COUR D'APPEL DE LYON ARRET DU 09 Décembre 2011
3ème chambre A R.G : 10/06443
Décision du Tribunal de Commerce de LYON Au fond du 25 juin 2010 RG : 2008j2273
APPELANTE : SAS VERALAM Zone Industrielle des Mines 69210 SAINT-PIERRE-LA-PALUD représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Marianne S, avocat au barreau de LYON
INTIMEES : SAS MDP 21 Porte du Grand Lyon 01700 NEYRON
SA AXA FRANCE IARD 233 Cours Lafayette 69478 LYON CEDEX 06 représentées par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour assistées de Me K, avocat au barreau de PARIS
Date de clôture de l'instruction : 07 Juin 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Octobre 2011
Date de mise à disposition : 09 Décembre 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Françoise CUNY, président - Alain MAUNIER, conseiller - Guilaine GRASSET, conseiller assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier
A l'audience, Guilaine GRASSET a fait le rapport, conformément à l'article
785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa
2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CUNY, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.EXPOSE DES FAITS
La société VERALAM a mis au point un produit intégrant à l'intérieur d'un double vitrage un système de store à lames orientables, pour lequel un brevet a été déposé.
La société VERALAM et la société MDP ont travaillé ensemble à compter de l'année 2002.
La société MDP s'est chargée de l'élaboration du dispositif électromécanique destiné à être intégré dans le volume vitré : le moteur qui permet d'actionner le store intégré dans le vitrage à partir d'une télécommande.
En avril 2005 les sociétés sont convenues d'une modification du moteur et du système de fixation.
En exécution d'un contrat de fourniture en date du 28 août 2006, la société MDP a livré à la société VERALAM 2765 micromoteurs électriques avec leur support métallique.
En avril et juillet 2007 la société VERALAM a fait retour à la société MDP de 1065 moteurs avec leurs supports métalliques ensuite de dysfonctionnements avérés concernant le mécanisme de stores installés avec le nouveau système convenu.
Se prévalant d'un vice caché, la société VERALAM a saisi le tribunal de commerce de LYON par acte du 4 août 2008.
Par jugement du 25 juin 2010, ce tribunal, a : •Dit que la société VERALAM s'estimait elle-même compétente pour juger de l'emploi et de l'intégration des produits proposés par la société MDP, •Dit que la société VERALAM s'est elle-même positionnée comme spécialiste de micromécanique et à ce titre doit être considérée comme de la même spécialité que la société MDP, •En conséquence, •Dit que les clauses limitatives de responsabilité sont applicables, limitant la responsabilité de la société MDP au seul remplacement ou remise en état du matériel défaillant conformément aux dispositions de l'article 16 du contrat, •Débouté la société VERALAM de sa demande d'expertise visant à déterminer son préjudice et de sa demande de provision, •Rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties, Condamné la société VERALAM aux entiers dépens.
Par acte du 2 septembre 2010 la Société VERALAM, SAS, a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de conclusions signifiées le 4 mai 2011, elle demande à la Cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de l'article
1147 du même code, de : •réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,•juger que les motoréducteurs référencés TA00392 vendus par la société MDP à la société VERALAM sont affectés d'un vice caché, •juger que la société MDP en sa qualité de vendeur professionnel de spécialité différente de la société VERALAM est tenue de la garantie complète des vices cachés affectant les produits qu'elle a fabriqués et vendus à cette dernière, •juger à tout le moins que le vice était indécelable, •en conséquence, juger que les clauses limitatives de responsabilité insérées dans le contrat du 21 août 2006 ne peuvent recevoir effet, •vu également plus subsidiairement, l'article
1382 du code civil, le devoir d'information et de conseil dû par MDP, •dans tous les cas, •condamner la société MDP, in solidum avec son assureur AXA, à indemniser l'ensemble des préjudices subis par la société VERALAM du fait du vice caché affectant les motoréducteurs référencés TA 00392, •avant dire droit sur le montant de la réparation, nommer un expert pour évaluation des préjudices financier, d'exploitation, commercial et d'image subis par la société VERALAM, •en toute hypothèse, condamner la société MDP, in solidum avec son assureur, à verser la somme de 98 600 € à la société VERALAM correspondant au prix payé des moteurs atteints de vice non échangés, à titre de dommages et intérêts et de provision à valoir sur la réparation intégrale de son préjudice, •condamner la société MDP et la société AXA à payer à la société VERALAM la somme de 6000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile en sus des dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP AGUIRAUD et NOUVELLET.
Aux termes de conclusions signifiées le 7 mars 2011, la société MDP et la société AXA France IARD, assureur de responsabilité civile de la société MDP, demandent à la Cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de l'article 1150 dudit code, de : •juger que le vice caché dont la société VERALAM demande l'indemnisation ensuite de la fourniture par la société MDP en exécution d'un contrat en date du 28 août 2006 d'un ensemble moteur/support concerne le système de fixation dudit ensemble et non pas le moteur électrique lui-même, •juger que le moteur électrique standard livré par MDP ne souffre d'aucun vice caché, •juger que les atteintes matérielles au moteur dont s'agit ou encore son dysfonctionnement sont dus uniquement au vice caché du support métallique créé par la société MDP à la demande de la société VERALAM en application du contrat de collaboration de décembre 2005, •juger que la société VERALAM a validé le support métallique réalisé par MDP à sa demande et les objets de prototype qu'elle a commandés et payés, •juger que les sociétés VERALAM et MDP sont des professionnels de même spécialité en ce qui concerne la petite mécanique et/ou encore la fabrication de supports métalliques d'un moteur électrique, •juger que la société VERALAM s'est estimée elle-même compétente pour juger de l'emploi de l'intégration des produits proposés par la société MDP, •juger que la société VERALAM s'est elle-même positionnée comme un spécialiste de micromécanique et à ce titre doit être considérée de même spécialité que la société MDP, juger en conséquence que la garantie contractuelledes vices cachés comme la clause limitative de responsabilité doivent recevoir leur plein effet, •confirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal de commerce de LYON le 25 juin 2010, •juger que le préjudice indemnisable de la société VERALAM consiste seulement dans le remplacement des pièces métalliques et/ou encore du moteur qui seraient retournés et qui seraient atteints d'un vice caché et ce pendant la période de garantie contractuelle d'une durée d'un an à compter de la livraison, •juger que la garantie contractuelle est expirée à défaut de retour par la société VERALAM des ensembles moteurs fixation prétendument atteints de vices,
subsidiairement, •juger que les articles 1641 et suivants du code civil ne sont pas exclusifs de l'application de l'article
1150 du code civil, •juger qu'au moment de la conclusion du contrat de fourniture venant après l'intervention du contrat de collaboration, la société MDP ne pouvait prévoir que le préjudice de la société VERALAM par suite d'un vice caché du moteur ou du support métallique qu'elle livrait à ladite société VERALAM puisse être d'un montant supérieur au coût de ses propres fournitures, •juger que la société VERALAM ne pouvait ignorer qu'en tout état de cause la garantie de la société MDP concernant le moteur et les pièces métalliques livrés par celle-ci était d'une durée d'un an, •juger qu'en enchâssant de façon hermétique les produits de la société MDP, la société VERALAM qui offrait à ses clients une garantie de dix ans ne pouvait pas ne pas savoir que les fournitures de MDP ne pouvaient être garanties au-delà d'un an, •juger que la société VERALAM a participé elle-même à l'aggravation de son préjudice, juger n'y avoir lieu à expertise, •juger que le préjudice indemnisable de la société VERALAM consiste dans le remplacement du moteur ou des pièces métalliques atteints de vices cachés, •juger n'y avoir lieu à l'allocation d'une provision, •débouter la société VERALAM de ses demandes à ce titre comme de toutes ses demandes et action, •condamner la société VERALAM à payer à la société MDP et à AXA France IARD la somme de 10 000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile en sus des dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au bénéfice de la SCP BRONDEL & TUDELA.
Selon ce qu'autorise l'article
455 du code de procédure civile il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Des articles
1641,
1643 et
1645 du code civil il résulte que le vendeur professionnel, présumé connaître les vices cachés de la chose qu'il vend doit réparation incluant restitution du prix reçu et tous dommages intérêts envers l'acheteur sauf s'il a stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie lorsqu'il s'agit d'une vente entre professionnels de la même spécialité à condition que le vice ait été décelable par l'acquéreur.En l'espèce, des pièces du dossier et notamment du procès verbal de constat d'huissier établi à la requête de la société VERALAM le 25 mai 2007 il résulte que l'origine du sinistre relatif au système de motorisation référencé TA 00392 réside dans la rupture par cisaillement des fils électriques des moteurs du fait d'un défaut de leur module de fixation survenant à l'usage.
Par suite, la société MDP et la société AXA, son assureur sont fondées à soutenir que la société VERALAM tente d'introduire une confusion quant à l'objet de la garantie des vices cachés lorsqu'elle affirme que le vice caché dont elle se prévaut affecte les moteurs vendus alors que : •l'huissier de justice requis par la société VERALAM a constaté que le moteur tourne dans son support entre les colliers métalliques entraînant le fil et exerçant une pression, •la société VERALAM a écrit le 11 juin 2007 (pièce 7) à MDP « Pour faire suite à nos différents échanges, je vous confirme qu'à ce jour, nous totalisons déjà 146 vitrages avec store VERALAM intégré défectueux signalés par différents clients. Comme nous vous l'indiquions dans notre courrier en date du 10 avril 2007, leur examen fait apparaître un problème de fixation du moteur qui est à l'origine du défaut de fonctionnement », •la société VERALAM écrit elle-même, en caractères gras, en page 7 de ses conclusions « la fixation défectueuse du moteur TA 00392 fournie par MDP fait qu'à l'usage il tourne dans le collier, ce qui entraîne à la longue le cisaillement et la casse des fils électriques permettant d'actionner le store enchâssé de sorte que le moteur ne fonctionne plus » et en page 8 « or les pannes survenues ont toutes pour origine la rupture par cisaillement des fils électriques des moteurs TA 00392 fournis du fait d'un défaut de leur module de fixation, survenant à l'usage. », •la société VERALAM ne produit aucune pièce établissant un vice du motoréducteur conçu par MDP mais, dans le dispositif de ses conclusions, elle demande à la Cour de juger que « les motoréducteurs référencés TA 00392 vendus par la société MDP à la société VERALAM sont affectés d'un vice caché ».
En conséquence, la Cour retient que le vice affectant le produit réside dans son système de fixation du moteur à l'intérieur du double vitrage et non dans le motoréducteur.
La SAS VERALAM qui selon l'extrait RCS a une activité de « façonnage et transformation du verre plat » est titulaire du brevet d'invention 95 07317 déposé par Pierre J, père du dirigeant de la SAS VERALAM ; ce brevet qui concerne un « brise soleil pouvant être intégré dans double vitrage » est le fruit d'une invention en micromécanique (pièce 1bis produite par MDP).
Dans un premier temps, concernant la version d'origine référencée TA 00297, version antérieure au contrat de collaboration de 2005, VERALAM n'a pas fabriqué le système de fixation du moteur à l'intérieur du double vitrage constitué par deux pièces complémentaires du moteur en forme de H comme l'affirme l'expert mandaté par AXA mais a fait fabriquer ce système qu'elle a conçu avec SIBILLE électronique en lien étroit avec MDP fabriquant du moteur.En effet, il résulte de la pièce 11 produite par VERALAM qu'elle a fait réaliser un appareil de tests automatiques par SIBILLE électronique laquelle a préconisé de rajouter un séquenceur réglable permettant une mise en marche et un arrêt toutes les 5 mn environ ; que ce courrier daté du 22 mai 1995 auquel sont annexés un plan avalisé par M. Pierre J et un plan de HYDRO ALUMINIUM EXPAL, s'il n'est pas le courrier relatif au système référencé TA 00392, objet du présent litige comme l'a retenu de manière erronée le tribunal de commerce, démontre la compétence technique de VERALAM en matière de micromécanique lors de la conception de la fixation du système référencé TA 00297 ; en outre, la société VERALAM qui conteste sa compétence en micromécanique a préféré ne produire aucune autre pièce relative à sa relation contractuelle avec HYDROALUMINIUM qui a fabriqué le premier système de fixation nonobstant les demandes réitérées de MDP et de son assureur en cours d'instance.
Cette compétence de VERALAM en micromécanique est attestée par elle-même dans le premier paragraphe du contrat de collaboration N°1031450 signé en 2005 avec MDP qui stipule « VERALAM est spécialisée dans le façonnage et la transformation du verre plat et dans la fabrication de store intégré dans un double vitrage » ; l'article 4 du contrat intitulé HOMOLOGATION ET VALIDATION précise « VERALAM étant un professionnel de son secteur, qui connaît parfaitement les spécificités de son application, il lui appartiendra d'homologuer le PRODUIT en vue de son utilisation dans ladite application ; étant donné l'influence des critères externes sur l'application de VERALAM, les Parties ont défini une panoplie de tests à l'issue desquels VERALAM sera en mesure de se prononcer sur l'homologation du produit proposé.»
Les pièces 6 bis et 7 produites par MDP établissent que VERALAM a homologué les 7 décembre 2006 et 30 décembre 2005 par son « service R & D » (service Recherche et Développement) le système de fixation du moteur conçu par MDP qui en a conservé la propriété intellectuelle et VERALAM n'a pas cru utile de produire aux débats l'avis d'un spécialiste pour contredire celui produit par MDP (pièce 1) quant à l'étendue des compétences de VERALAM en micromécanique.
En conséquence, si les spécialités des deux sociétés diffèrent en ce qui concerne la motorisation, spécialité de MDP et le façonnage et la transformation du verre, spécialité de VERALAM, il convient de retenir, que la micromécanique est une spécialité commune aux deux sociétés et qu'ainsi que l'a souligné l'expert mandaté par AXA, le système de fixation conçu par MDP, « un berceau » ayant le même rôle que les 2 H précédemment utilisés, tous deux homologués par VERALAM est un système plus simple que le mécanisme breveté permettant l'orientation des lames qui consiste en une succession de pièces de mécaniques beaucoup plus difficile à concevoir et à réaliser pour obtenir qu'elle résiste à plusieurs milliers de mouvements.
Par suite, les sociétés MDP et VERALAM, professionnelles de même spécialité pour ce qui concerne le système de fixation, étaient autant l'une que l'autre en mesure de déceler le vice à l'origine du sinistre en procédant à des essais réitérés et prolongés ; dès lors, les clauses contractuelles limitatives de responsabilité doivent recevoir application.L'application cumulative des articles 15 et 16 du contrat de fourniture N°0506008 du 21 août 2006 limite le préjudice indemnisable de VERALAM par MDP dans le remplacement des pièces métalliques et/ ou du moteur retournées et atteints d'un vice caché pendant la période de garantie contractuelle d'une durée d'un an à compter de la livraison.
Comme aucune faute délictuelle relative au devoir d'information et de conseil dû par MDP n'est démontrée par VERALAM et comme il est constant que la société MDP a accepté de reprendre les 1065 moteurs livrés avec leur support référencés TA 00392 se trouvant en stock et de les remplacer par les moteurs sans support conformes à la version d'origine, référencée TA 00297, antérieure au contrat de collaboration n°103 1450 conclu en 2005 par VERALAM et MDP, les demandes d'indemnisation, d'expertise, de dommages intérêts provisionnels de la société VERALAM doivent être rejetées et le jugement entrepris confirmé.
PAR CES MOTIFS
:
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile.
Condamne la SAS VERALAM aux dépens d'appels qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.