Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Nice 29 juillet 2015
Tribunal de Commerce du Mans 15 novembre 2019
Cour d'appel d'Angers 21 février 2023

Cour d'appel d'Angers, Chambre A - Commerciale, 21 février 2023, 19/02481

Mots clés Demande en réparation des dommages causés par un intermédiaire · société · préjudice · contrat · perte de chance · action · prescription · investissement · procédure civile · preuve · réparation · tribunal de commerce · consultant · investir · financier · liquidation judiciaire

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro affaire : 19/02481
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Commerce du Mans, 15 novembre 2019
Président : Mme CORBEL

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Nice 29 juillet 2015
Tribunal de Commerce du Mans 15 novembre 2019
Cour d'appel d'Angers 21 février 2023

Texte

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/02481 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ETOF

Jugement du 15 Novembre 2019

Tribunal de Commerce du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17/05677

ARRET DU 21 FEVRIER 2023

APPELANTE :

Madame [N] [R] [X]

née le 28 Mai 1942 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS substitué par Me Audrey PAPIN de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71190491, et Me Alain Léopold STIBBE, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES :

Maître [I] [B] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL JOEL [U] CONSULTANT

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.A. MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS assureur responsabilté professionnelle de la SARL [U] CONSULTANT agissant

poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Christian NOTTE-FORZY, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 00069850, et Me Arnaud PERICARD substitué par Me MATTEOLI, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 22 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport, et M. BENMIMOUNE, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseillère

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 21 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE



La société (SARL) [F] [U] Consultant (JMC) exerce une activité de courtier en assurances, de courtier en opérations de banque, de conseil financier, patrimonial et en investissement. Elle était assurée par la société (SA) Covéa Risks, aux droits de laquelle vient la SA MMA IARD.

Le 1er décembre 2010, Mme [X] a signé un premier contrat 'Solabios' (n°4564) en vue de réaliser un investissement dans l'énergie photovoltaïque proposé par la société Solabios et commercialisé par la société JMC.

Le 13 décembre 2010, Mme [X], par l'intermédiaire de la SARL [F] [U] Consultant, a signé un second contrat 'Solabios' (n°4571).

De par ces souscriptions, Mme [X] devenait associée de plusieurs sociétés en participation (SEP) dont l'un des associés et unique gérant était la SA Solabios, laquelle acquérait une ou plusieurs centrales photovoltaïques d'un prix unitaire de 17.677 euros HT (frais d'installation compris), exploitées par la SA Solabios, avec un taux de rendement annoncé de 8% par an et un engagement de la SA Solabios de racheter le matériel des SEP à date convenue et au prix de 87% du prix d'acquisition HT.

Ainsi, un loyer, garanti, contractuellement fixé à 8% de la valeur HT de l'investissement, devait être versé à la société en participation en contrepartie de l'exploitation par la SA Solabios des centrales photovoltaïques dont les SEP étaient propriétaires. Ce loyer était revalorisé annuellement de 1,5% payable comptant par trimestre échu, sans escompte d'avance et le premier jour de chaque trimestre.

Les mêmes 1er et 13 décembre 2010, Mme [X] a versé respectivement une somme de 21.141,69 euros TTC correspondant au tarif d'une centrale photovoltaïque, pour le contrat SEP n°4564, et une somme de 21.141,69 euros TTC correspondant au tarif d'une centrale photovoltaïque, pour le contrat SEP n°4571.

Par lettre du 13 décembre 2010, la SA Solabios annonçait que les premiers revenus trimestriels seraient versés, pour le contrat n°4564, au plus tard, le 1er janvier 2012.

Par lettre du 16 décembre 2010, la SA Solabios annonçait que les premiers revenus trimestriels seraient versés, pour le contrat n°4571, au plus tard, le 1er janvier 2012.

Le 31 mars 2011, la SA Solabios a fait l'objet d'une cotation sur le marché NYSE Euronext Paris.

Dès juillet 2012, les difficultés financières de la SA Solabios l'ont conduite à annoncer le gel du versement des loyers dus aux SEP et ainsi aux investisseurs. Son mandataire ad hoc désigné le 15 mai 2012 en a informé Mme [X] par courrier du 27 septembre 2012.

Dans une décision du 23 juillet 2013, la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) a mis à jour, dans le cadre d'une enquête des activités de la SA Solabios, diverses lacunes.

Mme [X] se prévaut d'une cessation du paiement des loyers depuis le 10 avril 2012.

Par jugements du tribunal de commerce de Nice du 17 octobre 2013 puis du 4 février 2015, la SA Solabios a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, qui a donné lieu à un plan de cession et à une cessation d'activité de ladite société.

Mme [X] a déclaré deux créances, qui ont été admises et enregistrées pour un montant total de 41.541,70 euros.

Le 16 février 2014, plusieurs centaines d'investisseurs, regroupés en association, ont déposé plainte entre les mains du procureur de la République de Nice, pour abus de confiance et escroquerie commis en bande organisée.

Par jugement du 29 juillet 2015, le tribunal de commerce de Nice, en suite de l'appel d'offre lancé par le liquidateur judiciaire, a retenu et validé l'offre de reprise des actifs de la SA Solabios de la société Reaton.

Par actes d'huissier des 6 et 7 juin 2017, invoquant avoir pris conscience de l'ampleur d'importantes pertes et se prévalant ne pas avoir été informée par la SARL [F] [U] Consultant des risques encourus en accordant sa confiance à la SA Solabios, Mme [X] a fait assigner la SARL JMC et la SA MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks, devant le tribunal de commerce du Mans.

En cours de procédure, par jugement du 21 mars 2018, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la SARL [F] [U] Consultant, M. [B] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ailleurs, le 16 septembre 2019, le liquidateur judiciaire de la SA Solabios a adressé à Mme [X] un certificat d'irrécouvrabilité de sa créance.

En l'état de ses dernières écritures devant le tribunal de commerce du Mans, Mme [X] lui a demandé, au visa des articles 1147 et 1315 anciens du code civil, L. 533-13 et L. 541-8-1 du code monétaire et financier, 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l'AMF (RGAMF), et L. 124-3 du code des assurances, de :

- la recevoir dans sa demande,

- dire et juger que son action n'est pas prescrite,

- dire et juger que la SARL [F] [U] Consultant n'a pas rempli son obligation d'information et son obligation de conseil à son égard,

- dire et juger qu'elle a subi un préjudice financier de 62.796 euros et un préjudice moral de 9.500 euros,

subsidiairement,

- dire et juger que son préjudice financier s'analyse en une perte de chance qu'il convient d'indemniser à hauteur de 100%,

- dire et juger qu'il existe un lien de causalité entre les fautes commises par la SARL JMC qui a manqué à ses obligations et les préjudices qu'elle a subis,

en conséquence,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 62.796 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

subsidiairement,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 35.354 euros, correspondant au montant investi, actualisée à un taux moyen de 5% depuis la date de souscription de chaque contrat jusqu'à parfait paiement au titre de la perte de chance,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 9.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

le cas échéant, et dans l'hypothèse où les fautes commises par la SARL [F] [U] Consultant, objet du présent litige, ne seraient pas couvertes en totalité par le contrat d'assurance souscrit auprès de la MMA IARD,

- condamner la SARL [F] [U] Consultant à lui payer la partie non prise en charge par la SA MMA IARD de toutes les sommes auxquelles il aura été condamné dans le cadre de la présente instance, en ce compris les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,

La SARL JMC, M. [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL JMC et la SA MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risk, en défense, ont entendu voir, à titre principal, au vu des articles 30, 31, 32 et 122 du code de procédure civile, L. 228-54, L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, 2224 du code civil, dire et juger que l'action de la demanderesse à leur encontre est prescrite mais aussi irrecevable en raison du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire de la SA Solabios, et le cas échéant, dans l'hypothèse où Mme [X] aurait converti son investissement en obligations convertibles, au représentant de la masse des obligataires ; débouter la demanderesse en conséquence de toutes ses demandes à leur encontre. A titre subsidiaire, ils ont sollicité du tribunal qu'il juge que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute, ni d'un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées, qu'il la déboute en conséquence de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre.

Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de commerce du Mans a :

- dit que l'action engagée par Mme [X] à l'égard de la SARL [F] [U] Consultant et de son assureur MMA IARD est irrecevable comme prescrite,

- débouté en conséquence Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la SARL [F] [U] Consultant et de son assureur MMA IARD,

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] à payer les entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Par déclaration du 18 décembre 2019, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement en attaquant toutes ses dispositions.

Mme [X], d'une part, M. [B] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [F] [U] Consultant, et la SA MMA IARD venant aux droits de la société Covéa Risks, d'autre part, ont conclu.

Une ordonnance du 21 novembre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

statuant à nouveau,

- condamner la société MMA IARD à lui payer la somme de 35.354 euros, avec intérêts au taux légal depuis le 6 juin 2017,

- condamner la société MMA IARD à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- débouter la société MMA IARD et Maître [I] [B] ès qualité de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MMA IARD aux entiers dépens.

M. [B] ès qualités et la SA MMA IARD prient la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que Mme [X] ne rapporte pas la preuve de l'existence ni d'une faute, ni d'un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées,

- débouter en conséquence Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre,

en tout état de cause,

- condamner Mme [X] à leur payer la somme de 15.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 7 novembre 2022 pour Mme [X],

- le 10 novembre 2022 pour M. [B] pris ès qualités, et la SA MMA IARD.


MOTIFS DE LA DECISION


Sur la prescription :

Mme [X] fonde sa demande d'indemnisation sur un manquement de la société JMC à un devoir d'information et de conseil. L'indemnisation est réclamée au titre d'une perte de chance de ne pas avoir souscrit les deux investissements en cause.

Les premiers juges ont retenu pour point de départ du délai de prescription quinquennal de l'action, la date de souscription du contrat Solabios SEP, en application de l'article 2224 du code civil, soit le 23 avril 2010.

Ils sont approuvés par les intimés qui font valoir que le dommage invoqué s'est manifesté au jour de la conclusion du contrat. Partant de ce que Mme [X] ne réclame pas l'indemnisation de la perte de son investissement ni de l'absence de paiement des loyers mais l'indemnisation de la perte de chance de mieux investir ses capitaux, conformément à la règle selon laquelle en matière d'investissement, le préjudice né d'un manquement d'un intermédiaire à son obligation d'information et/ou de conseil s'analyse en une perte de chance de ne pas souscrire à l'investissement litigieux ou une perte de chance de mieux investir des capitaux, il font valoir que, si le dommage résultant de la perte des investissements de Mme [X], qui ne peut être imputé à JMC, ne s'est révélé que postérieurement à la conclusion du contrat, la perte de chance de mieux investir ses capitaux était, quant à elle, constituée dès la conclusion du contrat, fixant ainsi le point de départ du délai de prescription de son action en responsabilité. Ils ajoutent que le manquement invoqué correspond à un événement qui se rattache à la conclusion du contrat et non à son exécution.

Mme [X] répond que la prescription, en matière d'investissements financiers, ne peut commencer à courir que lorsque l'investisseur a eu connaissance de son dommage.

Elle expose que, le 2 juillet 2012, elle recevait une lettre de la société Solabios lui promettant des perspectives prometteuses pour le groupe et, le 11 juillet 2012, une lettre du mandataire ad-hoc de Solabios, invitant les investisseurs à patienter dans l'attente de solutions qui devaient être trouvées.

Elle indique que lorsque le premier loyer 'contractuellement prévu' n'a pas été versé, il ne pouvait considérer qu'elle ne percevrait plus aucun loyer et plus encore qu'elle ne récupérerait pas une partie du montant investi comme le prévoyait son contrat. Elle souligne que la société Solabios a fait l'objet le 17 octobre 2013 d'une simple procédure de sauvegarde, convertie le 20 décembre 2013 en procédure de redressement judiciaire, puis en procédure de liquidation judiciaire le 4 février 2015. Elle fait valoir que ce n'est que la délivrance du certificat d'irrécouvrabilité, qui lui a été délivré le 16 septembre 2019, qui signe la perte définitive de la créance.

Elle en déduit que le point de départ du délai de prescription ne peut se situer au jour du non paiement du premier loyer, mais, au plus tôt, à la date de la lettre du mandataire ad hoc, soit le 11 juillet 2012, bien qu'à cette date les investisseurs ne pouvaient avoir encore pleinement conscience du dommage, seule la question des loyers étant évoquée, sans que soit envisagée la perte du capital investi.

Elle prétend que les manquements de la société JMC se sont pleinement manifestés à elle le jour où l'Autorité des marchés financiers, dans le cadre de son enquête dirigée contre la société Solabios, dans sa décision rendue publique le 23 juillet 2013, a identifié de graves lacunes dans la plaquette commerciale conçue par cette société sur les risques encourus par les investisseurs et dont la société JMC aurait dû lui faire part.

Elle conclut que la date à laquelle le dommage est révélé ne peut être antérieure à la date de publication de la décision de l'AMF ou, à tout le moins, à la lettre du mandataire ad hoc du 11 juillet 2012, et la date de la réalisation du dommage ne peut être antérieure à la date de la liquidation judiciaire de Solabios.

En tout état de cause, elle indique qu'elle a cessé de percevoir les loyers le 10 avril 2012, escomptant percevoir les loyers suivants courant juillet 2012, de sorte que son action n'est pas prescrite.


Sur ce,


Il résulte des dispositions de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Dans le cas présent, Mme [X] recherche la responsabilité de la société JMC pour ne pas l'avoir informée des risques encourus et lui avoir conseillé un produit d'investissement qui n'était pas en adéquation avec sa situation financière.

Le dommage résultant d'un tel manquement consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter s'est réalisé le jour de la souscription du contrat mais ne s'est révélé à Mme [X] que le jour où les risques que présentait son investissement sur la rentabilité attendue se sont réalisés, soit en l'occurrence, lors du premier défaut de paiement du loyer, lequel n'a pu que lui faire apparaître, avant même que l'autorité des marchés ne relève des irrégularités sur la plaquette de présentation du produit par la société Solabios, que le rendement prévu n'était pas réellement garanti mais dépendait de la capacité de la société Solabios à respecter son engagement, une telle défaillance révélant par là-même le risque affectant l'ensemble du montage de l'opération financière à laquelle elle avait souscrit y compris celui de perte du capital investi, de sorte que la prescription de son action n'a qu'un seul et même point de départ et n'a pas à être reporté au jour où la perte de ses capitaux a été constatée par le certificat d'irrecouvrabilité

Mme [X] justifie avoir perçu le 10 avril 2012 deux sommes correspondant au montant des loyers, de sorte que le premier impayé est postérieur au 1er juillet 2012.

L'action a donc été engagée dans les cinq ans du premier défaut de paiement.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action est rejetée et le jugement infirmé.

Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire

Les intimés soutiennent que l'action de l'appelante est encore irrecevable en ce qu'elle s'oppose au monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire de Solabios qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers en application de l'article L. 622-20 du code de commerce. Ils considèrent que Mme [X] réclame, sous couvert d'un préjudice indemnitaire, le remboursement, par un tiers, d'une créance qu'elle détient à l'encontre de la société Solabios quand seul le liquidateur judiciaire a qualité à agir contre les tiers pour reconstituer l'actif social aux lieu et place de Mme [X].

Mme [X] répond que son action n'a pas pour finalité de réparer le préjudice résultant de l'impossibilité de recouvrer sa créance contre la société Solabios mais l'indemnisation d'un préjudice propre résultant des fautes de la société JMC à l'origine d'une perte de chance de mieux investir ses capitaux, étranger à la reconstitution du gage commun des créanciers. Elle en déduit qu'elle a un intérêt distinct de l'intérêt collectif des créanciers de Solabios.


Sur ce,


Il résulte des dispositions des articles L 622-20 et L 641-4 du code de commerce que seul le représentant des créanciers a qualité pour agir pour demander réparation du préjudice collectivement subi par les créanciers du fait de la procédure collective, et ce préjudice collectif ne peut donner lieu à une action individuelle d'un créancier.

Un créancier ne peut agir que s'il justifie d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.

Dans le cas présent, Mme [X] invoque un manquement de la société JMC à ses obligations d'information et de conseil pour l'avoir incitée à investir dans un montage financier inadapté à sa situation, en omettant de l'informer sur les caractéristiques exactes de son engagement et sans lui signaler l'existence de risques pour le capital investi comme pour le versement des revenus garantis.

Le préjudice de Mme [X] résultant de la perte de chance de ne pas avoir investi dans les sociétés en participation au regard d'un engagement garanti par la société Solabios est un préjudice distinct de celui de la société Solabios, de la perte de valeur des actions de cette société, et de celui des créanciers de cette société, et les fautes invoquées à l'encontre de la société JMC n'ont pas contribué à la procédure collective de la société Solabios.

Le préjudice de Mme [X] est donc distinct du préjudice collectif des créanciers.

Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action du représentant de la masse des obligataires de la société Solabios :

Les intimés, après avoir relevé que Mme [X] n'indique pas si elle a opté pour la conversion des parts qu'elle détenait dans les sociétés en participation en obligations convertibles en actions Solabios, font valoir qu'en tant qu'obligataire de Solabios, elle aurait dû agir par l'intermédiaire du représentant de la masse pour engager une action en responsabilité contre le conseil en gestion de patrimoine pour ne pas lui avoir déconseillé de convertir ses parts de SEP en obligations convertibles de Solabios, et ce peu important qu'elle ait subi un préjudice qui ne soit pas identique aux autres obligataires.

Mme [X] répond que son action ne tend pas à la conservation de sa créance obligataire et à la sauvegarde des intérêts de l'ensemble des obligataires.


Sur ce,


L'article L228-54 du même code dispose que : 'Les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes autres actions en justice ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, et notamment requérir la mesure prévue à l'article L. 237-14.

Les actions en justice dirigées contre l'ensemble des obligataires d'une même masse ne peuvent être intentées que contre le représentant de cette masse.'

Mme [X] reproche un défaut d'information et de conseil de la JMC, au moment de réaliser l'option pour la conversion de leurs parts de société en participation en obligations de la société Solabios.

Le préjudice résultant d'un défaut d'information découle de la seule prestation contestée de la JMC n'a rien de commun avec le préjudice collectif des obligataires, et constitue un préjudice personnel de Mme [X], tout comme celui tenant à la perte de chance d'avoir pu mieux investir ses fonds. Elle était donc en droit d'agir en justice pour obtenir la réparation de ce préjudice.

Sur la responsabilité de la société JMC :

Les intimés exposent que la société JMC n'est pas intervenue en qualité de conseil de Mme [X], de sorte que les règles sur lesquelles s'appuie cette dernière, tirées notamment des articles 325-4 et 325-7 du règlement général de l'AMF, imposant une lettre de mission et un rapport écrit justifiant les différentes propositions faites au client ainsi que l'article L. 541-8-1 du code monétaire et financier qui précisent les contours des obligations des conseillers en investissements financiers (CIF) ne trouvent pas à s'appliquer.

Mme [X] répond que la société JMC est bien intervenue en qualité de conseil en gestion de patrimoine, et qu'à ce titre la société JMC lui a adressé, le 30 août 2010, un courriel comportant des simulations financières à 10 et 20 ans ou sans ré-investissement des intérêts et que, contrairement à ce qu'affirment les intimés, elle ne s'est pas rapprochée de la société JMC pour investir dans un produit qu'elle avait pré-sélectionné mais a été conseillée par la société JMC sur l'intérêt d'un investissement dans le produit Solabios, ce qui apparaît sur le formulaire de contact dans lequel elle a indiqué 'demande de renseignements'.

Par renvoi aux règles relatives aux conseillers en investissements financiers qui s'appliquent au conseil en gestion de patrimoine pour des opérations d'investissement portant sur des biens divers comme celles en cause, elle affirme qu'en commercialisant le produit Solabios, la société JMC a fourni des recommandations personnalisées à des tiers sur des transactions portant sur des biens divers, de sorte qu'elle a, à cette occasion, exercé l'activité de conseil en investissement financier relevant du I de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier.

Elle rappelle, à toutes fins utiles, que la société JMC était enregistrée auprès de l'ORIAS en qualité de CIF.

Enfin, elle estime que la charge de la preuve de ce que ce que la société JMC est intervenue en qualité de conseil en gestion de patrimoine ne peut pas peser sur elle dans la mesure où elle ne peut rapporter la preuve d'un fait négatif, à savoir l'absence de remise d'une lettre de mission.


Sur ce,


Il ressort des captures d'écran du site internet de la société JMC, versées au débat par Mme [X], que cette société se présentait comme un cabinet de conseil en gestion de patrimoine, partenaire privilégié de la société Solabios, en charge de la promotion et de la commercialisation de solutions photovoltaïques proposés par Solabios. Les intimés justifient que la société JMC apparaissait sur le site internet de la société Solabios comme un de ses partenaires.

Il n'est produit aucun élément permettant d'établir que Mme [X] aurait confié à la société JMC le soin de la conseiller dans la gestion de son patrimoine et de la guider dans le choix d'investissements en l'éclairant sur les conséquences juridiques et financières de ce choix.

Il n'est versé aux débats aucun document personnalisé émanant de la société JMC ni aucune lettre de mission. Mme [X] reproche, d'ailleurs, à celle-ci de s'être bornée à reprendre les arguments publicitaires de la société Solabios.

La mention de [F] [U] sous le titre 'conseiller' avec son tampon, sur les contrats souscrits par Mme [X] auprès de Solabios, lesquels ne portent que la signature de ces deux parties, ne suffit pas à définir la nature de l'intervention de la société JMC.

Par le courriel du 30 août 2010, la société JMC ne fait que transmettre des simulations d'investissement Solabios qui, en ce qu'il ne comporte qu'une information, ne fait pas ressortir qu'elle aurait pu avoir un rôle autre que celui d'intermédiaire dans la commercialisation du produit.

Il en est de même du fait que Mme [X] ait contacté la société JMC en lui demandant des renseignements sur le produit.

Ce n'est pas parce que le produit commercialisé était assimilable à un bien divers défini à l'article L. 550-1 du code monétaire et financier, permettant de conférer à un conseil en gestion de patrimoine qui exerce une activité de conseil portant sur de tels biens la qualité de conseillers en investissements financiers en application de l'article L.541-1 I du code monétaire et financier, modifié par l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 et l'ordonnance n°2007-1490 du 18 octobre 2007, qu'il faut en déduire que toute personne qui commercialise de tels biens aurait nécessairement la qualité de conseil en gestion de patrimoine.

Ainsi, Mme [X] échoue à rapporter la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'une relation contractuelle entre la société JMC et elle-même.

Par suite, Mme [X], qui exerce une action en responsabilité contractuelle fondée sur l'existence d'obligations généralement dévolues aux conseils en gestion de patrimoine, ne peut qu'être déboutée de ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

Mme [X], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux intimés la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

Déclare l'action de Mme [X] recevable.

La déboute de ses demandes.

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

La condamne à payer à M. [B] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [F] [U] Consultant, et à la SA MMA IARD, ensemble, la somme de 1 000 euros.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL