Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Pau 03 juin 2010
Cour de cassation 03 novembre 2011

Cour de cassation, Chambre sociale, 3 novembre 2011, 10-21794

Mots clés société · reclassement · salariés · emploi · sauvegarde · entreprise · licenciements · contrat · formation · préjudice · SAS · carrefour · comité · employeur · consultation

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 10-21794
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 03 juin 2010
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Laugier et Caston

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Pau 03 juin 2010
Cour de cassation 03 novembre 2011

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 juin 2010), que la société Altis, qui exploitait alors vingt-trois supermarchés à l'enseigne Champion et Carrefour, a procédé, le 30 octobre 2006, au licenciement pour motif économique de vingt-cinq salariés du magasin de Pau, à la suite de l'adoption d''un plan de sauvegarde de l'emploi ; que Mme X... et vingt autres salariés du supermarché de Pau (les salariés), ont saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi et l'allocation de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal :

Attendu que la société Altis fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la procédure de licenciement et de la condamner au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'article 1 § 4 du chapitre 2 de l'accord d'entreprise du 6 juillet 2004 prévoit que le comité central d'entreprise est obligatoirement informé et consulté " sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise ", " en cas de licenciement affectant plusieurs établissements " et " sur le plan de sauvegarde de l'emploi " ; qu'il s'ensuit qu'en matière de projet de licenciement collectif pour motif économique, le comité central d'entreprise ne doit être consulté que lorsque le projet concerne plusieurs établissements et comporte un plan de sauvegarde de l'emploi unique commun à ces établissements ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le projet de licenciement collectif pour motif économique envisagé par la société Altis au cours de l'année 2006 ne concernait que son seul établissement de Pau Bosquet et comportait un plan de sauvegarde de l'emploi ne concernant que cet établissement ; qu'en jugeant néanmoins que le comité central d'entreprise devait être consulté sur ce projet, la cour d'appel a violé l'article 1 § 4 du chapitre 2 de l'accord d'entreprise du 6 juillet 2004 ;

Mais attendu qu'ayant rappelé qu'aux termes de l'accord d'entreprise du 6 juillet 2004, le comité central d'entreprise est obligatoirement consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise, en cas de licenciement affectant plusieurs établissements, et sur le plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel, qui a relevé que la fermeture de l'établissement Pau Bosquet était un projet économique et financier important concernant l'entreprise qui nécessitait la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et que l'ampleur des licenciements justifiait l'intervention du comité central d'entreprise en vue de l'examen des possibilités de reclassement, en a justement déduit qu'il y avait lieu à consultation du comité central d'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le pourvoi incident :

Attendu que les salariés reprochent à l'arrêt de les débouter de leur demande au titre d'un préjudice distinct pour absence de formation professionnelle dans le cadre de l'exécution de leur contrat de travail comme dans celui du plan de sauvegarde de l'emploi, alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; qu'en constatant que seuls certains salariés de la société Altis avaient bénéficié d'une formation pour quelques années, sans en déduire qu'au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, ces constatations établissaient un manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 120-4, devenu l'article L. 1222-1, du code du travail ;

2°/ que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois ; qu'en déboutant les salariés de leur demande au titre de la violation par l'employeur de ses obligations relatives à la formation professionnelle, motif pris qu'ils n'avaient pas contesté le récapitulatif des formations dont avaient bénéficié certains salariés produit par l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a encore violé l'article L. 120-4, devenu l'article L. 1222-1, du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;

3°/ qu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en éviter le nombre, dont des actions de formation de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; qu'en se contentant de relever l'existence dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux d'action de formation de longue durée pour débouter les vingt et un salariés de leur demande d'indemnisation de leur préjudice distinct tenant à la violation par l'employeur de ses obligations de formation dans le cadre dudit plan, sans vérifier que ledit plan de sauvegarde prévoyait des actions de formation, précises, concrètes et personnalisées, de nature à faciliter le reclassement interne ou externe de chaque salarié sur un emploi équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-4-1, devenu l'article L. 1233-62, du code du travail ;

4°/ que un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en éviter le nombre, dont des actions de formation de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; qu'en déboutant les salariés de leur demande d'indemnisation de leur préjudice distinct tenant à la violation par l'employeur de son obligation de formation dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi au motif que les salariés qui avaient souhaité suivre des formations les avaient obtenues, sans rechercher si ces formations n'étaient pas nécessairement postérieures aux licenciements des salariés, de sorte que l'employeur avait violé son obligation de formation, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-4-1, devenu l'article L. 1233-62, du code du travail ;

5°/ qu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en éviter le nombre, dont les actions de formation de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents font partie ; qu'en déboutant les salariés de leur demande d'indemnisation de leur préjudice distinct tenant à la violation par l'employeur de son obligation de formation dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi au motif que les salariés qui avaient souhaité suivre des formations les avaient obtenues, quand il incombait à l'employeur de proposer aux salariés des actions de formation afin d'éviter leur licenciement, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article L. 321-4-1, devenu l'article L. 1233-62 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a constaté que la société qui avait mis en oeuvre pendant plusieurs années des formations au bénéfice des salariés, a pu décider que l'employeur avait satisfait à son obligation d'adaptation des salariés à leur poste de travail ; que le moyen, inopérant dans ses trois dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Altis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Altis à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Altis.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nulle la procédure de licenciement et d'avoir en conséquence alloué à chacun des salariés 3000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef AUX MOTIFS PROPRES QUE « La SAS ALTIS expose que le comité central d'entreprise n'a vocation à être consulté qu'en cas de licenciement affectant plusieurs établissements et sur le plan de sauvegarde de l'emploi, il précise que l'utilisation du singulier (le plan de sauvegarde de l'emploi) impose nécessairement de considérer que cette consultation concerne les licenciements affectant plusieurs établissements, sinon auraient été visés les plans de sauvegarde de l'emploi susceptibles d'être mis en oeuvre au sein de l'un ou de l'autre des établissements, que la clause, au visa de l'article 1155 du Code civil doit être interprétée « dans le sens où elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun ». La SAS ALTIS exploitait à l'époque 23 établissements dont 5 en location-gérance, le comité d'établissement concernait les 18 établissements qui n'étaient pas exploités en location-gérance tandis que le comité central d'établissement couvrait l'ensemble des établissements exploités.
L'article 1 § 4 du chapitre 2 de l'accord d'entreprise du 6 juillet 2004 est reproduit à l'identique ci-dessous : le comité central d'entreprise est :
- « obligatoirement informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise, consultation en cas de licenciement affectant plusieurs établissements,
- consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi ».
II est constant que l'entreprise visée dans l'accord est la SAS ALTIS dans son ensemble qui ne conteste pas que le comité central d'entreprise n'a pas été informé ou consulté sur le projet de fermeture de l'établissement de Pau.
La fermeture de l'établissement Pau Bosquet est un projet économique et financier important concernant l'entreprise qui nécessitait la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et l'ampleur des licenciements justifiait l'intervention du comité central d'entreprise en vue de l'examen des possibilités de reclassement bien qu'un seul établissement soit concerné, à cet égard la procédure est irrégulière pour défaut de consultation du comité central d'entreprise qui a privé les salariés d'un niveau de consultation contractuellement prévue.
La cour infirme le jugement en ce qu'il a constaté l'irrégularité de la procédure d'information consultation du comité d'établissement et confirme le jugement sur l'absence de procédure d'information consultation du comité central d'entreprise.
Sur les conséquences de l'irrégularité pour défaut de consultation du comité central d'entreprise Les premiers juges ont alloué en réparation du préjudice moral subi par les salariés à chacun la somme de 5000 € en ayant relevé plusieurs irrégularités, les intimés sollicitent en cause d'appel l'octroi d'une somme de 7 500 € dans le cadre de leur appel incident.
L'irrégularité de la procédure d'information consultation ouvre droit pour les salariés à une indemnisation distincte, par application du dernier alinéa de l'article L 122-14-4 devenu L 1235-11 du code du travail, de celle qui peut être accordée en réparation du caractère illicite des licenciements.
Le non-respect de la procédure de licenciement n'a pas eu contrairement aux allégations des salariés de conséquences quant à la rapidité de la procédure de consultation tant sur le plan de sauvegarde de l'emploi que sur les projets de licenciements envisagés, les procédures étant concomitantes, la consultation du comité central d'entreprise n'aurait pas eu pour effet de retarder la mise en oeuvre des licenciements, le préjudice des salariés est donc purement moral et il sera accordé à chacun d'entre eux la somme de 3000 € en réparation du préjudice subi de ce chef.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la lecture de l'accord d'entreprise signé le 6 juillet 2004 entre l'employeur et les organisations syndicales FO, CGT et CFTC laisse apparaître, au chapitre II, article 1er, relatif au comité central d'entreprise, les attributions suivantes :
«- obligatoirement informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise,
- consultation en cas de licenciement affectant plusieurs établissements,
- consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi »
Il ressort clairement de l'accord précité que les parties ont entendu donner compétence au comité central d'entreprise pour être concurremment « sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise », « en cas de licenciement affectant plusieurs établissements » et « sur le plan de sauvegarde de l'emploi », dès lors qu'un tel plan est rendu nécessaire par l'ampleur des licenciements projetés sur la période de référence, quoique un seul établissement soit concerné ; l'employeur ne s'y est d'ailleurs pas trompé en réunissant le comité central d'entreprise le 24 février 2004, soit avant l'accord entérinant cette pratique pour « information et consultation sur le projet de prise en location gérance par la SAS ALTIS des hypermarchés CARREFOUR » exploités par des sociétés extérieures, projet économique et financier important ; en l'espèce, il est incontestable que la mesure de fermeture d'un site tel que PAU BOSQUET constituait un projet économique et financier important concernant l'entreprise et nécessitait la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, deux motifs impérieux de consultation du comité central d'entreprise. L'ampleur des licenciements justifiait l'intervention du comité central d'entreprise en vue de l'examen des possibilités de reclassement internes à la société. Or il n'est pas contesté par l'employeur que le comité central d'entreprise n'a pas été informé ou consulté sur le projet de fermeture du site de PAU BOSQUET et de suppression de l'ensemble des postes concernés ni sur le plan de sauvegarde de l'emploi »

ALORS QUE l'article 1 § 4 du chapitre 2 de l'accord d'entreprise du 6 juillet 2004 prévoit que le comité central d'entreprise est obligatoirement informé et consulté « sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise », « en cas de licenciement affectant plusieurs établissements » et « sur le plan de sauvegarde de l'emploi » ; qu'il s'ensuit qu'en matière de projet de licenciement collectif pour motif économique, le comité central d'entreprise ne doit être consulté que lorsque le projet concerne plusieurs établissements et comporte un plan de sauvegarde de l'emploi unique commun à ces établissements ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le projet de licenciement collectif pour motif économique envisagé par la société ALTIS au cours de l'année 2006 ne concernait que son seul établissement de PAU BOSQUET et comportait un plan de sauvegarde de l'emploi ne concernant que cet établissement ; qu'en jugeant néanmoins que le comité central d'entreprise devait être consulté sur ce projet, la Cour d'appel a violé l'article 1 § 4 du chapitre 2 de l'accord d'entreprise du 6 juillet 2004.


SECOND MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le plan de sauvegarde de l'emploi et les licenciements subséquents et d'avoir en conséquence condamné la société ALTIS à verser à chacun des salariés des dommages et intérêts de ce chef

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le plan de sauvegarde de l'emploi et les motifs du licenciement : Les intimés font valoir que la SAS ALTIS, qui emploie 1700 salariés, appartient au groupe CARREFOUR qui en emploie plus de 456 000 et est le n° 2 mondial de la grande distribution par l'intermédiaire des SAS AMIDIS et LOGIDIS et a aussi pour actionnaire EROSKI, l'un des leaders espagnols de la grande distribution, que la SAS ALTIS possède 18 supermarchés CHAMPION désormais sous enseigne CARREFOUR MARKET et 5 hypermarchés CARREFOUR, qu'en conséquence les intimés sont fondés à demander la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi pour insuffisance du volet de reclassement à l'égard des moyens dont disposait la SAS ALTIS qui conteste appartenir au groupe CARREFOUR.
La SAS ALTIS précise que la notion de groupe en matière de législation sociale n'est pas la même que le groupe en matière commerciale qui se définit par des liens capitalistiques, qu'en effet la seule détention d'une partie du capital d'une société par une autre ne caractérise par l'existence d'un groupe, il faut que soit établie l'existence d'une organisation et d'une gestion commune des sociétés, le groupe s'entendant nécessairement par un groupe d'entreprises dominées par l'une d'entre elles qui définit les orientations financières, la stratégie globale, la politique de développement à court, moyen et long terme moyennant un partage des richesses dégagées ou des relations d'aide et d'assistance mutuelle et qui permet la mutabilité des emplois.
Que les dirigeants gèrent la société en toute autonomie et ne versent aucun dividende aux sociétés qui détiennent son capital, il n'existe aucun partage de leur bonne ou mauvaise fortune sous forme de mécanisme de péréquation financière que les contrats de franchise négociés avec la société Carrefour les mettent sur un pied d'égalité, qu'il n'a jamais existé de permutabilité des effectifs entre les différentes structures et le fait que la SAS ALTIS ait annexé au plan de sauvegarde de l'emploi une liste d'emplois qu'elle s'était procurée dans le cadre de la bourse du travail carrefour n'est pas de nature à démontrer le contraire.
Sur le groupe
II n'est pas contesté que le capital de la SAS ALTIS est détenu par 2 sociétés filiales du groupe Carrefour, la SAS AMIDIS et la SAS LOGIDIS majoritaire avec 59 336 actions et que 59 335 actions sont détenues par la SAS SOFIDES, elle-même filiale de la société de droit espagnol EROSKI, tandis que M. Z..., Président de la SAS ne détient qu'une seule action. Mais, le groupe de reclassement n'est pas déterminé à partir des seuls liens capitalistiques existants entre les sociétés du groupe, si l'entreprise appartient à un groupe c'est dans le cadre du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu du travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel qu'il faut se placer, le groupe de reclassement est déterminé à partir d'éléments factuels de nature à révéler les possibilités de permutations entre les différentes entreprises qui ont la même activité dominante et interviennent sur le même marché ou sont regroupées sous le même sigle. Il y a lieu de noter que les propositions de reclassement interne dans les magasins à l'enseigne CARREFOUR sont les magasins exploités en location-gérance par la SAS ALTIS qui font donc partie de la SAS ALTIS, que ce seul argument ne peut fonder l'appartenance au groupe CARREFOUR.

Il résulte des documents fournis aux débats et notamment des éléments de réflexion sur la SAS ALTIS en 2005 établis par l'expert-comptable, Monsieur Y..., à la demande de l'employeur, que si M. Z... est le Président de la SAS, deux membres de la société SOFIDES du groupe EROSKI et deux membres du groupe CARREFOUR constituent le comité de direction de la SAS ALTIS et que des prestations sont facturées par le biais de conventions signées entre les différentes sociétés.
La société SOFIDES facture l'assistance en matière administrative financière et comptable suivant contrat de management directionnel et met à la disposition de la SAS ALTIS des excédents de trésorerie du groupe, la SAS ALTIS ainsi que la société SOFIDES peuvent consentir des avances rémunérées pour la SAS ALTIS au taux du marché-8 % et pour SOFIDES au taux du marché + 10 %, elle est propriétaire des locaux du siège de la SAS ALTIS et facture le loyer et 90 % de la taxe foncière. La société LOGIDIS du groupe CARREFOUR est le principal fournisseur à 75 % des achats effectués par la SAS ALTIS, elle facture également les contrats de franchise, d'enseigne, de publicité et de location-gérance pour les 3 hypermarchés à l'enseigne carrefour, étant précisé qu'il ne s'agit pas d'une rémunération fixe mais les contrats de franchise d'enseigne et de publicité prévoient une rémunération fondée sur le chiffre d'affaires TTC hors carburant.
La SAS ALTIS ne peut prétendre qu'elle est gérée en toute autonomie dès lors que deux membres de la société SOFIDES du groupe EROSKI et deux membres du groupe CARREFOUR constituent le comité de direction et que la société SOFIDES facture l'assistance en matière administrative, financière et comptable suivant contrat de management directionnel dont le caractère onéreux n'enlève rien à sa participation au management.
Par ailleurs, ainsi que l'a retenu le conseil des prud'hommes, l'exploitation de magasins en location-gérance sous l'enseigne CARREFOUR n'entraîne pas nécessairement un lien de groupe, le contrat de franchise l'obligeant seulement à vendre des produits relevant de cette enseigne mais le lien de groupe est établi dès lors que la société fournissant l'enseigne, les produits, la publicité devient le principal actionnaire de la société exploitante, intéressée par ailleurs au chiffre d'affaires dès lors que la rémunération des contrats de franchise d'enseigne et de publicité prévoient une rémunération fondée sur le chiffre d'affaires TTC hors carburant.
L'imbrication des intérêts financiers et de management sont des éléments factuels de nature à permettre la permutation de tout ou partie du personnel entre les différentes entreprises qui ont la même activité dominante et interviennent sur le même marché et sont regroupées partiellement sous la même enseigne CARREFOUR.
Les intimés sont fondés à demander la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi pour insuffisance du volet de reclassement à l'égard des moyens dont disposait la SAS ALTIS dont le périmètre de reclassement s'étendait à tout le moins aux entreprises des SAS AMIDIS et LOGIDIS et de la SAS SOFIDES qui possède des établissement en France.
L'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi entraîne l'annulation des licenciements subséquents de telle sorte que les licenciements des salariés doivent être considérés comme illicites »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « bien que le capital de la société ALTIS soit réparti en parts égales entre des sociétés dépendant du groupe CARREFOUR et d'autres dépendant du groupe EROSKI, il n'en demeure pas moins que la société ALTIS a repris en location-gérance des hypermarchés à l'enseigne CARREFOUR autrefois exploités par d'autres sociétés alors qu'il n'est fait état d'aucune exploitation d'une enseigne EROSKI par la société ALTIS. En outre l'exploitation sous l'enseigne CARREFOUR, qui n'entraîne pas nécessairement un lien de groupe en elle-même dans la mesure où l'exploitant peut n'être lié que par un contrat de franchise l'obligeant seulement à vendre des produits relevant de cette enseigne, entraîne en revanche un tel lien dès lors que la société fournissant l'enseigne devient l'un des principaux actionnaires de la société exploitante.
Enfin la différence de taille entre le groupe EROSKI et le groupe CARREFOUR ne sont pas à démontrer, de sorte qu'il n'est ni allégué ni prouvé que la société ALTIS dépendait du groupe EROSKI. II est donc patent que la société ALTIS dépendait, à la date des licenciements, du groupe CARREFOUR.
II ressort de l'article L 321-4-1 du code du travail que, « dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ».
L'inexistence ou l'insuffisance du plan ou le non respect de la procédure de consultation entraîne la nullité de celui-ci et de la procédure de licenciement subséquente.
Le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes pour faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité.
Cela implique que l'employeur fasse apparaître dans ce plan, indépendamment des propositions individuelles qui pourront être faites à chaque salarié, la localisation, la qualification et les conditions d'emploi et de rémunération des postes proposés.
La lecture du plan de sauvegarde de l'emploi laisse apparaître les mesures suivantes :
- mesures de réduction individuelle du temps de travail pour les salariés volontaires.
- mesures de reclassement par " mobilité interne au groupe " concernant 19 postes proposés au sein de la société ALTIS et 420 contrats de travail à durée indéterminée au sein du groupe CARREFOUR avec indemnité temporaire dégressive de déclassement en cas de conditions de rémunération moins avantageuses.
- prise en charge des frais de déménagement et mise en oeuvre d'une prime d'installation de 1830 €.
- mise en place d'un Point Info Conseil pour le reclassement externe.
- création d'une cellule de reclassement-financement des frais d'installation en cas de reclassement externe selon les mêmes modalités qu'en interne.
- congé de reclassement de quatre mois (préavis inclus) avec entretien d'évaluation et d'orientation, bilan de compétence, validation dès acquis de l'expérience.
Néanmoins si les offres d'emploi publiées au titre de la société ALTIS comprennent l'ensemble des renseignements nécessaires à un choix éclairé des salariés, celles afférentes aux postes CARREFOUR ne comprennent que très peu de renseignements (nature du contrat, temps de travail et coordonnées de la personne à contacter) à l'exclusion de tout renseignement sur la qualification, les modalités de rémunération et les horaires de travail qui, comme l'on sait, peuvent varier considérablement dans la grande distribution.

D'autre part le volet " congé de reclassement " est un trompe-l'oeil puisque la durée du congé se confond avec celle du préavis, ce qui diminue d'autant les droits à congé.
L'effort consenti dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi demeure insuffisant et disproportionné aux possibilités de la seule société ALTIS, qui exploite de nombreux hypermarchés ou supermarchés dans le grand Sud-Ouest, à plus forte raison aux possibilités du groupe CARREFOUR »

1. ALORS QUE l'appartenance d'une société à un groupe au sein duquel le reclassement de ses salariés doit être recherché requiert, outre d'éventuels liens capitalistiques liant les sociétés entre elles, une organisation et une gestion communes ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que d'un point de vue capitalistique, la société ALTIS est détenue à égalité par le groupe CARREFOUR d'une part, par le groupe espagnol concurrent EROSKI d'autre part, qu'enfin, participent à son comité de direction autant de membres issus du groupe CARREFOUR que de membres issus du groupe espagnol concurrent, ce dont il s'évince que la société ALTIS n'est dominée ni par le groupe CARREFOUR, ni par le groupe espagnol, et que sa direction n'est assurée par aucun d'entre eux en particulier ; que la Cour d'appel a encore relevé que la société ALTIS entretenait des liens de nature administrative et financière avec le groupe EROSKI dont l'une des sociétés lui facturait une assistance administrative, financière et comptable et pouvait lui consentir des avances, tandis que seuls des liens commerciaux de franchiseur à franchisé la liait au groupe CARREFOUR, ce qui excluait par là même toute organisation et gestion commune avec l'un ou l'autre d'entre eux ; qu'en jugeant néanmoins que la seule circonstance que le groupe CARREFOUR était à la fois actionnaire de la société ALTIS et son franchiseur, caractérisait l'appartenance de cette dernière au groupe CARREFOUR, pour en déduire que le plan de sauvegarde de l'emploi établi par la société ALTIS ne comportait pas d'offres de reclassement suffisamment précises au sein des sociétés de ce groupe permettant la permutation de tout ou partie du personnel compte tenu de leur activité commune sur un même marché, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L 1233-62 du Code du travail ;

2. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il n'était nullement allégué par les salariés que la recherche de reclassement interne des salariés de la société ALTIS devait s'étendre au groupe EROSKI dont la société SOFIDES faisait partie ; qu'en jugeant que le périmètre de reclassement de la société ALTIS s'étendait à la SAS SOFIDES qui possède des établissements en France, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QU'à peine de nullité, le plan de sauvegarde de l'emploi doit mentionner concernant les possibilités de reclassement internes, le nombre, la nature et la localisation des emplois qui peuvent être proposés dans l'entreprise ou parmi les entreprises du groupe ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait au titre des possibilités de reclassement interne 26 postes disponibles au sein de la société ALTIS dont les caractéristiques étaient détaillées dans un document annexé au plan, et 420 postes disponibles au sein du groupe CARREFOUR dont le détail figure dans un document de 70 pages intitulé Bourse de l'emploi (PSE p 8) ; que ce document mentionnait, pour chacun des postes disponibles, sa nature et sa localisation ; qu'en jugeant ces indications insuffisantes faute de précision sur la qualification, les modalités de rémunération et les horaires de travail des postes disponibles, pour en déduire la nullité du plan, la Cour d'appel a violé l'article L 1233-62 du Code du travail ;

4. ALORS QU'aux termes mêmes des articles L 1233-72 et R 1233-31 du Code du travail, le congé de reclassement d'une durée comprise entre quatre et neuf mois, est effectué pendant le préavis que le salarié est dispensé d'exécuter ; qu'en jugeant dès lors que le congé de reclassement prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi était un « trompe l'oeil » en ce que sa durée se confondait avec celle du préavis, la Cour d'appel a violé les articles susvisés.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour Mmes X..., et autres.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les vingt et un salariés de leur demande au titre du préjudice distinct pour absence de formation professionnelle dans le cadre de l'exécution de leur contrat de travail comme dans celui du plan de sauvegarde de l'emploi ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'appel incident concernant la violation des obligations relatives à la formation professionnelle, les intimés font valoir que le droit à la formation est un droit absolu consacré de longue date et qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation ; que par ailleurs, le plan de sauvegarde de l'emploi ne contenait aucune action de formation ou de validation des acquis au mépris de l'article L. 321-4-1 du Code du travail ; que la demande des salariés à cet égard n'est pas fondée sur la loi du 4 mai 2004 mais dans le cadre plus général du droit à la formation qui existait avant la parution de cette loi, de telle sorte que le rejet de la demande par le conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article L. 6323-9 ne peut qu'être écarté ; que la formation professionnelle a pour objet de permettre l'adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale et leur contribution au développement culturel, économique et social ; que la SAS ALTIS produit un récapitulatif des formations dont ont bénéficié certains salariés pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006 qui ne fait l'objet d'aucune observation, il y a lieu de considérer que la SAS ALTIS a satisfait à son obligation (arrêt attaqué, p. 12) ;

1°) ALORS QUE l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; qu'en constatant que seuls certains salariés de la société ALTIS avaient bénéficié d'une formation pour quelques années, sans en déduire qu'au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, ces constatations établissaient un manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 120-4, devenu l'article L. 1222-1, du Code du travail ;

2°) ALORS QUE l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois ; qu'en déboutant les salariés de leur demande au titre de la violation par l'employeur de ses obligations relatives à la formation professionnelle, motif pris qu'ils n'avaient pas contesté le récapitulatif des formations dont avaient bénéficié certains salariés produit par l'employeur, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a encore violé l'article L. 120-4, devenu l'article L. 1222-1, du Code du travail, ensemble l'article 1315 du Code civil ;

ET AUX MOTIFS QUE par ailleurs le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des actions de formation de longue durée après validation du projet par le comité de pilotage et que le plafond des formations sera porté à 3. 000 € ; qu'il ressort des rapports de Pyrénées RH à qui a été confiée la cellule de reclassement que les salariés qui ont souhaité suivre des formations les ont obtenues et que la SAS ALTIS a accepté une formation aéronautique pour Monsieur D... à hauteur de 5. 382 € qui y a finalement renoncé ; que la demande des intimés sur ce point sera rejetée (arrêt attaqué, p. 12) ;

3°) ALORS QU'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en éviter le nombre, dont des actions de formation de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; qu'en se contentant de relever l'existence dans le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux d'action de formation de longue durée pour débouter les vingt et un salariés de leur demande d'indemnisation de leur préjudice distinct tenant à la violation par l'employeur de ses obligations de formation dans le cadre dudit plan, sans vérifier que ledit plan de sauvegarde prévoyait des actions de formation, précises, concrètes et personnalisées, de nature à faciliter le reclassement interne ou externe de chaque salarié sur un emploi équivalent, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-4-1, devenu l'article L. 1233-62, du Code du travail ;

4°) ALORS QU'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en éviter le nombre, dont des actions de formation de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; qu'en déboutant les salariés de leur demande d'indemnisation de leur préjudice distinct tenant à la violation par l'employeur de son obligation de formation dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi au motif que les salariés qui avaient souhaité suivre des formations les avaient obtenues, sans rechercher si ces formations n'étaient pas nécessairement postérieures aux licenciements des salariés, de sorte que l'employeur avait violé son obligation de formation, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-4-1, devenu l'article L. 1233-62, du Code du travail ;

5°) ALORS QU'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ainsi les licenciements ou en éviter le nombre, dont les actions de formation de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents font partie ; qu'en déboutant les salariés de leur demande d'indemnisation de leur préjudice distinct tenant à la violation par l'employeur de son obligation de formation dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi au motif que les salariés qui avaient souhaité suivre des formations les avaient obtenues, quand il incombait à l'employeur de proposer aux salariés des actions de formation afin d'éviter leur licenciement, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article L. 321-4-1, devenu l'article L. 1233-62 du Code du travail, ensemble l'article 1315 du Code civil.

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