitions fédérales (hors réserves techniques qui relèvent de la compétence de la Commission Fédérale des Arbitres-Section Lois du Jeu). Toutefois, elle n'est compétente, pour ce qui concerne la Coupe de France, qu'à partir du 7ème tour de la compétition. Appel peut être interjeté devant la Commission Supérieure d'Appel ; / - en appel et dernier ressort, pour ce qui concerne les décisions des Ligues régionales, sauf en matière de contentieux électoral ; / - en révision, pour ce qui concerne les décisions prises en dernier ressort par les Commissions régionales dans le cadre de l'article 197 alinéa 2. / 2. Elle est saisie pour avis, dans sa configuration Révision des Textes, sur l'ensemble des modifications de textes proposées aux Assemblées Fédérales. / 3. Elle fournit, également dans sa configuration Révision des Textes, à leur demande, ses observations sur les propositions de modification des règlements des Ligues et des Districts, et examine les litiges afférents à l'application des Statuts de la F.F.F. "
6. Il résulte de ces dispositions que si la CRFC est compétente pour connaître des litiges concernant les décisions individuelles relatives aux joueurs et aux clubs, et notamment des sanctions administratives et disciplinaires, tel n'est pas le cas des litiges concernant les décisions règlementaires des ligues, pour lesquelles aucune des dispositions des règlements généraux de la FFF et notamment pas leur article 10 ne confère à la FFF le pouvoir de se prononcer en opportunité sur les décisions des ligues , qui doivent être contestées devant l'organe compétent de la fédération. Il suit de là que la décision contestée relative à l'organisation des championnats seniors masculins pour la saison 2024 étant par nature réglementaire, le moyen tiré de l'incompétence de la CRFC doit être, en l'état actuel de l'instruction, regardé comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision contestée de la CRFC du 1er mars 2014 doit être suspendue.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la FFF une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la LRF au titre des mêmes dispositions.
O R D O N N E :
Article 1er : La décision susvisée de la commission fédérale des règlements et contentieux de la Fédération française de football en date du 1er mars 2024 est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué par le tribunal sur la requête en annulation de cette décision.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Fédération française de football sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue réunionnaise de football et à la Fédération française de football.
Fait Saint-Denis, le 5 avril 2024.
Le juge des référés,
Ch. Bauzerand
La République mande et ordonne au ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
P/La greffière en chef,
Le greffier,
D. CAZANOVE