Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Montpellier 15 février 2021
Cour administrative d'appel de Marseille 24 mars 2021

Cour administrative d'appel de Marseille, 24 mars 2021, 21MA00759

Mots clés procédure · procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 Référé suspension · sanitaire · maire · musées · commune · risque · urgence · établissements · rapport · règlement · requête · épidémie · accès · ouverture

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro affaire : 21MA00759
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 15 février 2021, N° 2100630-2100631-2100632-2100633
Avocat(s) : SELARL LVI AVOCATS ASSOCIES

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Montpellier 15 février 2021
Cour administrative d'appel de Marseille 24 mars 2021

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 2100630 - 2100631 - 2100632 - 2100633 en date du 15 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, a prononcé la suspension de l'exécution des arrêtés du maire de Perpignan en date du 8 février 2021 autorisant l'ouverture du musée des monnaies et médailles Joseph Puig, du muséum d'histoire naturelle, du musée Hyacinthe Rigaud et du musée de la Casa Pairal.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 février et 18 mars 2021, sous le n° 21MA00759, la commune de Perpignan, représentée par la SELARL LVI avocats associés demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 15 février 2021 ;

2°) de rejeter le déféré préfectoral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le premier juge n'a pas répondu à son moyen portant sur l'exception d'illégalité de l'article 45 du décret du 29 octobre 2020 au demeurant non visé et a, de ce fait, insuffisamment motivé son ordonnance ;

- les dispositions de cet article 45 méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et devant les charges résultant des calamités nationales, le principe d'accès à la culture, les exigences conventionnelles, le droit à l'instruction et la liberté d'accès aux oeuvres culturelles ;

- ces dispositions ne sont ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées à l'objectif de préservation de la santé publique ;

- le gouvernement n'a pas notifié au Secrétariat général du Conseil de l'Europe qu'il entendait se prévaloir de la dérogation prévue par l'article 15 de la convention européenne ;

- les moyens soulevés par le préfet en première instance ne sont pas de nature à créer un doute sérieux.

Par un mémoire, enregistré le 11 mars 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par courrier du 15 mars 2021, notifié le même jour par l'application Télérecours, d'une part, que la clôture de l'instruction était fixée au 22 mars 2021 à 12h, d'autre part, qu'il serait statué sans audience sur la présente affaire, en application des dispositions de l'article 3 de de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille donnant délégation à M. A..., premier vice-président, président de la 5ème chambre, pour juger les référés.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- la loi n°2021-160 du 15 février 2021 ;

- l'ordonnance n°2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le décret modifié n°2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le code de justice administrative.


Considérant ce qui suit

:

1. La commune de Perpignan relève appel de l'ordonnance n° 2100630 - 2100631 - 2100632 - 2100633 en date du 15 février 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a prononcé, à la demande du préfet des Pyrénées-Orientales et sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution des arrêtés de son maire en date du 8 février 2021 autorisant l'ouverture du musée des monnaies et médailles Joseph Puig, du muséum d'histoire naturelle, du musée Hyacinthe Rigaud et du musée de la Casa Pairal.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Après avoir rappelé aux points 3, 4 et 5 de son ordonnance, les dispositions applicables et les circonstances du litige, le premier juge a retenu le moyen du préfet des Pyrénées-Orientales tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 45 du décret du 29 octobre 2020. Il a précisé que la mise en place de protocoles sanitaires particulièrement strictes diminuant fortement le risque de transmission du virus ou une évolution favorable du contexte sanitaire ne permettaient pas à un maire de procéder lui-même à l'ouverture des musées. Ainsi et contrairement à ce qui est allégué, le premier juge a suffisamment répondu au moyen de défense de la commune qui soutenait que les dispositions de l'article 45 du décret du 29 octobre 2020 n'étaient plus applicables en raison de l'amélioration de la situation sanitaire et de ce que le département des Pyrénées-Orientales ne se trouvait pas dans les zones les plus touchées par l'épidémie. Par suite, le moyen portant sur l'omission à statuer ne peut être qu'écarté.

Sur le cadre du litige :

3. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code dispose que : " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...). " Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité.". Ce même article précise à son III que les mesures prises en application de ses dispositions " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu " et " qu'il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ".

4. La progression de l'épidémie de SARS-CoV-2 a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'urgence sanitaire. Aux termes du I de l'article 45 de ce décret : " Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public : (...) 4° Etablissements de type Y : Musées, salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle (scientifique, technique ou artistique, etc.), ayant un caractère temporaire ".

Sur le bien-fondé de la suspension :

5. Aux termes l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : " Art. L. 2131-6, alinéa 3.-Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 29 octobre 2020 que l'accueil du public dans les établissements relevant de la catégorie Y, " musées, salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle (scientifique, technique ou artistique, etc), ayant un caractère temporaire ", du règlement pris pour l'application de l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation, n'est pas autorisé.

7. Même si la région Occitanie n'est pas placée dans une situation de surveillance renforcée, les indicateurs de l'évolution épidémiologique, d'une part sont toujours élevés avec un risque d'augmentation de l'épidémie qui résulte en particulier du variant dit britannique à la contagiosité beaucoup plus importante et d'autre part s'accompagnent d'une tension persistante sur le système hospitalier dans l'ensemble des régions. Eu égard à ces circonstances et alors même que la commune de Perpignan fait valoir pour l'ouverture des quatre musées relevant de la catégorie Y la mise en place d'un protocole sanitaire renforcé, il ne résulte pas de l'instruction que les restrictions décidées par le premier ministre au titre des pouvoirs de police spéciale que lui confère l'article L. 3131-15 du code de la santé publique en vue de lutter, durant la période d'état d'urgence sanitaire, contre l'épidémie de covid-19 ne soient pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent. Par ailleurs, si les établissements mentionnés par les dispositions du décret du 29 octobre 2020 peuvent accueillir du public, comme notamment les magasins de vente, les marchés, les établissements de formation cités par la commune de Perpignan, et sont dans une situation comparable aux musées au regard de l'objectif de protection de la santé publique poursuivi par les mesures imposant la fermeture des établissements recevant du public, ils ne sont pas dans une situation analogue à ces derniers au regard de la nécessité de garantir la continuité de la vie de la Nation, notamment de permettre l'approvisionnement en produits de première nécessité et la fourniture de services essentiels à la population. Dans ces conditions, la commune de Perpignan ne peut valablement invoquer la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et devant les charges résultant des calamités nationales. En outre et eu égard au risque élevé d'augmentation des contaminations, la commune ne peut davantage prétendre que le principe d'accès à la culture, le droit à l'instruction, la liberté d'accès aux oeuvres culturelles et les exigences conventionnelles sont méconnus.

8. Il résulte de ce qui précède et en l'état de l'instruction, comme l'a décidé le premier juge, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 45 du décret du 29 octobre 2020 par les arrêtés du maire de Perpignan en date du 8 février 2021 paraît de nature à faire naître un doute sérieux quant à leur légalité. Il s'ensuit que la commune de Perpignan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné la suspension de l'exécution des arrêtés du 8 février 2021 autorisant l'ouverture de quatre musées. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de la commune de Perpignan tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1 : La requête de la commune de Perpignan est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Perpignan et au préfet des Pyrénées-Orientales.

Copie en sera transmise au ministre de l'intérieur.

Fait à Marseille, le 24 mars 2021.

N° 21MA007592

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