Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés Oxial et Oxialive ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 28 janvier 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Metz a approuvé le règlement local de publicité de la commune.
Par un jugement n° 1601818 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juin 2018 et 28 février 2019, les sociétés Oxial et Oxialive, représentées par la société d'avocats Fidal, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 avril 2018 ;
2°) d'annuler la délibération adoptée par le conseil municipal de Metz le 28 janvier 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Metz le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Les sociétés Oxial et Oxialive soutiennent que :
- leur requête, qui a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel moins de deux mois après la notification du jugement attaqué, est recevable ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;
- les restrictions instituées par le règlement local de la publicité de la commune de Metz relatives à l'implantation et au format des dispositifs de publicité numérique, qui ne sont pas justifiées par des circonstances locales particulières, sont d'une ampleur telle qu'elles instaurent une interdiction générale et absolue de la publicité numérique ;
- le règlement local de publicité introduit une discrimination illégale entre les dispositifs de publicité numérique et les autres types de dispositifs publicitaires ;
- les restrictions à la publicité numérique imposées par le règlement local de publicité de la commune de Metz en zone 3, qui ne sont pas nécessaires au regard de l'objectif de protection du cadre de vie dans cette zone et qui ne sont, en tout état de cause, pas proportionnées avec la réalisation de cet objectif, méconnaissent l'article 16 de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019, la commune de Metz, représentée par la Selas Olszak et Levy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise solidairement à la charge des sociétés Oxial et Oxialive sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Metz soutient que :
- la requête est irrecevable car tardive ;
- les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la société Oxial et la société Oxialive, ainsi que celles de MeA..., pour la commune de Metz.
Une note en délibéré présentée par la société Oxial et la société Oxialive, a été enregistrée le 28 juin 2019.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une délibération du 28 janvier 2016, le conseil municipal de Metz a approuvé le règlement local de publicité de la commune. Les sociétés Oxial, une entreprise de publicité extérieure recourant exclusivement à la technologie numérique, et sa filiale, la société Oxialive, qui assure la commercialisation du parc de panneaux publicitaires de la société Oxial auprès d'annonceurs locaux, font appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal du 28 janvier 2016.
Sur la recevabilité :
2. Aux termes de l'article
R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles
R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". L'article
R. 751-3 du même code dispose : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la requête des sociétés Oxial et Oxialive a été enregistrée au greffe de la cour le 15 juin 2018, soit moins de deux mois après la notification à ces deux sociétés respectivement les 17 et 18 avril 2018 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 avril 2018. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Metz tirée de ce que la requête serait irrecevable car tardive doit être écartée comme manquant en fait.
Sur la régularité du jugement :
4. Le tribunal a répondu au point 6 de son jugement au moyen tiré de ce que les restrictions instituées par le règlement local de la publicité de la commune de Metz relatives à l'implantation et au format des dispositifs de publicité numérique, qui ne sont pas justifiées par des circonstances locales particulières, sont d'une ampleur telle qu'elles instaurent une interdiction générale et absolue de la publicité numérique. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article
L. 581-14 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la métropole de Lyon ou, à défaut, la commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10. / Sous réserve des dispositions des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-13, le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. (...) ".
6. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l'affichage, qui leur permet notamment d'interdire dans ces zones toute publicité ou certaines catégories de publicité en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés. Il leur appartient cependant d'exercer ce pouvoir de police dans le respect du principe d'égalité et sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et à la concurrence, ainsi qu'à la liberté de l'affichage et la publicité.
7. Il ressort des pièces du dossier que le règlement local de publicité de la commune de Metz tel qu'approuvé par la délibération contestée du 28 janvier 2016 prévoit quatre zones de publicité. La zone de publicité n° 4 (ZP4), qui englobe les secteurs d'activité économique (zone industrielle de Metz Deux-Fontaines, Port de Metz, Actipôle de Metz-Borny), ne comporte pas de restrictions autres que celles prévues par la règlementation nationale. Dans la zone de publicité n° 1 (ZP1), qui correspond au secteur sauvegardé du centre-ville de Metz, la publicité numérique est interdite. L'article 3 du règlement de publicité, applicable à la zone de publicité n° 2 (ZP2), comprenant les quartiers du centre-ville jouxtant le secteur sauvegardé, autorise la publicité numérique mais en l'encadrant de manière stricte. La publicité numérique est ainsi interdite à moins de cent mètres et dans le champ de visibilité de monuments historiques. En dehors de ces lieux, la surface unitaire des dispositifs lumineux autres que ceux supportant des affiches éclairées par projection ou transparence apposés sur un bâtiment est limitée à 2,10 m², cadre inclus. La surface unitaire de la publicité numérique implantée au sol cadre inclus ne peut, quant à elle, excéder, encadrement compris, 2,50 m². Enfin, en zone de publicité n° 3 (ZP3), la publicité numérique est autorisée mais est soumise là encore à des conditions strictes. Comme en ZP2, la publicité numérique est interdite à moins de cent mètres et dans le champ de visibilité de monuments historiques. En dehors de ces lieux, les dispositifs lumineux autres que ceux supportant des affiches éclairées par projection ou transparence sont autorisés sous une double condition : leur surface unitaire est limitée à 2,10 m², cadre inclus, et ils ne peuvent être implantés que sur des murs aveugles.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le règlement local de publicité de la commune de Metz institue une interdiction générale et absolue de la publicité numérique :
8. Aux termes de l'article
R. 581-76 du code de l'environnement : " La subordination d'un dispositif publicitaire à l'octroi d'une autorisation par l'autorité compétente en matière de police ne fait pas obstacle à la fixation, par le règlement local de publicité, de règles plus restrictives que la réglementation nationale, notamment en matière de publicité lumineuse et d'enseignes lumineuses ".
9. Contrairement aux affirmations des sociétés requérantes, le règlement local de publicité de la commune de Metz n'institue pas une interdiction générale et absolue de la publicité numérique, puisque ce type de publicité est admis, sans autres conditions que celles prévues par la règlementation nationale, en ZP4. La publicité numérique est également autorisée en ZP2 sur des dispositifs scellés au sol ou directement installés sur le sol et, en ZP3, sur les murs aveugles des immeubles. Par ailleurs, si des restrictions importantes sont apportées aux possibilités d'installations publicitaires, avec notamment une réduction de la surface unitaire des dispositifs de publicité numérique en ZP2 et ZP3, ces restrictions sont justifiées, en ZP2, par la volonté de la municipalité de préserver le paysage urbain de ces quartiers limitrophes du secteur sauvegardé et, en ZP3, par celle de garantir une présence " apaisée " des dispositifs publicitaires et pré-enseignes, en assurant, conformément aux souhaits des habitants exprimés pendant la phase de concertation, une meilleure intégration des dispositifs publicitaires dans l'environnement urbain de ces quartiers à forte mixité urbaine. Compte tenu à la fois des spécificités des dispositifs de publicité numérique, dont l'impact visuel est fort et qui sollicitent plus fortement l'attention qu'un dispositif " papier " et les circonstances locales particulières, les restrictions apportées par le règlement local de publicité de la commune de Metz à l'implantation de ces dispositifs n'apparaissent pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les moyens tirés de ce que le règlement local de publicité introduit une discrimination illégale entre les dispositifs de publicité numérique et les autres types de dispositifs publicitaires et méconnaît par suite les dispositions de la directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur :
S'agissant de la zone de publicité n°2 :
10. Il ressort des pièces du dossier que, s'agissant des dispositifs scellés au sol ou installés directement sur le sol hors domaine ferroviaire, la surface unitaire des publicités et pré-enseignes, qu'elles soient numériques ou pas, est limitée à 2 m², leur surface d'encadrement à 2,5 m² et leur hauteur au-dessus du sol à 2,4 mètres. Il n'y a donc pas de différence de traitement sur ce point entre les dispositifs de publicité numérique et les autres dispositifs de publicité. S'agissant des dispositifs de publicité apposés sur les murs et clôtures, l'article 3 du règlement local de publicité prévoit une réduction de la surface unitaire de l'ensemble des dispositifs publicitaires par rapport à la règlementation nationale. La surface unitaire d'affichage est ainsi ramenée de 12 m² à 8 m² pour la publicité non lumineuse et de 8 m² à 2,1 m² pour la publicité numérique. Si l'ampleur de la réduction par rapport à la réglementation nationale est ainsi plus importante pour les dispositifs de publicité numérique que pour les autres dispositifs de publicité, cette différence de traitement est justifiée par l'importance de l'impact visuel de ces dispositifs de publicité numérique dans ces quartiers limitrophes du secteur sauvegardé. La publicité numérique ne se trouvant pas dans la même situation que les autres dispositifs de publicité au regard de l'objectif de protection du cadre de vie, le règlement local de publicité de la commune de Metz a pu prévoir l'application de règles spécifiques à ce type de dispositifs publicitaire comme le législateur l'a d'ailleurs fait au plan national. Au demeurant, la surface unitaire maximale retenue par le RLP pour les dispositifs de publicité numérique en ZP2 correspond à la surface prévue à l'article R. 581-41 applicable aux dispositifs publicitaires numériques excédant les niveaux de consommation électrique définis par arrêté ministériel.
S'agissant de la ZP3 :
11. Les sociétés requérantes font valoir qu'en ZP3, alors que les dispositifs publicitaires " papier " ou éclairés par projection ou transparence peuvent être implantés dans les conditions fixées par la règlementation nationale, les dispositifs de publicité numérique sont soumis à des restrictions spécifiques : interdiction de la publicité numérique scellée au sol, implantation des dispositifs de publicité numérique uniquement sur des murs aveugles, limitation de la surface unitaire de ces dispositifs à 2,10 m², soit une réduction de format de 75 % par rapport à la règlementation nationale.
12. En premier lieu, aux termes de l'article
R. 581-22 du code de l'environnement : " Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 581-4, la publicité est interdite : (...) 2° Sur les murs des bâtiments sauf quand ces murs sont aveugles ou qu'ils ne comportent qu'une ou plusieurs ouvertures d'une surface unitaire inférieure à 0,50 mètre carré ; (...) ".
13. L'interdiction de la publicité sur les murs, sauf quand ces murs sont aveugles ou qu'ils ne comportent qu'une ou plusieurs ouvertures d'une surface unitaire inférieure à 0,50 mètre carré, s'appliquant à tous les dispositifs de publicité, qu'ils soient numériques ou pas, le règlement local de publicité de la commune de Metz n'introduit pas sur ce point de différence de traitement supplémentaire.
14. En deuxième lieu, l'objectif de protection du cadre de vie peut justifier une réduction de la surface unitaire des dispositifs de publicité numérique à 2,10 m², compte tenu à la fois de l'impact visuel particulier de ces dispositifs et des souhaits des habitants de ces quartiers d'une meilleure intégration des dispositifs publicitaires dans l'environnement urbain.
15. En revanche, l'interdiction de la publicité numérique scellée au sol constitue une différence de traitement entre les dispositifs de publicité numérique et les autres dispositifs de publicité qui n'est pas justifiée par une différence de situation ou par un motif d'intérêt général. Par suite, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que cette différence de traitement constitue une mesure restrictive illégale et à en demander l'annulation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Oxial et Oxialive sont seulement fondées à demander l'annulation de l'article 5 du règlement local de publicité en tant qu'il prévoit que " les dispositifs lumineux autres que ceux supportant uniquement des affiches éclairées par projection ou transparence sont autorisés uniquement sur des murs aveugles de bâtiments ". La délibération du 28 janvier 2016 du conseil municipal de la commune de Metz doit ainsi être annulée seulement en tant qu'elle a approuvé cette disposition du règlement local de publicité.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Oxial et Oxialive, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Metz demande au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Metz le versement de la somme que les sociétés Oxial et Oxialive demandent sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 avril 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions en annulation dirigées contre la délibération du 28 janvier 2016 en tant qu'elle a approuvé l'article 5 du règlement local de publicité.
Article 2 : La délibération du 28 janvier 2016 du conseil municipal de la commune de Metz est annulée seulement en tant qu'elle a approuvé l'article 5 du règlement local de publicité en tant qu'il prévoit que " les dispositifs lumineux autres que ceux supportant uniquement des affiches éclairées par projection ou transparence sont autorisés uniquement sur des murs aveugles de bâtiments ".
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Metz présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Oxial, à la société Oxialive et à la commune de Metz.
2
N° 18NC01740