AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mai deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christophe,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2000, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 30 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen
de cassation, pris de la violation des articles
L. 512 et
L. 517 du Code de la santé publique, 6.3. de la Convention européenne des droits de l'homme,
591 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée à Christophe X... le 10 juillet 1998 et a condamné celui-ci, du chef d'exercice illégal de la pharmacie, à une amende délictuelle de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts au Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
"aux motifs que la citation délivrée le 10 juillet 1998 à Christophe X... indique qu'il lui est reproché d'avoir à Orléans le 9 novembre 1993 étant Président Directeur Général de la SA Parashop Diffusion, alors qu'il ne possède pas le diplôme de pharmacien, et que le magasin Parashop Parapharmacie ne dispose pas du statut d'officine de pharmacie, exposé à la vente divers produits, substances ou plantes dont la liste était donnée, qui étaient présentés comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines ou animales ou des produits pouvant être administrés à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic, de corriger ou de modifier des fonctions organiques ; que ces termes dénués de toute ambiguïté énoncent clairement les faits reprochés, correspondent parfaitement à l'incrimination d'exercice illégal de la pharmacie et ne créent aucune confusion ; que s'il est exact, comme le relève le prévenu, que l'article
L.517 du Code de la santé publique qui incrimine ces faits et fixe la peine applicable n'est pas mentionné, et que seuls les articles
L.511 et L.519 sont visés, il n'apparaît pas que cette omission ait porté atteinte aux droits de la défense ; qu'en effet, Christophe X..., qui a reçu un avis de mise en examen du 19 juin 1995 pour "exercice illégal de la pharmacie", et qui a été interrogé, en première comparution le 12 mai 1997 alors qu'il était assisté de son conseil, lequel a adressé ensuite au juge d'instruction plusieurs documents et notes sur l'infraction poursuivie, a parfaitement été en mesure de savoir quelle infraction lui était reprochée ; que pour les mêmes motifs, il ne peut être retenu que la procédure violerait les dispositions de l'article 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'à défaut
d'atteinte aux droits de la défense, il convenait donc, comme le tribunal correctionnel l'a décidé, de rejeter l'exception de nullité ;
"alors que la citation doit, à peine de nullité, énoncer les textes de loi qui répriment les faits poursuivis ; qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque ces faits, tels qu'ils sont relatés dans la citation, sont susceptibles de plusieurs qualifications pénales ; qu'en l'espèce, la citation se bornait à reprocher à Christophe X... d'avoir commercialisé des produits susceptibles d'être qualifiés de médicaments et à viser les articles
L. 511 et
L. 519 du Code de la santé publique, qui ne répriment aucune infraction ; que la commercialisation de produits susceptibles d'être qualifiés de médicaments peut recevoir plusieurs qualifications pénales, et notamment celles d'exercice illégal de la pharmacie, de ventes de médicaments sans autorisation de mise sur le marché et de ventes au public de médicaments par l'intermédiaire d'établissements possédés ou administrés par des personnes non titulaires du diplôme de pharmacien ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors décider que le défaut de visa, dans la citation, des textes réprimant les faits poursuivis n'avait pas porté atteinte aux droits de la défense et ne justifiait pas la nullité de la citation" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a écarté, à bon droit, l'exception de nullité de la citation directe qui, reprenant les termes de l'ordonnance de renvoi de la juridiction d'instruction, énonce de manière détaillée les faits reprochés au prévenu, aux intérêts duquel l'omission du visa du texte de loi réprimant le fait poursuivi n'a porté aucune atteinte ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
L. 511,
L. 512 et
L. 517 du Code de la santé publique,
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable du délit d'exercice illégal de la pharmacie et l'a condamné à une amende délictuelle de 30 000 francs, ainsi qu'à payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts au Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
"aux motifs qu'un contrôle exercé par le service de l'inspection de la pharmacie, le 9 novembre 1993 au magasin "Parashop Parapharmacie" situé au centre commercial place d'Arc à Orléans exploité par la SA Parashop Diffusion SA, dont Christophe X... est le Président Directeur Général, a fait apparaître que plusieurs produits mis en vente étaient susceptibles d'être définis comme des médicaments au sens du Code de la santé publique ;
qu'il convient de rappeler que l'article
L.511 définit comme médicament "toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques" ; qu'au regard de ce texte il peut être observé concernant les divers produits visés à la prévention :
- que les gélules ou capsules renfermant des extraits ou poudres de plantes suivantes de marque "Elusanes" fabriqués par le Laboratoire "Plantes et Médecines", guarana, spiruline, papaye, ananas, ginko, ail, hamamélis, marron d'Inde, ortie, grande camomille, quinquina, valèriane, houblon, eschscholzia, ginseng, fenugrec, barbane, pensée sauvage, marrube blanc, comporteraient sur leur conditionnement, outre le nom de la plante, la quantité, la composition, le numéro du lot et la date de péremption, la teneur annoncée en principes actifs et les indications thérapeutiques ; que la brochure Elusanes précisait par exemple pour la "valériane" c'est un excellent sédatif nerveux, fortement antispasmodique et légèrement hypnotique et, que, pour leur part, les gélules de marrube blanc avaient fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, ce que le prévenu n'ignorait pas ; que ces éléments permettent de rattacher ces préparations à base de plantes à la catégorie des médicaments par présentation, le marrube blanc pouvant même être classé dans la catégorie des médicaments par nature ;
- que les gélules ou capsules distribuées par Naturland, renfermant des poudres ou extraits de différentes plantes algues, cosse de haricot, thé vierge, carotte, eucalyptus, chiendent, ginko... étaient présentées dans un conditionnement, comportant dés conseils d'utilisation, avec la mention "les gélules Naturland sont constituées de poudre totale de plantes. Traditionnellement utilisées depuis des siècles, les plantes composant cette gamme ont prouvé leur efficacité et l'absence d'effets indésirables", leur prêtant ainsi des vertus curatives ; que par ailleurs, plusieurs de ces plantes sont inscrites à la pharmacopée, il en est ainsi de la passiflore, du chiendent, du bouleau, du sureau, que l'ensemble de ces éléments auxquels s'ajoute la présentation sous forme de gélules ou capsules permettent de les considérer comme des médicaments par présentation ;
- que le produit "prôpolips" de la société "Plantes et Médecines", était présenté comme soignant "les boutons de fièvre", nom commun d'une maladie virale, l'herpès labial, qu'il était en outre indiqué dans la brochure "Elusanes" que le propolis est un anesthésique et un antiseptique ; qu'il apparaît ainsi qu'il s'agit d'un médicament par nature ;
- que le gel à l'arnica Elusanes, et le gel à l'harpagophytum Elusanes de la société "Plantes et Médecines" portaient sur leur conditionnement des mentions relatives au mode d'utilisation et aux indications d'emploi ; qu'en outre la brochure "Elusanes" diffusée par le laboratoire fabricant présente le gel d'harpagophytum comme anti-inflammatoire et le gel d'arnica comme "ayant une action calmante sur la douleur" ; que ces indications thérapeutiques amènent à classer ces deux produits dans la catégorie des médicaments par présentation ;
- que les produits codex, bicarbonate de sodium et suppositoire à la glycérine sont inscrits à la pharmacopée française ; que de plus la vaseline officinale en tube de 50 grammes est inscrite à la liste des produits officinaux divisés établie par l'arrêté du 23 juillet 1965 ;
- que l'alcool à 70 et l'eau oxygénée à 10 - 20 et 30 volumes sont inscrites à la pharmacopée et sont des médicaments, par fonction en raison de leur action antiseptique ;
- que le produit antiparasitaire "Centrapharm", qui selon la notice présente des propriétés pédiculicides et contient 0,20 % de pyréthines de synthèse, est en réalité un insecticide destiné à être appliqué à l'homme et relève des articles L.658 II et
R. 5266-1 du Code de la santé publique et du monopole des pharmaciens ;
- que la vitamine C distribuée par la société Kenko à la dose de 500 mg ou 1000 mg excède largement les doses normalement contenues dans l'alimentation et ne peuvent être qualifiées de compléments alimentaires ; qu'il s'agit en réalité de médicaments par fonction et par présentation ;
- que les constations du pharmacien-inspecteur établissent parfaitement la matérialité des faits ; que Christophe X... a reconnu devant le juge d'instruction que le marrube blanc, la vaseline codex, les suppositoires à la glycérine étaient des médicaments ; qu'il a également admis qu'il avait retiré de son magasin les produits "Elusanes" du Laboratoire "Plantes et Médecines", reconnaissant ainsi qu'il s'agissait bien de médicaments par présentation ;
"1 ) alors que constitue un médicament, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ; qu'en affirmant néanmoins, que Christophe X... avait commercialisé des médicaments par fonction, sans constater que les produits en cause présentaient de telles qualités, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2 ) alors que constitue un médicament par présentation, le produit présenté comme étant doté de vertus thérapeutiques ; que peu importent, en revanche, la forme extérieure du produit, l'indication de sa composition et l'apposition de simples conseils d'administration sur l'emballage ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour décider que Christophe X... avait commercialisé des médicaments par présentation, que les produits en cause étaient vendus sous forme de gélules ou capsules, que leur composition était précisément décrite et que des conseils d'administration figuraient sur les emballages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le troisième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
L. 511,
L. 512 et
L. 517 du Code de la santé publique,
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable du délit d'exercice illégal de la pharmacie et l'a condamné à une amende délictuelle de 30 000 francs, ainsi qu'à payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts au Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
"aux motifs que, l'ensemble des éléments recueillis sur la société Parashop Diffusion, et les constatations opérées par le service de l'inspection de la pharmacie, démontrent que les dirigeants de la société ont volontairement créé une confusion en dénommant leur magasin "Parashop Parapharmacie" et en employant une salariée titulaire d'un doctorat en pharmacie et arborant un badge "pharmacien" ; que l'objet social de l'entreprise était selon l'extrait K bis "l'exploitation de fonds de commerce spécialisés dans le négoce de tous articles relatifs à la parapharmacie, la pharmacie, parfums, diététique, et plus généralement tout ce qui est directement ou indirectement lié au secteur, d'hygiène, santé et beauté" ; que le prévenu ne peut donc sérieusement soutenir que l'élément intentionnel de l'infraction fait défaut ;
"alors que Christophe X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il avait reçu l'assurance de ses fournisseurs que les produits en cause ne pouvaient être qualifiés de médicaments et qu'à tout le moins, il existait à l'époque des faits une incertitude très importante sur cette qualification, qu'il en déduisait que l'élément intentionnel de l'infraction n'était pas caractérisé ;
qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motif" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;