Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 29 novembre 2011, 10-24.786

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Texte intégral

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2010), que la société Biogaran, titulaire d'autorisations de mise sur le marché pour les médicaments anti-arthrosiques Diacérine SET 50 mg gélules et Diacérine REF 50 mg gélules, ayant reçu de la société Laboratoires Negma une lettre d'avertissement selon laquelle ces deux produits étaient des génériques de l'ART 50, couvert par le brevet EP 520 414, déposé le 24 juin 1992 et publié le 13 mars 1996, dont elle est licenciée exclusive et qu'elle exploite sur le marché français, a assigné cette société, ainsi que la société Laboratoires Médidom, titulaire du brevet invoqué, en nullité de la revendication 14 de celui-ci concernant le produit pharmaceutique en cause ;

Attendu que la société Laboratoires Negma fait grief à

l'arrêt de confirmer le jugement du 31 mars 2010 en ce qu'il a dit que cette revendication 14 était nulle pour défaut de nouveauté, alors, selon le moyen : 1°/ que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que l'antériorité qui ne vise pas un degré de pureté particulier n'est pas complète lorsque l'invention en diffère, sinon par la fonction de la composition -traiter l'arthrose- du moins par son résultat -traiter l'arthrose sans effet génotoxique ; qu'en relevant que le brevet Friedmann Proter (US4 244 968) ne comportait aucune mention de la présence ou non de constituants de type aloémodine indésirables et indiquait seulement à l'homme du métier du domaine considéré d'utiliser comme matière première des sennosides A et B obtenus par exemple à partir d'extraits de séné feuilles ou fruits, sans exclure un autre moyen de les obtenir, la cour d'appel, qui a reconnu que le brevet Friedmann ne visait pas un degré de pureté particulier à la différence du brevet litigieux qui en fait le moyen de parvenir à un résultat différent, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen en jugeant néanmoins que le brevet Friedmann constituait une antériorité privant de nouveauté le brevet litigieux ; 2°/ que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que l'antériorité qui ne vise pas un degré de pureté particulier n'est pas complète lorsque l'invention en diffère, sinon par la fonction de la composition -traiter l'arthrose- du moins par son résultat -traiter l'arthrose sans effet génotoxique ; qu'en retenant qu'il ressortait de l'analyse de Mme Y... que l'homme du métier pouvait obtenir et caractériser des sennosides A et B, ou les purifier si nécessaire, en utilisant les connaissances générales dans le domaine considéré à l'époque, quand il lui fallait constater que le brevet Friedmann Proter (US4 244 968) invitait l'homme du métier à utiliser des sennosides A et B à l'état pur pour obtenir un médicament dépourvu de la génotoxicité des préparations déjà connues, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble des articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 3°/ que l'antériorité destructrice de nouveauté doit être certaine quant à son existence, sa date et quant à son contenu ; que la société Laboratoires Negma faisait valoir que l'antériorité n'était pas en l'occurrence certaine dans la mesure où, les matières premières de haute pureté n'étant pas accessibles au public à la date de priorité du brevet, elles ne pouvaient être obtenues en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine considéré à cette date à un degré de pureté équivalent à celui des matières premières utilisées par Mme Y... pour son analyse technique ; qu'en se bornant à retenir que l'homme du métier pouvait obtenir et caractériser des sennosides A et B ou les purifier si nécessaire en utilisant les connaissances générales dans le domaine considéré à l'époque sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'homme du métier pouvait les obtenir ou les purifier à la date de priorité du brevet à un niveau de pureté équivalent à celui des sennosides utilisés lors de son expertise par Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble des articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 4°/ qu'une antériorité opposée à un brevet ne peut être retenue que pour ce qu'elle décrit ; que si les juges peuvent se référer à l'exemple de mode de réalisation de l'invention donné par la partie descriptive du brevet opposé à titre d'antériorité, ils ne peuvent retenir, considérant qu'il ne s'agit que d'un exemple, la possibilité d'autres modes de réalisation de l'invention non décrits pour apprécier l'existence de l'antériorité ; que le brevet Friedmann Proter indiquant d'utiliser comme matière première des sennosides A et B obtenus par exemple à partir d'extraits de séné feuilles ou fruits, la cour d'appel ne pouvait déduire de ce qu'il s'agissait d'un exemple l'existence d'autres modes de production de sennosides A et B ;

qu'en décidant

que le brevet Friedmann Proter, en visant les sennosides obtenus par exemple à partir de séné, n'excluait pas un autre moyen de les obtenir, elle a, ajoutant à ce qui était décrit dans l'antériorité, violé les articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 5°/ que la nouveauté d'une composition pharmaceutique peut résider dans le degré de pureté particulier de cette composition si ce degré de pureté apporte un élément nouveau à l'état de la technique en fonction du contexte particulier ; qu'en jugeant que la substance diacétylrhéine présentée dans la revendication du brevet EP 520 414 a une composition et des vertus thérapeutiques déjà connues et qu'un produit n'acquiert pas la nouveauté simplement du fait qu'il est préparé sous une forme plus pure, quand la nouveauté résultait en l'occurrence de ce que le produit, comportant un degré de pureté supprimant un effet toxique, différait par son résultat de l'antériorité portant sur le principe actif pour le traitement de la même maladie sans cependant indiquer de moyen d'élimination de l'effet indésirable, la cour d'appel a violé l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 6°/ que faisant siens les motifs du jugement selon lesquels la revendication 14 du brevet litigieux n'a pas pour objet de résoudre un problème technique spécifique lié à la génotoxicité, caractérisé et identifié par le brevet, mais d'avoir un composé pharmaceutique aussi pur que possible, la cour d'appel, en se fondant sur une interprétation restrictive de la description sans rechercher la finalité de l'invention, laquelle, portant sur l'obtention d'une composition exempte de composés de type aloémodine, visait à obtenir un médicament sans l'effet indésirable des préparations déjà connues, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble des articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que la revendication 14 du brevet européen n° 05 204 14 "Produit pharmaceutique contenant de la diacétylrhéine qui comporte moins de 20 ppm de constituants de type aloémodine avec des supports et produits auxiliaires pharmaceutiques classiques" est antériorisée de toutes pièces par le brevet américain Friedmann Proter n° 4 244 968 qui divulgue le composé dans tous les degrés de pureté, l'aloémodine ne constituant qu'une impureté ne faisant pas partie de la structure chimique du composé déjà divulguée et a pour finalité le composé pharmaceutique antériorisé aussi pur que possible ; qu'il relève dans la description de ce brevet américain plusieurs procédés pour préparer la diacétylrhéine, notamment à partir de sennosides A et B extraits de feuilles et de fruits de séné ; qu'il retient encore que la synthèse de la diacétylrhéine, à partir d'un mélange d'autres sennosides A et B très purs , opérée par l'expert en suivant strictement les enseignements notamment des exemples américains 1 et 13 et en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier considéré à la date du brevet européen, conduit à une diacétylrhéine telle que définie dans la revendication 14 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a vérifié que l'aloémodine ne pouvait être prise en considération pour déterminer la nouveauté, a, sans ajouter à la description du brevet américain, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Laboratoires Negma aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Biogaran la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Laboratoires Negma Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 31 mars 2010 en ce qu'il a dit que la revendication 14 de la partie française du brevet européen EP 0 520 414 était nulle pour défaut de nouveauté et a ordonné la transmission du jugement, quand il aura un caractère définitif, à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des brevets ; Aux motifs propres que, « le brevet en cause, intitulé « procédé d'obtention de diacétylrhéine », concerne « un procédé de préparation de diacétylrhéine ayant une pureté utilisable en pharmacie et une teneur résiduelle totale en dérivés d'aloémodine indésirables inférieure à 20 ppm, ainsi que la diacétylrhéine pouvant être obtenue par ce procédé et une composition pharmaceutique contenant ce composé » ; que les revendications 1 à 13 du brevet, qui se rapportent au procédé de fabrication du produit, ne sont pas en discussion, seule étant contestée la revendication 14 rédigée comme suit : « produit pharmaceutique contenant de la diacétylrhéine qui comporte moins de 20 ppm de constituants de type aloémodine, avec des supports et produits auxiliaires pharmaceutiques classiques » ; que la société BIOGARAN maintient que la revendication 14 est nulle, à titre principal, pour défaut de nouveauté, à titre secondaire, pour défaut d'activité inventive ; que l'article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision du justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich » ; que l'article 138, paragraphe 1, de cette Convention prévoit que « le brevet européen ne peut être déclaré nul, en vertu de la législation d'un Etat contractant, avec effet sur le territoire de cet Etat, que : a) si l'objet du brevet européen n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 » ; qu'aux termes de l'article 52, paragraphe 1, de la Convention sur le brevet européen, « les brevets européens sont délivrés pour toute invention (…) à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle » ; que, sur la condition de nouveauté, l'article 54 précise que « une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique » ; que, pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement, et le même fonctionnement, en vue du même résultat technique ; qu'il résulte de la description du brevet litigieux (page 1, lignes 20 et suivantes) que la diacétylrhéine est connue comme « substance active de médicament ayant une activité antiarthritique, antiinflammatoire, antipyrétique et analgésique et était donc utilisée dans le traitement des maladies arthritiques » ; que le même document explique que la diacétylrhéine peut être obtenue de diverses façons et mentionne, par exemple, « l'acétylation de la barbaloïne et oxydation péracétylée obtenue avec du trioxyde de chrome », avant d'évoquer « en outre » le procédé qui est précisément celui qui présente les inconvénients auxquels le brebet a pour objet de remédier et qui consiste à « préparer la diacétylrhéine par acétylation de la rhéine que l'on peut obtenir par exemple à partir de la drogue de séné » ; que, toujours selon la description du brevet, « la diacétylrhéine obtenue par ce procédé contient comme impuretés indésirables des dérivés d'aloémodine (…) en des quantités relativement faibles et ne peuvent donc être séparées que très difficilement par des opérations de purification classiques » ; qu'il résulte des citations qui précèdent que la description du brevet n'exclut pas la possibilité de produire la diacétylrhéine par d'autres procédés que celui qui présente la difficulté signalée quant à l'élimination des dérivés d'aloémodine indésirables, même si le premier procédé mentionné comporte d'autres inconvénients signalés comme la nécessité de traiter de façon appropriée des résidus de chrome ; qu'il est constant que la diacétylrhéine et ses propriétés étaient connues dans l'état de la technique antérieur au brevet litigieux et se trouvaient notamment exposées dans l'invention de Charles Friedmann qui a donné lieu au brevet US 4.244.968 déposé le 1er mars 1977 par la société PROTER, délivré le 13 janvier 1981 et concernant, en abrégé, « des 1,8- dihydroxy- et 1,8 diacétoxy-athraquinones (i-e diacétylrhéine) et des dérivés de celles-ci sont utilisés pour traiter les symptômes de l'arthrite » et à la demande de brevet n° 81 13115 déposée à l'INPI par la même société concernant « des dérivés athraquinoniques pour le traitement des arthrites » ; que, comme l'a exactement relevé le tribunal, la structure d'un produit se définit par la nature et l'agencement des atomes les uns par rapport aux autres ; que des paramètres qui ne sont pas inhérents au composé chimique lui-même, mais qui lui sont extrinsèques, ne peuvent être pris en compte pour déterminer la nouveauté d'un produit, lequel n'acquiert pas la nouveauté simplement du fait qu'il est préparé sous une forme plus pure ; qu'il en résulte que, en général, un document divulguant un composé chimique rend disponible ce produit au sens de l'article 54 de la CBE dans tous les degrés de pureté ; que les appelantes ne prétendent pas que la substance active diacétylrhéine, telle que présentée dans la revendication 14 du brevet EP 0 520 414, comparée à celle dont il est fait mention dans le brevet US 4.244.968, serait modifiée dans sa structure ; qu'il est constant qu'elle a la même composition et les mêmes vertus thérapeutiques déjà connues ; que le seul élément de nouveauté revendiqué réside dans une moindre teneur en aloémodine autorisant un usage, non plus seulement ponctuel en phase aigüe de maladie, mais à long terme sans risque de toxicité, ce qui suffirait à justifier, selon les appelante, que soit écartée la règle ci-dessus rappelée ; que, en toute hypothèse, la société BIOGARAN conteste à juste titre l'élément de nouveauté ainsi revendiqué ; que le brevet Friedmann PROTER, qui donne treize exemples de procédés de fabrication de dérivés d'athraquinone, ne comporte aucune mention de la présence de constituants de type aloémodine indésirable ; que la société BIOGARAN en déduit que la teneur en aloémodine de la diacétylrhéine produite selon ce brevet est « forcément inférieure à 20 ppm » (page 12 de ses dernières conclusions), tandis que la société NEGMA explique ce silence par le fait que « la présence d'aloéémodine n'était pas connue en 1981 et en tout état de cause nullement considérée comme une nuisance » (page 34 de ses dernières conclusions) ; que, pour détruire cette dernière contradiction, la société BIOGARAN produit aux débats le compte-rendu d'expériences menées par Mme Y... pour effectuer, à la demande du fabricant de ce produit, la synthèse de la diacétylrhéine selon les indications de l'exemple 1 et de l'exemple 13 du brevet américain Friedmann PROTER et en utilisant les connaissances générales qui étaient celles de l'homme du métier dans le domaine technique considéré, déterminer la teneur en aloémodine et dérivé d'aloémodine de la diacétylrhéine synthétisée selon cette méthode et la comparer avec celle mentionnée dans la revendication 14 du brevet EP 0 520 414 ; que ce rapport, établi le 14 octobre 2008, conclut que la diacétylrhéine synthétisée à partir d'un mélange de sennosides A et B en suivant scrupuleusement les indications de m'exemple 1 et de l'exemple 13 du brevet US 4.244.968 et en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier du domaine considéré à la date du brevet EP 0 520 414 montre une teneur en aloémodine et acétate d'aloémodine de 0, 73 ppm et 1, 44 selon l'échantillon considéré, donc inférieure à celle de 20 ppm caractérisée dans la revendication du brevet contesté ; que les travaux de Mme Y... ont été soumis à la critique de M. A..., lequel, sans contester les résultats mentionnés, les déclare néanmoins dépourvus de signification parce que, selon lui, Mme Y... ne précise pas l'origine des sennosides A et B utilisés comme matière première alors que, si elle avait exactement suivi les instructions du brevet Friedmann PROTER, elle aurait utilisé des sennosides bruts ne permettant pas de produire de la diacétylrhéine sans présence d'aloémodine en proportion prohibitive, en tout cas supérieure à 20 ppm, et qu'elle n'a pu parvenir à un résultat meilleur qu'en ayant recours à des sennosides très purs, d'un coût très élevé, de sorte que les travaux de Mme Y... sont, selon M A..., « recevables du point de vue scientifique » mais « sans signification au point de vue économique car ils ne mettent pas en oeuvre, comme matière première et comme l'enseigne le brevet Friedmann, les sennosides A et B bruts extraits des feuilles et fruits du séné » ; qu'il convient de rappeler, en premier lieu, que l'appréciation de la nouveauté comme condition de brevetabilité d'une invention au sens de l'article 52 de la CBE exige, non pas un examen de sa rentabilité économique, mais seulement de rechercher si elle est comprise ou non dans l'état de la technique antérieure ; qu'à cet égard, la critique de M. A... est dépourvue de pertinence en ce qu'elle repose sur le rapprochement du coût des sennosides très purs supposés utilisés par Mme Y... du prix de vente de la spécialité pharmaceutique finale ; que, en second lieu, Mme Y..., dans une analyse technique du 24 septembre 2009 répondant aux critiques de M. A..., fait ressortir que le brevet Friedmann indique à l'homme du métier considéré d'utiliser comme matière première des sennosides A et B obtenus par exemple à partir d'extraits de sené feuilles ou fruits, donc sans exclure un autre moyen de les obtenir, sans dire que ces éléments doivent être bruts, c'est-à-dire impurs, et en se référant seulement à des molécules individuellement identifiées comme étant les sennosides A et B ; qu'il est démontré dans cette analyse (page 3 à 5) que l'homme du métier pouvait obtenir et caractériser ces sennosides A et B, ou les purifier si nécessaire, en utilisant les connaissances générales dans le domaine considéré à l'époque ; qu'elle réaffirme ses conclusions précédentes en précisant cependant que la synthèse de la diacétylrhéine selon les exemples 1 et 13 du brevet américain Friedmann n° 4.244.968, mais en omettant notamment, comme le fait le Pr A..., la cristallisation de la rhéine telle que prônée dans les enseignements de l'exemple 1 de ce brevet, conduit à une diacétylrhéine contenant plus de 20 ppm d'aloémodine et d'acétates d'aloémodine, mais que la synthèse de la diacétylrhéine en suivant strictement les enseignements notamment des exemples 1 et 13 de ce brevet et en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier considéré à la date du brevet EP 0 520 414 conduit à une contenant moins de 20 ppm d'aloémodine et d'acétates d'aloémodine ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est par des motifs exacts, suffisants et pertinents, que le tribunal a retenu que le brevet Friedmann PROTER, qui divulgue le composé appelé diacétylrhéine, rend disponible ce produit au sens de l'article 54 de la CBE, dans tous les degrés de puretés ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions » ; Et aux motifs adoptés que, « il est constant en application de l'article 54 de la Convention de Munich que la nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui doit être prise telle quelle sans avoir besoin d'être complétée ; que cela signifie que, pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que, en l'espèce, la société BIOGARAN conteste la nouveauté de la revendication 14 du brevet dont s'agit au regard des documents antérieurs suivants : DRUGS OF THE FUTURE, le brevet US 4244968 FRIEDMANN, la demande française FR 2508798, l'article CHEMISTRY AND INDUSTRY et le médicament ARTRODAR commercialisé en Italie depuis 1986 ; que la revendication 14 porte sur un « produit pharmaceutique contenant de la diacétylrhéine qui comporte moins de 20 ppm de constituants de type aloémodine avec des supports et produits auxiliaires pharmaceutiques classiques » ; qu'il est constant que la diacétylrhéine était lors du dépôt du brevet litigieux connue comme étant une substance active de médicament ayant une activité antiarthritique, anti-inflammatoire, antipyrétique et analgésique et était donc utilisée dans le traitement des maladies arthritiques ; que la partie descriptive de l'invention rappelle comme figurant dans l'état de l'art antérieur le brevet US4 244 968 (FRIEDMANN) ; qu'il est constant que des paramètres qui ne peuvent être attribués au composé chimique lui-même, c'est-à-dire qui ne lui sont pas inhérents, ne peuvent être pris en compte lorsque l'on détermine la nouveauté dans la mesure où ils ne font pas partie de la structure chimique du composé et qu'ainsi un composé chimique connu n'acquiert pas la nouveauté simplement du fait qu'il est préparé sous une forme plus pure ; qu'il en résulte qu'en général un document divulguant un composé chimique rend disponible ce produit au sens de l'article 54 de la convention, dans tous les degrés de puretés ; que les paramètres inhérents à la structure d'un produit sont la nature et l'agencement des atomes les uns par rapport aux autres ; que, en l'espèce, il n'est pas contesté par les sociétés défenderesses que la substance active diacétylrhéine n'est pas modifiée dans sa structure dans la revendication n° 14, la seule chose qui soit modifiée étant son degré de pureté en ce qui concerne la présence plus ou moins importante d'aloémodine qui constitue une substance extrinsèque ; que, en l'espèce, la société MEDIDOM soutient que l'élimination de l'impureté particulière telle que l'aloémodine constituait « un problème technique bien spécifique, lié à la génotoxicité caractérisé et identifié par le brevet et non à un souhait général et vague d'avoir un composé pharmaceutique aussi pur que possible » ; que, dans un article intitulé « Genotoxicity of naturally occuring hydroxyanthraquinones » de Johanes B..., Hildegard C..., Barbara D..., Marion E..., Juergen F... et Hans C... publié dans le journal « Mutation Research 240 (1990) » a été, notamment, mis en évidence le pouvoir mutagène élevé de aléomodine ; que les auteurs de l'étude ont étudié les différentes hydroxanthraquinones structurellement apparentées pour évaluation de la mutagénicité et de l'activité de transformation cellulaire ; qu'ils relèvent que les hydroxanthraquinones sont les principes actifs de nombreux médicaments phytothérapiques ; que, parmi ceux-ci, les médicaments laxatifs dérivés de pantes, tels l'aloès, le séné (…) ; qu'ils concluent que l'émodine et l'aloémodine, qui sont présentes dans la plupart des médicaments laxatifs naturels fondés, entre autres, sur le séné, pourraient agir en tant que composés initiateurs de tumeurs et que cela est préoccupant dans la mesure où ces médicaments ont une utilisation thérapeutique qui est à la fois répandue et chronique ; qu'il convient de relever que la partie descriptive du brevet dont s'agit ne fait aucune mention de la « génotoxicité » de l'aléomodine. Est juste mentionné le caractère indésirable de l'aléomodine, ou encore que la diacétylrhéine obtenue à l'aide de deux procédés déjà connus contient des « impuretés indésirables des dérivés de l'aloémodine », mais il n'existe aucun développement relatif au caractère indésirable des dites impuretés et encore moins à leur génotoxicité ; que, par ailleurs, le brevet dont s'agit fait état d'études pharmacologiques réalisées et précise que l'on a cherché à déterminer l'activité de la diacétylrhéine dans des modèles d'inflammation chronique après administration par voie orale, ainsi que d'études cliniques au cours desquelles on a étudié l'activité de la diacétylrhéine dans la coxarthrose et la gonarthrose, dans l'ostéo-arthrose du rachis et du genou et dans le cas d'arthrose localisée ; que, en revanche, il ne contient aucune étude pharmacologique ou clinique relative à l'effet toxique de l'aléomodine ou encore à l'intérêt présenté par un produit pharmaceutique contenant de la diacétylrhéine comportant moins de 20 ppm de constituant de type aloémodine ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société MEDIDOM, la revendication 14 du brevet dont s'agit n'avait pas pour objet de résoudre un problème technique bien spécifique, lié à la génotoxicité caractérisé et identifié par le brevet, mais bien d'avoir un composé pharmaceutique aussi pur que possible ; que la société BIOGARAN oppose notamment l'antériorité PROTER FR n° 2508798 ; que cette demande de brevet déposée le 3 juillet 1981 par la société PROTER (inventeur Charles FRIEDMANN) est intitulée « dérivés anthraquinoniques pour le traitement des arthrites », que, selon la partie descriptive de l'invention, un traitement efficace pour le traitement de l'arthrite est l'acide 1,8-dihydroxy-anthraquinone-3-carbolique, mais on a relevé que l'acide 1,8-dihydroxyanthraquinone-3-carboxylique adhère à la muqueuse de l'intestin et est médiocrement assimilé ; que, au contraire, quand les radicaux hydroxyle phénoliques sont protégés par estérification, l'absorption est beaucoup plus rapide ; que ces esters sont hydrolisés dans l'organisme à l'intervention d'enzymes catalylitiques et forment in situ le dérivé hydroxyle pharmacologiquement actif, c'est-à-dire l'acide 1,8-dihydroxy-anthraquinone-3-carbolique ; que la revendication 1 dudit brevet porte sur un dérivé anthraquinonique pour le traitement des arthrites de formule (suit la formule chimique) où R représente un radical dérivé d'acides aliphatiques qui ont 1 à 6 atomes de carbone ; que la société BIOGARAN soutient que cette demande de brevet divulgue un produit pharmaceutique contenant comme substance active de la diacétylrhéine sans présence d'aloémodine ; que la société MEDIDOM soutient qu'il ne s'agit pas d'une antériorité pertinente car elle ne mentionne pas l'aloémodine ou les problèmes résultant de sa présence dans les produits pharmaceutiques, de telle sorte que ce document ne peut être considéré comme divulguant un produit pharmaceutique correspondant à la revendication n° 14 du brevet querellé ; que le tribunal observe que ce document divulgue le composé chimique de la diacétylrhéine pour une utilisation pharmaceutique et pour le même usage thérapeutique ; que, certes, le but poursuivi par l'invention PROTER n'est pas « un produit pharmaceutique contenant de la diacétylrhéine qui comporte moins de 20 ppm de constituant de type aloémodine » ; que, cependant, l'aloémodine ne constitue qu'une impureté ne faisant pas partie de la structure chimique du composé déjà divulgué ; que, dès lors, le brevet PROTER qui divulgue le composé appelé diacétylrhéine rend disponible ce produit au sens de l'article 54 de la convention, dans tous les degrés de pureté ; qu'il s'agit donc d'une antériorité de toute pièce de sorte que la demande de nullité pour absence de nouveauté de la revendication n° 14 sera prononcée » ; 1/ Alors que d'une part, pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que l'antériorité qui ne vise pas un degré de pureté particulier n'est pas complète lorsque l'invention en diffère, sinon par la fonction de la composition - traiter l'arthrose - du moins par son résultat - traiter l'arthrose sans effet génotoxique ; qu'en relevant que le brevet Friedmann Proter (US4 244 968) ne comportait aucune mention de la présence ou non de constituants de type aloémodine indésirables et indiquait seulement à l'homme du métier du domaine considéré d'utiliser comme matière première des sennosides A et B obtenus par exemple à partir d'extraits de séné feuilles ou fruits, sans exclure un autre moyen de les obtenir, la Cour d'appel, qui a reconnu que le brevet Friedmann ne visait pas un degré de pureté particulier à la différence du brevet litigieux qui en fait le moyen de parvenir à un résultat différent, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle et 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen en jugeant néanmoins que le brevet Friedmann constituait une antériorité privant de nouveauté le brevet litigieux ; 2/ Alors que d'autre part, pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que l'antériorité qui ne vise pas un degré de pureté particulier n'est pas complète lorsque l'invention en diffère, sinon par la fonction de la composition - traiter l'arthrose - du moins par son résultat - traiter l'arthrose sans effet génotoxique ; qu'en retenant qu'il ressortait de l'analyse de Madame Y... que l'homme du métier pouvait obtenir et caractériser des sennosides A et B, ou les purifier si nécessaire, en utilisant les connaissances générales dans le domaine considéré à l'époque, quand il lui fallait constater que le brevet Friedmann Proter (US4 244 968) invitait l'homme du métier à utiliser des sennosides A et B à l'état pur pour obtenir un médicament dépourvu de la génotoxicité des préparations déjà connues, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble des articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 3/ Alors que de troisième part, l'antériorité destructrice de nouveauté doit être certaine quant à son existence, sa date et quant à son contenu ; que la société LABORATOIRES NEGMA faisait valoir que l'antériorité n'était pas en l'occurrence certaine dans la mesure où, les matières premières de haute pureté n'étant pas accessibles au public à la date de priorité du brevet, elles ne pouvaient être obtenues en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine considéré à cette date à un degré de pureté équivalent à celui des matières premières utilisées par Madame Y... pour son analyse technique ; qu'en se bornant à retenir que l'homme du métier pouvait obtenir et caractériser des sennosides A et B ou les purifier si nécessaire en utilisant les connaissances générales dans le domaine considéré à l'époque sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'homme du métier pouvait les obtenir ou les purifier à la date de priorité du brevet à un niveau de pureté équivalent à celui des sennosides utilisés lors de son expertise par Madame Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble des articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 4/ Alors que de quatrième part, une antériorité opposée à un brevet ne peut être retenue que pour ce qu'elle décrit ; que si les juges peuvent se référer à l'exemple de mode de réalisation de l'invention donné par la partie descriptive du brevet opposé à titre d'antériorité, ils ne peuvent retenir, considérant qu'il ne s'agit que d'un exemple, la possibilité d'autres modes de réalisation de l'invention non décrits pour apprécier l'existence de l'antériorité ; que le brevet Friedmann Proter indiquant d'utiliser comme matière première des sennosides A et B obtenus par exemple à partir d'extraits de séné feuilles ou fruits, la Cour d'appel ne pouvait déduire de ce qu'il s'agissait d'un exemple l'existence d'autres modes de production de sennosides A et B ; qu'en décidant que le brevet Friedmann Proter, en visant les sennosides obtenus par exemple à partir de séné, n'excluait pas un autre moyen de les obtenir, elle a, ajoutant à ce qui était décrit dans l'antériorité, violé les articles L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle et 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 5/ Alors que de cinquième part, la nouveauté d'une composition pharmaceutique peut résider dans le degré de pureté particulier de cette composition si ce degré de pureté apporte un élément nouveau à l'état de la technique en fonction du contexte particulier ; qu'en jugeant que la substance diacétylrhéine présentée dans la revendication du brevet EP 520 414 a une composition et des vertus thérapeutiques déjà connues et qu'un produit n'acquiert pas la nouveauté simplement du fait qu'il est préparé sous une forme plus pure, quand la nouveauté résultait en l'occurrence de ce que le produit, comportant un degré de pureté supprimant un effet toxique, différait par son résultat de l'antériorité portant sur le principe actif pour le traitement de la même maladie sans cependant indiquer de moyen d'élimination de l'effet indésirable, la Cour d'appel a violé l'article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen ; 6/ Alors que enfin, subsidiairement, faisant siens les motifs du jugement selon lesquels la revendication 14 du brevet litigieux n'a pas pour objet de résoudre un problème technique spécifique lié à la génotoxicité, caractérisé et identifié par le brevet, mais d'avoir un composé pharmaceutique aussi pur que possible, la Cour d'appel, en se fondant sur une interprétation restrictive de la description sans rechercher la finalité de l'invention, laquelle, portant sur l'obtention d'une composition exempte de composés de type aloémodine, visait à obtenir un médicament sans l'effet indésirable des préparations déjà connues, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble des articles 52, 54 et 138 de la Convention de Munich sur le brevet européen.