Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Montpellier 27 mars 2015
Cour administrative d'appel de Marseille 23 juin 2016

Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15MA01850

Mots clés étrangers · séjour des étrangers Refus de séjour · requête · préfet · arrêté · délai · soutenir · éloignement · enfant · convention · volontaire · départ · quitter · asile · requérant · risque · délégué

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro affaire : 15MA01850
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 27 mars 2015, N° 1501686
Président : M. BEDIER
Rapporteur : M. Xavier HAILI
Rapporteur public : M. MAURY
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Montpellier 27 mars 2015
Cour administrative d'appel de Marseille 23 juin 2016

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai.

Par un jugement n° 1501686 du 27 mars 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 1501379 en date du 10 avril 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme irrecevable au motif que le tribunal avait épuisé sa compétence.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2015, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier et cette ordonnance du 10 avril 2015 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire ;

- il a été privé du droit d'être entendu par le préfet ;

- le préfet aurait dû statuer sur sa demande de titre de séjour ;

- c'est à tort que l'auteur de l'ordonnance du 10 avril 2015 a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 janvier 2015 ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant l'Albanie comme pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute de comporter des moyens d'appel ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la directive européenne n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.

1. Considérant que M. A..., ressortissant albanais né le 29 juin 1975, est entré en France le 13 janvier 2014 avec ses deux enfants nés en Albanie en 2004 et en 2006 ; qu'un refus de titre de séjour lui a été opposé le 21 janvier 2014 par le préfet des Pyrénées-Orientales ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 6 mai 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 novembre 2014 ; qu'à la suite de ce refus d'asile, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du 28 janvier 2015, obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai ; que M. A... relève appel du jugement du 27 mars 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de l'ordonnance du 10 avril 2015 par laquelle le président de la 3ème chambre du même tribunal a rejeté la même demande ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que la requête de M. A..., qui contient une critique du jugement et de l'ordonnance de première instance, est suffisamment motivée au regard des exigences prévues par l'article précité ; que, par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait irrecevable pour défaut de motivation ;

Sur la régularité de l'ordonnance du 10 avril 2015 :

4. Considérant que, par son jugement du 27 mars 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ; que c'est, par suite, à bon droit que, par son ordonnance du 10 avril 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a retenu que le tribunal avait épuisé sa compétence et a rejeté la requête de M. A... pour irrecevabilité ;

Sur la légalité externe de l'arrêté du 28 janvier 2015 :

5. Considérant, en premier lieu, que le préfet, dans son arrêté du 28 janvier 2015, après avoir cité l'ensemble des textes européens et nationaux applicables, a notamment relevé, sans s'estimer tenu par ses décisions, que la demande d'asile de M. A... avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, que l'intéressé ne justifiait pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine et que la mesure d'éloignement ne portait pas atteinte à la vie privée et familiale de M. A... ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision ne peut être qu'écarté ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; que, par suite, la seule circonstance que le préfet, qui avait pris le 21 janvier 2014 une décision refusant l'admission au séjour de M. A..., ne l'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé qu'il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder M. A... comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment prévu par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

7. Considérant, en revanche, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) - 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :(...) - d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) - f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêté du 28 janvier 2015 que le préfet n'a pas exposé les raisons de fait et de droit pour lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... ; que si le préfet a visé les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la mesure d'éloignement, il n'a ni visé ni reproduit les dispositions du II du même article et n'a mentionné aucune circonstance de fait qui justifierait que le requérant se voit privé d'un délai de départ volontaire ; que, par suite, le refus d'accorder un délai de départ volontaire doit être regardé comme étant insuffisamment motivé en droit et en fait ; qu'il s'ensuit que M. A... est fondé à en demander l'annulation ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 28 janvier 2015 :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

9. Considérant que, si M. A... soutient que ses deux enfants devront quitter la France, où ils sont scolarisés, pour retourner en Albanie, dans un univers peu sécurisant, alors qu'ils souffrent déjà de se retrouver orphelins de mère, il ne démontre pas que ceux-ci ne pourraient vivre en Albanie et y poursuivre leur scolarité ; que la décision d'éloignement dont il fait l'objet ne fait nullement obstacle à ce que ses enfants et lui-même résident en Albanie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

11. Considérant que M. A..., qui se borne à soutenir que ses frères auraient subi des menaces en Albanie et que les conflits et vendettas seraient nombreux dans cet Etat, ne produit aucun justificatif probant relatif aux risques personnels qu'il courrait au cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être rejeté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a refusé d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 en tant qu'il a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation des frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Considérant que les dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :



Article 1er : Le jugement n° 1501686 du 27 mars 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2015 du préfet des Pyrénées-Orientales en tant que cet arrêté lui refuse un délai de départ volontaire.

Article 2 : L'arrêté du 28 janvier 2015 du préfet des Pyrénées-Orientales est annulé en tant qu'il refuse d'accorder un délai de départ volontaire à M. A....

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Markarian, premier conseiller,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

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N° 15MA01850