Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Douce a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge totale des impôts supplémentaires, taxes, pénalités et amendes issues de la procédure de vérification de comptabilité des exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014, d'ordonner le paiement à son profit, des crédits d'impôt recherche (CIR) 2013 et 2014 tels que déclarés, d'un montant respectif de 510 550 euros et 1 174 347 euros, de réintégrer la dotation aux amortissements dans les CIR 2013 et 2014 tels que déclarés à hauteur de respectivement 931 742 euros et 934 337 euros, enfin d'assortir ces sommes des intérêts moratoires à compter des dates de demandes de remboursements respectives, soit pour le CIR 2013 le 9 mai 2014 et pour le CIR 2014 le 12 mai 2015.
Par un jugement n° 1900523 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2022, et des mémoires complémentaires enregistrés les 13 septembre et 9 décembre 2022, la société par actions simplifiée (SAS) La Douce, représentée par Me Magret, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1900523 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de prononcer la décharge totale des impôts supplémentaires, taxes, pénalités et amendes issues de la procédure de vérification au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;
3°) de procéder à la réintégration d'une part, des dépenses de sous-traitance, d'un montant de 2 225 570 euros, au titre du CIR de l'année 2014, d'autre part, des dotations aux amortissements à hauteur de 931 742 euros en 2013 et de 934 337 euros en 2014, dans les CIR des années correspondantes ;
4°) d'enjoindre à l'Etat de régler au profit de la société Ekip, liquidateur judiciaire de la société, les CIR 2013 et CIR 2014, à hauteur des sommes respectives de 510 550 euros et de 1 174 347 euros ;
5°) de condamner l'Etat au versement d'intérêts moratoires, au bénéfice du liquidateur judiciaire de la société, en application de l'article
L. 208 du livre des procédures fiscales, à compter du 9 mai 2014, pour le CIR 2013 et du 12 mai 2015, pour le CIR 2014 ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 50 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mandataire social a qualité à agir ;
- elle demande à la cour d'écarter des débats le mémoire en défense produit très tardivement par l'administration fiscale ;
S'agissant de la régularité du jugement :
- il a été rendu selon une procédure irrégulière ; les dispositions de l'article
R. 711-3 du code de justice administrative n'ont pas été respectées ; elle n'a pas été en mesure de connaitre avec précision l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer à la formation de jugement d'adopter ;
- le tribunal administratif n'a pas donné de base légale à son jugement, en ne tirant pas les conséquences de trois violations de garanties substantielles, entachant l'ensemble de la vérification d'irrégularité dont la conséquence est la décharge des impôts et taxes mises à sa charge ; les refus de l'administration fiscale de lui accorder le recours au supérieur hiérarchique et à l'interlocuteur départemental, avant la clôture de la procédure de redressement, ne peuvent être justifiés par la difficulté d'organiser ces rencontres selon un calendrier qui conviendrait à l'administration, laquelle a tardé à répondre au cours des différentes phases de la procédure et alors que les contraintes matérielles ou de santé ont été totalement indépendantes de la volonté de la société ou de son dirigeant ;
- l'administration a usé de pressions pouvant s'assimiler à " une forme de chantage " à son égard à plusieurs reprises ;
- privée illégalement de ces possibilités de recours, elle n'a pas pu saisir le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche (CIR) en cas de désaccord persistant après l'exercice des premiers recours ;
- le tribunal administratif de Pau a effectué une lecture subjective des faits, en tenant compte uniquement des arguments de la DGFIP, en soutenant un moyen sans aucune base légale ; les premiers juge de Pau n'ont pas examiné les moyens soutenus par elle ;
- la conséquence immédiate du non-respect de cette garantie substantielle entache d'irrégularité l'avis de mis en recouvrement délivré le 31 juillet 2018 sur la base de l'article
1737 du code général des impôts, pour un total de 1 112 785 euros ;
- elle a justifié du dépôt d'une réclamation contentieuse portant sur l'avis de mise en recouvrement (AMR N°4000235 8 0338 - 31/12/2018) d'un montant de 1 420 792 euros par la production d'un mémoire ; le jugement a totalement occulté ce moyen et n'en a dit aucun mot ;
- elle a bien déposé une réclamation contentieuse concernant ledit AMR, dans le délai légal ouvert par l'article
R. 196-1 du livre des procédures fiscales, réclamation restée sans réponse ;
- l'AMR litigieux émis pour un total de 1 420 792 euros, est entaché de nombreuses irrégularités dont la conséquence est le dégrèvement total de l'AMR N° 4000235 8 0338 - 31/12/2018 05015 ; le tribunal administratif de Pau en ne traitant pas le moyen soutenu par la société la Douce concernant cet AMR, n'a pas donné de base légale à son jugement ;
- les articles L. 188A et L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnus ; le tribunal administratif en a fait une analyse erronée ; la DGFIP ne l'a pas informée du contenu de la réponse des autorités espagnoles au cours de la rencontre du 8 février 2016, la privant d'un débat oral et contradictoire ;
- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire au cours d'une procédure de vérification durant laquelle le service a dissimulé des éléments recueillis d'un tiers durant une période de plus de huit mois (octobre 2015 à juin 2016) ; il en a été de même à l'occasion de la seconde demande d'assistance internationale ou la seconde expertise auprès de la DRRT Aquitaine ; ces deux interventions sur lesquelles le service a fondé son redressement ne lui ont été transmises qu'avec la réponse de l'administration à ses observations, rendant impossible toute réponse de sa part à ce stade de la procédure ;
- les règles d'emport et de restitution des documents n'ont pas été respectées ; certains originaux ne lui ont pas été restitués ; un autre document qui lui a été restitué n'a pas été remis par elle ; c'est bien le service qui s'est chargé d'en faire des copies pour son propre compte en y apposant son cachet officiel " copie remis à DGFIP+ signature " ; la procédure de vérification est irrégulière dès lors qu'une pièce dans laquelle elle déclare remettre au vérificateur des documents comptables qu'elle énumère et où elle précise ne pas avoir de locaux à mettre à la disposition du vérificateur ne suffit pas, eu égard à ses mentions, à établir qu'elle a demandé au vérificateur d'emporter les documents ; ce non-respect des conditions de forme vicie la procédure et entache d'irrégularité la vérification de comptabilité ;
- au fond, les experts de la DRRT Aquitaine ont confirmé le respect par elle de l'article 244 quater B du code général des impôts ; elle a justifié que ses travaux en matière de recherche entraient dans le périmètre du crédit impôt recherche ;
- ses travaux de RetD donnés en sous traitance, eux-mêmes validés par ailleurs par le second rapport de la DRRT Aquitaine étaient éligibles au CIR ;
- le document sur lequel repose l'intégralité du rejet du CIR 2014 et l'accusation de " fausse facture " n'est pas daté et signé ; seul figure le nom du directeur financier, M. D ; ce document a été rectifié par une lettre officielle de la société Bossar du 26 juillet 2016 ; les dépenses de recherche et développement sont justifiées par un contrat entre les deux sociétés ;
- les règles qui s'appliquent en matière de CIR sont celles d'une comptabilité d'engagement ; le paiement différé est une disposition contractuelle qui a d'ailleurs été librement fixée par les parties ;
- elle a justifié de la réalité des prestations effectuées ; le caractère fictif ne saurait se déduire seulement " de témoignages " sans éléments factuels ; elle n'a pas établi de fausses factures ;
- la seconde attestation envoyée en français par l'administration le 5 décembre 2017 a été émise par M. E F agissant en sa qualité d'administrateur unique de la société commerciale Bossar Packaging, fonction exercée depuis le 11 janvier 2017 ; elle n'a pu faire l'objet d'un débat contradictoire et l'a privée de la faculté de s'en prévaloir, dès lors qu'elle a été obtenue lors de la seconde demande d'assistance internationale avec les autorités espagnoles, réalisée après la fin des opérations de contrôle ; ce document lui a été transmis en décembre 2017 après la réponse du service aux observations du contribuable ;
- les amortissements pratiqués sur le forage sont intégralement éligibles à l'assiette des CIR 2013 et 2014 ;
- les experts de la DRRT Aquitaine ont confirmé le respect de l'article 244 quater B du code général des impôts ; elle a procédé à une stricte application du BOFIP et de la jurisprudence, en calculant à partir du volume d'exploitation total de son forage, la part qui était réservée à ses travaux de RetD afin d'en déduire une utilisation proratisée par année ; un pourcentage a été appliqué au montant total de l'amortissement du forage, permettant ainsi de trouver pour chaque CIR déclaré, le montant de l'amortissement du forage éligible à l'assiette des CIR ; la méthodologie repose sur les données officielles d'utilisation du forage ;
- l'arrêté préfectoral modificatif n° 2014-60 délivré le 2 mai 2014 par les services de l'Etat lui concède bien un titre de propriété ; l'amortissement du forage inscrit en comptabilité est donc justifié, conformément aux articles 211- 1 et 311-1 du plan comptable général ;
- elle a pu réaliser une réévaluation libre du forage en tant qu'immobilisation corporelle puisqu'elle en était devenue l'unique propriétaire conformément à l'article
L. 123-18 du code du commerce ; elle pouvait appliquer un ratio, pour déterminer la valeur amortissable sur la base d'une utilisation mixte pouvant être intégrée à l'assiette des CIR 2013 et 2014 ;
- à titre subsidiaire, l'ensemble des créances fiscales objet de la présente procédure, ont donné lieu à cinq certificats de rejet par le juge commissaire nommé à la liquidation judiciaire de la société la Douce.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 août 2022 et 25 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la réclamation visant les impositions supplémentaires réclamées en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés ainsi que des amendes mises à la charge de la société sur le fondement de l'article
1759 du code général des impôts, pour un montant total de 1 420 793 euros, mises en recouvrement le 31 décembre 2018 a été présentée le 2 décembre 2019 ; par conséquent, les conclusions en décharge relatives à ces impositions présentées dans la requête de première instance introduite le 27 février 2019 étaient irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société la Douce ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 février 2023 à 12h00.
Par un courrier du 13 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal avait omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société tendant à la décharge des amendes fiscales de 16 318 euros et 81 188 euros.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a produit un mémoire enregistré le 20 août 2024 par lequel il n'entend pas produire d'observation sur le moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;
- la loi de finances n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- et les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. La société par actions simplifiée (SAS) la Douce, créée le 3 juillet 2006, qui exerce une activité dans le secteur de l'industrie des eaux de table, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 4 septembre 2015 au 9 mai 2016 portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, incluant ses déclarations de crédit d'impôt en faveur de la recherche pour les années 2013 et 2014. La vérificatrice a considéré la comptabilité comme irrégulière et dépourvue de force probante. Au terme de ce contrôle, elle a fait l'objet, par une proposition de rectification du 20 juin 2016, d'une part, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible, à hauteur de 1 057 euros en 2013 et de 11 410 euros en 2014, d'autre part, de rehaussements pour les deux années, en matière de bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés, suite à la remise en cause des amortissements de l'ouvrage technique, de frais d'étude et de développement, de frais de déplacement injustifiés, enfin du refus d'admission de demandes de remboursement de crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) au titre de la période contrôlée. Ces suppléments d'imposition ont été assortis de majoration pour manquement délibéré ou pour manœuvre frauduleuse. Le bénéfice de l'exonération accordée aux entreprises nouvelles sur le fondement de l'article 44 sexies du code général des impôts a également été remis en cause. La même proposition de rectification a aussi notifié à la société l'application de l'amende de 5 % pour défaut d'autoliquidation de la taxe sur les acquisitions intracommunautaires, pour un montant de 1 864 euros au titre de l'année 2013, de l'amende de 100 % en l'absence de désignation des bénéficiaires des revenus distribués, de 15 568 euros au titre de 2013 et de 81 188 euros au titre de 2014, de l'amende de 750 euros pour défaut de déclaration d'échanges de biens, et de l'amende de 50 % relative aux infractions en matière de facturation, à hauteur de 1 112 785 euros au titre de 2014. A la suite des observations présentées par la société la Douce, l'administration a maintenu les rectifications envisagées le 31 juillet 2017 dans sa réponse aux observations. La commission départementale des impôts directs et de la taxe sur les chiffres d'affaires a émis un avis favorable aux redressements le 16 novembre 2018. L'amende de 1 112 785 euros, appliquée en vertu de l'article 1737-1-2 du code général des impôts a été mise en recouvrement le 31 juillet 2018 et le reste des suppléments d'imposition, en droits, majorations et amendes a été mis en recouvrement le 31 décembre 2018. La réclamation formée le 12 septembre 2018 contre l'amende prévue par l'article 1737-1-2 du code général des impôts a été rejetée le 12 février 2019. La réclamation du 17 octobre 2018 formée contre la remise en cause de l'exonération d'impôt sur les sociétés ainsi que les majorations appliquées sur les rehaussements effectués a été rejetée le 8 novembre 2018 pour irrecevabilité en raison de son caractère prématuré. Les demandes de remboursement de crédit impôt recherche (CIR) déposées au titre des années 2013 et 2014 ont fait l'objet de décisions d'admission partielle les 14 août 2018 et 27 décembre 2018. La société a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan en date du 21 décembre 2018, lequel a désigné Me Christophe Mandon, en qualité de liquidateur. Par la présente requête, la société relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge totale des impôts supplémentaires, taxes, pénalités et amendes issues de la procédure de vérification de comptabilité des exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014, relatifs au remboursement du crédit impôt recherche 2013 et 2014 et à l'amende infligée sur le fondement de l'article 1737-11-2 du code général des impôts.
Sur les conclusions tendant à ce que le mémoire en défense en date du 31 août 2022 soit écarté des débats :
2. Aux termes de l'article
R. 611-1 du code de justice administrative : " () La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il est constant que le premier mémoire en défense du ministre chargé des finances publiques, quand bien même a-t-il été produit au-delà du délai mentionné dans la lettre de notification de la requête d'appel, l'a été alors qu'aucune ordonnance n'avait clôturé l'instruction. Par suite, les conclusions de la société la Douce tendant à ce que ce mémoire soit écarté des débats ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article
R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. () ".
4. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 3 a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
5. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.
6. Il résulte de l'instruction que le rapporteur public devant le tribunal administratif de Pau a indiqué, à l'occasion de la mise en ligne sur l'application Sagace, le 30 novembre 2021, le sens de ses conclusions sur la demande de la société la Douce, en vue de l'audience du 2 décembre 2021 : " rejet au fond de la requête ". Contrairement à ce que soutient la société appelante, le rapporteur public n'était pas tenu à peine d'irrégularité du jugement attaqué, ainsi qu'il a été dit au point 5, de communiquer aux parties sa position sur chacun des moyens invoqués. Il n'était pas davantage tenu de communiquer l'intégralité de ses conclusions, quand bien même une partie l'aurait sollicité par une note en délibéré. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article
R. 711-3 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués au soutien des moyens présentés, n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation. Si la société la Douce soutient que le jugement est privé de base légale et a dénaturé les pièces du dossier en écartant tous les éléments de preuve qui permettaient d'établir l'irrégularité de la procédure d'imposition et l'absence du bien-fondé des rehaussements mis à sa charge, en omettant de mentionner de nombreux éléments, de tels moyens qui sont relatifs au bien-fondé du jugement n'affectent pas sa régularité.
8. En troisième lieu, la société la Douce soutient que le tribunal administratif de Pau n'a pas statué sur ses conclusions à fin de décharge de la somme de 1 420 792 euros, objet de l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2018 et relative aux rappels de TVA et aux suppléments d'impôt sur les sociétés, droits, pénalités et amendes compris, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. La lecture du jugement révèle toutefois que le tribunal a statué aux points 3 et 4 sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale dans son mémoire en défense enregistré le 13 août 2019, tirée de l'irrecevabilité de ces conclusions, en l'absence de réclamation préalable, en renvoyant aux dispositions des articles
R. 190-1 et
R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article
R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. ". L'article
L. 199 du même livre, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige dispose que : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif () ". Selon l'article
R. 199-1 du même livre, l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. Enfin, l'article
R. 196-1 du même livre dispose que, pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement.
10. Ces dispositions font obstacle à la recevabilité, devant le tribunal administratif, d'une demande qui n'a pas été précédée d'une réclamation au directeur départemental des services fiscaux. Toutefois, dans le cas où le contribuable a présenté une réclamation postérieurement à l'introduction de sa demande au tribunal, il est recevable à présenter, dans un mémoire au tribunal remplissant les diverses conditions exigées des requêtes devant les tribunaux administratifs, de nouvelles conclusions dirigées contre les impositions qu'il conteste, après la notification de la décision de rejet du directeur des services fiscaux ou l'expiration du délai de six mois prévu à l'article
R. 199-1 précité, et avant la clôture de l'instruction.
11. Il résulte de l'instruction que la réclamation en date du 17 octobre 2018 par laquelle la société la Douce a contesté, au titre des années 2013 et 2014, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que les majorations appliqués sur les rehaussements pour un montant total, en droits et pénalités, de 1 420 792 euros a été rejetée par l'administration le 8 novembre 2018 en raison de son caractère prématuré, en application des dispositions précitées de l'article
R. 196-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que la mise en recouvrement de ces impositions n'est intervenue que le 31 décembre 2018. Toutefois, la société appelante a déposé une nouvelle réclamation le 2 décembre 2019, dont il a été accusé réception le lendemain, postérieurement à l'introduction de la requête enregistrée le 27 février 2019, tendant à la décharge des impositions mises en recouvrement le 31 décembre 2018. La société appelante a présenté au tribunal, les 16 septembre et 7 octobre 2021, c'est-à-dire après l'expiration du délai de six mois suivant sa réclamation à l'administration demeurée sans réponse, et avant la clôture de l'instruction en date du 29 octobre 2021, deux mémoires dans lesquels elle conclut à la décharge totale des impôts supplémentaires, taxes, pénalités et amendes issues de la procédure de vérification au titre des années 2012, 2013 et 2014. Ces mémoires ont eu pour effet de saisir régulièrement le tribunal du litige. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté comme irrecevable la demande de la société la Douce tendant à la décharge des impôts supplémentaires, taxes, pénalités et amendes issues de la procédure de vérification de comptabilité sur les exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014 et portant sur un montant de 1 420 792 euros. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a jugé ces conclusions irrecevables et de statuer par la voie de l'évocation partielle sur ces conclusions.
12. En cinquième lieu, par décision du 24 septembre 2021, intervenue postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a accordé à la société la Douce un dégrèvement d'un montant de 96 756 euros au titre des amendes prononcées pour les années 2013 et 2014 sur le fondement de l'article
1759 du code général des impôts. Les conclusions présentées par la société la Douce sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Le tribunal administratif a omis de constater dans ces limites le non-lieu à statuer. Il y a lieu pour la cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué.
Sur l'évocation partielle :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
13. Il résulte du point qui précède que les conclusions de la demande tendant à la décharge de la somme de 96 756 euros sont devenues sans objet au cours de la procédure de première instance. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
En ce qui concerne la réponse aux observations du contribuable :
14. Aux termes du dernier alinéa de l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".
15. La réponse aux observations du contribuable du 31 juillet 2017, présentée le 3 août 2017, explicite, par un document de 108 pages et trois annexes, de 257 pages, citant méthodiquement chacune des remarques formulées le 19 août 2016 par la contribuable pour y apporter spécifiquement les appréciations et commentaires de l'administration, les motifs qui ont conduit le service à maintenir les rehaussements notifiés dans la proposition de rectification du 20 juin 2016. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable ne peut qu'être écarté.
Par l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
S'agissant de l'absence de débat oral et contradictoire :
16. Aux termes de l'article
L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables () ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.
17. Il résulte de l'instruction qu'à la demande de la société requérante, la première intervention de l'administration fiscale relative à sa vérification de comptabilité a eu lieu le 4 septembre 2015 au lieu de son siège social. Le président de la société a sollicité, par courrier du 2 octobre 2015, que la suite des opérations de contrôle ait lieu au centre des finances publiques de Mont-de-Marsan. Durant la vérification de comptabilité, la société la Douce a eu plusieurs entretiens avec la vérificatrice, les 12 octobre 2015, 17 novembre 2015, 15 décembre 2015, 8 février 2016 et 21 mars 2016. Ces entretiens ont été formalisés par des comptes-rendus adressés à la contribuable et se sont clos par une réunion de synthèse tenue le 9 mai 2016. Il n'est pas démontré que, durant ces entretiens, la vérificatrice se serait refusée à tout échange de vues ou aurait cherché à empêcher la compréhension de la procédure. Contrairement à ce que soutient la société la Douce, aucune disposition du code général des impôts relative à la procédure contradictoire de redressement ne fait obligation à l'inspecteur de répondre aux observations formulées par le contribuable et de rencontrer ce dernier pour discuter ces observations. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante aurait été privée d'un débat contradictoire au cours des opérations de contrôle manque en fait.
S'agissant de la méconnaissance des règles d'emport et de restitution des documents :
18. Il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire. Dans ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. En outre, cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles
L. 47 et
L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Enfin, la prise ou la conservation de photocopies de documents comptables dont le contribuable a conservé les originaux ne constitue pas un emport irrégulier de documents de nature à vicier la procédure d'imposition. Aux termes de l'article
L.13 F du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les agents de l'administration peuvent, sans que le contribuable puisse s'y opposer, prendre copie des documents dont ils ont connaissance dans le cadre des procédures de contrôle prévues aux articles L. 12 et L. 13. Les modalités de sécurisation des copies de documents sous forme dématérialisée sont précisées par arrêté du ministre chargé du budget. ".
19. Ainsi qu'il a été dit au point 17, par courrier du 15 septembre 2015, présenté le 21 septembre suivant à la société, l'administration fiscale a pris acte de la demande de M. C, confirmée par écrit par lettre du 2 octobre 2015, de procéder au contrôle dans les locaux de la brigade de vérification à Mont-de-Marsan. La société appelante, soutient, comme en première instance, que la vérificatrice aurait méconnu les règles d'emport et de restitution des documents et que des originaux ne lui ont pas été restitués. Elle fait état de pages manquantes des documents relatifs aux commandes ouvertes, de l'absence de mention sur certaines pièces attestant de la remise de copie, de listes de recensement de documents incomplètes. Il appartient au contribuable qui conteste la régularité de la vérification de comptabilité pour emport irrégulier des documents comptables (absence de demande écrite du contribuable ou absence de reçu détaillé du vérificateur) d'apporter la preuve de ses allégations. Il résulte de l'instruction, notamment des comptes-rendus d'entretiens organisés au cours du contrôle que la vérificatrice a, les 12 octobre et 17 novembre 2015, pris une copie de l'ensemble des documents présentés, comportant chacun en première page, mention de la copie remise à l'administration et la signature de M. C. Le 8 février 2016, la société a remis au service vérificateur une copie simple sans caractère authentique de la vente par le syndicat mixte pour l'industrialisation des cantons de Sore et Labrit à la société Natixis Bail du 3 avril 2013, copie d'un contrat de sous-traitance avec la société Bossar Packaging, copie de tickets de caisse et de factures, copie d'une convention d'affaires 2014 accompagnée de la commande ouverte. Le 21 mars 2016, la société a remis à la vérificatrice d'autres copies de documents. S'agissant des commandes ouvertes, comprenant le contrat passé avec la société Miquel Alimentacio, l'administration fiscale a, dans la réponse aux observations, constaté que la copie du document de 44 pages, comportant en première page, mention de la date de remise de la copie et la signature de M. C avait été effectuée le 17 novembre 2015. Dans cette même réponse aux observations, il est indiqué que la copie du document " AsiaEuro Wines - Confirmed Order N° 2473 de 2013-12-18 " a été remise au service par M. C avec la pièce principale " facture proforma " Asia Euro Wines et Spirits Ltd ". Elle portait la mention en première page " copie remise à la DGFIP le 17/11/2015 original conservé par le contribuable " et la signature de M. C. Ce dernier a également visé le même jour la première page de la copie de la facture proforma " Dongguan " ainsi que la copie d'une facture Sevalim et du tableau d'amortissement, édité le 18 mars 2015. M. C n'a par ailleurs formulé aucune réserve lors de la signature de la remise des copies de ces documents à la vérificatrice. Enfin, la proposition de rectification comportait une annexe XIII listant les documents joints parmi lesquels, notamment, les commandes ouvertes, le tableau des amortissements au 31 décembre 2014, le contrat de sous-traitance avec la société Bossar, la facture Sevalim-frais d'étude d'une usine d'embouteillage. La circonstance que les documents ne comporteraient qu'en première page la mention de sa copie remise à l'administration n'est pas de nature à justifier de leur caractère original. Par suite, et en l'absence de démonstration de l'emport de documents originaux sans l'accord préalable de l'appelante et sans restitution, le moyen soulevé doit être écarté.
S'agissant de la méconnaissance des articles L. 188 A et L 76 B du livre des procédures fiscales :
20. Aux termes de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. / Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration " et aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article
L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
21. S'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en œuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements.
22. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité, le 8 février 2016, la société appelante a été informée d'une demande d'assistance administrative auprès de l'Espagne relative aux prestations facturées par la société Bossar Packaging ainsi que des éléments recueillis. L'annexe XIII de la proposition de rectification détaille les documents joints parmi lesquels 23 pages relatives à la demande d'assistance administrative auprès des autorités espagnoles. Dans sa réponse aux observations en date du 31 juillet 2017, l'administration fiscale informe la contribuable d'une demande d'assistance administrative complémentaire auprès des autorités espagnoles, lesquelles ont répondu le 11 juillet 2017. Par courrier distribué le 23 octobre 2017, l'administration fiscale a informé la société des éléments recueillis et a joint copie de la réponse de la société Bossar Packaging, dont elle a effectué, à la demande de la société appelante, la traduction transmise par lettre du 5 décembre 2017, reçue le 8 décembre suivant. La mise en recouvrement des impositions en litige est intervenue par deux avis des 31 juillet et 31 décembre 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales manque en fait et doit être écarté.
23. La société la Douce ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, qui n'ont pas été mises en œuvre, dès lors qu'ainsi que l'ont jugé les premiers juges, les rectifications des impositions en litige sont intervenues dans le délai de reprise prévu à l'article
L. 169 du livre des procédures fiscales. Le moyen soulevé est par suite inopérant.
S'agissant de l'absence d'entretien avec le supérieur hiérarchique et l'interlocuteur départemental, avant la clôture de la procédure de redressement :
24. Aux termes de l'article
L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou actes déposés. / Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article
L. 47 sont opposables à l'administration ". La charte remise au contribuable, dans sa version remise à la société, prévoit, dans sa partie relative à l'avis de vérification, que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin (voir p. 20). Vous pouvez les contacter pendant le contrôle ". Par ailleurs, la même charte prévoit, dans sa partie consacrée aux conclusions du contrôle, que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal () Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir p. 4) ".
25. La possibilité pour un contribuable de s'adresser, dans les conditions édictées par le paragraphe 6 du chapitre Ier et par le paragraphe 4 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure contradictoire, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.
26. Il résulte de l'instruction que par lettre du 31 août 2017, à la suite de la réponse à ses observations du 31 juillet 2017, par laquelle l'administration l'a informée du maintien des redressements, la société requérante a souhaité un entretien avec l'interlocuteur départemental. Le 23 novembre 2017, l'administration a proposé cinq dates au cours du mois de décembre, toutes déclinées par le président de la société la Douce, M. C. En l'absence de proposition de date par M. C, malgré l'invitation qui lui en avait été faite, l'administration en a proposé trois nouvelles le 30 janvier 2018, celle du 5 mars recevant l'accord de la société. A la suite d'une demande de report par le conseil de la société, ce dernier a proposé de fixer l'entretien le 19 mars, lequel a fait l'objet d'un nouveau report à la demande de M. C pour des raisons de santé. Le 30 mars 2018, la vérificatrice a pris l'initiative de proposer deux nouvelles dates, les 5 ou 10 avril 2018, déclinées par la contribuable aux motifs d'une part, de l'impossibilité de déplacement des différents intervenants compte tenu des mouvements de grève programmés dans les transports ferroviaires et aériens à la même période et, d'autre part, du refus de procéder à l'entretien sous forme de conférence téléphonique. La seule production d'articles de presse sur ces calendriers de grève n'est toutefois pas de nature à établir l'impossibilité matérielle des différents participants annoncés par M. C, sans autre précision, d'accepter l'une des dates proposées par la vérificatrice, le représentant légal de la société se trouvant lui-même à Sore, dans les Landes, à 58 kilomètres de Mont-de-Marsan et le cabinet du conseil de la société étant à Toulouse. Invitée à fixer un nouveau rendez-vous, la société la Douce a proposé la date du 1er juin 2018, confirmée le 24 mai par l'administration fiscale, finalement annulée pour des raisons de santé par M. C. Le 18 juin 2018, l'administration a dès lors constaté l'impossibilité d'organiser cet entretien avec le supérieur hiérarchique, laquelle faisait obstacle à l'intervention dans un second temps de l'interlocuteur départemental. Dans ces conditions, la société la Douce, qui, alors même que son dirigeant était ponctuellement indisponible pour des raisons personnelles, avait été informée de la faculté de se faire assister par un conseil de son choix, n'a pas donné suite aux diligences effectuées par l'administration fiscale entre le mois de décembre 2017 et le mois de juin 2018 pour convenir d'une date d'entretien et ne peut, dès lors, utilement soutenir avoir été privée de la garantie attachée à la possibilité de solliciter le supérieur hiérarchique du vérificateur puis l'interlocuteur départemental. Par suite, le moyen tiré de l'absence de l'une des garanties procédurales offertes par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié doit être écarté.
S'agissant du défaut de saisine du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche :
27. La société la Douce ne peut utilement soutenir qu'elle a été privée de la faculté de saisir le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, dès lors que les dispositions de l'article 1653 F du code général des impôts, mises en œuvre par l'article 46 de la loi de finances du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ne sont applicables qu'aux propositions de rectification adressées à compter du 1er juillet 2016. Le moyen soulevé est par suite inopérant.
S'agissant de l'acharnement dont aurait fait preuve l'administration fiscale :
28. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait fait preuve d'un quelconque acharnement ou exercé des pressions à l'encontre de la société la Douce.
S'agissant de la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2018 :
29. Aux termes de l'article
R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article
L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. () ".
30. Ne satisfait pas aux exigences de l'article
R. 256-1 du livre des procédures fiscales, l'avis de mise en recouvrement qui, pour l'identification des éléments de calcul des droits et pénalités concernés, renvoie à la proposition de rectification antérieurement adressée au contribuable mais dont les mentions ne correspondent plus aux derniers éléments de calcul retenus par l'administration et portés à la connaissance du contribuable en réponse à ses observations.
31. La société la Douce soutient que l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2018 méconnait les dispositions précitées de l'article
R. 256-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il met à sa charge des sommes d'une montant global de 96 756 euros, sans qu'elles correspondent à une imposition issue de la proposition de rectification en date du 23 juin 2016 portant sur les années 2012 à 2014. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement émis le 31 décembre 2018 fait référence à la proposition de rectification du 20 juin 2016, à la réponse aux observations du 31 juillet 2017 et à l'avis de la commission départementale des impôts directs et de la taxe sur le chiffre d'affaires émis le 4 décembre 2018. La proposition de rectification, aux pages 80 et 81, mentionne le montant des amendes de 15 568 euros au titre de l'année 2013 et de 81 188 euros au titre de l'année 2014, appliquées sur le fondement de l'article
1759 du code général des impôts, cité in extenso. En page 88, la même proposition entend appliquer une amende de 750 euros sur le fondement de l'article 1788-A-1-a du code général des impôts, sanctionnant le défaut de production de la déclaration d'échanges de biens à l'expédition pour les acquisitions intracommunautaires effectuées au cours de l'année 2013. Dans ces conditions, alors même que les conséquences financières du contrôle ne mentionnaient pas les amendes appliquées sur le fondement de l'article
1759 du code général des impôts, la proposition de rectification était suffisamment précise pour permettre à la contribuable de reconstituer le montant des droits en litige. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 31 décembre 2018 aurait privé la société appelante de la possibilité de contester utilement la totalité des montants mis en recouvrement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
R. 256-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant du crédit impôt recherche :
32. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel () peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. ()/ II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. () ; /b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. ()/ c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au a et de 50 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b et au b bis ; ()/d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. Pour les organismes de recherche établis dans un Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, l'agrément peut être délivré par le ministre français chargé de la recherche ou, lorsqu'il existe un dispositif similaire dans le pays d'implantation de l'organisme auquel sont confiées les opérations de recherche, par l'entité compétente pour délivrer l'agrément équivalent à celui du crédit d'impôt recherche français. () /d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de 2 millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes. ()/ Pour le calcul du crédit d'impôt, le montant des dépenses exposées par les entreprises auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt est déduit des bases de calcul de ce dernier à concurrence : /a) Du montant des sommes rémunérant ces prestations fixé en proportion du montant du crédit d'impôt pouvant bénéficier à l'entreprise ; /b) Du montant des dépenses ainsi exposées, autres que celles mentionnées au a, qui excède le plus élevé des deux montants suivants : soit la somme de 15 000 € hors taxes, soit 5 % du total des dépenses hors taxes mentionnées au II minoré des subventions publiques mentionnées au III. () ".
33. Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. /2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. /Notamment : /Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; /Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; /Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. /Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. " et aux termes de l'article 49 septies I de la même annexe : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux a, b, f et au 2° du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : / a. Les dotations aux amortissements fiscalement déductibles ; / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires. ".
34. Lorsqu'une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts l'exécution de prestations nécessaires à la réalisation d'opérations de recherche qu'elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d'impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche.
35. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier au terme de son instruction si le contribuable remplit les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt recherche.
Quant à l'éligibilité :
36. Par courriers des 9 mai 2014 et 12 mai 2015, la société la Douce a sollicité le remboursement des créances du crédit impôt recherche (CIR) de 510 550 euros et de 1 174 347 euros au titre respectif des exercices 2013 et 2014, après avoir déclaré pour le premier exercice comme dépenses de recherche, d'une part, 949 563 euros de dotations aux amortissements des immobilisations, d'autre part, 26 731 euros de dépenses de personnel relatives aux chercheurs et techniciens de recherche, enfin, 725 538 euros d'autres dépenses de fonctionnement. Elle a déclaré pour le second exercice 908 365 euros de dotations aux amortissements des immobilisations, 99 520 euros de dépenses de personnel relatives aux chercheurs et techniciens de recherche, 731 034 euros d'autres dépenses de fonctionnement ainsi que 2 225 570 euros relatifs à des dépenses de sous-traitance pour des opérations confiées à des organismes de recherches privés ou des experts scientifiques ou techniques agréés. Ces déclarations de CIR ont été analysées par le ministère chargé de la recherche et ont donné lieu à deux expertises l'une de la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes en date du 12 février 2016, l'autre du délégué régional adjoint à la recherche et à la technologie pour la Nouvelle-Aquitaine en date du 25 avril 2017, la question étant de savoir si les dépenses ainsi déclarées relèvent effectivement d'une activité de recherche et développement.
37. Les travaux se décomposent en deux projets, d'une part, le développement de la captation d'une eau de source et de l'embouteillage dans un emballage 100 % végétal et biodégradable, qui comportent quatre phases : le choix du matériau de réalisation de la bouteille et de la poche souple (Pl.l.), la fabrication par injection soufflage d'une bouteille rigide en PLA ou acide polyactique (PI.2), l'adaptation de la ligne d'embouteillage existante et de l'emballage aux nouvelles bouteilles rigides (PI.3), l'adaptation du forage et du système de pompage (PI.4), d'autre part, la fabrication d'une poche souple par découpage et assemblage de films de PLA comportant la phase de développement expérimental de poches souples par découpage et assemblage de films de PLA. (P2.1). S'agissant des phases Pl.l à PI.3, l'expert note le caractère sommaire de la présentation des travaux. S'agissant des aspects relatifs au forage (objectif PI.4), il note l'absence de précision dans le dossier initial sur la nature des travaux réalisés pour la requalification du forage de production et pour le changement de la colonne captante et de la pompe. Aux termes de deux expertises, la phase P1.1 est toutefois retenue comme éligible au CIR, et le nombre d'heures affectées à la recherche de la matière et du fournisseur est finalement admis à 408 heures en 2013. La phase P1.2 relève de la recherche expérimentale et entre dans le périmètre du CIR. La phase P1.3 est finalement considérée comme éligible au CIR compte tenu de la nécessaire adaptation de la ligne d'embouteillage et d'emballage au nouveau matériau PLA. La phase P1.4 n'est pas éligible au CIR dès lors qu'elle ne fait appel à aucun progrès technologique quant à l'étude et le développement d'un système de pompage compatible avec le projet. La phase de développement expérimental de poches souples par découpage et assemblage de films de PLA. (P2.1) sous traités à la société espagnole Bossar Packaging " relèverait d'un développement structuré et entrerait dans le périmètre du CIR, sous l'hypothèse que ladite société ne possédait pas les technologies nécessaires à l'accomplissement de la réalisation de ces objets en PLA ". Alors que des dépenses de personnel ont également été affectées à cette phase, l'expert note l'absence d'indication sur la répartition des travaux entre l'entreprise et le prestataire extérieur. Dans la réponse aux observations, l'administration fiscale a indiqué suivre l'avis des experts sur l'éligibilité des projets au CIR.
Quant aux prestations de sous-traitance de la société Bossar Packaging au titre de 2014 :
38. Si la vérificatrice a constaté au cours des opérations de contrôle la comptabilisation au compte crédit 20303-crédit développement, que la somme déclarée de 2 225 570 euros correspondait à cinq factures émises par la société espagnole Bossar Packaging, qui n'avaient pas fait l'objet de versement, elle l'a écartée des bases du CIR 2014 au motif du caractère fictif des prestations. Elle a en effet estimé que ni le contrat de sous-traitance, ni les factures produites ne comportaient de précision sur la nature et le contenu des échanges entre la société appelante et la société espagnole. Dans le cadre de la première demande d'assistance administrative, les autorités espagnoles ont indiqué qu'aucune facture n'avait été émise par la société Bossar Packaging, laquelle n'avait perçu aucun montant en rétribution de ses prestations. La réponse à la seconde demande d'assistance administrative du 11 juillet 2017 a conduit l'administration fiscale à confirmer son appréciation dès lors que les factures produites étaient seulement des factures proforma rédigées selon les recommandations de M. C. La société la Douce soutient avoir conclu un contrat de sous-traitance le 10 janvier 2014 avec la société espagnole ayant pour objet, pour une durée indéterminée, de lui confier les travaux de RD dans le cadre du projet " première poche souple 100% biodégradable contenant de l'eau minérale " et que sur ce fondement cinq factures proforma lui ont été adressées en juillet 2013 et pouvaient faire l'objet d'un règlement différé. Elle ajoute que les deux sociétés n'ont aucun lien capitalistique et que M. C n'a pu exercer aucune contrainte sur ses dirigeants. La société Bossar Parckaging, qui a pour activité le développement de machine spécialisée pour des packagings innovants, s'est vue délivrer le 8 janvier 2015 un agrément pour les années 2014, 2015 et 2016 par le ministre chargé de la recherche. Elle a conclu le 10 janvier 2014 avec la société la Douce un contrat de sous-traitance lequel confie à la société espagnole la recherche et le développement d'une poche souple en matériau biodégradable et prévoit en son article 4 que les prix des différents travaux " évolueront en fonction des avancées techniques dans le temps ", les factures de prestations marquant des avancées décisives du projet seront émises et ne seront payées qu'à la fin des travaux, " une fois la machine opérationnelle livrée et installée au sein de l'usine La Douce à Sore France ". D'une part, s'agissant des travaux de recherche, la DRRT observe dans la seconde expertise du 25 avril 2017 que " les échanges techniques (entre les deux sociétés) correspondent à des activités de développement expérimental mais aucun document et a fortiori de facture n'est formalisé par un livrable par exemple ". D'autre part, l'administrateur unique de la société Bossar Packaging depuis le 11 janvier 2017, dans sa lettre signée du 30 octobre 2017, portée à la connaissance de la société la Douce, par courrier distribué le 8 décembre 2017, après avoir été traduite à sa demande par le centre de traduction de Bercy, entend compléter les informations transmises aux autorités fiscales espagnoles le 10 octobre 2015 par M. D, directeur financier, selon lesquelles la société espagnole n'a émis aucune facture ni perçu aucun montant de la société la Douce. Il précise que sa société n'a pas mené à bien le projet de recherche-développement du projet " première poche souple 100% biodégradable contenant de l'eau minérale " pour le compte de la société la Douce. Elle lui a seulement fait parvenir quelques échantillons de poche souple de très faible valeur et n'a fabriqué aucune machine. Elle s'est bornée à envoyer des données sur un projet conduit antérieurement pour un autre client. En juillet 2013, M. B, employé du service commercial a envoyé à la société française cinq factures proforma des montants respectifs de 520 000 euros, 515 570 euros, 120 000 euros, 640 000 euros et de 430 000 euros, selon les éléments " dictés à M. B par la SAS la Douce (Eric C) par courrier ". Le 5 mars 2015, M. C a demandé par courrier électronique à M. B " de modifier les factures proforma émises antérieurement () en supprimant les mots " proforma " de chaque facture émise, avec changement d'adresse, changement de numéro et changement de date () Les cinq nouvelles factures devaient afficher les mêmes montants que les anciennes () ces factures n'ont pas été émises par le service financier de Bossar Packaging, ce qui explique qu'elles ne soient pas enregistrées en comptabilité et qu'elles n'aient pas été déclarées à l'administration fiscale espagnole ". Aucun versement n'est intervenu en règlement de ces factures. L'administrateur conclut avoir ainsi résumé les actes " que nous jugeons irréguliers, effectués par M. A B, non rectifiés par Jordi D () dont avait probablement connaissance () le directeur général et administrateur unique de la société, afin que la société la Douce obtienne une subvention de la part de l'administration française et Bossar Packaging SA une commande de machines de la part de la SAS la Douce (qui n'a finalement jamais été honorée). ". Enfin, les factures au nom de la société Bossar Packaging pour des montants conséquents ne comportent aucune précision, ni aucun détail sur la nature des prestations assurées. Les fiches de suivi produites et renvoyant aux factures ainsi que les échanges de courriels en octobre 2014 et en novembre 2015 ne permettent pas davantage d'établir qui de la société française ou de la société espagnole sous-traitante a conduit les études, quelles sont les phases de réalisation susceptibles d'être éligibles au CIR et quelles ont été précisément les prestations justifiant une facturation de la société Bossar Packaging. Dans ces conditions, l'administration fiscale apporte des éléments suffisants permettant de penser que les factures litigieuses ne correspondaient pas à des opérations réelles. En soutenant que ces documents ont bien été émis par la société Bossar Packaging, dans laquelle M. C ne détient aucun pouvoir, la société la Douce n'apporte pas de justifications de la réalité des prestations " recherche et développement " facturées. Par suite, l'administration était fondée à exclure de la base de calcul du CIR 2014 la somme de 2 225 570 euros.
39. A supposer que la société appelante ait entendu se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 n° 310 dans sa version applicable aux impositions en litige, selon laquelle " Dès lors qu'un projet est qualifié de projet de RetD, l'ensemble des opérations nécessaires à sa réalisation est considéré comme de la RetD, y compris dans le cas où ces opérations, si elles étaient prises isolément, ne constitueraient pas de la RetD ", d'une part, la décision refusant de rembourser un crédit d'impôt ne constitue ni un rehaussement d'imposition ni un redressement, de sorte que la société la Douce n'est, en tout état de cause, pas fondée à revendiquer le bénéfice de la doctrine administrative. D'autre part, ces dispositions ne font pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont le présent arrêt fait application.
Quant aux dotations aux amortissements :
40. L'administration fiscale a notamment exclu de la base de calcul du CIR au titre des années 2013 et 2014 les dotations aux amortissements à hauteur de 931 741 euros et de 871 557 euros, relatives à l'ouvrage technique du forage, comptabilisé à l'actif par la société la Douce pour une somme de 9 340 776 euros, en vertu d'une réévaluation, attestée par l'expert-comptable le 4 juillet 2014, prenant en compte la valeur comptable moyenne d'une année de production type sur la base de l'autorisation préfectorale d'exploitation du forage délivrée en 2001. Elle a estimé que, d'une part, ce bien ne pouvait être inscrit à l'actif de la société dès lors que celle-ci était seulement titulaire d'un crédit-bail immobilier consenti le 3 avril 2013 par la société Natixis et que le début de l'amortissement ne pouvait courir à compter du 1er janvier 2013 dès lors que l'entrée en jouissance du bien est intervenue au mois d'avril 2013. D'autre part, les travaux de remise en état, de nettoyage du forage ainsi que l'adaptation de l'installation d'embouteillage et d'emballage ne sont pas éligibles au CIR. La société soutient que la part du volume d'exploitation totale du forage, dont elle est propriétaire, consacrée aux travaux de recherche et développement devait être retenue au titre des dotations aux amortissements entrant dans la base de calcul du CIR des années 2013 et 2014, à hauteur respective de 100 % et de 93 %.
41. En vertu du a) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, précité, les dépenses d'amortissement ne sont éligibles au crédit impôt recherche que si l'immobilisation correspondante, d'une part, a été créée ou acquise à l'état neuf et, d'autre part, est affectée directement à la réalisation d'opérations de recherche. A supposer qu'en vertu du crédit-bail immobilier signé le 3 avril 2013 avec la société Natixis Bail, la société la Douce, en qualité de crédit-preneur aurait pu retenir les amortissements des immobilisations affectées au opérations de recherche, l'intéressée n'apporte, en premier lieu, aucun élément de nature à établir l'état neuf des biens lors de leur prise en crédit-bail. En deuxième lieu, l'article
L. 123-18 du code de commerce précise que les seuls éléments d'actif pouvant donner lieu à une réévaluation sont les immobilisations corporelles et financières et que la réévaluation doit porter sur l'ensemble de ces immobilisations. En application de ces dispositions, le droit d'exploitation du forage, qui relève d'une immobilisation incorporelle doit être écarté de la réévaluation libre à laquelle peut procéder la société. La réévaluation, telle qu'elle a été expliquée par l'attestation de l'expert-comptable sur la base d'une année de production et autorisée en 2001, n'est pas justifiée par l'entreprise requérante, dès lors que la valorisation à laquelle elle conduit est incompatible avec la valeur d'acquisition du site industriel, comprenant le forage, de 940 000 euros. Si elle retient pour les biens de natures diverses, entrant dans le périmètre de la réévaluation libre, qui supposent en général des durées d'amortissement différenciée, une durée uniforme d'amortissement " linéaire de 10 ans ", elle ne se base sur aucune donnée propre aux choix d'exploitation et aux coûts de production de l'entreprise, titulaire du crédit-bail, alors qu'il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires généré par la vente de bouteilles d'eau a été nul en 2013 et de 769 euros en 2014. En troisième lieu, les travaux de remise en fonctionnement des installations de forage, auxquels la société a procédé en 2013, ne sont pas éligibles au CIR. En dernier lieu, la part d'exploitation du forage, utilisé de façon mixte pour la production et la recherche, consacrée aux opérations de recherche-développement, n'est pas précisée par la société la Douce, en l'absence d'indication sur les taux d'usage des volumes d'eau entre production et recherche-développement et de ventilation entre les différents sous-projets tels qu'ils ont été distingués par la société auprès des experts. Dans ces conditions, les dotations aux amortissements afférentes aux immobilisations relatives au forage, exposées au titre des années 2013 et 2014 ne pouvaient ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts.
Sur les intérêts moratoires :
42. Aux termes du premier alinéa de l'article
L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article
1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. ". En vertu du troisième alinéa de l'article
R. 208-1 du même livre, les intérêts moratoires prévus à l'article
L. 208 précité sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts.
43. Faute de litige né et actuel opposant la société la Douce au comptable chargé le cas échéant du paiement des intérêts moratoires visés à l'article
L. 208 précité, les conclusions tendant au paiement de ces intérêts ne peuvent qu'être rejetées. A supposer que la société appelante ait entendu se prévaloir des dispositions de l'article
L. 208 précité, s'agissant du dégrèvement accordé par décision du 24 septembre 2021, le versement d'intérêts moratoires n'est pas dû aux contribuables ayant bénéficié du dégrèvement d'une amende, alors qu'il l'est aux contribuables ayant bénéficié d'un dégrèvement d'impôt. Ainsi, et alors même que le dégrèvement obtenu est intervenu à la suite d'une procédure contentieuse, la requérante n'est pas fondée à réclamer, sur ce fondement, le versement d'intérêts moratoires à raison du dégrèvement de l'amende infligée, au titre des années 2013 et 2014, sur le fondement de l'article
1759 du code général des impôts.
44. Il résulte de toute ce qui précède que la société la Douce est seulement fondée à demander l'annulation partielle du jugement en tant qu'il a jugé irrecevables les conclusions tendant à la décharge des rappels de TVA et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des années 2013 et 2014 et a omis de prononcer le non-lieu de conclusions devenues sans objet à hauteur d'une somme de 96 756 euros. Ces conclusions ainsi que le surplus des conclusions d'appel de la société la Douce doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
45. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société la Douce demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900523 du tribunal administratif de Pau en date du 16 décembre 2021 est annulé en tant d'une part, qu'il a jugé irrecevables les conclusions tendant à la décharge des rappels de TVA et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des années 2013 et 2014, d'autre part, qu'il a omis de prononcer le non-lieu de conclusions devenues sans objet.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la société la Douce à hauteur d'une somme de 96 756 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société la Douce est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Douce et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2024.
La présidente-assesseure,
Anne MeyerLa présidente,
Bénédicte Martin La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.