Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Nice 13 avril 2012
Cour administrative d'appel de Marseille 09 décembre 2014

Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 9 décembre 2014, 12MA02395

Mots clés contributions et taxes · réduction · rectification · société · impôt · statuer · investissements · soutenir · proposition · revenu · fiscale · impôts · requête · service · réunion · contribuables

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro affaire : 12MA02395
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Nice, 13 avril 2012, N° 0904144
Président : M. CHERRIER
Rapporteur : M. Laurent MARTIN
Rapporteur public : M. RINGEVAL
Avocat(s) : COSICH AVOCATS

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Nice 13 avril 2012
Cour administrative d'appel de Marseille 09 décembre 2014

Texte

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 juin 2012 et régularisée le 14 juin suivant, présentée pour M. et Mme C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904144 en date du 13 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

2°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 16 888 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme A...ont bénéficié au titre de l'année 2005 d'une réduction de leur impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs dont ils ont déclaré la réalisation dans l'île de La Réunion, en qualité d'associés des sociétés en participation (SEP) Narcisse 1, 2, 3 et 4, dont la gestion est assurée par l'EURL SGI ; qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de cette dernière société ayant mis en évidence des anomalies tenant à la date de livraison des biens, à l'absence d'agrément fiscal des SEP Narcisse 1 et Narcisse 4 et à la surfacturation des investissements, l'administration fiscale a remis en cause, par proposition de rectification en date du 2 octobre 2008, la réduction d'impôt dont avait bénéficié les époux A... ; qu'elle les a, en conséquence, assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005 en suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement en date du 13 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations ;

Sur la demande de sursis à statuer :

2. Considérant que les requérants demandent à la Cour de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte avec constitution de partie civile que l'EURL SGI a déposée auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion pour faux, usage de faux, délit d'escroquerie et association de malfaiteurs ; que, cependant, aucune disposition législative ou réglementaire, aucune règle générale de procédure ne fait obligation au juge de l'impôt de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction pénale, saisie d'un litige distinct, se soit prononcée ; qu'en outre, l'issue de cette procédure pénale est en l'espèce sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 2 octobre 2008 expose les motifs pour lesquels la réduction fiscale litigieuse a été remise en cause au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2005 et renvoie, en pièces jointes, à des lettres n° 2120 adressées à chacune des deux sociétés en participation Narcisse 1 et Narcisse 4 pour décrire les anomalies relevées, puis les récapitule dans un tableau ; que la circonstance que la proposition de rectification n'aurait pas été assortie de certaines pièces est sans influence sur la régularité de la procédure dès lors que, conformément aux dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration précisait l'origine et la teneur des documents sur lesquels elle s'était appuyée ; qu'en outre, si les requérants soutiennent que les propositions de rectification afférentes aux SEP Narcisse 1 et Narcisse 4 ne sont étayées d'aucune pièce justifiant les allégations de l'administration, la critique ainsi développée, à la supposer établie, porte sur le bien-fondé des rectifications proposées ; que la circonstance invoquée par les contribuables que la société SGI serait en possession de tous les documents requis est sans portée utile dans le cadre du présent litige ; que les requérants ne sauraient ainsi contester, pour ces motifs, la motivation en la forme de la proposition de rectification ; que la circonstance que le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de La Réunion, dans le cadre d'un différend d'ordre privé concernant des personnes distinctes, a estimé qu'une proposition de rectification était insuffisante et ne pouvait être retenue comme élément de preuve, est également sans influence ; que M. et MmeA..., qui ont été mis en mesure de formuler utilement leurs observations, ne sont pas fondés à soutenir que la motivation de la proposition de rectification qu'ils contestent serait insuffisante au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au code général des impôts : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit bail " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans les départements concernés ; que le droit à déduction n'est ouvert qu'à compter du moment où l'investissement peut être effectivement exploité et être productif de revenus ;

6. Considérant que l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt relative aux SEP Narcisse 1 et 4 au motif que les biens n'ont été livrés à La Réunion qu'en août et octobre 2006 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des déclarations d'importation et documents douaniers versés par l'administration, que le matériel de décontamination et la ligne de fabrication de pâtes destinés à être loués respectivement à la société Aseptik et à la société Montiferro Pasta ont été livrés en août 2006 pour le premier et en octobre 2006 pour la seconde ; que les époux A...ne démentent pas sérieusement les constatations opérées par l'administration fiscale en produisant deux procès-verbaux de réception signés les 11 avril 2005 et 7 juillet 2006, alors que ces dates sont celles de la signature de ces documents à l'Ile Maurice par le fournisseur, la société IPC International, et non celle de la réception effective des équipements par les sociétés locataires respectives sur le territoire réunionnais, la seconde de ces dates étant au demeurant et en tout état de cause postérieure à l'année 2005 ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir que la délivrance des biens au sens de l'article 1606 du code civil serait intervenue en 2005, au jour de la réalisation de la vente, par le seul consentement des parties, en raison de l'impossibilité de transporter immédiatement le matériel, dès lors que le fait générateur du droit à déduction ne résulte pas de la délivrance des biens au sens du code civil mais, en application des dispositions précitées du code général des impôts, de leur livraison effective sur le territoire de l'île de La Réunion ; que, dans ces conditions, les circonstances que les matériels n'auraient pas été surfacturés, contrairement à ce qu'a estimé le service, et que l'administration se serait fondée à tort sur l'absence d'agrément préalable, sont sans incidence sur la solution du litige ;

7. Considérant par ailleurs que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Barbier du 19 janvier 1989, qui n'a pas été prise pour l'application des dispositions établissant la réduction d'impôt dont ils demandent le bénéfice mais est relative au 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ;

8. Considérant que M. et Mme A...font valoir que les reprises de réduction d'impôt notifiées par l'administration sont disproportionnées compte tenu du fait qu'ils ont déjà perdu le montant de leurs investissements et que l'administration a méconnu les principes de droit communautaire de sécurité juridique, de proportionnalité et de protection de la confiance légitime ; que, toutefois, ces principes ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que lorsque la situation dont connaît le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, étant rappelé que l'article 199 undecies B du code général des impôts n'a pas été adopté par le législateur pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne et que la réduction d'impôt prévue par ce texte est régie seulement par la loi fiscale nationale, à l'application de laquelle l'administration est tenue ; qu'ainsi, les avantages en litige ne sont pas établis dans le cadre des pouvoirs que les directives communautaires confèrent aux Etats membres ; qu'enfin, aucune violation d'une liberté instaurée par le traité sur l'Union européenne n'est invoquée ; que l'arrêt Netto Supermarkt de la Cour de justice de l'Union européenne cité par les requérants s'applique à la taxe sur la valeur ajoutée et non à l'impôt sur le revenu, et que l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 2005 n° 244671 traite de la liberté d'établissement et de circulation des capitaux, ou de la discrimination fondée sur la nationalité, domaines étrangers à l'investissement outre-mer ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce principe, ni de tout autre régissant le droit communautaire ; que, par ailleurs, les reprises de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, qui procèdent du constat objectif de l'absence de fait générateur, sans remettre en cause la bonne foi des contribuables, ne revêtent pas le caractère d'une sanction et ne sauraient utilement être qualifiées de disproportionnées ; que la circonstance que le service a appliqué au fournisseur et à la société SGI une amende issue de l'article 1740 du code est sans influence sur la solution du litige ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

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N° 12MA023952

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