COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 21 MARS 2014
Pôle 5 - Chambre 2 (n°76, 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10322
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°12/02373
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE S.A.R.L. COURTAUD - TESSIER, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 92310 SEVRES Représentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE de l'Association HOLLIER - LAROUSSE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 0362
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE S.A.R.L. LE CABINET D'AMATEUR, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé [...] 75011 PARIS Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0020 Assistée de Me Isabelle B plaidant pour le Cabinet CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque E 1194
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles
786 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 février 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mmes Marie-Christine A et Sylvie N ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère
Greffier lors des débats : M. T NGUYEN
ARRET : ContradictoirePar mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles
455 et
954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 29 mars 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 2ème section),
Vu l'appel interjeté le 23 mai 2013 par la société Courtaud-Tessier,
Vu les dernières conclusions de la société Courtaud-Tessier appelante en date du 17 décembre 2013,
Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. le Cabinet d'Amateur, intimée et incidemment appelante, en date du 7 janvier 2014,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 janvier 2014,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
La société Courtaud-Tessier immatriculée en 1997 indique que depuis sa création elle exploite sous l'enseigne Le Cabinet d'Amateur une galerie d'art dans l'immeuble sis à Paris (7ème) [...] [...] et exerce son activité sous le nom commercial Le Cabinet d'Amateur dans le domaine de l'achat, la vente et l'expertise d'objets anciens, d'oeuvres d'art, en bénéficiant d'une renommée nationale et internationale.
S'étant vu notifier un congé par son bailleur pour les locaux précités et souhaitant dès lors développer son activité par internet, la société Courtaud-Tessier a constaté l'existence de la société Le Cabinet d'Amateur créée en 2007 qui exploite sous le même nom commercial le Cabinet d'Amateur, une galerie d'art située dans le 11ème arrondissement de Paris ainsi que les sites internet accessibles aux adresses www.lacabinetdamateur.com et www.la cabinetdamateur.fr.
S'estimant titulaire de droits antérieurs sur le signe Le Cabinet d'Amateur à titre de nom commercial et d'enseigne ainsi que sur le terme 'lecabinetdamateur' qui correspond à son nom commercial etson adresse internet depuis 2006, '
[email protected]', la société Courtaud-Tessier a adressé les 5 octobre et 13 janvier 2012 à la société Le Cabinet d'amateur des mises en demeure.
Le même jour, le 13 janvier 2012 elle a déposé la demande d'enregistrement de la marque verbale française Le Cabinet d'Amateur n° 3 888 542..
C'est dans ces circonstances que la société Courtaud-Tessier a, selon acte d'huissier du 2 février 2012, fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, la S.A.R.L. Le Cabinet d'Amateur en concurrence déloyale et parasitaire, en contrefaçon de sa marque et en réparation de son préjudice.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- débouté la Société Courtaud-Tessier de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et de ses demandes en contrefaçon de sa marque,
- rejeté l'ensemble des demandes de la société Coureau-Tessier,
- rejeté les demandes reconventionnelles en nullité de la marque Le Cabinet d'Amateur n°3 888 542 et en paiement de dom mages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Courtaud-Tessier à payer à la société Le Cabinet d'Amateur la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
En cause d'appel la société Courtaud-Tessier appelante demande essentiellement dans ses dernières écritures du 17 décembre 2013 de :
- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- dire que la société Courtaud-Tessier est titulaire de droits sur le signe le Cabinet d'amateur à titre de nom commercial et d'enseigne depuis 1997,
- dire que la société Courtaud-Tessier est titulaire de droit à titre de nom commercial sur le terme 'lecabinetdamateur' ,
- dire et juger que la société le Cabinet d'Amateur en exploitant à titre de dénomination sociale, enseigne et nom commercial la dénomination le cabinet d'amateur, en réservant et en exploitant les noms de domaine 'lecabinetdamateur.com' et 'lecabinetdamateur.fr' a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à sonpréjudice et des actes de contrefaçon de sa marque Le Cabinet d'Amateur n° 12 3 888 542,
- condamner la société le Cabinet d'Amateur à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, et celle de 30.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
- ordonner des mesures d'interdiction, de transfert des noms de domaines de l'intimée à son profit, sous astreinte,
- ordonner la publication de la décision à intervenir,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société intimée.
La société le Cabinet d'Amateur, intimée s'oppose aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel, demande dans ses dernières écritures du 7 janvier 2014 de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles en nullité de la marque Le Cabinet d'Amateur dont est titulaire la société appelante et de sa demande en paiement de damages et intérêts pour procédure abusive,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner la société appelante à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de damages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
Il ressort des éléments communiqués par les parties que la S.A.R.L. Le Cabinet d'Amateur exploite depuis le 2 octobre 2007 à Paris dans le 11ème arrondissement une galerie et vente au détail d'art contemporain.
Elle a déposé les 16 et 17 juillet 2007 les noms de domaine www.lecabinetdamateur.com et www.lacabinetdamateur.fr et les exploite depuis le 10 octobre 2007.
Elle organise des expositions temporaires, personnelles, collectives d'artistes vivants et l'ensemble de ces expositions et événements sont présentés sur ces deux sites et elle est référencée sur plusieurs portails culturels.
La société Courtaud-Tessier immatriculée en 1997 exploitait jusqu'au 4 avril 2012, sous l'enseigne 'Le Cabinet d'Amateurs' dans son établissement secondaire situé à Paris 7ème, une activité de galerie d'art spécialisée dans la vente d'antiquités de faïences ou céramiques anciennes et expertise.Elle utilise depuis 2006 une adresse e-mail '
[email protected]'.
Elle a déposé le 13 janvier 2012 la marque verbale française Le Cabinet d'Amateur pour désigner les produits et services suivants :
- de la classe 16 : objets d'art gravés et lithographies, tableaux (peintures) encadrés ou non, aquarelles ;
- de la classe 35 : présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail, activité d'antiquaire ou de galerie d'art, à savoir : vente au détail ou en ligne de céramiques, tableaux, dessins, aquarelles, mobilier et œuvres d'art ;
- de la classe 42 ; expertises et authentification d'œuvres d'art, de tableaux, de dessins, d'aquarelles, de mobilier et de céramiques'.
La demande a été publiée le 3 février 2012.
La société Courtaud-Tessier soutient détenir des droits sur le signe Le Cabinet d'Amateur opposables à la société Le Cabinet d'Amateur et que celle-ci qui exploite une dénomination sociale et un nom commercial identiques à son propre nom commercial pour exercer des activités identiques générant un risque de confusion commet à son préjudice des actes de concurrence déloyale et parasitaires et l'empêche d'utiliser son nom commercial pour créer un site internet et s'approprie ainsi indûment la notoriété de ce nom commercial acquis dans le domaine du marché de l'art.
Selon l'article 8 de la Convention d'Union de Paris, le nom commercial sera protégé dans tous les pays de l'union sans obligation de dépôt ou d'enregistrement, qu'il fasse ou non partie d'une marque de fabrique ou de commerce.'
Le droit privatif sur les différentes fonctions du nom commercial s'acquièrent donc par l'usage.
La société Courtaud-Tessier soutient qu'elle exploite depuis plus de 10 ans (conclusions page 3), 15 ans, (conclusions page 4), le nom commercial Le Cabinet d'Amateur sur l'ensemble du territoire français ainsi qu'à l'étranger et que cette dénomination est inscrite au Registre du Commerce à titre d'enseigne.
Cependant l'enseigne le Cabinet d'Amateurs comporte la lettre S ce qui n'a pas permis lors de ses recherches d'antériorité, à la société Le Cabinet d'Amateur d'être informée de l'inscription de cette enseigne et ce d'autant que le greffe du Tribunal de commerce ne délivrait pas d'extrait comportant cette enseigne, suite à une erreur.Par ailleurs, la société Courtaud-Tessier affirme que son nom commercial est notoire. Mais elle ne communique aucun sondage permettant d'établir que celui-ci est connu, dans le monde de l'art, sur l'ensemble du territoire français, ni ne justifie du montant des investissements engagés au soutien de cette renommée.
Les pièces versées à cet effet : carton d'invitation des 3 et 4 juin 1998, factures émises entre 2000 et 2010 essentiellement à Paris et dans la région parisienne et à l'étranger concernant les ventes et en province concernant les expertises, publicités publiées dans la revue de la Société des Amis du Musée National de la Céramique entre 2000 et 2007, affiche relative à l'exposition 2 ème parcours de la céramique et des Arts du Feu à Paris en novembre 2009, ses cartes de visites non datées, font apparaître que la société Courtaud-Tessier se présentait sous l'enseigne et le nom commercial le Cabinet d'Amateur, Faïences et Porcelaines anciennes.
Elle justifie de cette exploitation dans ce secteur très spécialisé des antiquités en matières de faïence dont elle est experte sans établir toutefois que la société Le Cabinet d'Amateur dont l'activité est restreinte à l'art contemporain ait pu avoir connaissance de cette usage et vouloir entraver son exploitation en utilisant ce même type de dénomination dans un secteur parallèle, et ce d'autant qu'à la différence de l'intimée elle n'utilisait pas internet pour cette exploitation.
Concernant les noms de domaines, la société le Cabinet d'Amateur a déposé antérieurement à la société Courtaud -Tessier ces derniers, pour conforter ses droits sur sa dénomination sociale alors que cette dernière qui exploite son activité depuis 1997 n'a fait dépôt de quatre noms de domaine que les 22 septembre 2011 et janvier 2012, qu'elle n'exploite pas. L'adresse e-mail qu'elle oppose n'étant pas créatrice de droit.
Il s'ensuit que la société Courtaud-Tessier ne démontre pas que le nom commercial et l'enseigne qu'elle revendique soient opposables à la société Cabinet d'Amateur en ce qui concerne les noms de domaine.
Il convient de relever que depuis 2007 les deux sociétés ont pu cohabiter sans qu'il soit établie l'existence d'une confusion dans l'esprit du public entre ces deux sociétés qui exercent toutes deux des activités dans le monde de l'art mais dans des secteurs différents de sorte qu'elles ne se trouvent pas en concurrence directe, ou qu'il ait pu exister un détournement de clientèle.
C'est donc à bon droit que le tribunal a, dans le contexte de libre concurrence, débouté la société Courtaud-Tessier de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.L'article
L 713-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme a) dénomination sociale, nom commercial ou enseigne lorsque cette utilisation est antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique...
Par ailleurs un nom de domaine internet déposé antérieurement et effectivement exploité peut constituer une antériorité à laquelle ne peut être opposée la marque enregistrée postérieurement. La marque de la société Courtaud-Tessier a été déposée postérieurement à l'immatriculation de la société Le Cabinet d'Amateur, sous cette dénomination sociale le 2 octobre 207 qui a par ailleurs acquis la licence d'exploitation des noms de domaine litigieux le 10 octobre 2007 dont elle justifie de l'exploitation.
C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que du fait de leur antériorité, ni la dénomination sociale, ni le nom commercial, ni les noms de domaine internet, de la société Le Cabinet de d'Amateur ne peuvent constituer une contrefaçon de la marque dont est titulaire la société le Cabinet d'Amateur.
A titre reconventionnel la société Le Cabinet d'Amateur sollicite le prononcé de la nullité de la marque dont est titulaire la société Courtaud-Tessier pour défaut de distinctivité.
Aux termes de l'article L 711-2 le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits et services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif :
- a) les signes ou dénominations qui dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service,
- b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de production du bien ou de la prestation de service,
- c) les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou par la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
La société Le Cabinet d'Amateur fait valoir que l'expression Cabinet d'Amateur prise dans son ensemble ou par ses termes séparément est utilisée fréquemment aussi bien dans le domaine de l'art que par des acteurs économiques distincts.Cependant pas plus que devant le tribunal la société intimée ne s'explique clairement et n'établit que ce signe n'est pas distinctif pour désigner les produits et services désignés lors du dépôt de la marque suivants : objets d'art gravés et lithographiés, tableaux (peintures) encadrés ou non, aquarelles, dessins, présentation de produits sur tous moyens de communication pour la vente au détail, activité d'antiquaire ou de galerie d'art, à savoir : vente au détail ou en ligne de céramiques, tableaux, de dessins, d'aquarelles, de mobilier et œuvres d'art, expertises et authentifications d'œuvres d'art, de tableaux, de dessins, d'aquarelles, de mobilier et de céramiques.
Elle ne démontre pas que cette marque serait la désignation nécessaire ou usuelle ou servirait à désigner les caractéristiques de produits ou services désignés à cet enregistrement.
C'est donc par des motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a justement écarté cette demande.
La société Le Cabinet d'Amateur expose au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts que la société appelante a initié une procédure totalement infondée et que compte tenu de la précarité de son activité et les frais inutiles engagés, celle-ci est en péril.
Cependant la présente procédure ne revêtant pas en regard des circonstances de l'espèce, de caractère manifestement abusif, la société Courtaud-Tessier ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, mais ne constituant que l'exercice normal d'un droit, la demande en paiement de dommages et intérêts, formée à ce titre, non fondée sera rejetée.
Eu égard aux circonstances de l'espèce, la demande de publication de la présente décision n'apparaît pas fondée et doit être écartée.
L'équité commande d'allouer à la société intimée la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.
Les dépens resteront à la charge de l'appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article
699 du code de procédure civil.
PAR CES MOTIFS
Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante,
Rejette l'appel incident de la société intimée,En conséquence,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la société appelante à payer à la société intimée la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article
699 du code de procédure civile.